Goodbye Again

Il parait que toutes les tragédies se ressemblent, un couple d'amant improbable, un soupir à l'aube de leur première nuit, un cri au crépuscule de leur dernier jour, des larmes et un intense désespoir, des vies bouleversées et un étonnant sentiment d'éternité bafouée...Fin.

 

Je me retrouvais au milieu, une fois encore, entre eux et leurs éternelles batailles qui n'avaient plus lieu d'être. Comme un pion qui devrait choisir son camp, échec et mat...

 

Dernière nous, la maison de notre enfance semblait trop imposante pour l'arène des deux gladiateurs qui se faisaient face. Elle jette une ombre néfaste, interminable sur la pelouse et elle m'enveloppe. Je ferme les yeux pour me soustraire à leurs cris mais ils me pénètrent, ils me rappellent qu'un jour dans un passé trop proche pour être occulté, ils se sont réellement affrontés à cette même place. Il y a quelques années nous étions déjà ici à jouer et rejouer les mêmes scènes, lequel était fait pour la désormais célèbre Joey Potter ?

 

-Comment as-tu pu miser tout mon argent sur un coup de poker ridicule ? Lança Dawson et Pacey recula les mains levées. Tu ne changeras jamais...

-Je resterais toujours Pacey c'est cela ? L'idiot que tout le monde peut critiquer car il ne dit rien, il a le dos large bien sûr ! Vous pensez que c'est facile pour moi ? Quoi que je fasse je ne suis jamais assez bien pour personne, pas même pour elle...

-Ne la mêle pas à cela !

-Je suis là, je vous rappelle, fis-je faiblement mais aucun ne daigna me fixer.

-Le fond du problème ce n'est pas cet argent ! Mais ton légendaire amour pour Joey Potter...Tu ne m'as jamais pardonné d'avoir osé me croire assez bien pour elle.

-Tu mélanges tout Pacey ! Tu as perdu tout mon argent !

-Et le mien ? Aujourd'hui je n'ai plus rien. Et si j'ai misé tout ton pactole sur Stépatec c'est que j'avais une confiance aveugle en cette société.

-Tu es trop naïf !

-Bien sûr, j'ai cru que tu avais oublié notre vieux différent.

-Taisez-vous, hurlais-je et le silence se fit.

 

Tout mon corps tremblait. J'en arrivais à me demander si ils se battaient ici pour l'argent perdu ou pour moi, encore et toujours. Ils ne pouvaient que m'inclure dans leurs éternels schémas et ce besoin terrifiant de fuir leur instable réalité refaisait surface.

 

-Vous vous conduisez comme des gamins, lançais-je et enfin ils se tournèrent vers moi. Nous ne sommes pas ici pour parler de moi, nous ne sommes pas ici pour décider si je suis digne de l'un d'entre vous ou pas ! J'en ai assez c'est trop...Je ne peux plus vous supporter ! C'est fini tout est fini. La Joey que vous avez aimé n'existe plus. Je ne peux pas accepter de vous voir vous perdre à cause de moi...

-Mais ce n'est pas ...

-Mais si, s'exclama Pacey en levant les bras au ciel. Admet-le une fois pour toutes ! Tu ne m'as jamais pardonné !

-Je t'ai pardonné, mais je n'ai pas oublié. Et là n'est pas le problème. Tu as perdu mon argent, c'était tout ce que j'avais, tout ce qu'il me restait. Comment veux-tu que je réalise mon rêve sans cela ?

-Toi et tes films... Toujours toi ! Le pauvre Dawson a perdu sa moitié, le pauvre Dawson n'a pas eu la vie qu'il méritait, le pauvre Dawson attend toujours que sa dulcinée revienne...Toute ta vie n'est qu'un mélodrame.

-Tu es ignoble Pacey...

-Et toi ? Tu crois que tu marqueras des points en m'humiliant devant elle ? Tu crois que tu changeras le passé comme cela ? C'est toi l'imbécile Dawson. Je ne voulais pas en parler, je voulais m'excuser d'avoir été l'idiot de l'histoire encore une fois, mais c'est fini...Notre amitié n'a plus lieu d'être depuis des années.

-Heureux que tu le remarques enfin, elle a pris fin le jour où tu l'as emmené tout un été sur ton bateau, elle n'a plus été la même...

-Moi non plus, murmura Pacey, et pas question de l'oublier. Comme cela nous en sommes au même point tous les deux, nous voilà dépouillés...D'amour, d'argent...Encore une fois.

 

Je gardais les yeux clos comme pour empêcher les larmes de couler, mais elles ne répondaient plus et s'écoulaient sur mes joues. Infini, interminable affrontement. Ils passaient de l'argent à moi, de leur vie, de leur amitié à moi, toujours moi, et quand le silence se fit enfin je tournais les talons sans un regard, laissant leurs appels dans l'ombre de l'arène, marchant vers le ponton et la jetée éclairée par les lampadaires. Ils se battaient encore, c'était à qui viendrait réconforter la princesse Joey, l'éternel pion du triangle maléfique, à croire que tant que je serais près d'eux rien de bon ne pourra naître...

 

Et dans l'ombre, une silhouette transcenda la lumière. Je gardais la tête baissée sur mes mains nouées, sans oser respirer jusqu'à ce qu'il s'installe à mes cotés pour contempler la baie dans un silence réparateur.

 

-Je vous hais, sifflais-je et je relevais la tête. Je vous hais de me faire me sentir si mal, de remettre toute notre histoire commune en cause pour de l'argent, nous avions avancé, nous pouvions rester dans la même pièce plus de quelques minutes sans être mal à l'aise sans nous affronter, et vous avez gâché tout cela, maintenant c'est fini.

-Joey ?

-Où est ton concurrent ? Tu l'as transpercé avec ta lance ? Fis-je et un sourire naquit sur ses lèvres avant de disparaître.

-Je l'ai laissé regagner son antre en paix, plaisanta t-il et je lui donnais un coup furieux dans l'épaule.

-Tu te trouves drôle ? Tu penses vraiment que j'aime cette place ? Je suis perpétuellement sur un pied d'estale à attendre que vous cessiez de m'inclure dans toutes vos guerres, c'est usant...

-Cela ne finira jamais Joey...Et tu sais pourquoi ? Je sais que tu ne nous hais pas...Bien au contraire.

-Je n'arrivais pas à me décider, dis-je dans un souffle, ou plutôt je me le refusais. Je n'arrivais pas à dépasser la barrière de l'amitié avec Dawson et je n'arrivais pas à contrôler mon amour pour toi...Tout était trop fort, trop intense pour moi. Alors j'ai fuis, j'ai fuis tout ce qui pouvait ressembler à de la passion. Je suis lâche, c'est ma faute si vous en êtes là finalement, c'est ma faute si nous n'avons rien pu dépasser.

-Ne porte pas toute la misère du monde sur tes frêles épaules Potter.

-Je devrais me mettre à boire, lançais-je en jetant un regard à la maison dans l'ombre où une seule fenêtre brillait, laissant apparaître la silhouette d'un autre souvenir.

-Tu ne tiens pas l'alcool, me rappela t-il et je me retins de rire nerveusement.

-Et je ne supporte plus vos disputes...

-Je ne compte pas rester, annonça Pacey et pour la première fois de la soirée je le regardais dans les yeux, scrutant ses prunelles instables ou une drôle de flamme s'était installée.

-Et où vas-tu aller ? Tu comptes fuir ? Tu ne me ressembles pas, la lâcheté ce n'est pas un défaut qui te caractérise.

-Je vais renouer avec mes anciens amours ma belle, et sans mauvais jeux de mots. J'ai postulé pour œuvrer sur un bateau cet été...Quand tu seras à Paris je serais quelque part en Amérique du sud. Je largue tout Joey. C'en est trop. Je ne peux pas jouer indéfiniment, je ne peux pas prétendre te mériter alors que c'est faux.

-Encore moi !

-Tu es le centre de notre équation que tu le veuilles ou non. Dawson m'en veut de t'avoir enlevé à lui, de t'avoir éloigné et je lui en veux de n'avoir pas pu me comprendre, alors qu'il devrait en être conscient plus que n'importe qui ; c'est impossible de vivre dans ta bulle sans t'aimer...

 

Il se leva et je ne tentais pas de le retenir. Il m'avait laissé sur la piste de danse quand j'avais choisie la facilité, une vie sans danger, sans cette brûlure qu'il faisait naître dans mon cœur et qui m'empêchait de raisonner, qui m'empêchait d'être la Joey responsable sur qui tout le monde se reposait, j'aurais voulu moi aussi tout abandonner et briser mes interminables chaînes sans noms. Mais cela ne devait pas l'être, et je l'acceptais en baissant la tête, comme résignée. Et la douceur de son baiser me fit sourire, il frôla mes cheveux avec ses lèvres et son souffle me déchira le cœur, mais je ne dis pas un mot.

 

-Je n'attends pas de discours Potter, je préfère que tu restes silencieuse et profiter ainsi de ce moment. Le silence a ses avantages, avec lui nous ne risquons pas de nous fourvoyer et de prononcer des paroles blessantes, jamais le silence ne nous trahit. Soit heureuse...

 

Il posa une main sur mon épaule et je profitais de ce moment  où son corps était proche du mien, si proche que je pouvais presque sentir les battements désordonnés de son cœur, pour une fois il battait à l'unisson avec le mien, et j'étais troublée. Je pensais à celui qui se tenait sur le bord de sa fenêtre et qui nous scrutait toujours, et je sentais l'autre s'éloigner, il marchait d'un pas décidé vers la demeure, et chaque coup raisonna dans mon corps, l'un après l'autre jusqu'à ce que je me lève et que je reprenne mes esprits. Dawson serait le témoin des retrouvailles des amoureux dans l'arène et j'en avais le cœur brisé, mais je ne pouvais pas laisser partir Pacey maintenant...

 

-Attends !

-Tu brises le silence Potter, lança t-il en s'immobilisant devant sa voiture. Il était si reposant.

-Pour une fois tu vas te taire et m'écouter. Tu ne dois pas partir en pensant que je ne t'ai pas aimé autant que lui c'est important pour moi.

-La seule différence entre nous deux Joey, c'est que je n'emploie pas le passé...

-Je ne veux pas que tu partes en pensant que je ne t'aime plus, rectifiais-je.

 

Et la fenêtre claqua violemment avant que le rideau ne vienne arracher le visage de Dawson à nos souvenirs. J'étais sur le rebord de ma vie, encore une fois, mais je pouvais sauter sans crainte, il était là, il l'avait toujours été, le monde pouvait donc continuer sa course, maintenant il n'y avait plus aucune méprise à réparer.

 

Et le bonheur me tomba dessus comme une vague glaciale, l'eau de la crique qui m'avait portée me retrouvais, j'étais bercée par ses sanglots, emportée par ses remous, j'étais en vie, je respirais, et pour la première fois depuis des années entre leurs rimes, je pus m'accorder le loisir de sourire, pas pour les yeux brillants de mon sauveur, ni pour la délicatesse voilée de sa voix, juste pour ce sentiment étonnant de frôler la rédemption, le bonheur n'était peut être pas si illusoire, et ma nouvelle chance pouvait s'avérer un recommencement plus qu'acceptable.

 

Sa main s'attacha doucement à la mienne, et l'étincelle que j'avais si souvent entrevue dans ses prunelles me fit tressaillir, je venais de sauter dans le vide...

 

Il parait que toutes les tragédies ont une première naissance, elles sont communes dans leur singularité, brutalement attachantes, elles créent des liens indestructibles le temps d'un chapitre ou le temps d'une vie, et quand elles prennent fin, le bonheur à finalement un goût travaillé de mélodie inachevée...Fin.

 

Auteur: Nanouee

Note: 17

Classement: 1ere place

 

Commentaire de Melinou27
Très bon respect des règles. Bonne distinction entre les diologues et le texte. Histoire un peu longue mais on n'a pas envie de se détacher de cet écrit et on a envie de connaître la suite, de savoir ce qu'il va se passer dans la vie de nos personnages préférés. J'ai beaucoup aimé cette scène et je trouve que tu l'as récrite avec beaucoup de tact et de soin. J'ai préféré la Joey de cette scène plutôt que celle du véritable épisode. En plus de cela, les sentiments sont bien décrits.

Commentaire d'Atchoum49

Très bonne présentation. Pacey et Dawson viennent de perdre de l'argent et ils arrivent à détourner la conversation sur Joey. J'adore. Et le pire c'est que Joey y assiste. Ca m'a éclaté de voir ça, tellement ils changent de sujet rapidement. Bravo, c'est un autre de mes coups de cœur^^.

Commentaire de Serenity

Bonne mise en page, bon respect des règles. Histoire intéressante qui aurait pu très bien s'intégrer dans la série. On reconnaît très bien les personnages, les sentiments, en outre la colère de Joey est bien amenée, les décors bien détaillés, les images nous arrivent naturellement dans la tête. Bonne introduction et bonne conclusion. J'ai juste pas accroché avec la description du bonheur à la fin, mais c'est assez subjectif, le bonheur étant vécu différemment par chacun. Bravo à toi!