David 30/03/2009

 

David Harewood sur le fait de jouer Frère Tuck dans Robin des Bois

 

Interview de Serena Davies publiée le 30 mars 2009 dans le quotidien The Independent.

David Harewood a rejoint le casting du Robin des Bois de la BBC 1, il explique pourquoi son Frère Tuck est très éloigné du traditionnel gros moine stupide.

Quelle image le nom Frère Tuck évoque-t-elle ? Un type au crâne chauve, un ventre proéminent et un sourire jusqu'aux oreilles au milieu d'un visage très rond, très rose et plutôt transpirant ? Ou plutôt un grand, beau noir qui est plutôt habile avec une épée ? Ce second frère ne correspond pas vraiment à la perception traditionnelle du plus joyeux des joyeux compagnons de Robin des Bois. Mais la « version » de la BBC 1 de la légende de Robin des Bois, de retour ce soir pour une troisième saison, n'a jamais été très préoccupée par une adaptation fidèle du folklore autour de Robin.

“Quand mon agent m'a dit que j'avais une audition pour Frère Tuck, j'ai éclaté de rire,” raconte David Harewood. “Ça a en fait apporté un peu de soleil dans ma journée. Je pensais: gros costume. Je pensais: raser ma tête. C'était si bizarre, une idée tellement folle.”

“Puis j'ai lu la biographie du personnage et pensé que je voulais vraiment le faire. Ce Tuck avait une histoire assez sombre sur la façon dont il a perdu foi en l'Église – et c'est un grand combattant. Donc le Tuck auquel je suis arrivé ressemble un peu plus à un chevalier Jedi qu'à un gros, stupide, vieux b----d. Je voulais briser ce stéréotype. Rendons ce gars un petit peu plus dangereux, un petit peu plus mystérieux.”

Harewood, 43 ans, est un visage familier à la télévision, mais un rôle principal dans Robin des Bois (qui attire régulièrement plus de 5 millions de téléspectateurs par épisode) lui donnera une autre dimension. “Cela va m'exposer d'une façon que je n'ai encore jamais connu. C'est la grande soirée télévisée du samedi soir. Donc je dois garder les pieds sur terre,” dit-il.

Il devra également se préparer à ce que les gens le repèrent dans la foule: “En ce moment, quand je suis reconnu dans la rue, les gens ne se rappellent pas où ils ont déjà vu mon visage,” dit-il. “Je suis acteur depuis 25 ans. J'ai fait trois fois The Bill [plus longue série policière anglaise commencée en 1983, toujours très populaire], Casualty [plus longue série hospitalière sur un service d'urgences au monde, commencée en 1986, et deuxième plus longue série médicale au monde] trois fois également. J'ai fait tant de choses différentes, les gens tentent plutôt, ‘Vous vivez à Islington ?’ ‘Est-ce que vous êtes allé à telle ou telle école ?’ Et quand je leur dis que je suis un acteur, ils ne me croient pas !”

Le CV d'Harewood est vraiment beaucoup plus classe que Casualty et The Bill. Ces dernières années, il a travaillé sur l'adaptation glamour de La Malédiction du Rubis et du Mystère de l'Etoile Polaire de Philip Pullman (toutes deux pour la BBC 1), et créé l'impénétrable brillant méchant Freddie Graham pour le thriller multi-récompensé de la BBC 1, Criminal Justice. Un autre psychopathe, le Captain Poison, pour le film sorti en 2006 Blood Diamond, avec Leonardo di Caprio, l'a récemment catapulté sous les projecteurs d'Hollywood.

Sur scène, il fut le premier noir à interpréter Othello au National Theatre, dans la version de Sam Mendes de 1997, et il a depuis d'autres grands rôles au National, dont Lord Asriel dans A la Croisée des Mondes, et un noble taciturne Hotspur dans Henry IV.

Mais rien de tout cela n'a suffit, explique Harewood, pour apaiser la crainte de tout acteur que, quand un travail est terminé, 'il n'y en aura plus d'autre. “J'ai toujours ce sentiment lors de mon dernier jour de travail que je ne travaillerai jamais plus,” dit-il en riant. C'est également cette peur qui, peut être, l'a aidé à rester aimable et simple. Bien que l'homme reposé, que j'ai rencontré brièvement après son retour de Hongrie où Robin des Bois est tourné, ait eu une période instable dans les années 90 avec une phase de fêtes mouvementées et “beaucoup de petites amies”. “J'ai passé du bon temps mais à la fin j'étais fatigué et épuisé, et je n'avais plus personne à appeler,” dit Harewood.

Il pense qu'à cette époque il fuyait une dépression nerveuse qu'il avait eu 20 ans plus tôt. Mais grâce à une thérapie et à l'arrivée de ses deux filles (maintenant âgées de six et trois ans) qu'il a eu avec sa compagne Kirsty Handy, une informaticienne, il déclare qu'il est maintenant guéri et qu'il apprécie à fond la vie du genre “Je suis heureux d'éplucher les pommes de terre à Noël”.

Il s'est amusé en tournant Robin des Bois. Les acteurs étaient basés à Budapest – “quel endroit charmant où passer six mois !” – et les goûts de son partenaire Keith Allen, alias le Shérif de Nottingham – “probablement l'un des hommes les plus gentils que j'ai jamais rencontré” – l'ont diverti le soir.

La nouvelle saison de Robin des Bois promet d'être la meilleure: plus sombre, plus intelligente que les deux précédentes. Et Harewood dit qu'il est prêt à reprendre sa “version Obi Wan” de Frère Tuck pour une quatrième saison, mais entre-temps il jouera une icône de l'histoire plus contemporaine: Nelson Mandela.

Harewood jouera Mandela face à Sophie Okonedo dans un nouveau drame de la BBC, Mrs Mandela, centré sur l'histoire du point de vue de Winnie, qui est en cours de tournage en Afrique du Sud. Nous parlons le jour avant son départ. Est-il honoré de décrocher un tel rôle ?

“Terrifié plutôt. Comment vais-je jouer ce mythe ?” demande-t-il rhétoriquement, avant de faire une très bonne imitation de Mandela.

“Mais ça va être extraordinaire,” continue-t-il. “J'étudiais l'histoire de Mandela pendant que je regardais les élections américaines. Et c'était très émouvant pour moi que soudain il y ait un président noir pendant que j'étais en train de lire tous les détails de l'apartheid. Un système si fou, irréalisable. Et combien Mandela l'a combattu.

Il passe à l'accent de Mandela plusieurs fois vers la fin de l'interview. Le frère Jedi est, semble-t-il, prêt à devenir le héros du 21ème siècle.

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