Les Incorruptibles

Attention à vous, cette fois-ci l'HypnoVintage revient sur l'une des séries phares de Quinn Martin, papa du Fugitif et des Rues de San Francisco. Lancée en 1959, les Incorruptibles s'inspire de l'histoire vraie d'Eliot Ness, chef d'une unité du FBI, luttant contre la pègre menée par Al Capone à Chicago dans les années 1930. En utilisant les clichés du genre, elle permet à faire son trou dans le monde du petit et du grand écran. D'abord présentée sous forme de film de 90 minutes avec son pilot " Les Incorruptibles défient Al Capone", elle connaît un engouement spectaculaire de la part du public et s'étendra en 4 saisons de 118 épisodes jusqu'à son annulation en mai 1963. Véritable succès mondial, le show policier est vite devenu la cible des critiques pointant du doigt sa violence et sa mauvaise influence sur les enfants.

Atypique en son genre, les Incorruptibles ont marqué les esprits grâce au traitement de ses personnages et à sa mise en scène. Choquant le téléspectateur dès les premières minutes, chaque épisode débute avec une scène violente, introduisant les méchants de la pègre et illustrant leur propre mythe. Coups de feux, meurtres et sang sont mis en avant afin de donner une image plus personnelle des ennemis de Ness qui tiennent ainsi une place majeure au sein du show. En faisant cela, Quinn Martin donne de la crédibilité et une ambiguïté à ces personnalités souvent cataloguées comme ennemis du pays. Ceux-ci ne sont pas uniquement des méchants, ils représentent une famille et un business qui ont su séduire un public fasciné. Dans le 1.02 "Ma Baker et ses Fils ", nous retrouvons une famille unie grâce à l'amour d'une mère et à son influence sur ses trois bambins adultes. Elle est prête à mourir pour ses enfants et eux de même. Ensemble, ils braquent des banques et deviennent incroyablement riches. Mais le plus intéressant reste Ma Baker, une femme croyante qui inculque à sa progéniture le goût pour la Religion. Telle une mère, elle leur prépare des gâteaux pour leurs anniversaires et surveille leurs fréquentations. Leur relation devenant de plus en plus perverse au fil de l'épisode, cet amour trouve ses limites lorsque l'un des fils tombe amoureux d'une femme et Ma Baker le rejette. Grâce à ce développement personnel, les méchants ne sont pas uniquement des gangsters mais bien des gens de tous les jours qui travaillent et qui doivent élever leur famille. Heureusement, Quinn Martin ne perd pas de vue son but et montre l'intelligence de ces personnes qui ont pu marquer l'Histoire. Tous les personnages ont, enfin, un grand sens de l'honneur. Chacun respecte son devoir et souhaite accomplir son but. Les méchants veulent étendre leur pouvoir dans la ville de Chicago et doivent redoubler d'ingéniosité alors que les gentils respectent une certaine éthique, digne d'un héros parfait et sans reproche.

Inspirée de certains faits et personnages historiques comme Capone ou bien Ma Baker, la série voulait montrer un visage humain de la Pègre et mythifier la Mafia italienne. Les thèmes de la famille, de la violence et de l'argent devenant des enjeux incontournables de la Mafia et des gangsters d'aujourd'hui et encore utilisée dans de nombreux shows telles que "Burn Notice" ou bien encore les glorieux "Peaky Blinders". Quinn Martin utilise Ness uniquement pour permettre au public de se sentir proche des méchants et afin d'assurer une continuité tout le long des 118 épisodes. Ce choix original n'aide pas pour autant Ness dont nous découvrons quelques détails que lors du pilot ou bien dans "Cette bière qui vient du ciel" de la saison 4. Cependant, donner une âme aux vilains permet de créer du réalisme en tentant une nouvelle approche afin de sortir des sentiers battus. En effet, dans les années 50 et 60, les séries étaient surtout destinées à passer un bon moment et mettaient en valeur les héros. Le public n'étant pas habitué à voir les méchants être développés, les Incorruptibles se distingue en échangeant les rôles et parvient à marquer les esprits.

Le réalisme du show va beaucoup plus loin. Outre les personnages de Ness et de la Pègre, le narrateur prend ici une place importante et apporte aux Incorruptibles un aspect journalistique. En utilisant le passé simple et l'imparfait, le rôle du narrateur est primordial. Il donne à la série une place dans le temps aux événements des épisodes, ce qui permet aux téléspectateurs d'avoir l'impression d'assister à un reportage sur la mafia en plus d'écouter un témoignage. Quinn Martin encourage ainsi le public à suivre les aventures de Ness comme s'ils pouvaient les vivre dans la réalité. Un coup de génie pour le réalisateur qui a utilisé des affaires du FBI de temps à autre, en particulier dans le Pilot et "Ma Baker et ses fils", le reste étant généralement de la pure fiction. Le réalisme et le fictif sont ainsi brouillés et mêlés l'un à l'autre.

Les décors tiennent également une place capitale dans les Incorruptibles. En choisissant de tourner en noir et blanc, Quinn Martin souhaite renforcer une nouvelle fois le réalisme et la noirceur de sa série. Et pour cela, il trouve l'idée ingénieuse d'arroser les rues lors du tournage afin de créer un aspect brillant sur sa pellicule, appuyant une nouvelle fois son envie de lui créer un style journalistique. Enfin, le choix des voitures et des costumes permettent de faire voyager les téléspectateurs dans le temps. En revoyant le show, il est incroyable de s'apercevoir que chaque détail compte jusqu'à la marque de l'automobile choisie. Nous retrouvons avec plaisir une Viking 5 de 1930 par exemple. La recherche de la perfection est poussée à son paroxysme puisque les Incorruptibles devenait la cible des détracteurs menés par Frank Sinatra et pire encore.

N'aimant pas l'image que donnait le show à la Mafia italienne, la Pègre menaçait perpétuellement Quinn de mort alors que l'Italie la jugeait discréditante. Mais ce n'est pas tout, trouvant que la série avait une mauvaise influence sur les enfants, Frank Sinatra lui-même aurait pousser l'annulation des Incorruptibles. Tout cela, sans compter sur l'animosité du FBI dont les exploits étaient mis sur le dos de Ness.

Le choix des acteurs n'est pas laissé au hasard. En prenant Robert Stack en Eliot Ness, Quinn souhaite offrir au personnage principal un charisme imposant et une certaine sagesse. Ness reste très posé, réfléchi et part du principe qu'il doit uniquement répondre à sa mission. Le héros se devait donc de posséder une allure classe et froide comme pourrait l'être un soldat. Heureusement pour lui, le rôle lui a permis de s'imposer dans le monde du 7ème Art. Après l'annulation des Incorruptibles, Stack deviendra une figure emblématique de la comédie. Il se retrouvera plonger dans l'univers de "Paris brûle-t-il" en 1966 avant de se retrouver dans la fantastique "Hercule" entre 1998 et 1999 en prêtant sa voix au narrateur du show. Dernier détail important, Stack est le seul à apparaître dans tous les épisodes du show policier alors qu'Abel Fernandez qui interprète l'Agent Jack Rossman, fera acte de présence durant 64 volets de la série. Mais les téléspectateurs ne pouvaient se lasser de leurs visages et Quinn se doutait qu'un casting parfait aidait au succès de son bébé. Des grands noms du cinéma ont ainsi décidé de jouer le temps d'un épisode un gangster ou bien de faire une simple apparition. Et tout cela passé par Elizabeth Montgomery, Charles Bronson, Peter Falk et par Robert Vaughn.

Pour les amoureux de frissons et de bandits, les Incorruptibles est une série à ne pas manquer. Elle vous emporte dans un univers noir et blanc où la vie n'est pas toujours aussi rose que l'on voudrait. Unique en son genre, elle a connu un succès controversé mais a inspiré de nombreux autres shows. Différente de par son thème, elle séduit tellement le public que Stack reprendra son rôle le temps d'un nouveau long métrage dans "Le Retour d'Eliot Ness" avant que Brian de Palma reprennent l'affaire dans le film éponyme de 1987 avec Kevin Costner et Sean Connery. Alors qu'attendez-vous et plongez-vous dans le monde sombre la Pègre et d'Eliot Ness.