2.01 - Un parfum de débauche
Une nouvelle saison s’annonce. La bonne Société est revenue de la campagne pour se réinstaller à Londres. Des promeneurs ont envahi les parcs, une abeille se pose sur une rose. Une voiture s’arrête devant la maison des Bridgerton, Daphné en descend. C’est aujourd’hui qu’Eloïse fait son entrée dans le monde et doit être présentée à la reine. Daphné trouve sa mère, Violet ainsi qu’Anthony, Benedict, Gregory, Francesca et Hyacinthe devant la chambre d’Eloïse, en grande discussion. C’est une véritable cacophonie : ils parlent tous en même temps.
Daphné : C’est là votre plan ?
Violet : ha Daphné, vous êtes là !
Anthony : Un peu de temps, c’est tout ce qu’elle demande.
Daphné : Nous n’en avons pas, laissez-moi passer.
Benedict : Ne te vexe pas, mais je pense que tu es la dernière personne qu’elle ait envie de voir.
Daphné : Que suis-je sensée comprendre ?
Hyacinthe : On est surs qu’elle est là ?
Francesca : Bien sûr qu’elle est là.
Violet : Où veux-tu qu’elle soit ?
Benedict : Partie par la fenêtre ou par la cheminée
Violet : Silence ! elle pourrait vous entendre.
Daphné : Vous rendez vous compte que j'ai laissé mon époux et mon enfant à la maison pour ça ?
Anthony : J’en étais sûr, et maintenant, on va être en retard pour la reine.
Francesca : Chut ! J'entends du bruit.
Au moment où Anthony avance la main pour ouvrir la porte, elle s’ouvre et plusieurs femmes de chambre sortent, suivies par Eloïse.
Violet : Non, Anthony !
Eloïse : Si vous prononcez ne serait-ce qu'un seul mot… Allons-y. Finissons-en.
Eloïse tire sur sa traine et marche à grands pas.
Au palais royal, la reine et Lady Danbury discutent en marchant.
Reine Charlotte : J'aspire à ce que quelqu'un de nouveau, quelqu’un d'inattendu, bouleverse totalement cette saison. Voilà ce dont nous avons besoin. Il n’y a pas de place pour l'indifférence. L'apathie est une plaie que la monarchie ne peut plus tolérer.
Lady Danbury : Assurément, Votre Majesté. Mais n'oubliez pas qu'une jeune fille ne peut pas être un diamant avant que vous ne l'ayez consacrée comme tel. Par conséquent, si vous deviez n'en déceler aucun parmi les candidates d'aujourd'hui…
Charlotte : Croyez-vous qu'elle reviendra ? Nous n'avons eu aucune nouvelle de lady Whistledown depuis la fin de la saison dernière. Elle est peut-être revenue à la raison. Ou alors peut-être, elle se sera rendu compte que s'en prendre à sa reine était une mauvaise idée et aura renoncé à publier son feuillet.
Lady Danbury : C'est une hypothèse convaincante, madame.
Charlotte : Ou alors… elle s'est simplement retirée à la campagne comme nous l’avons tous fait, à la fin de la saison, blasée par l'absence de ragots dignes d'être rapportés.
Lady Danbury : Hmm.
Charlotte : Vous savez ce que cela ferait d'elle ? L'une d'entre nous.
Lady Danbury : Hmm.
Chez les Featherington, Pénélope surveille la rue de la fenêtre du salon où la famille est réunie.
Prudence : Nous aurions pu en appeler à la reine, maman. Après avoir si longtemps pleuré notre cher papa, nous aurions peut-être été autorisées à nous présenter à nouveau devant elle.
Philippa : À quoi bon ressasser tout ça quand je suis moi-même déjà promise à M. Finch ?
Prudence : M. Finch peut très bien revenir sur sa parole.
Madame Varley : Surtout quand il découvrira qu'il n'y a toujours aucune dot.
Portia : Chut ! Le nouveau lord Featherington fera le nécessaire. Lorsqu'il se décidera enfin à montrer sa figure de pingre.
Les voitures des Bridgerton les conduisent vers le palais royal. Dans celle des dames, Eloïse est nerveuse, Violet est inquiète, Daphné, entre Francesca et Hyacinthe, prodigue ses conseils.
Daphné : Veille à demeurer calme et mesurée. Et à maîtriser tes émotions. Sa Majesté ne goûte guère les démonstrations d'hystérie. J’ai constaté qu’un sourire modeste permettait de paraître avenante et abordable mais pas trop empressée.
Francesca : Montre-nous ce sourire.
Eloïse : Non.
Hyacinthe : Elle est presque à l'état liquide.
Francesca prend un éventail des mains d’Hyacinthe.
Francesca : Donne, si tu veux bien.
Violet : Et votre révérence, ma chérie, dites à votre sœur comment l'accomplir avec grâce.
Daphné : Il suffit de trouver un objet statique et de le fixer du regard. Je m'étais servie d'un tableau, je m'étais entraînée. Plusieurs fois. Tu possèdes des dons naturels, Eloïse.
Eloïse : Ne me prends pas de haut ! Et toi, donne-moi ça !
Elle arrache l’éventail des mains de Francesca et s’évente nerveusement. Dans l’autre voiture, Anthony, Benedict et Gregory discutent.
Anthony : La saison ne peut pas être à ce point difficile. Si Hastings s'en est sorti, ce doit être faisable.
Benedict : Ho ! Voilà qui est parlé avec le cœur.
Anthony : Le cœur n'a rien à voir dans l’affaire. Ce dont j'ai besoin, je l’ai. A savoir une liste : supportable, dévouée, des hanches assez larges pour enfanter et un tant soit peu de cervelle. Et ce dernier point n'est pas tant une exigence qu'une préférence, en fait.
La porte de la salle d’audience s’ouvre, le défilé des débutantes commence. Le majordome annonce chacune :
- Miss Cordelia Patridge.
- Lady Abigail Evans.
- Miss Mary Ann Hallewell.
- Miss Margaret Goring.
Dans l’antichambre, Violet rajuste les plumes de la coiffure d’Eloïse, de plus en plus agitée.
Eloïse : Il est encore temps. Dites que j'ai fait un malaise. Que j'avais une chose innommable sur ma robe. Que ces plumes ont affecté mes sens. Tout, pourvu que j'échappe à ça.
Violet : Ma très chérie. Quoi qu'il arrive, vous serez toujours un diamant pour moi.
Eloïse : Si Pénélope était là…
Chez les Featherington, Pénélope est toujours à la fenêtre.
Portia : Pénélope, combien de fois devrai-je vous dire de ne pas trop vous approcher de la fenêtre ? Vous voulez passer pour une pauvresse pleine de taches de son, qui reste toute la journée au soleil ?
Pénélope : Bien sûr que non, maman. Toutes mes excuses.
Les portes s’ouvrent devant Eloïse, crispée.
Majordome : La vicomtesse douairière Bridgerton et Miss Éloïse Bridgerton.
Pénélope : Il est arrivé.
Daphné : Un petit sourire.
Un valet entre et présente la chronique mondaine à la reine.
Charlotte : Que signifie cela ? J'en ai assez vu.
Brimsley : Mais Votre Majesté, il reste…
Charlotte : J'en ai assez vu.
Eloïse : Ca veut dire que je peux partir ?
Violet : Je ne sais pas ce que ça veut dire.
Eloïse se précipite à l’extérieur.
Daphné : Éloïse !
Des valets distribuent des exemplaires de la chronique mondaine aux courtisans.
Daphné : Je mentirais si je disais que tout cela va me manquer. Anthony, je te souhaite bonne chance. Cela risque de t'être très utile cette saison.
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Lady Whistledown : Chers amis lecteurs.
Vous ai-je manquée ? Tandis que les membres de notre haute société séjournaient paresseusement dans leur retraite champêtre, votre dévouée chroniqueuse ne faisait qu'une chose. …
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La chronique est vendue en même temps dans les rues par les petits livreurs.
Une Jeune femme : Je savais qu'elle reviendrait !
Un Jeune homme : Le prix a augmenté à ce que je vois !
Cressida Cowper : Est-ce qu'elle écrit aussi bien qu'on le dit ?
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… Parfaire ses talents. Ou devrais-je dire, ourdir ses plans ? Non, encore mieux. J'affûtais mes lames… pour vous tous…
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Pénélope termine sa chronique. Pour trouver les sujets de ses articles, elle se promène dans les salons. Personne ne la regarde, personne ne remarque son absence, personne ne la voit. Elle est invisible. Elle entend, elle écoute …
La médisante : Comment fait-elle, à votre avis ?
Portia : Elle ne fait pas ça toute seule. Comment le pourrait-elle ?
Discrètement elle soulève une tenture, la voiture qu’elle a demandée l’attend dehors. Elle sort furtivement. Dans la voiture, elle vérifie son manuscrit et sort d’un coffre des vêtements de domestique. Elle se rend chez l’imprimeur, déguisée.
Mister Harris : Dix-huit ? On était d'accord pour 20.
Pénélope : Ma maîtresse a changé d'avis. Notre collaboration est nouvelle, alors je ne le dirai qu'une fois. Les désirs de ma maîtresse sont des ordres. Et c'est vous qu'elle veut comme imprimeur. Vous n’êtes pas exceptionnel Monsieur Harris. Vos homologues dans cette ville ne manquent pas. Mais il n'y a qu'une lady Whistledown et il lui serait facile de faire appel à un autre. Ce sera donc 18, et pas un sou de plus. Et les petits livreurs de journaux doivent être augmentés. Ce sont eux qui arpentent la ville pendant que vous restez assis sur votre derrière.
Mister Harris : Oui, madame.
Pénélope : Ma maîtresse vous remercie pour vos services.
Pénélope cache, sous une lame de plancher, sous un tapis, l’argent qu’elle a gagné par la vente des journaux.
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… Les questions affluent quant à l'identité et aux moyens de votre chroniqueuse. Chercher des réponses à ces questions serait une regrettable perte de temps….
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Pénélope : Je pars au marché avec ma gouvernante, maman. Il ne me reste qu'un tout petit peu d'argent et …
Portia l’arrête d’un geste de la main. Elle lit la chronique mondaine. Pénélope sort dans l’indifférence de sa famille.
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… Une autre identité reste mystérieuse, bien sûr. Mais celle-ci vous sera prochainement dévoilée. Je veux parler du diamant de la saison, où qu'il puisse se cacher. À vous de jouer, Votre Majesté…
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La reine prend le thé avec Lady Danbury. Elle ferme la chronique qu’elle vient de lire.
Chez les Bridgerton, Eloïse prend un cours de danse avec Gregory comme partenaire.
Professeur : Un et deux, un et deux.
Hyacinthe : Je ne la trouve pas très douée.
Benedict : Je crois qu'elle t'entend.
Eloïse : Je t'entends.
Gregory : Aïe. Attention à mes pieds !
Eloïse : Peut-on s'arrêter là ?
Violet : Si tu veux attirer le regard de la reine après l’interruption de ce matin, tu dois être parfaite.
Eloïse : A mon avis, c'est cette interruption qui était parfaite.
Benedict : Étonnant qu'Éloïse Bridgerton n'ait pas été désignée comme étant le diamant de la saison.
Anthony : Saviez-vous que notre cher Colin a choisi d’ajouter l'Albanie ou un pays de cet acabit à son périple d'errance à travers le monde ?
Eloïse : Non, mais il a de la chance de pouvoir décider de le faire.
Violet : Vous joindrez-vous à nous pour le thé ?
Anthony : Je vais devoir décliner. Trop d'appels de fonds aujourd'hui. Maintenant que la saison est lancée, je dois vous ouvrir un crédit chez la modiste et veiller à l’embauche de domestiques supplémentaires. Et votre bague. A l’occasion, j'en aurai besoin. Pour nos terres de Ferryshallow, il faudra attendre pour les louer cette année en raison des fortes gelées.
Violet : Je vous demande pardon ?
Anthony : Le gel durcit le sol, le rend moins fertile.
Violet : Oui, fort bien, mais vous m'avez demandé ma bague ?
Anthony : Votre bague de fiançailles, oui.
Violet : Une demoiselle aurait-elle attiré ton regard à la présentation, mon frère ?
Hyacinthe : Je les ai toutes trouvées absolument ravissantes.
Anthony : Je ne dirais pas ça ; elles étaient toutes interchangeables, à mon avis. Je voudrais simplement être prêt quand l'occasion se présentera.
Violet : L'occasion ?
Anthony : J'ai déjà rédigé une liste des jeunes filles envisageables et organisé des entretiens.
Violet : Des entretiens ! Anthony, je serai vraiment plus qu'heureuse de vous donner ma bague quand vous trouverez celle dont vous tomberez follement amoureux. Du reste, elle est conservée en lieu sûr à Aubrey Hall.
Anthony : Très bien.
Violet : Veillez sur votre frère.
Benedict : Moi ?
Anthony : Je n'ai pas besoin d'être cajolé. Je peux vous assurer que tout est en ordre.
Anthony regarde sa montre, il a des affaires à régler, des dossiers à signer, des factures à payer, les entretiens avec les prétendantes sélectionnées dont il a fait une liste annotée par Benedict. Et de temps en temps il s’octroie un peu de récréation auprès d’une maîtresse accueillante.
Anthony : Avez-vous hâte d'être mère ?
Miss Patridge : Absolument. Je suis très proche de mes frères et sœurs. J'adore les enfants.
Anthony : Vous en voudriez combien ?
Miss Patridge : Combien d'enfants ? Quatre. Ou cinq. Ou même six.
Miss Evans : Trois enfants, c'est ce que j'ai toujours voulu, cher monsieur.
Anthony : Et imaginons que l'une de vos filles ait tendance à être trop dépensière ? Que feriez-vous ?
Anthony raie les noms des jeunes filles au fur et à mesure.
Anthony : Éloïse a besoin d'une autre gouvernante maintenant qu'elle est dans le monde. Qu'elle ait encore plus de poigne que la précédente. Qu'est-ce que c'est ?
Secrétaire : Des factures qui requièrent votre signature, monsieur.
Miss Goring ; La harpe est un merveilleux instrument, qui vous apprend la patience, la rigueur et puis à apprécier la beauté, naturellement.
Anthony : Mais lisez-vous ?
Miss Goring ; Des livres ?
Miss Hallewell : Je parle couramment l'allemand, l'italien, le latin.
Anthony : Mais pas le grec ?
Jeune fille : Mes excuses. Monsieur, je préfère de beaucoup le quadrille.
Miss Clipton : Je monte à cheval. Je peins. Je chante. Je danse. Je sais diviser et multiplier. Je confectionne mes chapeaux aussi.
Anthony barre le nom sur sa liste, annoté par Benedict : danse mal.
Le secrétaire inonde son bureau de papiers.
Secrétaire : Vingt-cinq de plus, monsieur.
Tôt le matin, il quitte le lit d’une partenaire d’une nuit et décide de faire une promenade à cheval pour s’aérer. Dans le parc, il se met au rythme d’un couple d’oies qui le précède. Il est tiré de sa torpeur par une cavalière lancée au galop qui ne répond pas à son appel. Il éperonne son cheval et se met à sa poursuite. Malgré son avertissement, elle saute une haie puis l’attend plus loin.
Anthony : Halte-là ! Mademoiselle, êtes-vous en péril ? Allez ! Allez ! Attention ! Halte-là !
Anthony : Vous savourez votre victoire ?
Jeune femme : elle dit un mot en hindi
Anthony : Cette fois, je ne vous laisserai pas autant d'avance, croyez-le.
Jeune femme : Mes excuses, monsieur. Je ne voulais pas susciter votre inquiétude.
Anthony : À califourchon ? Votre gouvernante le sait-t ’elle ?
Jeune femme : Je n'en ai pas.
Anthony : Vous êtes mariée, dans ce cas. Pardonnez-moi. Alors vous êtes égarée ?
Jeune femme : Je ne le suis pas non plus. Je retourne à Mayfair, droit devant nous.
Anthony : Mayfair ? Dans ce cas …
Jeune femme : Et je vous remercie de votre attention, mais je ne cours strictement aucun danger. Peut-être dirons-nous que cette rencontre n'a jamais eu lieu. Acceptez que je parte de mon côté et vous du vôtre.
Anthony : Vous craignez d'être vue ?
Jeune femme : Je crains de rencontrer des inconnus dans les parcs au petit matin qui m'importunent avec toutes leurs questions.
Anthony : Je ne parlerai à personne de votre secret.
Jeune femme : Je vous en suis reconnaissante.
Anthony : Perdre à la course contre une inconnue dans de tels parcs au petit matin… J'imagine toutes les questions qu'on poserait.
Jeune femme : C'est donc de ça qu'il s'agissait ? D'une course ?
Anthony : De quoi d'autre ?
Jeune femme : Ne faut-il pas une véritable concurrence pour une course ?
Anthony : Vous pourriez dire ça si nous avions décidé d'une ligne d'arrivée. Mais nous n’avons pas pris de telles dispositions.
Jeune femme : Je vois que vous êtes mauvais perdant.
Anthony : De quel droit… Dans les rares occasions où cela se produit, je n’ai aucune difficulté à admettre que j'ai perdu ou que je me suis trompé. J’ai bien peur qu’on ne puisse en dire autant de vous.
Jeune femme : Je vous demande pardon ?
Anthony : Mayfair n'est pas devant nous. C'est derrière nous. Pas égarée, disiez-vous ?
Jeune femme : Au revoir, monsieur. Allez.
Anthony : Nous ne nous sommes pas présentés.
Jeune femme : J’ai peur que ce ne soit impossible. Je dois encore savourer ma victoire.
Dans le salon de Lady Danbury, Lady Mary Sharma et sa fille, Edwina, regardent un tableau de leur hôtesse au-dessus de la cheminée.
Lady Mary Sharma : Mais comment ça, elle n'était pas dans sa chambre ?
Edwina : J'ai voulu la voir en me réveillant, mais elle n'était pas là.
Lady Danbury : Lady Mary.
Mary : Lady Danbury. Ho, quel bonheur de vous revoir.
Lady Danbury : Bonheur partagé. Après toutes ces années. Quelle mine splendide !
Mary : Permettez-moi de vous présenter ma fille cadette, Miss Edwina Sharma.
Edwina : C'est un grand plaisir, lady Danbury. Je vous remercie beaucoup de votre hospitalité. Votre demeure est magnifique.
Lady Danbury : Considérez-la comme la vôtre pour la saison. Néanmoins, ne manque-t-il pas quelqu'un ?
Mary : Si. Mon aînée. Kate.
Lady Danbury : Kate. Oui. Mais elle a bien débarqué du bateau avec vous hier soir, n'est-ce pas ?
A ce moment, la jeune femme rencontrée le matin par Anthony entre dans le salon.
Kate : Toutes mes excuses.
Mary : Kate. Vous voilà, ma chère fille.
Kate : J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre. Je dois avouer que vos jardins sont de toute beauté. Après un si long voyage, j’ai eu envie de gouter à la fraicheur de l'air matinal. Mais me revoici.
Mary : Mon aînée, lady Danbury. Miss Kate Sharma.
Lady Danbury : Maintenant que tout le monde est arrivé…
Kate : Presque.
Lady Danbury : Je vous demande pardon ?
Kate : Nous sommes presque tous arrivés. Il y a aussi Newton. Il est resté en haut ?
Edwina : Maman nous a dit que vous organisiez le premier bal à chaque saison, lady Danbury.
Lady Danbury : En effet. J'ai jeté mon dévolu sur un jardin d'hiver pour les festivités de cette année.
Kate : Tu entends ça, Edwina ?
Edwina : J'imagine un cadre enchanteur.
Mary : Cela promet la plus spectaculaire des entrées dans la société, à l'évidence. Je ne saurai vous dire combien elles sont impatientes de débuter cette saison.
Lady Danbury : Tout comme moi. Je vous aurais garanti leur présentation à Sa Majesté la reine, mais j'ai jugé qu’il serait plus sage que j'examine leur maintien un peu avant leur premier engagement. Sa Majesté est des plus exigeantes, vous devez le savoir.
Mary : Donc Sa Majesté sera présente ce soir, à votre bal ?
Lady Danbury : N'ayez aucune inquiétude, lady Mary. N'oubliez pas que vous serez avec moi.
Mary : Naturellement.
Lady Danbury : Alors, j'ai pris toutes les dispositions. Le pianoforte est accordé, les professeurs engagés, les leçons de danse commenceront à midi, suivies d'une courte mais fructueuse visite d'un charmant précepteur dont je me suis assuré les services. Bien. Levez-vous, je vous prie. Toutes les deux. Pourriez-vous… Maintien exceptionnel. Magnifique sourire.
Mary : Oui, effectivement.
Lady Danbury : L'âge de la sœur aînée peut susciter des inquiétudes. Tout candidat convenable aura besoin d'être convaincu, que cela nous plaise ou non, car elle sera d’ores et déjà considérée comme une vieille fille à l'âge avancé de…
Kate : Vingt-six ans, madame. Mais cela ne doit pas vous inquiéter, car croyez-le, je ne suis pas venue trouver un mari pour moi-même, uniquement pour ma sœur, qui, il est vrai, sait se tenir droite et sourit de façon exquise. Encore plus lorsqu’elle parle allemand, dirais-je. Elle maîtrise le latin et le grec, ainsi que le marathi et l'hindoustani bien sûr. Elle ne joue pas seulement du sitar et du maruli, mais aussi du pianoforte. Quant à sa façon de danser, et bien, elle est vraiment remarquable, si je puis me permettre de le dire. Et je me permets de le dire, car c'est moi qui ai enseigné à ma sœur le cotillon, le quadrille, la valse. Un talent qu’elle a acquis par elle-même mais qui n'en est pas moins éclatant.
Mary : Kate prend très à cœur les perspectives de mariage de sa sœur.
Kate : J'espère que vous ne vous êtes pas donné de peine pour trouver tous ces professeurs.
Lady Danbury : Pas du tout.
Kate : Notre mère n’a pas menti dans sa description de vous. Une femme pleine d'élégance et de générosité. Je suis sûre que nous avons beaucoup à apprendre de vous. Ne serait-ce que la préparation de ce merveilleux thé.
Mary : Kate, chérie ? Newton aurait-il droit à une promenade avant de faire des bêtises sur ces somptueux tapis ?
Kate : Naturellement. Enchantée d'avoir fait votre connaissance, lady Danbury. Ma sœur et moi nous réjouissons de votre parrainage cette saison.
Eloïse et Pénélope se promènent en discutant.
Eloïse : Daphné m'a dressé une liste de recommandations pour une saison réussie. Petits conseils sur les dix meilleures façons de piéger un mari. Franchement, la saison a à peine commencé que déjà, j'ai la raison qui vacille. Encore une plume ? Vous les usez à une vitesse extraordinaire.
Pénélope : J'ai été très prise par ma correspondance.
Eloïse : Au nouvel héritier ? Il est arrivé ?
Pénélope : Non. Je voulais seulement dire que Colin m'a tenu informée de ses aventures en Grèce.
Eloïse : A vrai dire, j'ai cessé de lire ses lettres. Vous ne trouvez pas qu’il radote ?
Pénélope : Ce n'est certes pas lady Whistledown.
Eloïse : Non. Mais cela dit, Colin, au moins, a vu du pays, alors qu'elle…
Pénélope : Je croyais que vous révériez Whistledown. Son retour ne vous a-t-il pas sauvée de votre présentation à la reine ?
Eloïse : J'ai été très heureuse de cette diversion, c’est certain. Mais j'ai lu sa prose toute la matinée et à la vérité, tout ce qu’elle fait c’est répéter ce qu'elle entend.
Pénélope : Il faut bien rapporter les rumeurs. Et n'a-t-elle pas un joli style ?
Eloïse : Si, mais que dit-elle, avec ce style ? Non, je n'ai pas souffert de son silence de ces dix derniers mois. Cela m’a enfin permis de me plonger dans quelques textes de fond.
"Mon propre sexe me pardonnera
"si je traite les femmes comme des créatures rationnelles
"au lieu de flatter leurs fascinants attraits."
Wollstonecraft.
Pénélope : Plutôt prétentieux.
Eloïse : Imaginez si Whistledown écrivait ainsi, au lieu de simplement nous intéresser à toutes les débutantes fraîchement lancées. Peut-être trouverions-nous un peu de répit dans les fastidieuses réceptions et autres bals. À mon avis, si Whistledown écrit sur ces choses-là, c'est uniquement parce qu'elle n'y participe pas activement.
Pénélope : Chacun sa théorie, je suppose.
Eloïse : Hmm.
Chez les Featherington
Madame Varley : Voulez-vous que je prépare des pommes de terre pour le dîner de ce soir madame ?
Prudence : Des pommes de terre ? Encore ?
Philippa : Pourquoi on ne mange que des pommes de terre ?
Madame Varley : Parce que ces temps-ci, je suis gouvernante, femme de chambre, fille de cuisine et cuisinière.
Pénélope : Tous nos gens sont vraiment partis, maman ?
Madame Varley : Je sais assez bien faire bouillir les légumes.
Portia : Merci, Mme Varley. Des pommes de terre, c'est parfait.
Prudence : Une saison sans nouvelles toilettes, sans domestiques. Devrons nous vider nos pots de chambre nous-mêmes aussi ?
Philippa : Maman, c'est au-dessus de mes forces.
Portia : Calmez-vous. Je vous l’ai déjà dit, dès que le nouveau lord Featherington sera là, il pourvoira à tous nos besoins.
Prudence : Mais où est-il ? Pourquoi met-il autant de temps à arriver ?
Portia : Parce qu'il souhaite nous faire souffrir. Le nouveau lord Featherington se trouve Dieu sait où à se délecter de notre infortune. Parce que sa méchanceté est sans limite. J’ai entendu dire qu’il a fait bannir son fils aux Amériques pour avoir contesté son autorité. Je tremble en imaginant où il nous enverra si l'envie lui en prend. En Cornouailles, peut-être.
Prudence : En Cornouailles ?
Philippa : Vous pourriez nous rendre visite à monsieur Finch et à moi.
Pénélope : S'il n'y a pas un sou pour les robes ni pour les domestiques, il n'y en a pas pour ta dot.
Philippa : Il m'empêchera de me marier ?
Portia : Bien sûr que non. Ce monsieur est peut-être un vieux grippe-sou, mais c'est un gentleman. Et en aucun cas il ne reviendra sur un engagement. Raison pour laquelle nous devons sans tarder trouver un futur mari à chacune d'entre vous. Si vous n'êtes pas toutes fiancées avant que notre cousin vienne revendiquer ses droits et son titre, nous serons à sa merci. Et alors, que Dieu nous vienne en aide.
Madame Varley : Vous pourrez toujours vendre l'argenterie. L'ensemble devrait atteindre une somme coquette.
Chez Lady Danbury
Edwina : Tu songes à porter celle-ci ? Elle est splendide.
Kate : Non, c'est pour toi, ma chère sœur. Nous sommes venues à Londres trouver ton mari, pas le mien.
Edwina : Oui, c'est vrai, tu n'es qu'une malheureuse vieille fille.
Kate : Qui sera plus qu’heureuse de se consacrer à ses nombreux neveux et nièces dans un proche avenir. Je compte excessivement les gâter. Tu le sais, non ? Qu'y a-t-il ?
Edwina : J'espère… seulement que je leur plairai ce soir.
Kate : Qui en douterait ?
Edwina : Maman fait cette chose qu'elle fait toujours lorsqu’elle s'inquiète. Les commérages après son mariage avec Appa ont dû être insupportables, tu ne crois pas ?
Kate : C'est donc ce qui te préoccupe ? C'était il y a bien longtemps tu sais.
Edwina : Tout le monde aura encore des questions. Sur notre famille. Au sujet de notre lien de parenté.
Kate : Nous sommes sœurs. Ce pays est peut-être différent, mais cela ne changera jamais la façon dont nous nous voyons. Par ailleurs, tu as entendu lady Danbury. Elle sera là pour tout arranger. Elle est de notre côté.
Edwina : La douairière est plus impressionnante que je ne l'imaginais. Elle sera curieuse quand elle prendra connaissance de ton escapade à cheval. Es-tu certaine que personne ne t'ait vue ?
Kate : Oui, ne t'inquiète pas pour moi. La douairière est loin d’être aussi effrayante qu'elle le croit. Tu dois mourir d'impatience. Ceci est le premier chapitre d'une très belle histoire. Tout ce que tu as à faire ce soir, c'est te rappeler ce que tu viens chercher.
Edwina : Un homme charmant. Qui ait fière allure, bien sûr. Un prince ou un duc, peut-être.
Kate : Ce n'est ni l'apparence de ce monsieur ni ses titres qui te séduiront. C'est son esprit qui conquerra le tien. Il te parlera d'une manière que seul ton cœur entendra. Voilà ce que tu espères trouver. Le véritable amour auquel tu as droit. Celle-ci. Ils n'en croiront pas leurs yeux.
Lady Danbury et les dames Sharma, arrivent au jardin d’hiver.
Kate : Souviens-toi de bien respirer, Edwina.
Lady Danbury : Le marquis d'Ashdown. Sans doute un peu jeune, mais il a 10 000 livres de rentes annuelles. Le comte de Gloucester. Sa femme vient de mourir de la grippe. Il pourrait constituer un ajout précieux à votre carnet de bal, miss Sharma.
Kate : Je ne foulerai pas la piste de danse ce soir, Lady Danbury.
Lady Danbury : Y aurait-t-il au pays quelqu'un dont vous ne m'auriez pas parlé ?
Kate : Il y a bien longtemps pour moi, que tout cela est fini. Le seul parti qui m'intéresse est celui de ma chère sœur. Elle me fait aveuglément confiance. Dites-moi, que pensez-vous du duc de Suffolk ? Selon l'annuaire nobiliaire, ce devrait être l'homme à séduire cette année.
Lady Danbury : Le duc exhibe sa maîtresse. Je vous assure, miss Sharma, j'ai l'avenir de votre sœur bien en main. La voilà.
La reine vient de faire son entrée.
Charlotte : Tellement de fleurs. Alors que c'est un joyau que je cherche.
Mary : Si tôt, lady Danbury ?
Charlotte : Lady Danbury. Une délicieuse soirée, sans surprise. Quoi que la mienne, dans le courant de la semaine, sera beaucoup plus élégante.
Lady Danbury : Votre Majesté, je ne songerais pas à me comparer.
Charlotte : Et vous auriez raison.
Lady Danbury : Votre Majesté, puis-je vous présenter lady Mary Sharma, dont vous devez vous souvenir. Et puis-je vous présenter ses filles, Miss Sharma et miss Edwina Sharma, mes invitées personnelles pour la saison.
Charlotte : Un grand honneur, s'il en est. Vous avez fait, m'a-t-on dit, un long voyage pour venir nous retrouver après toutes ces années, Lady Mary. Si seulement vous aviez poussé la courtoisie jusqu'à faire vos adieux à la reine avant de prendre la fuite.
Lady Danbury : Voilà ce que j'aime. Un beau challenge.
Violet et Eloïse, accompagnées par Anthony et Benedict, entrent dans le jardin d’hiver. Eloïse tiraille son corset à travers sa robe.
Anthony : Cesse de faire des manières avec ta robe.
Violet : Ma chérie, vous êtes ravissante.
Eloïse : J’ai l’air d’une une bête de concours ligotée pour les enchères.
Violet : Même Daphné était pleine d'appréhension lors de son premier grand bal. Et vois comme sa saison lui a réussi.
Eloïse : Oui.
Voyant le jeune marquis d'Ashdown se diriger vers Eloïse, Benedict lui prend le bras et l’entraîne.
Benedict : Viens, ma sœur. Les gâteaux dans ces soirées sont étonnamment bons.
Anthony : Le choix sera visiblement limité.
Violet : Je suis persuadée qu'il y a quelqu'un ici qui saura vous charmer.
Violet : (un ton plus haut) C'est cette saison que le vicomte a l'intention de trouver une femme.
Toutes les têtes se tournent vers eux. Aussitôt ; Anthony est entouré de plusieurs prétendantes au mariage, suivies de leurs mères.
Anthony : Quoi ? Vous avez vraiment fait ça ?
Violet : Je crois que oui.
Anthony et Violet sont aussitôt entourés de jeunes filles et leurs mères.
- Lady Bridgerton.
- Une danse, s'il vous plaît.
- Bonsoir.
Portia : Serait-ce lady Mary Sheffield Sharma ? Je n’ose croire qu’elle ait le front de se remontrer ici ?
Cressida : Un scandale, maman ?
Lady Cowper : Lady Mary fut l'incomparable de notre saison jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse et épouse un quelconque employé. Ils se sont ensuite enfuis tous les deux en Inde.
Lady Eaton : Un maharadjah, encore, j'aurais compris. Mais l'homme n’était qu’un vulgaire travailleur qui avait déjà un enfant.
Portia : C'est sûrement elle. La plus âgée des deux.
Lady Cowper : Les parents de lady Mary, les Sheffield, ne s'en sont jamais relevés. Trop humiliés pour se montrer à Londres. Si seulement toutes les familles pouvaient être aussi respectables que les nôtres. N'est-ce pas, lady Featherington ?
Philippa : Très cher !
Finch : Mon amour !
Portia : Monsieur et madame Finch.
Mrs. Finch : Lady Featherington. Votre présence à cette soirée est une surprise délicieuse.
Mr. Finch : Après une aussi longue et douloureuse période de deuil. Pratiquement aussi longue que la cour que notre fils fait à Philippa, si vous pouvez imaginer.
Portia : Oui. Ç'a été une période difficile à bien des égards. Le chagrin n'a pas quitté nos cœurs ces derniers mois.
Mr. Finch : Êtes-vous venue seule ? Ou le nouvel héritier est-il arrivé pour régler l'affaire en souffrance de la dot de votre fille ?
Portia : "En souffrance." C'est le mot exact, M. Finch. J'ai été aussi en souffrance, très très affectée. Ébranlée, au plus profond de mon âme, par le chagrin. Je pleure l'absence de mon mari si cher et si mort.
Mrs. Finch : Je vous avais dit qu’il était trop tôt.
Mr. Finch : Vous m'avez dit vouloir que notre fils quitte la maison.
Mrs. Finch : Acceptez nos excuses, lady Featherington. Faites-nous savoir quand vous serez moins… en souffrance. Voulez-vous ?
Portia : Oui. [Elle feint de sangloter]
Kate : Je connais cet homme.
Edwina : Qui donc ?
Lady Danbury : Le vicomte ? Je ne pense pas avoir encore fait les présentations.
Kate : Vous avez raison. Je dois effectivement confondre.
Lady Danbury : Cela étant, vous avez l'œil. Le vicomte Bridgerton ne manque ni d'argent ni de relations, il est issu d'une des familles les plus illustres de la haute société. Et il espère semble-t-il prendre femme cette saison, ce qui pourrait certainement faire de lui le célibataire le plus convoité.
Edwina : Il est très bel homme.
Kate : Oui. J'imagine que oui.
Lady Danbury : Lord Corning. J'espérais bien vous voir ce soir. Permettez-moi de vous présenter miss Sharma, et miss Edwina Sharma.
Lord Corning : Très heureux. Miss Edwina, me ferez-vous l'honneur d'une danse ?
Kate : Corning, vous dites ?
Lady Danbury : Le baron Corning.
Kate fait un signe de tête à Edwina pour lui permettre d’aller danser.
Edwina : Rien ne me ferait d’avantage plaisir, monsieur.
Kate : Je n'ai aucun souvenir d'avoir lu quoi que ce soit sur la famille Corning.
Lady Danbury : Peu importe ce que vous avez ou n'avez pas lu. Il est inacceptable ici qu'une jeune fille décline une danse avec un monsieur à moins qu'elle ne soit déjà réservée par un autre. Vous avez encore beaucoup à apprendre.
Fâchée, Lady Dansbury tape sa canne par terre et s’éloigne, suivi de Lady Mary. Kate fait le tour de la salle tout en surveillant Anthony qui inscrit son nom sur quelques carnets de bal.
Anthony : Danse espagnole ? Vous serez indulgente ?
Un valet : (à un autre valet) On raconte que Millerson a un petit morveux à la campagne. Le portrait craché de son père.
Pénélope note les derniers potins entendus. Eloïse la rejoint.
Eloïse : Vous voilà ! Ha Pénélope, je me réjouis de vous voir. Maman est déjà insupportable.
Pénélope : Au moins, elle n'a pas jugé bon de vous déguiser en tournesol. Une abeille pourrait facilement s'y tromper.
Un Jeune homme : Miss Bridgerton. Puis-je réserver votre prochaine danse ?
Un deuxième : Ou puis je vous emmener chercher un verre de citronnade ? Vous semblez assoiffée.
Pénélope : A quoi le voyez-vous. Est-elle flétrie ?
Le deuxième : Ou de punch si vous préférez.
Pénélope : Une métaphore florale, si vous vous demandez.
Eloïse : Mille excuses, messieurs. J'ai le regret de vous informer que mon carnet est déjà plein. Voilà.
Pénélope : Lord Byron ? Wellington ? Éloïse, ces noms sont faux !
Eloïse : Je ne fais que suivre les conseils avisés de ma sœur. Elle m’a expliqué qu’il était d'une importance capitale qu'un carnet de bal soit rempli avec tous les noms qui conviennent.
Violet : Éloïse ? Vous êtes là, ma chérie. Venez. Il y a quelqu’un que j'aimerais vous présenter.
Kate admire le couple formé par Lord Corning et Edwina. Au contraire d’Anthony qui n’arrive pas à se coordonner avec sa danseuse. Avant de terminer la danse, Anthony sort sur la terrasse où un groupe d’amis l’appelle. Kate sort peu après et entend leur conversation.
Un lord : Bridgerton ! Je vous dois un verre.
Anthony : Pourquoi donc ?
Le lord : Dans la mesure où vous êtes le cœur à prendre cette saison. Nous allons tous jouir d’un peu de répit. Les mères obsédées par le mariage vont nous laisser tranquilles.
Anthony : Profitez de votre liberté tant qu’elle dure. Vous aussi vous soumettrez bientôt à cette ridicule comédie croyez-moi. Vous escorterez toutes les candidates potentielles de par la ville jusqu’à ne plus y voir clair.
Un second lord : Une candidate est-elle différente d'une autre ? Choisissez simplement la moins repoussante, offrez-lui le mariage et tous ses avantages, vous pourrez ensuite retourner à des activités plus plaisantes.
Le troisième lord : Et à des partenaires plus plaisantes.
Anthony : Vous prenez ça avec désinvolture, mais si je dois m'enchaîner dans le mariage, la dame en question devra être beaucoup mieux que ça.
Le premier lord : Ne nous dites pas que vous espérez un mariage d'amour ?
Anthony : L’amour est la dernière chose que je désire. Si je veux des enfants de bonne souche, leur mère devra être d’une qualité irréprochable. Un visage plaisant, suffisamment d'esprit, des manières assez raffinées pour tenir le rôle de vicomtesse. Cela ne devrait pas être si dur à trouver ? Et pourtant, les débutantes de Londres ne répondent à aucun de ces critères.
Le second lord : Vous voulez ce qu’il y a de mieux. La reine finira peut-être par désigner un diamant. Votre tâche en sera simplifiée. Du moins, celle de la choisir. Courtiser la belle sera une tout autre histoire.
Anthony : Je n'aurai aucun problème, de ce côté-là.
Le premier lord : Un petit tour au fumoir ?
Anthony : Je vous rejoins.
En voulant s’éloigner, Kate heurte un pot et fait du bruit.
Anthony : Il y a quelqu'un ? Je vous entends. Vous…
Kate : Pardonnez-moi, monsieur.
Anthony : Je ne connais toujours pas votre nom. Je me demandais si nous nous reverrions.
Kate : Pour que vous puissiez décider si j'ai suffisamment d'esprit ? Des manières assez raffinées ?
Anthony : Vous nous avez espionnés.
Kate : Le mot est mal choisi dans la mesure où vous clamiez vos nombreuses exigences vis-à-vis d'une épouse, assez fort pour que toute l’assistance vous entende.
Anthony : Vous condamnez mes exigences ?
Kate : Je condamne tout homme qui considère les femmes comme du vulgaire bétail reproducteur.
Anthony : Rien de tout cela …
Kate : Vicomte Bridgerton, si je ne m’abuse ? Lorsque vous mettrez la main sur ce parangon de vertu, qu'est-ce qui peut bien vous faire croire qu'elle acceptera votre cour ? Les jeunes filles de Londres sont-elles vraiment si aisément conquises par un plaisant sourire et absolument rien de plus ?
Anthony : Donc, vous trouvez mon sourire plaisant.
Kate : Je trouve l’opinion que vous avez de vous bien trop haute. Votre personnalité est aussi médiocre que vos talents de cavalier. Une bonne soirée à vous.
Pénélope est en train de s’échapper discrètement pour rejoindre la voiture qui l'attend, lorsqu’Eloïse l’appelle.
Eloïse : Pénélope ! Pénélope ! Vous allez quelque part ?
Pénélope : J'avais besoin de respirer. L'air est si étouffant dans la salle de bal.
Eloïse : L'air ou les conversations insipides ? Je suppose que c'est le seul avantage à être lancée dans le monde. Je peux m'éclipser avec vous. Nous ne serons jamais seules.
Pénélope : C'est exactement ce que je me dis.
Violet : Où sont votre frère et votre sœur ?
Benedict : Ils ont réussi à vous échapper ? Tant mieux pour eux.
Violet : Lady Danbury. Splendide soirée.
Lady Danbury : Pour l'essentiel. Il y a quelques invités dont je n'aurais pas regretté l'absence.
Violet : J'ose espérer que je n’en fais pas partie.
Lady Danbury : Vous et moi avons des intérêts communs cette saison semble-t-il.
Violet : Ah oui, vos protégées ! J'ai hâte de connaître ces dames.
Lady Danbury : Et j'ai hâte de montrer aux autres entremetteuses de quelle manière se joue la partie. Cela dit, il semblerait que vous ayez déjà attisé le feu en les informant des intentions du vicomte pour cette saison.
Violet : Mon fils s'est dit prêt. Et qui suis-je pour en douter ?
Lady Danbury : Un jour ou l’autre, ils tous doivent s'y résoudre.
Kate : Lady Danbury nous souhaitons rentrer.
Lady Danbury : Miss Sharma, permettez-moi de vous présenter …
Kate : Enchantée. Notre mère est déjà dans la voiture. Nous vous verrons chez vous.
Lady Danbury : Tout le monde vous regarde, ma chère. Il est clair que vous êtes contrariée.
Kate : Ce qui est clair, c’est que nous n'avons pas été préparées à évoluer dans cette fosse aux lions. L'absence d'Edwina ne manquera pas de la rendre encore plus désirable.
Edwina : Ce fut vraiment une magnifique soirée, lady Danbury. Merci du fond du cœur.
Violet : Eh bien… Nous allons semble-t ’il être toutes deux très occupées cette année.
Lady Danbury : Pas si j'ai mon mot à dire sur le sujet. Et comme vous le savez fort bien j'ai toujours mon mot à dire, quoi qu'il arrive.
Les dames Featherington sont également rentrées chez elles.
Pénélope : Une très bonne nuit, maman ! Bonne nuit, mes sœurs !
Portia : Bonne nuit, mes filles.
Pénélope attend un peu dans sa chambre, puis sort de la maison discrètement.
Pénélope : Pouvez-vous aller plus vite ?
Cocher : Absolument !
Chez l’imprimeur
Mister Harris : Diable, je pensais que vous ne viendriez plus.
Pénélope : Ma maîtresse vous prie d'excuser ce retard. Ça doit être imprimé avant midi. Les recettes de la dernière édition ? 800 exemplaires à cinq pence pièce, vendus huit pence chacun moins les gages de vendeurs, ça devrait faire… 11 livres et deux shillings en tout. Ma maîtresse en souhaite dix tout ronds. Vous gardez le reliquat pour votre rapidité. Ce genre de retard sera plus fréquent en raison de circonstances imprévues. Par conséquent, c'est vraiment une aubaine.
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Lady Whistledown : Rien ne vaut le doux et merveilleux parfum du succès. Mais pour qui a assisté aux festivités de la nuit dernière, il est clair que la saison ne sentira pas aussi bon pour tout le monde. La propre mère du vicomte Bridgerton a beau avoir clamé haut et fort les nobles intentions de mariage de son fils aîné, je ne peux pas être la seule à me demander si cet ancien débauché avec un D majuscule est réellement prêt à se ranger. Peut-être le vicomte, comme nous tous, attend-il simplement que la reine se décide enfin à désigner son diamant ? À moins que votre dévouée chroniqueuse ne doive elle-même prendre les choses en main.
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Charlotte : Je ne me laisserai pas exhorter à établir ma sélection, par personne.
Brimsley : Bien sûr, Votre Majesté.
Charlotte : Emportez cela. Et apportez-moi une liste de la noblesse.
Le marquis d'Ashdown, venu rendre visite à Eloïse, est assis, gêné, dans un coin du sofa. Dans l’autre coin, Eloïse montre qu’elle s’ennuie. Au milieu du salon, Hyacinthe et Gregory jouent aux billes.
Violet : Une tasse de thé, monsieur ?
Eloïse : Il préférerait sans doute un peu de lait chaud.
Ashdown : Ce sont des billes ? C'est si amusant.
Eloïse : Maintenant, puis-je aller lire ?
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… Néanmoins, au vu des nombreuses fleurs de serre prétendument bien nées et bien élevées exposées cette année, votre chroniqueuse se doit de se demander si un choix un peu plus surprenant ne pourrait pas être encore disponible …
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Un prétendant : La cadette conviendrait si l'aînée ne se mettait pas en travers. La sœur est épouvantable.
Lady Danbury : Pas sur mon fauteuil !
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… Quelle que soit la gracieuse demoiselle qui recevra un si grand honneur, espérons que sera disponible un prétendant doté de l'esprit le plus vif, faute de quoi ses considérations arides laisseront la jeune fille se flétrir telle une rose assoiffée.
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Finch : C'est très adroit, cette façon de dénigrer avec des métaphores florales.
Pénélope : Adroit, en effet.
Portia : Les chandeliers, voyez ce qu'ils valent.
Madame Varley : Bien, madame.
Violet : Lady Goring a beaucoup aimé la robe qu'Éloïse portait hier soir, madame Delacroix. Elle n'a cessé de répéter qu'elle lui allait parfaitement au teint. Et elle a ajouté que vous lui rappeliez Daphné.
Eloïse : Je ne suis pas Daphné.
Violet : C'est celui-ci.
Geneviève : Avec plaisir, lady Bridgerton.
Violet : Vous êtes consciente, Eloïse, que vous pourriez apprécier le prochain bal si vous dansiez avec un de ces messieurs. Faire des rencontres ça peut être grisant.
Eloïse : Oui, Anthony a eu l'air de passer une soirée grisante effectivement. Emporté dans un tourbillon de danseuses au pied léger n’est-ce pas.
Anthony : Je sens encore à peine mes orteils. Je croyais que les jeunes filles apprenaient à danser.
Eloïse : Et je croyais les hommes capables de conversation digne d'intérêt. Nos espoirs ont été cruellement déçus.
Hyacinthe : Je trouve qu'Éloïse fera un merveilleux diamant.
Violet : Je suis tout à fait d'accord, Hyacinthe. Sa Majesté pourrait s'en rendre compte lors de son bal demain soir.
Eloïse : Je te méprise.
Benedict : Madame Delacroix. J'ignorais que vous étiez de retour.
Geneviève : Il le fallait. Qui d'autre aurait vêtu les délicates débutantes pour la saison ?
Benedict : Dois-je comprendre que je vous verrai ce soir ? Il y a une fête, m'a-t-on dit.
Geneviève : J'ai beaucoup de travail qui m'attend, M. Bridgerton. Et mon art doit bien sûr passer avant tout le reste. Bonne soirée à vous.
Anthony : Benedict. La modiste et toi, on dirait que ça a l'air de repartir ?
Benedict : Apparemment non. As-tu trouvé ta future femme ? Ou comptes-tu offenser toutes les jeunes filles jusqu’à la dernière ? Mère est au courant ?
Violet : Au courant de quoi ?
Anthony : J'ai rendez-vous avec le notaire. Amuse-toi bien avec tes jolis dessins.
Violet : Anthony ? Il y avait de charmantes jeunes filles présentes hier soir, n'est-ce pas ? Lady Delilah a des manières parfaites, et je sais que miss Goodrum est une brodeuse accomplie. Peut-être aurons-nous la chance de mieux les connaître.
Anthony : Lady Delilah peine à faire une phrase tant elle est nerveuse et miss Goodrum pensait que Napoléon combattait pour les Espagnols. Quant aux autres écervelées, que vous avez poussé dans ma direction, j'aurai plaisir à très vite les oublier.
Violet : Anthony.
Anthony : J'exige la perfection, mère. Et vous le devriez aussi. La femme que j'épouserai sera la vicomtesse Bridgerton. La maîtresse de cette maison, elle aura la responsabilité de lancer mes sœurs et de porter mes enfants. Tenez-vous vraiment à ce qu'ils soient élevés par une femme qui ne saura même pas tenir une carte dans le bon sens ? Tel est le devoir dont je dois m’acquitter.
Violet : Vous finirez forcément seul avec de telles attentes.
Anthony : Au revoir, mère.
Pénélope range l’argent qu’elle a gagné sous une lame de parquet. Elle entend Prudence chanter, elle se dépêche de tout remettre en place et s’assoit sur un fauteuil. Prudence entre.
Prudence : Pourquoi est-ce aussi silencieux ici ?
Pénélope : Parce que je suis seule. En train de lire, comme d'habitude.
Prudence : Tu n'es vraiment pas drôle. Je serai absolument putréfiée si Philippa réussit à épouser Finch.
Pénélope : "Pétrifiée." Le mot, c'est "pétrifiée".
Prudence : Qu'est-ce que c'est ?
Pénélope : Quoi donc ?
Prudence : Ce que tu écris.
Pénélope : Je ne suis pas en train d'écrire.
Prudence : Mais tu l'étais.
Pénélope : Prudence. Non, rends-moi ça !
Prudence : Espèce de vilaine ! Petite cachotière ! C'est à ça que tu t'occupes dans le silence de ta chambre.
Portia : Mesdemoiselles, qu'est-ce que vous faites encore debout ?
Prudence : Pénélope écrivait à Colin Bridgerton.
Portia : Voilà qui explique ses doigts tout tachés d'encre. Sérieusement, Pénélope.
Pénélope : Colin est mon ami !
Prudence : Comme s'il allait s'embêter à gâcher de l'encre pour quelqu'un comme toi.
Portia : Ils valent combien ?
Pénélope : Quoi ?
Portia : Vos livres. Les livres peuvent avoir de la valeur, non ?
Pénélope : J'en doute fort, maman.
Portia : Dommage. Vous devez cesser de perdre un temps précieux en activité aussi vaine que d'écrire des lettres ridicules. Colin Bridgerton n'est pas plus votre ami que je ne suis la prochaine Catherine la Grande. Et lavez-vous les mains, qu'on ne vous prenne pas pour une roturière.
Chez Lady Danbury
Un valet : Madame ! Une lettre pour vous.
Lady Danbury se rend dans la chambre de Kate Sharma.
Lady Danbury : Votre thé est en train de refroidir. Contrairement à mes chevaux. Vous comptiez vous offrir une autre escapade demain matin ? Je suis au courant de tout ce qui se passe chez moi. Et dans la mesure où vous persistez à faire les choses en cachette, j'aime autant nous épargner cette peine. Une missive de vos grands-parents, les Sheffield. Je leur ai écrit avant votre arrivée.
Kate : Ces gens ne sont pas mes grands-parents, lady Danbury. Je n'ai aucun lien de parenté avec eux.
Lady Danbury : À ce qu'il semble, vous n'avez pas été tout à fait franche avec moi.
Kate : Je me rends compte que je n'aurais pas dû faire cette sortie matinale sans chaperon.
Lady Danbury : Et votre mission, quant à la véritable raison pour laquelle vous êtes venue à Londres avec votre sœur. Je suis beaucoup plus préoccupée par cela.
Kate : Nous sommes venues trouver un mari à Edwina.
Lady Danbury : Et c'est tout ? Vous seriez sage de réfléchir avant de recourir à d’autres mensonges et demi-vérités, miss Sharma. Rares sont ceux qui tentent de me tromper. Et encore plus rares ceux qui y parviennent. Vous vivez sous mon toit, sous ma protection. Vous comptez sur ma réputation, mes relations, ma fortune. J'ai répondu de vous et de votre sœur devant Sa Majesté la reine. Tout ça parce que… je croyais faire preuve de gentillesse envers une très vieille amie.
Kate : Nous vous en sommes infiniment reconnaissantes.
Lady Danbury : Votre défunt père manque à votre mère, naturellement. Mais elle n'a jamais véritablement voulu revenir ici, n'est-ce pas ? Vous, oui ? Cela ne m’intéresse pas d'être utilisée comme un pion dans le jeu d'une autre.
Kate : Ce n'est pas ce que je fais.
Lady Danbury : Alors dites-moi quelle condition les Sheffield ont apparemment posée concernant celui qu'Edwina épousera. Des conditions qui, si elles sont respectées, garantiront, je le devine, une immense fortune pour vous et votre famille.
Kate : Edwina doit épouser un Anglais possédant un titre.
Lady Danbury : Ils n'ont eu aucun contrôle sur le mariage de votre mère, alors ils espèrent s'ingérer dans celui de votre sœur.
Kate : Oui. Ils n'ont jamais accepté que mon père n'ait aucun rang, aucun titre. Mais je vous l'assure, Lady Danbury, je ne suis pas ici pour des raisons égoïstes. Après la mort de mon père, mère et moi avons fait de notre mieux pour élever et éduquer Edwina sans qu'elle ne sache jamais rien de nos difficultés. Mais nos fonds s'amenuisaient, tout ce qui nous restait est passé dans ce voyage. Les Sheffield ont accepté d'octroyer une dot relativement conséquente à ma sœur, et de veiller sur ma mère. Mais uniquement si Edwina se marie convenablement.
Lady Danbury : Et qu'en est-il de vous ?
Kate : Si je pouvais me marier dans l'intérêt de ma famille, je le ferais. Mais je ne suis pas née du ventre de ma mère, contrairement à Edwina. J'ai passé ces huit dernières années à apprendre à ma sœur à marcher correctement, à converser correctement, à jouer du pianoforte, et ainsi de suite. Lui inculquant deux fois plus et la regardant travailler deux fois plus que qui que ce soit d’autre. Je lui ai même appris à faire cette pitoyable excuse pour le thé que les anglais adorent tant. J'abhorre le thé anglais. Mais si c'est le prix à payer pour que ma sœur ne soit pas laissée sans ressources, je sourirai aimablement et hocherai poliment la tête après chaque gorgée avalée pour être exaucée.
Lady Danbury : Votre sœur a le droit de savoir. Vous l'avez dit, il s'agit de son avenir.
Kate : C'est justement pour ça que je la protège. Parce que je la connais. Si elle était prévenue des conditions demandées, elle se marierait vite uniquement pour nous contenter. Elle dirait oui au premier qui lui demanderait sa main. Edwina a le droit de trouver l'amour sans avoir un tel fardeau à porter. Vous devez ne le dire à personne.
Lady Danbury : Hmm.
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Façonné sous la pression, désiré par beaucoup, mais possédé uniquement par quelques rares privilégiés, il n'existe rien sur Terre d'aussi convoité qu'un diamant. Se pourrait-il que notre reine mette enfin un terme aux spéculations fébriles en décernant ce soir le plus grand des honneurs à une jeune fille des plus fortunées ? Devant tant d'avenirs en jeu, je devine que votre chroniqueuse n'est pas la seule à retenir son souffle.
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Au bal de la reine.
Charlotte : J'espère vivement que vous trouvez chaque chose à Londres à votre convenance, lady Mary.
Mary : Tout à fait, Votre Majesté. Davantage que la dernière fois, du moins.
Lady Danbury : Peut-être votre mère souhaiterait-elle un rafraîchissement, miss Sharma.
Il me semble que lady Mary mériterait un peu de reconnaissance, madame. C'est certainement un signe d'authentique déférence de sa part que d'avoir cherché à présenter ses filles sous l'œil éclairé de Votre Majesté, après tout. La cadette, en particulier, fera certainement, à mon avis, un mariage qui suscitera l'envie de toute la haute société.
Charlotte : Pourquoi ai-je le sentiment que vous me manipulez, lady Danbury ?
Lady Danbury : Vous avez dit vouloir secouer un peu cette saison. Voici votre chance.
Benedict : Y en a-t-il une ici que tu n'aies pas encore rejetée ?
Anthony : C'est toi, l'artiste. Vois-tu quoi que ce soit d'inspirant ici ? Nous aurons notre diamant ce soir, et j'aurai ma femme.
Charlotte : Lady Bridgerton. Miss Bridgerton. Il est regrettable que votre présentation à la cour ait été grossièrement interrompue.
Eloïse : Regrettable, en effet.
Charlotte : J'avais presque oublié que vous faisiez vos débuts cette saison. Après le triomphe de votre sœur aînée la saison passée. Peut être la bonne fortune est-elle un trait de famille ?
Eloïse : C'est un merveilleux bal, Votre Majesté. Qui brille comme un diamant ! Quoique personnellement, je sois plutôt émeraude.
Charlotte : Oh là là. Mon collier favori est un collier d'émeraude. Comme c'est délicat à vous d'y faire allusion. Il semble bien que vous ayez beaucoup progressé depuis l'année dernière, miss Bridgerton.
Eloïse : Excusez-moi.
Benedict : Si la reine choisit Éloïse pour être son diamant, qui épouseras-tu, mon frère ?
Anthony : Tais-toi.
Eloïse : Pénélope ! Pénélope ! Nous devons partir. La reine... Je suis, je ne sais comment, parvenue à la charmer. Il semblerait que je lui plaise.
Pénélope : Il faut que vous vous calmiez.
Cressida : Éloïse Bridgerton. Le diamant. Vous devriez cesser de passer vos soirées avec des filles insipides qui font tapisserie et songer à parfaire votre cercle d'amies. J'ai peut-être une place pour vous.
Eloïse : Je préfèrerais mourir. Que vous ayez déjà supporté une saison entière de soirées absurdes en compagnie de gens comme Cressida Cooper, ça me dépasse. Ce n’est pas seulement elle. C’est tout le monde. Ils me regardent comme si j’étais une théière en porcelaine. Comment avez-vous fait, toute seule ?
Pénélope : Je ne partage pas vos difficultés. Je suis une fille insipide qui fait tapisserie.
Eloïse : Non, ce n’est pas… Cressida est irritée que même sa robe neuve ne puisse cacher son caractère.
Pénélope : Ce n'est pas si mal, vous savez. De faire tapisserie.
Eloïse : Hmm.
Pénélope : J'ai toujours le premier verre de citronnade. Je sais mieux que quiconque qui sont les meilleurs danseurs. Je suis capable d'évaluer le sérieux d'un prétendant à sa façon de regarder une jeune fille danser avec un autre. Je peux même surprendre ce que les valets de pied se disent en secret.
Eloïse : Quelle vilaine petite cachotière. Je crois bien que vous êtes démasquée. Vous adorez toutes ces simagrées.
Pénélope : Ça peut être amusant. Je sais que votre estime pour elle est un peu écornée, mais lady Whistledown reste une source d'amusement, non ?
Eloïse : Ce n’est pas que je l'estime moins. Quand elle s’est tue, j'ai cru qu'elle me manquerait. Que sans elle, le monde n'aurait plus de sens… mais elle est revenue maintenant avec toujours les mêmes ragots. Ça ne fait que me rappeler combien je suis piégée. Je sens le regard des gens sur moi à chaque fois que j'entre dans la salle de bal, je sais bien qu’ils me comparent à Daphné. Elle était un diamant si resplendissant et ça rendait ma mère si heureuse. Je ne lui arriverai jamais à la cheville. Et à vrai dire je n'y tiens pas, mais ce n'est pas facile de savoir qu'on déçoit constamment les gens simplement en entrant dans une pièce.
Pénélope : Je n'y avais jamais songé comme ça. Personne ne fait attention à moi. C'est ce qui me plaît, je crois. Quand on est invisible, on peut avoir tout l'amusement qu'on veut sans devoir se conformer aux attentes impliquées par le succès. Ça vous libère.
Eloïse : Vous croyez que c'est pour ça que Whistledown reste anonyme ?
Pénélope : Ça se pourrait.
Eloïse : Et que c’est pour ça que Cressida est si cruelle ?
Pénélope : Non. Je crois juste que son chignon est trop serré.
Charlotte : Votre présence a été dûment notée et votre reine apprécie grandement ce qu'elle a vu. J'ai le grand honneur maintenant de vous présenter le diamant de la saison. Miss Edwina Sharma.
Benedict : Tu la regardes comme je regarde un tableau terminé.
Anthony : Tout homme a besoin d'une muse, non ?
Charlotte : Vicomte Bridgerton. Avez-vous déjà rencontré ma nouvelle incomparable ?
Anthony : Je vous remercie pour les présentations, Votre Majesté. J'espère seulement me voir accorder le plaisir d'une danse.
Kate : Je suppose que je devrais vous remercier.
Lady Danbury : Mon enfant, il est bien trop tôt pour cela. Vous devez savoir que le vrai travail commence maintenant.
Kate : Certes. Il y aura un bourbier à traverser avant de marier ma sœur, à n'en pas douter. À ce propos, où est-elle ?
Anthony : Pardonnez mon indiscrétion, mais quels sont vos sentiments sur les enfants ?
Edwina : En dehors du fait que je désire en avoir ? Quel que soit le nombre que j'aurai monsieur, je m'estimerai heureuse. Conjointement avec mon mari, nous tracerons la meilleure route à suivre.
Anthony : Comme c'est raisonnable. Jouez-vous d'un instrument de musique ?
Edwina : De plusieurs, en fait. Mais en grande partie, mon éducation a été occupée par des sujets plus sérieux. Langues modernes, littérature classique. J'adore lire.
Anthony : Vous ne semblez pas déconcertée par cet interrogatoire.
Edwina : Pourquoi le serais-je ? Un homme qui sait ce qu'il veut est des plus admirables.
Anthony : Votre père est-il présent ? J'aimerais lui parler.
Edwina : Hélas, il est mort il y a des années.
Anthony : Je suis désolé. Le mien également.
Edwina : Mais vous pourriez parler à ma sœur. C'est sa bénédiction qui nous sera nécessaire, si … Oh, la voilà justement ! Kate.
Lady Danbury : Lord Bridgerton. Je vois que vous avez rencontré miss Edwina. Voici sa…
Anthony : Sa sœur.
Kate : Miss Sharma, monsieur.
Edwina : Le vicomte Bridgerton est vraiment un excellent danseur. Peut-être pourriez-vous m'enseigner une ou deux choses monsieur ?
Kate : Edwina, veux-tu me rejoindre au boudoir ?
Edwina : Y a-t-il un problème, Didi ?
Kate : Je t'interdis de t'approcher de cet homme. Est-ce que c’est clair ?
Violet : C'est un ravissant diamant, cher fils.
Anthony : Oui. C'est elle que j'épouserai.
Kate : Il y a certaines choses que je dois porter à ta connaissance.
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... Couleur, transparence, carat, taille. Au terme d'une longue attente, la reine a désigné sa pierre la plus précieuse...
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Portia : Qu'est-ce que c'est que tout ça ?
Madame Varley : Madame ! Il est là. Le nouveau lord Featherington.
Jack Featherington : Lady Featherington. Cela fonctionne si on n'est pas mariés ? C'est assez étrange.
Philippa : Je croyais que l'héritier était vieux.
Prudence : Je croyais que l'héritier était laid.
Portia : Mesdemoiselles.
Jack Featherington : Ce n'est rien, vous songiez probablement à mon père. Je ne le prends pas mal. Il était laid. Et très vieux. Tellement vieux que … Bon, il est mort. Toutes mes excuses pour mon arrivée tardive. J'arrive directement d'Amérique. Mais soyez rassurées, j'ai déjà réglé certaines choses. Philippa. Ce doit être vous. Votre dot à ce brave M. Finch est payée. Les livres de comptes vont m’être envoyés. Et j'ai aussi pris la liberté de faire enlever vos affaires de votre chambre, lady Featherington. Oui, ça reste étrange.
Portia : Vous avez fait enlever mes affaires ?
Jack : Oui, je vais occuper ces pièces, maintenant que je suis chez moi. Vous le comprenez, non ?
Pénélope : Vous l'aviez bien dit, maman. Le nouveau lord Featherington pourvoira à nos besoins
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Même si votre chroniqueuse considère miss Edwina Sharma comme une jeune fille exceptionnelle, il est largement temps que je réserve ces pages à un tout autre usage. Que je parte dans une autre direction. L'habitude de nommer un diamant n'est-elle pas, disons-le, un peu ridicule ? Une femme ne devrait-elle pas être appréciée pour davantage que ses talents de danseuse ou son comportement ? Ne devrions-nous pas plutôt l'estimer pour sa sincérité, son caractère, ses véritables accomplissements ?
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Violet : Qu'en pensez-vous, Éloïse ?
Eloïse : J'adore.
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...Si la reine consentait à renoncer à cette absurdité, à savoir le diamant, peut-être verrions-nous tous qu'une femme peut être tellement plus que cela...
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Brimsley : Qu'y a-t-il, Votre Majesté ?
Charlotte : Edwina Sharma. Mon diamant. Il semble qu'elle devra faire davantage pour moi cette saison que simplement briller.
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À LA MÉMOIRE DE MARC PILCHER