HypnoFanfics

Interdit aux moins de 18 ans

Coeurs enneigés

Série : Castle
Création : 02.01.2014 à 18h11
Auteur : cathy24 
Statut : Terminée

« Quelque part en milieu de saison 6 » cathy24 

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1ER CHAPITRE

Comme en écho à sa vie bouleversée depuis l’accident, le temps avait décidé depuis trois jours de consteller le ciel de millions de flocons habillant toute la ville d’un manteau blanc et perturbant le quotidien des habitants. Il faisait froid sur New-York comme il faisait froid dans son cœur. L’homme n’avait pris que quelques maigres heures de sommeil durant cette période. Il avait les traits creusés, le regard éteint, la barbe naissante assombrissant son visage et la démarche pesante d’un zombie. Il avait erré longtemps, très longtemps au hasard, sans destination précise lorsqu’il se retrouva devant Central Park. Il resta insensible à la beauté de cette étendue blanchâtre qui dans le jour naissant, agressait cependant par sa  luminosité laiteuse ses yeux fatigués. Il s’enfonça cependant sous les premiers arbres dérangeant involontairement quelques oiseaux qui picoraient dans la neige les quelques restes chétifs de graines essaimées la veille par des promeneurs. 

Il traînait les pieds plus qu’il ne marchait et quelques racines dissimulées par l’épais tapis cotonneux étaient autant de pièges à sa progression hésitante. Le col du manteau juste relevé, il ne cherchait nullement à se protéger des flocons qui saupoudraient sa tête et offraient un aperçu de  ce à quoi il ressemblerait des années plus tard quand ses cheveux auraient blanchis. Ses cils étaient mouillés de neige qui alourdissait ses paupières. Le vent soufflait,  gelant l’extrémité de ses oreilles et rougissant son nez parfois agité de reniflements. Mais il marchait, inlassablement, laissant des traces éphémères derrière lui, comme si la froidure de la température et le désagrément de la neige tombant sans discontinuer, n’arrivaient pas à le déranger.

L’heure était encore matinale et il ne croisa que de rares passants qui laissaient gambader leurs chiens quelques minutes avant de reprendre le chemin des cocons familiaux et de la douce chaleur qui y régnait. Il se moquait totalement des rares vagissements qu’étouffait imparfaitement la neige. Il avait suffisamment de chagrin qui l’assaillait pour faire obstacle à toute agression sonore. Et puis, un amas de neige tombant d’une branche surchargée, atterrit sur son pied droit. Cela eut pour conséquence de le sortir de sa torpeur. Il jeta un regard sur l’endroit où il se trouvait, ne comprenant pas comment il était arrivé ici, mais ne cherchant pas à obtenir de réponse. Et devant la pâleur du jour, il ressentit subitement toute la fatigue de cette dernière nuit blanche. Il avisa un banc plus loin, vêtu de neige. De quelques gestes amples de sa main gantée, il le dégagea et s’assit.

 

Un peu plus loin, dissimulée par le tronc d’un chêne centenaire, la jeune femme ne perdait pas une once des déplacements et des agissements de l’homme. Elle avait respecté son choix qui était de le laisser seul mais il était au dessus de ses forces de l’abandonner à sa tristesse sans pouvoir lui offrir son épaule dès qu’il s’effondrerait. Car elle ne doutait pas que ce moment viendrait. Car personne ne pouvait échapper à cette douleur sourde, tenace et implacable qui vous traversait dans ces moments-là. Car elle avait vécu encore plus abrupte et plus inexprimable souffrance bien des années auparavant. Elle pleurait au plus profond d’elle-même. Par une forme de transfert involontaire. Egalement parce qu’elle était désespérée qu’il l’ait repoussée pour vivre cela loin d’elle et sans elle.

 

Il avait posé ses avant-bras sur les cuisses et regardait les flocons recouvrir peu à peu l’extrémité de ses chaussures. Cette simple vision hypnotisait son regard fatigué. Il était à deux doigts de s’assoupir et il se demandait si s’étendre sur ce banc n’était pas la chose la plus évidente et logique qu’il devait faire. Laisser au mordant du froid la possibilité d’anesthésier sa peine. Juste quelques instants.

Quand l’individu vint s’asseoir à ses côtés, il lui fallut un peu de temps pour le réaliser. Il tourna lentement la tête vers celui-ci, sur la défensive, prêt à agresser ce perturbateur de sa douleur. Mais il le reconnut et bien qu’il soit la dernière personne qu’il s’attendait à trouver ici, il n’en éprouva aucune surprise. Comme si tout cela avait finalement une logique et que c’était bien la preuve de la véracité de ces derniers jours. Alors il reprit sa posture précédente.

- Comment va-t-elle ? demanda l’intrus.

Il lui fallut faire un effort immense pour articuler une pensée et encore plus pour répondre.

- Elle est toujours dans le coma.

- Que disent les médecins ?

- Qu’elle n’en sortira peut-être jamais.

 

La jeune femme observait les deux hommes côte à côte qui échangeaient de temps à autre une parole. Le nouveau venu était engoncé dans une grande veste de cuir dont la capuche descendait à hauteur des yeux. Cette physionomie ne rappela rien à la jeune femme, mais ces deux là apparemment  se connaissaient et il était aisé de lire une complicité entre eux. Quelque chose qui exhalait une entente au-delà des mots. Une vague de jalousie monta en elle parce qu’il était évident qu’il acceptait de cet étranger ce qu’il avait refusé d’elle. Elle esquissa un mouvement de retrait, comme une fuite pour ne pas sentir monter en elle plus d’acrimonie mais l’individu ôta la capuche qui le gênait, découvrant un visage d’une bonne soixantaine d’années, à la chevelure argentée, aux traits qui vrillaient dans la mémoire de la femme, à la recherche d’une résurgence d’une image déjà vue. Rejetant toute prudence élémentaire, faisant fi de sa cachette, elle ne pouvait s’empêcher de chercher encore et encore dans ses souvenirs ce que lui rappelait ce faciès. C’était diffus, comme une impression de nuances de beige, une vieille photo, un portrait ancien… Une image… Et là, elle sut. Un dessin ! Un dessin qui conduisit sa mémoire  à une ferme et à ce qu’ils y avaient découvert.

 

- On a retrouvé le chauffard ?

- Oui. Il sortait d’un bar et était totalement éméché.

- C’est vraiment un accident alors ?

 - Rien ne prouve le contraire.

 

Elle avait fait un léger détour pour approcher par l’arrière les doigts de la main droite crispés sur son Sig qu’elle tenait contre sa jambe droite. Elle avançait avec précaution parce que le danger était réel. Apparemment l’individu n’était en rien menaçant mais rien ne prouvait qu’il ne dissimulait pas une arme dans une de ses poches. Et si elle savait désormais de qui il s’agissait, elle ne pouvait qu’envisager qu’il était là dans un but précis : finir son travail. Elle redoutait que cela ne soit qu’une formalité, la cible était trop fragilisée psychologiquement pour esquisser la moindre défense. La jeune femme sentait les battements de son cœur s’emballer et plus les pulsations s’accéléraient plus elle devait tenter de les maîtriser et plus elle ralentissait son avancée. Elle n’était cependant qu’à quelques pas quand la voix de celui qu’elle surveillait s’adressa à elle :

- Je ne suis pas une menace.

L’homme plus jeune releva la tête, ne comprenant pas le sens de cette phrase. Il croisa le regard de celui qui était assis à ses côtés et se retournant à son invitation, il vit la jeune femme qui n’hésitait plus à pointer son arme.

- Mettez vos mains sur la tête et levez-vous lentement, enjoignit-t-elle à l’homme plus âgé.

- Je ne vous veux aucun mal, ni à vous et encore moins à lui, fit-il en commençant à se relever.

- Etes-vous armé ?

- Oui. Dans la poche droite de mon manteau.

 

L’homme plus jeune s’était redressé lui aussi et s’adressa à la jeune femme :

- Que fais-tu ?

- Eloigne-toi de lui.

- Il n’en n’est pas question.

- Il est là pour te tuer.

- Tu te trompes, Kate. Cet homme est mon père.

Le lieutenant Beckett assimila cette information et abaissa son arme malgré elle. Elle n’émit même pas la plus petite réserve sur ce que Castle venait de lui dire. Il y avait comme une évidence. Une incroyable évidence dont elle avait du mal à cerner tous les contours et les aboutissements. Elle réalisa que Castle l’avait tenu dans l’ignorance de ce père qu’il avait retrouvé. Ce père dont le fantôme avait resurgi subitement dans la vie de son fils suite aux propos échappés par Sophia Turner alors qu’elle s’apprêtait à lui loger une balle en pleine tête; ce père que Castle n’avait fait qu’aborder une seule fois,  juste après l’enquête; ce père auquel il n’avait jamais fait allusion depuis. 

Cette révélation lui fit mal. Terriblement mal. Si un réflexe de flic ne l’avait pas faite se raccrocher à son arme pour garder contenance et lui permettre de dresser un bouclier devant l’uppercut qu’elle venait de recevoir, elle se serait écroulée sous l’effet de cette douleur qui venait de s’emparer d’elle. Se raccrochant à sa fonction comme à une bouée de sauvetage, elle releva à nouveau son Sig.

- Vous êtes en état d’arrestation pour avoir torturé et tué sur le sol américain.

Rick tenta de s’interposer entre elle et son père.

- Tu ne peux pas faire ça.

- Pousse-toi, Castle.

Il voulut s’approcher d’elle mais elle fit un pas en arrière en se décalant pour garder l’individu dans sa ligne de mire.

- Vous allez prendre délicatement l’arme que vous avez dans votre poche et la jeter à mes pieds, rajouta-t-elle à l’intention du père de Rick. Et toi, fit-elle à destination de son compagnon, tu ne bouges plus.

Il n’avait apparemment pas l’intention d’obéir.

- Fiston, ne t’en mêle pas.

Castle hésita un instant et obtempéra finalement.

- Lieutenant Beckett, commença l’homme mis en joue, même si vous décidiez de me passer les menottes, elles seraient à peine à mes poignets que vous recevriez un appel vous ordonnant de me libérer sur le champ.

- Vous vous surestimez…

- …Jackson Hunt.

- Un faux nom, je suppose !

- C’est juste pour faciliter les présentations.

 

Beckett jeta un regard à Castle.

 

- Rick me connaît uniquement sous cette identité. Une mesure de protection indispensable. Ne me dites pas que vous n’en êtes pas consciente ?

La physionomie de la jeune femme exprimait clairement son incompréhension totale. Hunt se tourna vers son fils.

- Tu ne lui as rien dit, c’est cela ?

 

Deux minutes plus tard, les deux hommes s’éloignèrent laissant Kate totalement désemparée. Elle n’était pas parvenue à prendre une décision. Pour la première fois depuis qu’elle était flic, elle s’était laissée déborder par un flot d’émotions et avait reculé devant ce que son devoir impliquait.  Même choisir de protéger Bracken avait été une situation moins pénible à gérer parce que cela n’incluait qu’elle dans sa décision. Et là, elle avait choisi de ne pas choisir. Quand Castle l’avait mise au défi à travers ce regard dur qu’il lui lança, d’arrêter Jackson Hunt, elle flancha. Pas uniquement sous l’effet de son incapacité à agir mais plus  parce que Castle ne l’aidait pas, semblait insensible aux troubles qui l’assaillaient et paraissait se moquer totalement de ses états d’âme. C’était la première fois que Kate sentait Rick si loin d’elle, si  étranger à ce qu’elle pouvait ressentir, si prêt à en découdre avec force même, s’il le fallait.

 

Et elle avait reculé. Devant l’attitude de Rick.

 

Cela faisait trois jours déjà qu’il s’éloignait d’elle, trois jours qu’elle le voyait se fermer, trois jours qu’elle ne parvenait pas à l’atteindre et l’instant présent n’était qu’une sorte de conclusion à cette éviction progressive qu’il opérait à son encontre.

 

Les deux hommes avaient tous les deux les mains dans les poches et s’éloignaient d’un pas similaire. Elle les regarda disparaître peu à peu de son champ de vision et tomba assise sur le banc, les larmes en bordure des cils.


cathy24  (02.01.2014 à 18:12)

2EME CHAPITRE

Elle était frigorifiée en revenant au poste. Il lui fallut ingurgiter deux cafés avant de sentir ses extrémités se réchauffer peu à peu. Mais aucun breuvage ne pourrait faire fondre cette glace qui coulait dans ses veines : en une heure, Kate n’avait trouvé par huit fois que le répondeur de Rick. Il l’évitait, comment ne pas en être certaine ? Depuis trois nuits, elle n’avait su qu’il était venu se coucher que par le froissement des draps esquissant la forme de son corps à ses côtés. Quand il rentrait au loft, elle était déjà endormie alors qu’elle avait lutté pour l’attendre et au petit matin, sa chair la réveillait, en manque de n’avoir senti à un quelconque instant le contact de la peau, des doigts ou des lèvres de Rick.

 Une peine exprimée dans le mutisme le plus complet, des regards rivés sur un vague lointain, un refus total de l’impliquer, jamais encore Kate Beckett n’avait vu un tel comportement chez Rick Castle. Après le premier moment de panique total où il s’était accroché à elle, il était comme un coffre-fort possédant les plus sophistiquées des protections dont elle ne possédait pas la combinaison et dont elle ne savait comment tenter de le crocheter.

 

Perdue dans ses réflexions, elle n’entendit pas Gates arriver dans son dos. Elle ne réalisa sa présence que lorsque sa supérieure mit en marche la machine à café.

 - Des nouvelles ? S’enquit-elle.

 - Aucun changement.

 Gates opina en pinçant les lèvres exprimant ainsi toute sa compassion.

 - Puisque le dossier Romero est bouclé, je vous accorde votre journée si vous voulez aller retrouver Castle.

 - Je vous en remercie mais…

 Gates attendit une suite qui ne vint pas.

 - Je comprends. Cependant, si vous changez d’avis, il n’y a pas de problèmes pour moi, ajouta-elle avant de repartir sa tasse à la main.

 

Kate aurait voulu  courir auprès de Rick mais après la réaction de ce matin et cette découverte si étonnante, elle devait réfréner ce désir. Cette journée serait longue, très longue. Aucune enquête à résoudre, tous les rapports étaient prêts, les dépositions classées et la transmission à l’adjoint du procureur en cours. Elle risquait de tourner en rond de longues heures et redoutait de les voir s’égrainer trop lentement.

 Puis, elle sut ce qu’elle allait faire. Castle risquait de lui en vouloir s’il l’apprenait. Mais tant pis. Elle avait besoin de savoir.

 

 Quand il revint aux côtés de sa mère, Castle se sentait un peu moins seul mais tout aussi désemparé. Martha était la joie de vivre. La voir ainsi allongée sur ce lit depuis trois longues journées sans ouvrir les yeux, reliée à des monitorings divers mesurant tout changement de son état, une perfusion l’alimentant en permanence, il y avait là, une indécence profonde à décrire la nouvelle existence de cette femme qui incarnait aux yeux de son fils, la vie elle-même.

Il fit ce qu’il faisait depuis le moment où le chirurgien avait donné son accord pour qu’il puisse rester à ses côtés autant qu’il le voudrait : il approcha la chaise du lit. Avant de s’asseoir, il déposa, chose qu’il avait trop rarement faite depuis des années, un baiser sur ce front tiède, juste sous le pansement volumineux. Puis il s’assit et prit la main droite de sa mère entre les siennes. Ses doigts massaient lentement cette peau parcheminée qui se fripait sous l’effet de ce contact appuyé.

 

Les docteurs lui avaient dit que c’était bon de lui parler. Il le savait déjà. Seulement, les mots avaient un mal incroyable à sortir. Ils étaient tous, là, serrés en bloc dans sa poitrine mais ils ne parvenaient pas à franchir ses lèvres. Les pensées de réconfort, il aurait souhaité qu’il suffise de cette pression de ses doigts, de ce contact avec cette main qu’il enserrait entre les siennes, pour les lui transmettre. Si Martha avait été consciente, elle aurait eu cet infime sourire qu’elle arborait toujours quand elle lui faisait la remarque que pour un écrivain, il avait du mal à exprimer ses sentiments dans la vie dès que cela le touchait de près. Castle en eut les larmes aux yeux. Parce qu’elle avait raison. Il se sentait si égoïste et si inutile à la fois. Egoïste parce qu’il redoutait que ses larmes ne soient versées que sur sa peine. Inutile parce qu’il ne pouvait rien faire pour que sa mère revienne de cette zone indistincte où elle errait en cet instant. Il ressentait la nécessité de se faire pardonner. Pardonner de quoi ? Il ne saurait trop que dire. Mais il éprouvait ce besoin intense pour tout ce qu’il avait fait ou pas, dit ou pas à cette femme dont il mesura à quel point il était redevable. Alors, s’échappèrent de ses lèvres quatre petits mots qu’il lui avait dits la dernière fois  trois ans auparavant. Mais à l’époque, ce n’était  qu’un signal, un appel à l’aide qu’elle avait compris parce que justement, il n’était pas dans ses habitudes de lui parler ainsi. Aujourd’hui, c’était autre chose, il sentait comme une impérieuse nécessité de les formuler et il voulait dire enfin ce qu’il avait sur le cœur, même s’il mesurait l’absurdité de prononcer ces mots à quelqu’un qui ne pouvait pas lui répondre et peut-être même, pas en prendre conscience.

 - Je t’aime, mère.

 

Quand Ryan et Esposito étaient venus à sa hauteur, Beckett avait fermé la page qu’elle était en train de lire sur son ordinateur. Les Bros avaient perçu son geste mais avaient préféré ne pas le relever. Kate n’était pas qu’un supérieur qu’ils respectaient. Elle était aussi une amie, une sœur. Depuis quelques jours, ils sentaient qu’il n’y avait pas que la tristesse due à l’accident survenu à Martha, il y avait aussi une tension entre elle et Castle, mais ils l’estimaient beaucoup trop pour lui poser la moindre question. Ils feraient comme ils avaient toujours fait : ils attendraient. Le point important était qu’elle sache qu’elle pouvait compter sur eux. 

 Au fil des années, Castle était également devenu leur ami et tout ce qui le touchait, les touchait aussi. Il y avait eu au fur et à mesure des enquêtes menées en commun, une complicité qui s’était accrue. Les Bros avaient adoré ce trublion qui était venu mettre du piquant dans le 12th, d’autant plus que cela avait exaspéré Beckett dans un premier temps. Espo et Ryan avaient été les témoins d’un duel à fleurets pas toujours mouchetés entre les deux partenaires et avaient pris conscience plus rapidement que les protagonistes eux-mêmes,  de l’attirance qu’ils avaient l’un pour l’autre. Que Kate et Rick soient en couple, n’était que la conclusion de ce qu’ils avaient vu se dessiner peu à peu pendant quatre années. Et ils en étaient très heureux pour eux.

 Quand ils avaient appris pour l’accident de Martha, d’eux-mêmes, ils avaient entrepris de mener l’enquête. Castle n’avait rien dit et Beckett n’avait émis aucune réserve.

 - Nous allons pouvoir refermer le dossier, commença Esposito, des témoins ont confirmé avoir vu Silver boire plusieurs verres, seul, au comptoir.

 - Son avocat, compléta Ryan, lui a conseillé de plaider coupable et c’est ce qu’il va certainement faire.

 - Il va négocier sa peine et s’en sortir à bon compte, reprit Espo.

 - Comment vas-tu annoncer ça à Castle ?

 Kate émit un soupir prolongé.

 - Je ne sais pas. J’aviserais s’il me pose la question mais pour l’instant il semble avoir déjà pris son parti sur le fait que ce soit un accident.

 - Il est où actuellement ? S’enquit Esposito.

 - Il doit être retourné à l’hôpital.

 Les deux compères opinèrent simultanément et, comme Beckett semblait ne plus faire cas de leur présence, ils se décidèrent à repartir à leurs places respectives. Kate était plongée dans ses pensées et il était aisé de voir que cela s’agitait sous son crâne. Quand, quelques minutes plus tard, elle les rappela à ses côtés, ils n’en furent pas étonnés.

 - Vous allez rechercher tout ce que vous pourrez trouver sur ce Jack Silver : compte bancaire, famille, boulot, amis, études, fréquentations lors de ses sorties. Je veux que rien de sa vie ne nous échappe.

 - Quelque chose qui te paraît bizarre ? Demanda intrigué Esposito.

 - Non mais je veux pouvoir dire à Castle qu’on a tout épluché s’il me le demande.

 

Elle ne pouvait pas encore leur dire ce qui lui avait traversé l’esprit. Elle ne pouvait pas leur expliquer les doutes qui venaient de l’assaillir en faisant la corrélation entre Martha, Rick et Jackson Hunt.

 

Quand les deux détectives furent partis, Kate se replongea dans la lecture interrompue plus tôt de la page qu’elle ouvrit de nouveau sur son écran. Il s’agissait d’un article de journal français. Cela faisait pas mal d’années qu’elle ne pratiquait plus cette langue, mais elle l’avait suffisamment étudiée dans sa jeunesse et avait fait pas mal de voyages en France pour comprendre ce qu’elle lisait. Il était question de quatre corps trouvés abattus chacun d’une seule balle en plein cœur dans la forêt de Fontainebleau. Un carnage qui avait eu lieu à l’époque où Castle était parti sur les traces d’Alexis enlevée et détenue à Paris. Même si Kate connaissait les aptitudes de Rick au tir, là, selon l’article, il s’agissait d’un seul snipper qui avait touché ses cibles en quelques petites secondes, les victimes, armées elles-aussi, n’ayant apparemment pas eu le temps de riposter et elle voyait mal Rick réaliser ce carton plein.

A l’époque, elle s’était cantonnée aux explications fuyantes de Castle. Elle était toute à son soulagement de voir Alexis franchir de nouveau la porte du loft et elle n’avait pas voulu en savoir plus. Rick lui avait caché quelque chose, quelque chose d’important mais elle avait respecté son désir et n’avait pas cherché à comprendre. Mais là, il n’était plus question de cela. Martha avait été renversée et Jackson Hunt était apparu. Comme il était apparu, elle n’en n’avait plus aucun doute, lors de la disparition d’Alexis.  Si cet homme revenait, c’était certainement pour une raison importante. Il ne pouvait en être autrement. Et cette fois-ci, Kate ne voulait pas rester sur le bord de la route. 

 Elle avait encore du mal cependant à accepter : Jackson Hunt était le père de Castle. Ce père que Rick n’avait jamais connu, dont elle n’avait jamais su jusqu’à quel point cette absence et cette ignorance l’avaient affecté. Et voilà qu’il était apparu quelques mois plus tôt et elle n’en n’avait rien su. Pourquoi Rick ne lui avait-il rien dit ? Qui était ce père dont l’existence devait rester secrète ?

La réponse se trouvait quelque part dans cet article qu’elle lisait attentivement.

 

 Il y eut comme un froissement, proche, très proche et c’est cela qui fit sursauter Castle. Il s’était endormi la joue droite reposant inconfortablement sur ses mains qui n’avaient toujours pas lâché celle de Martha. Il se redressa trop vite et un élancement dans les côtes lui déclencha une grimace.  Il regarda autour de lui pour comprendre ce qui l’avait réveillé. Mais il n’y avait personne dans la pièce. Ce n’était peut-être finalement que son subconscient qui l’avait extirpé de son sommeil par ce stratagème et il en était heureux car il s’en voulait de s’être assoupi.

 Et puis, il vit que la porte était légèrement entrouverte, une mince ouverture qui ne pouvait permettre à personne de se glisser. Il se leva, l’ouvrit et passa dans le couloir. Le ballet habituel des médecins et infirmiers et de quelques visiteurs se déroulait sous ses yeux. Rien qui ne puisse lui indiquer si un quelconque membre du personnel soignant était venu dans la chambre. Le regard que lui jeta une femme d’âge mûr en le croisant, lui fit réaliser qu’il devait avoir une sale mine. Pas rasé, le visage blême aux traits creusés, la chemise et le pantalon froissés. Lui d’ordinaire si attentif à son aspect général, à l’impression qu’il voulait dégager, à être en adéquation avec son image d’écrivain célèbre, riche et adulé de ses fans, se moquait de l’impression déplorable qu’il dégageait à ce moment précis. Il n’était préoccupé que d’une unique chose : ingurgiter un café, même l’exécrable du distributeur de boissons, qui lui permettrait de rester éveillé au chevet de sa mère sans s’endormir pitoyablement une fois de plus.

 Il remonta le couloir sans empressement à peine dérangé par l’animation incessante. Mû par réflexe plus que par voyeurisme, il jetait des coups d’œil vers chaque chambre qu’il dépassait. Certaines portes étaient fermées, d’autres entrebâillées, d’autres encore grandes ouvertes. Il y avait là une part du tableau des malheurs et des peines du monde. Des personnes en pleurs auprès d’un proche en piteux état, d’autres apparemment soulagées entourant un patient en voie de guérison. Une maladie ou un accident avait mené des personnes diverses dans ces lieux qui les avaient rapprochés à leur corps défendant. Là, c’était un vieillard, ici une jeune femme et plus loin un enfant d’environ six ans. Cet hôpital n’était que douleur et c’était certainement pour cela que par décence, malgré l’agitation perpétuelle, les bruits semblaient feutrés, les déplacements effectués le plus possible en silence et les paroles chuchotées pour la plupart.

 Le distributeur se situait dans un renfoncement du couloir de l’étage. Castle fouilla dans ses poches pour trouver de la monnaie mais bien vite pesta en comprenant qu’il n’avait en tout et pour tout que vingt cents. La machine ne prenait aucun billet. Il s’apprêtait à faire demi-tour quand une main lui tendit deux pièces de vingt-cinq cents. Il releva la tête. Devant lui se tenait une infirmière qui tenait un dossier serré contra sa poitrine. Il hésitait à prendre ce qu’elle lui offrait.

- Je vous en prie, Monsieur Castle. Je ne suis pas certaine que dans votre état vous en ayez besoin, mais prenez donc ce café.

 - Comment pouvez-vous savoir que je ne veux pas d’une autre boisson ou d’un déca ?

 - Cela fait plus de deux jours que je sais que vous buvez  un café environ toutes les deux heures. Je ne vois pas pourquoi vous changeriez maintenant.

 Il ne répondit pas, récupéra les deux pièces et se fit couler la dose nécessaire à son maintien éveillé. Une fois le gobelet dans ses mains, il octroya un merci à la femme.

 - Je vous en prie. Mais vous faites peur. Vous devriez retourner chez vous, prendre une bonne douche, vous raser et vous reposer un peu.

 - Je rentre chez moi régulièrement.

 - Trois, quatre heures maximum à chaque fois ? Vous appelez ça « rentrer chez vous » ?

 - Je ne veux pas la quitter. Ou le moins possible.

 - Vous avez été très présent jusqu’à maintenant. Et si vous voulez être encore longtemps auprès d’elle sans vous écrouler, vous devriez vous ménager.

 - Je veux être là si son état s’aggrave.

 - Pour faire quoi ?

 - Je ne sais pas…

 L’infirmière posa sa main sur l’épaule de Castle.

 - Si son état empire, dites vous que ce ne sera pas de votre faute.  Et puis, nous avons vos coordonnées. De plus, rajouta-t-elle, elle peut aussi se réveiller.

 - Vous y croyez ?

 - Evidemment. Et quand elle reviendra, elle pourrait bien le regretter en vous voyant ainsi.

 Elle avait réussi à faire poindre un léger sourire sur les lèvres de Rick.

 - Merci, lui répéta-t-il.

 - De rien. Et si vous avez besoin de parler, n’hésitez pas à me demander. Je m’appelle Jane Austen.

 - Comme l’écrivain ?

 - Ma mère était une inconditionnelle. Cela n’a pas été facile à porter tous les jours surtout dans mon enfance mais je m’y suis habituée et finalement, je ne lui en veux plus de m’avoir affublée de ce prénom. Je dois vous quitter. Des malades à voir.

 - Bien sûr. Je vous rendrai votre argent.

 - Une dédicace et nous serons quittes.

 - Sur votre dossier, là ?

 Elle ouvrit la chemise et compulsa quelques éléments jetant un regard à une photo.

 - Il y a une histoire aussi dans ces papiers mais je préfère les vôtres. J’amènerais un de vos livres.

 - D’accord.

 

 Kate se retrouvait désormais avec un dossier comprenant une bonne dizaine d’articles de journaux. Tous en français. Tous relatant la tuerie de la forêt de Fontainebleau. Trois des victimes étaient russes, une seule était française et c’était sa voiture que l’assassin avait utilisée pour rentrer à Paris. Rien ne reliait directement Castle à cette affaire mais Kate sentait au plus profond d’elle-même que ce massacre survenu le lendemain de l’arrivée de Rick à Paris n’était pas le fait du hasard. Il avait du retrouver la piste des kidnappeurs de sa fille. Kate ne savait pas encore comment.  Mais une chose qu’elle connaissait de Rick, c’était qu’il avait des notions de français, qu’il avait voyagé plusieurs fois en France et à Paris. Frozen Heat était la preuve de ce qu’elle avançait. Si une partie de l’action de ce livre se déroulait à Paris, c’était parce que Rick connaissait parfaitement cette ville. Il avait du bénéficier d’aide localement. Laquelle, elle l’ignorait.

 Et ses réflexions l’amenèrent à une évidence. Comme pour chacun de ses livres, Castle faisait des recherches. Il se faisait une obligation de les faire lui-même, de ne les déléguer à personne d’autre. Les conséquences certainement de cet épisode Morgan où il avait, par tricherie, obtenu la note nécessaire à la poursuite de ses études ; cet épisode dont il espérait peut-être tourner un jour la page définitivement en étant sincère en tout point envers ses lecteurs. Et passer des journées entières à prendre des notes à la bibliothèque de New-York, à rencontrer des spécialistes faisaient certainement parti de ce deal secret. Donc, il avait du être en relation à un moment donné avec quelqu’un à Paris. Pour ce livre. Ou antérieurement encore dans des enquêtes de Derrick Storm.

 Il fallait qu’elle se penche sur les remerciements qu’il ne manquait jamais de mettre en fin d’ouvrage. Le nom de son contact y figurait peut-être.


cathy24  (03.01.2014 à 18:47)

3EME CHAPITRE

 

Il ralluma son portable qu’il avait éteint au premier appel de Kate. Il venait alors à peine de quitter Hunt. Il s’aperçut qu’elle avait tenté de le contacter sept autres fois. Et puis, plus rien en deux heures. Elle n’avait pas laissé de message. Il savait qu’il aurait du la rappeler mais c’était pour l’instant au dessus de ses forces.

Et puis, il avait vu le SMS qu’Alexis lui avait adressé. Son avion décollerait de Denver à l’heure initialement prévue. L’aéroport était de nouveau ouvert au trafic après deux jours d’indisponibilité suite à d’importantes chutes de neige. Castle regarda sa montre. Il réalisa qu’Alexis serait à JFK dans un peu plus d’une heure. Il revint dans la chambre, récupéra son manteau. Il embrassa sa mère sur le front et curieusement, les néons se mirent à grésiller. Castle voulut y voir comme un signe de Martha. Puis il ressortit.

 

Esposito et Ryan avaient le sentiment de bien avoir vérifié tous les éléments et même si au fond d’eux-mêmes, ils étaient persuadés que Martha avait été victime d’un accident, ils obtempérèrent aux ordres de Beckett sans rechigner. Ils comprenaient. Ils passèrent les heures suivantes à établir un dossier le plus complet possible sur toute la vie de Jack Silver. Il n’y avait rien de bien remarquable à dire sur cet homme. Issu d’un milieu modeste, il avait après des études quelconques et des petits boulots multiples, réussit à intégrer une société du câble et passait toutes ses journées en démarchage téléphonique. Pas un métier dans lequel on pouvait s’épanouir.

- Ouais, fit Ryan, il doit en entendre ! Les gens en ont assez d’être dérangés sans cesse pour s’entendre proposer de changer de compagnie d’assurances, de voitures, de compagnie d’électricité. Cela m’arrive d’être assez déplaisant avec ces vendeurs.

- Ils ne font que leur boulot.

- Je sais bien mais c’est insupportable d’être appelé plusieurs fois par jour.

Esposito opina.

- Bon, niveau famille, pas de frère et sœur. Il n’aurait plus qu’une mère en maison spécialisée : Alzheimer.

- Eh bien ! Quand on sait ce que ça coûte !

- Je vais demander qu’on nous transmette leurs comptes bancaires.

- A part ça ?

- Bah, il nous reste les voisins à interroger et ses collègues.

 

Kate avait épluché tous les remerciements. Cela faisait, au fil de toutes ces années, pas mal de monde. Mais aucun nom à consonance française. Il y avait cependant une initiale qui l’intrigua dans la postface d’une des aventures de Derrick Storm : G. Elle n’irait pas très loin avec juste cette consonne. Elle ne pouvait même pas être certaine d’ailleurs que c’était un commencement de piste. Elle en avait d’autres à approfondir. Elle pouvait contacter les journalistes qui avaient travaillé sur l’affaire. Mais ce qui l’intrigua, c’était que ce massacre n’avait été relaté qu’une seule fois dans les journaux. Les jours suivants, il n’en n’était plus question comme si plus personne ne s’intéressait à ces meurtres ou plus exactement, comme si une chape de plomb avait refermé le dossier.

Elle se laissa choir au fond du fauteuil. Elle aurait bien aimé demander à Rick si ces victimes avaient un lien avec l’enlèvement d’Alexis mais elle redoutait sa réaction. Il y avait cependant quelque chose qu’elle devait absolument savoir : comment avait-il fait la connaissance de son père ? Elle prit son portable et appela. Comme les fois précédentes, elle tomba sur la messagerie de Rick. Elle raccrocha et joignit l’hôpital. Elle demanda à ce qu’on lui passe Castle qui devait être dans la chambre de sa mère. L’infirmière de l’étage lui répondit qu’il était parti voilà une demi-heure chercher sa fille à l’aéroport.

Kate ressentait un poids sur sa poitrine. Combien de temps Castle allait-il refuser de lui parler ? Jusqu’où s’éloignerait-il d’elle ? Et quelles seraient les conséquences pour leur couple ?

Tant pis, elle était décidée à se battre, contre lui s’il le fallait. Elle ne regarderait pas leur couple se déliter peu à peu sans rien faire. Elle balaya les derniers arguments qui l’avaient freinée. Dans toute la documentation que Castle gardait toujours, ses recherches une fois achevées, elle trouverait peut-être à qui se rapportait cette initiale G. Elle avait facilement deux bonnes heures devant elle pour fouiller dans les archives de Rick.

 

Castle vit sa fille apparaître. Alors que c’était le plein hiver et que la neige tombait toujours sans discontinuer, elle avait mis des lunettes de soleil. Il imagina aisément qu’elles dissimulaient les paupières gonflées d’avoir pleuré. Quand Alexis aperçut son père, il n’y eut pas le sourire habituel qu’ils échangeaient lors de leurs retrouvailles. Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre et restèrent ainsi de longues minutes isolés du reste du monde par cette effusion. Quand ils parvinrent progressivement à se détacher l’un de l’autre, ils remontèrent le hall, sans un mot, n’ayant pas le courage pour elle, de poser la question qui pouvait faire basculer encore plus dans la désespérance et n’ayant pas la volonté pour lui, de donner des nouvelles dans le risque d’accroître leur angoisse mutuelle.

Castle donna l’adresse du loft au chauffeur de taxi.

- Je préfère aller la voir tout de suite.

- Si tu veux, ma puce.

Il indiqua le nom de l’hôpital et le véhicule s’enfonça dans la circulation ralentie par la neige.

- Je voulais te préparer un peu à ce que tu allais voir.

- Cela fait trois jours que je m’y prépare.

- D’accord.

- Comment va-t-elle ?

- Son état est stationnaire.

- Il a une chance de s’améliorer ?

- Tu sais, ta grand-mère n’est plus toute jeune…

- Elle ne va pas s’en sortir, c’est ça ?

- Selon les médecins, il y a peu de chances et si elle revenait à elle, elle pourrait avoir de graves séquelles et elle risque ne plus jamais être  celle que nous avons connue.

Le reste du voyage se fit en silence la main gauche d’Alexis dans la main droite de son père.

 

Les Bros s’étaient déplacés à la boîte Cable5 où exerçait Jack Silver. Devant eux, une vingtaine d’opérateurs dans des box réduits, casque téléphonique sur les oreilles, tentaient de persuader leurs interlocuteurs de s’abonner chez eux. Un brouhaha désagréable envahissait l’espace.

- Je préfère mille fois subir les répliques de Gates que d’être ici.

- Pareil, confirma Esposito.

Un grand type noir, aux muscles si proéminents qu’on pouvait croire que la veste qu’il portait allait craquer à tout moment, la boule à zéro, se positionna devant eux, jambes légèrement écartées. Un vrai cliché de vigile.

Kevin sortit son badge :

- Détective Ryan et voici le détective Esposito. Nous voudrions voir votre directeur.

Le gars sortit son portable et passa un coup de fil. Quelques secondes plus tard, les Bros furent menés à l’étage auprès de Peter Whisper. L’homme était blond, un blond très clair, limite albinos, il devait avoir dans les quarante, quarante cinq ans, de taille moyenne, svelte. Il accueillit les détectives, le sourire aux lèvres, leur tendant la main, sans aucune retenue et de façon très naturelle.

- Que me vaut votre visite ? demanda-t-il une fois que le vigile se fut retiré et d’un geste, il indiqua deux fauteuils à ses visiteurs qui s’assirent tandis que Whisper regagna sa place de l’autre côté du bureau.

- C’est au sujet d’un de vos employés : Jack Silver.

- Oui, je suis au courant. Je suis vraiment désolé pour la femme qui s’est faite renversée. Comment va-t-elle ?

- Elle est toujours dans le coma.

- Ah, je suis désolé ! répéta-t-il.

- Que pouvez-vous nous dire sur Silver ?

Whisper eut une moue.

- Oh, pas grand-chose. Il est très discret. Il arrivait chaque jour à dix heures du matin, travaillait jusqu’à vingt heures et repartait. Je le convoquais régulièrement pour lui fixer ses objectifs et nous ne parlions de rien d’autre.

- Quelqu’un avec qui il était plus lié ici ?

- Pas grand monde. Peut-être cependant, Sarah Granger.

- On souhaiterait lui parler.

- Bien sûr. Je vais vous faire conduire auprès d’elle.

 

Kate s’en voulait terriblement. Elle haïssait ce qu’elle faisait mais Rick ne lui laissait pas vraiment le choix. Ou peut-être était-ce elle qui ne savait pas comment appréhender cette douloureuse période qu’il vivait et ne lui laissait pas d’autre possibilité que de se refermer sur lui-même. Elle se voyait mal le prendre entre quatre yeux pour lui dire qu’elle cherchait à comprendre ce qui s’était passé à Paris, qui était vraiment Jackson Hunt. Pourquoi ne pouvait-elle s’empêcher de fouiller au lieu d’attendre que Rick ne s’ouvre à elle ?

Pour les mêmes raisons qui l’avaient totalement détruite lorsqu’elle courait après l’assassin de sa mère : cette absolue nécessité de savoir ; ce désir insatiable de vérité ; cette intransigeance avec le mensonge ; sa passion pour la justice.

Mais Rick, lui, n’était pas un adversaire. C’était l’épaule la plus fiable sur laquelle elle s’était jamais reposée. Et voilà qu’elle franchissait une frontière terriblement dangereuse.

Elle savait que le risque était grand qu’il lui en veuille au point que leur relation et leur projet de mariage capotent. Elle-même avait repoussé deux fois Castle quand il avait voulu aller trop loin pour la protéger du commanditaire de l’assassin de sa mère. Mais sans qu’elle s’en rende compte, cela l’avait progressivement guéri et elle n’abordait plus seule, désormais, ce moment douloureux de sa vie. Il était encore et toujours là pour elle quand il lui arrivait de rouvrir cette plaie ou de croiser l’ombre de Bracken.

Kate voulait faire la même chose pour Rick. Lui permettre de faite tomber son mur comme il avait fait tomber le sien. Mais elle ignorait tout de la réaction qu’il pourrait avoir.

 

Elle alluma la lumière. Décidée, elle ouvrit le premier placard niché sous la bibliothèque du bureau de Castle. Il y avait un monceau de documents mais le travail de perquisition de Kate était facilité par le classement méticuleux des dossiers. Ses doigts parcouraient rapidement les tranches. Sur le haut de la pile, il y avait deux chemises aux étiquettes imprimées, celles du dessous étaient manuscrites, forcément plus anciennes. Elle s’apprêtait à refermer la porte quand elle s’attarda malgré elle sur cette écriture à l’encre. Autant les autres documents paraissaient aseptisés par les caractères informatiques, autant dans la forme des voyelles et des consonnes que le stylo-plume avait tracée avec élégance, il lui sembla entrer en contact avec Rick. C’était lui dans ces quelques courbes et pointes. Elle retira délicatement la chemise et l’ouvrit avec précaution. Le papier n’avait pas encore cette teinte jaune des manuscrits anciens mais offrait quelques  signes de fatigue à l’œil devenu subitement ému de Kate. Elle passa sa main sur la page bleuie d’encre. Les lignes étaient soigneusement alignées les unes en dessous des autres dans une écriture droite et aisée à lire. Des ratures, des rajouts brisaient le parfait ordonnancement des lignes. 

Kate n’avait jamais vu que des exemplaires imprimés. Et là, devant le contact qu’elle devinait de la main de Rick glissant sur la feuille, une puissante émotion monta en elle. Elle s’assit sur le fauteuil proche pour s’imprégner tout son saoul de cette partie de Castle.

Jusqu’à présent, elle ne l’avait vu que pencher au-dessus de son ordinateur portable. Elle laissa son esprit se projeter des années en arrière et se voyait, ses bras entourant amoureusement le cou de son écrivain et respirant cette odeur âcre et envoûtante de l’encre mélangée au parfum ambré de la peau de Castle.  Elle approcha les feuillets de son visage et s’enivra à plein poumons d’une odeur qui n’existait plus mais qu’elle s’imagina sentir. Elle tourna précautionneusement les pages et son regard se laissa envoûter peu à peu par les liés et déliés, suivit le flot des mots, se laissa brinqueballer par les phrases. C’était comme si cette écriture manuscrite révélait un nouveau livre et Kate ne prit pas conscience qu’elle était captivée par une histoire qu’elle connaissait déjà mais qu’elle redécouvrait, de façon plus intime, dans les hésitations et les souffrances d’écriture de l’auteur.

 

Castle voyait tous les efforts que faisaient Alexis pour ne pas pleurer. Il aurait aimé la prendre dans ses bras pour lui permettre de se laisser aller mais la jeune femme d’un regard troublé par la formation de larmes, lui avait fait comprendre qu’elle n’avait pas besoin de lui. Elle s’était avancée et son premier geste fut de dégager le front de Martha d’une mèche rebelle échappée du pansement conséquent. Puis elle se pencha et l’embrassa sur les deux joues.

- Bonsoir, grand-mère.

Elle prit la main gauche de Martha et la regarda avant de tenter de la réchauffer au contact des siennes.

- Les manucures laissent à désirer ici. Ne t’inquiète pas, je vais remédier à ça. Demain j’amène ce qu’il faut et j’en profiterai pour te maquiller un peu.

Alexis se figea  en prenant conscience de l’image négative qu’elle renvoyait à sa grand-mère.

- Leur éclairage n’est pas à la hauteur, reprit-elle en tentant de rattraper sa phrase précédente. Ces néons blafards donneraient une teinte horrible à tous les tops modèles. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il faut absolument donner aux malades, l’air encore plus maladif !

Castle s’était mis en retrait. Il écoutait et regardait sa fille palabrer, s’agiter et par d’infimes gestes de la vie quotidienne, restituer une forme d’existence normale à sa mère. Ce qu’il ne parvenait pas à faire depuis trois jours. Elle donnait de la vitalité là où lui, n’avait exhalé que désespérance et douleur. Tous les propos d’Alexis n’avaient comme finalité que de donner à Martha une image positive d’elle-même malgré ce coma paralysant. Cette extraordinaire jeune femme qui se trouvait être sa fille, développait des monceaux de générosité à parler de ses vacances aux sports d’hiver, de ces personnes qu’elles avaient croisées et qu’elle dépeignait à travers un vocabulaire chatoyant et varié. Cela ressemblait à une de ces si nombreuses soirées au loft, soirées qui ne seraient plus désormais. L’avenir n’aurait plus jamais la même saveur que celle qu’il goûtait trois jours plus tôt encore. Il n’avait alors que des bonheurs en tête : la rédaction de son nouveau roman qui avançait bien et surtout les préparatifs de son mariage avec Kate. Tout cela n’avait plus trop de sens.

 

Ce fut la sonnerie de son portable qui sortit Beckett de sa lecture. Ce fut aussi désagréable que le radioréveil vous sortant d’un beau rêve. Elle prit le temps de fermer avec soin le manuscrit avant de répondre.

- Oui, Ryan ?

Elle écouta attentivement ce que le détective avait à lui dire avant de conclure :

- On en reparle demain au poste.

Elle raccrocha et sursauta en voyant qu’il était plus de dix-neuf heures


cathy24  (04.01.2014 à 19:21)

4EME CHAPITRE

 

Les Bros avaient décidé avant de rentrer chez eux, d’aller boire une bière. Habituellement, c’était leur rituel de fin d’enquête. Là, ce n’était pourtant pas tout à fait encore le cas. Quand Beckett leur avait demandé de fouiller davantage dans la vie de Jack Silver, ils ne s’attendaient pas à trouver grand-chose et effectivement, ils n’avaient rien déterré de probant. Pour eux, dès le lendemain, après deux ou trois petites vérifications, dès qu’ils auraient exposé leur bilan négatif, le dossier serait clos. Une banale affaire de conduite en état d’ébriété. Rien à ajouter.

Ils auraient du être satisfaits en se rendant compte que le chauffard n’avait pas attenté volontairement à la vie de Martha mais tout cela leur laissait cependant un goût amer dans la bouche. Il faudrait annoncer à Castle que sa mère n’avait fait que de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Et c’était la pire des explications. L’absurdité de l’existence. Il aurait suffi que son cours de théâtre s’achève une petite minute plus tard pour que Martha ne soit pas actuellement entre la vie et la mort.

Ils avaient été lui rendre visite la veille et le choc avait été grand de la voir inerte dans cette chambre. Ils avaient ressenti de la part de Castle comme une sorte de honte en lui, comme s’il était gêné qu’ils soient ainsi témoins de la déchéance de cette femme qui avait été si pétillante. Esposito et Ryan ne s’étaient pas attardés et s’étaient rapidement éclipsés ne voulant pas rajouter du malaise à la douleur de leur ami.

- Beckett a toujours su trouver les mots pour tenter de consoler les familles en leur promettant de rendre justice à la victime, mais là, réfléchissait Esposito, ce sera une des pires nouvelles qu’elle aura à annoncer et qui plus est, à son fiancé.

- Tu penses que cela va modifier leur projet ?

- Le plus horrible à dire est que cela dépendra de Martha.

Ryan opina en se pinçant les lèvres.

 

Elle frappa doucement à la porte avant d’entrer. Les visages se tournèrent vers elle. Celui de Rick resta impassible juste trahi par la lueur qui s’alluma dans son regard à la vue de Beckett franchissant le seuil. Celui d’Alexis s’emplit de tristesse et la jeune femme se précipita dans les bras de l’arrivante. Lâchement, Castle fut satisfait de n’être plus le seul à souffrir pour la peine de sa fille.  Il partageait cela maintenant avec Beckett et il savait qu’elle serait d’un secours bénéfique et attentionné. Il avait le désir de les entourer de ses bras mais il ressentait qu’Alexis avait besoin de cette étreinte féminine alors, il reprit sa place sur la chaise auprès de sa mère et laissa les deux femmes partager leurs effusions. Lui qui avait été très souvent le confident de sa fille, lui qui avait été tout pour elle dans son très jeune âge, lui qui avait été à la fois, père, frère, compagnon de jeu, ne prit pas ombrage de ce besoin des bras de Kate. Ce n’était pas la première fois qu’Alexis se confiait à Beckett.  Par contre, c’était la première fois pour un chagrin aussi immense. Il en trouva aussitôt un grand réconfort. Il avait déjà sa peine sur les épaules, son incapacité à gérer ces heures et ces jours sombres pour lui-même. Sentir que Beckett pourrait le suppléer et le remplacer auprès d’Alexis était la chose la plus rassurante vécue depuis trois jours.

- Kate, fit-il, se désolant de les déranger mais désirant aller jusqu’au bout du soutien que la femme de son cœur pouvait leur offrir, pourrais-tu conduire Alexis au loft et t’occuper d’elle ?

La réponse devrait attendre : la porte s’ouvrit et une infirmière entra.

- Je suis désolée de vous interrompre, s’excusa-t-elle, mais j’ai des soins à effectuer.

Castle reconnut Jane Austen et esquissa un infime sourire.

- De toute façon, elles allaient partir, répondit-il.

- Vous aussi, Monsieur Castle, vous devriez rentrer chez vous, fit-elle d’une voix sans complaisance mais un sourire aux lèvres.

- Non, je vais rester.

- Pas pendant les soins.

- J’attendrais dans le couloir.

Il y eut un regard échangé entre Beckett et Austen.

- Mesdames, rajouta-elle, vous pouvez partir, je vous promets de le mettre à la porte de cette chambre dans une heure.

- On t’attend pour manger, conclut Kate.

Elle savait qu’en mettant cette sorte de chantage affectif au-dessus de la tête d’Alexis, Rick obtempèrerait et qu’il les rejoindrait sous peu.

 

Il n’était pas aisé d’entamer ce genre de discussion mais dans le même temps, Beckett se disait qu’elle n’aurait pas de sitôt pareille opportunité pour aborder le sujet avec Alexis et que le confinement de la voiture créait une occasion rêvée. Elle attaqua sans aucune préparation.

- Que s’est-il réellement passé à Paris ?

- Pardon ? fit la jeune femme, étonnée par cette question directe.

- Je n’ai pas voulu connaître toute la vérité à l’époque, mais aujourd’hui, j’ai besoin de savoir.

- Tu penses que ce qui est arrivé à grand-mère a un lien avec ça ?

- J’espère profondément que ce n’est pas le cas parce que sinon, j’aurais moi aussi une part de responsabilité.

- Je ne comprends pas.

Kate prit une grande inspiration.

- A l’époque, ton père a été très évasif. Il a confirmé les dires des journaux : une histoire de rançon et ta libération grâce à l’aide conjuguée de la police française et d’Interpol. Si j’avais posé les questions, si j’avais obtenu toutes les réponses, j’aurais peut-être senti s’il y avait encore des risques.

- Ne me dis pas que c’est ce cauchemar qui recommence !

- Je ne suis certaine de rien parce que je n’ai pas tous les éléments.

- Pourquoi n’as-tu pas demandé à papa ?

- Parce que depuis l’accident, il s’est refermé sur lui-même, nous nous voyons à peine et il ne répond pas à mes appels.

Si tout cela était la suite de cette horrible aventure, nul doute que la détective culpabiliserait de n’avoir pas été plus insistante à l’époque. Alexis comprenait la situation dans laquelle se débattait Kate et elle ferma les yeux, souhaitant de toutes ses forces que Paris n’ait rien à voir avec le coma de Martha. Quand elle les rouvrit, elle n’eut pas la moindre appréhension à dire tout ce qu’elle savait.

- J’étais enfermée dans une grande cage où je pouvais tenir debout et m’allonger sans difficulté. Mes geôliers étaient russes, c’est la seule certitude que j’ai. J’étais retenue dans un grand hôtel bourgeois en centre-ville mais j’ignore l’adresse. Puis, j’ai vu deux hommes qui encadraient papa qui avait les yeux bandés. Quand je l’ai appelé, il s’est dégagé, a ôté son bandeau et a couru vers moi. J’étais rassurée et inquiète dans le même temps. Il avait traversé l’Atlantique pour venir me chercher et à cause de moi, il se trouvait aussi aux mains de ces hommes qui n’étaient pas des amateurs.

Elle fit une halte et revivre cette situation n’était pas chose aisée.

- Ensuite ?

Alexis prit une grande inspiration.

- Papa leur a proposé de faire un échange entre lui et moi, mais le chef a refusé. Après, c’est allé très vite.

- Raconte, tout ce dont tu te rappelles, dans le moindre détail.

- L’homme a récupéré une sorte de télécommande. Il parlait avec une personne au téléphone, sur haut-parleur. Il lui demandait de venir se livrer sinon papa mourrait et il l’a mis aussitôt en joue. Puis, il y eut une explosion. Papa a réussi à ouvrir la cage en se servant d’une montre piégée, je crois. Il m’a pris par la main et je l’ai suivi pendant qu’éclatait une violente fusillade. Nous sommes sortis de l’hôtel en courant et nous avons continué, sans nous arrêter un seul instant, de longues minutes dans les rues de Paris avant de nous engouffrer dans l’Ambassade. Un responsable nommé …Aldacott, il me semble, oui, Jim Aldacott nous a aidés.

- Celui que le russe avait au bout du fil, tu le connaissais ?

- Non.

- Pourtant, il devait tenir à ton père et à toi, pour que vous soyez une monnaie d’échange.

- Je présume, murmura Alexis avant de détourner la tête vers la droite.

Kate ne voulait pas que la jeune femme ait à lui mentir, elle lui offrit alors la possibilité de confirmer ce qu’elle voyait désormais du tableau.

- … Et cet homme était ton grand-père, c’est bien cela ? Le père de  Rick ?

Alexis opina.

 

Quand l’infirmière le poussa quasiment hors de la chambre, Castle se sentit coupable de partir mais soulagé que quelqu’un l’oblige à le faire. Il savait qu’il avait vraiment besoin de reprendre sa respiration et qu’une soirée au loft auprès de sa fille et de Kate lui procurerait le plus grand bien. Il referma doucement la porte de la chambre, comme s’il risquait de réveiller sa mère. Le couloir de l’hôpital était encore plus austère sans animation : il était presque vingt-deux heures. Un rapide coup d’œil et Castle aperçut un infirmier qui poussait un chariot débordant de traitements et de soins. Il y avait un enfant aussi, d’environ six, sept ans qui se tenait plus loin, sur le seuil d’une porte. Le jeune garçon pivota la tête et croisa le regard de Rick. Il ne devait pas avoir bonne opinion de ce qu’il voyait car, malgré le petit sourire que lui adressa Rick, le visage de l’enfant ne se dérida pas. L’écrivain tourna les talons et chercha  les escaliers. Au-dessus de la porte-battante, le néon du panneau indiquant la sortie grésilla. Castle descendit les marches d’un pas rapide.

La neige ne tombait plus mais une bise glaciale balayait les rues de New-York. Castle remonta son col et partit à la recherche d’un taxi. Il en héla un très aisément : le bon côté de ce temps hivernal, était que les avenues étaient presque totalement désertes la nuit. Vautré sur la banquette, il laissa sa tête basculer en arrière. Ses yeux se fermèrent et ne se rouvrirent que lorsque le chauffeur le réveilla.

- Vous êtes arrivé à destination, Monsieur.

Il tourna la clé dans la serrure et entra chez lui. La première chose qu’il vit et lui vrilla le cœur de reconnaissance, ce fut de voir Alexis et Kate préparant côte à côte le dîner. Elles échangeaient quelques paroles en toute complicité et Castle se plut à contempler ce charmant et reposant tableau. Si son trousseau n’était pas tombé, il aurait pu rester ainsi à les regarder de longues minutes encore.

- Eh papa ! Ce n’est pas encore tout à fait prêt.

- Castle, tu veux que je te serve un verre ?

- Tout à l’heure, peut-être. Je vais prendre une douche, je ne veux pas me mettre à table dans cet état.

En sortant de sous le jet d’eau qu’il avait fait durer de longues, très longues minutes, il avait enroulé une serviette autour de la taille. Il fit une grimace à la vision de son image que lui renvoya le grand miroir au-dessus des lavabos. Il agita le flacon  de mousse à raser, en récupéra une grande noisette au creux de sa main gauche et la répartit sur son visage. Se saisissant du rasoir, il commençait à faire glisser la lame quand Kate passa la tête à la porte.

- C’est prêt dans cinq minutes.

Il acquiesça et continua ce qu’il faisait. Beckett s’approcha de lui et ses mains remontèrent le long du  dos, passèrent sur les épaules et descendirent vers le torse.

- Assieds-toi, je vais le faire, fit-elle.

Il ne résista pas, s’installa sur la chaise et ferma les yeux. De doux frissons l’irradièrent quand  elle fit basculer sa tête vers l’arrière et commença par le cou dans une lente remontée. La lame émit ce léger crissement caractéristique au contact des poils durcis. Rick savoura cette soumission à chacun des gestes de Kate. Le pouce et l’index de la jeune femme se déplaçaient régulièrement, toujours avec la même délicatesse, toujours avec la même chaleur précédant de peu la froidure de la lame. Le rasoir s’attarda au niveau de la pomme d’Adam. Il sentait le souffle de la jeune femme caresser au fur et à mesure sa peau fraîchement rasée et c’était reposant et berçant. Elle passa au visage qu’elle manipula lentement, précautionneusement. Rick aurait pu s’endormir et sombrer dans un sommeil sans rêve tant une délicieuse torpeur s’emparait de toute sa personne. Pour la première fois en trois jours, il ne s’opposa pas à ce relâchement dont il avait le plus grand besoin. Kate fit pivoter la tête pour mieux dégager la patte, puis opéra la même manœuvre de l’autre côté.

Il y eut le léger cliquetis que fit le rasoir au contact du lavabo. Et il y eut ensuite la caresse de la main sur la peau douce qui précéda de peu un baiser sur la joue, un autre déposé sur la tempe, un troisième de l’autre côté, un quatrième plus appuyé sur l’autre joue. Et enfin, les lèvres de Kate effleurant les siennes. Il la laissa faire, espérant qu’elle profiterait de sa passivité pour descendre le long de son torse et défaire cette simple serviette aisément retirable. Il avait envie de s’abandonner dans une paresse voluptueuse où Kate mènerait entièrement la danse.  

La jeune femme se redressa.

- Habille-toi et viens reprendre des forces.

Il lui en voulut presque de ne pas avoir osé.

 

Le repas avait été aussi chaleureux que le permettait la situation chacun évitant de faire allusion à ce qu’ils avaient cependant tous en tête : l’état de Martha. Castle ne pouvait s’empêcher de se demander combien d’autres repas seraient nécessaires pour que des éclats de rire refassent leur apparition ? Combien de temps faudrait-il pour que leur existence à tous les trois reprenne un cours à peu près normal ?

Le dîner achevé et la cuisine rangée, Alexis se blottit un court instant dans les bras de Kate, un moment plus long et plus intense dans ceux de son père et grimpa l’escalier d’un pas bien moins léger qu’habituellement.

- Je vais me coucher, anticipa Castle à toute demande de Kate.

Elle le vit gagner la chambre. Elle prit un magasine, s’installa sur le canapé et commença de feuilleter mais sans vraiment s’attarder sur une quelconque page. Elle ne pouvait s’empêcher de penser aux informations qu’elle avait reçues d’Alexis et elle sentait la présence d’un danger rôdant encore autour de cette famille qu’elle aimait, autour de cette famille qui était déjà la sienne même si l’officialisation n’était prévue que dans quelques mois.

Qui était réellement Jackson Hunt ? Qu’avait-il fait pour déclencher des envies de vengeance ?

Kate devait absolument en savoir plus sinon, elle ne pourrait pas veiller et protéger Castle et Alexis. Elle déposa la revue sur la table basse et gagna à son tour la chambre.

Rick avait les yeux fermés, une respiration régulière. Kate se glissa à ses côtés. Il n’eut pas cet infime soupir qu’il émettait inconsciemment en dormant quand elle venait le retrouver. La jeune femme sut qu’il ne s’était pas assoupi. Elle colla son corps contre le dos de Rick.

- Je sais que tu ne dors pas. Il faut qu’on parle, c’est très important.

Il ignora totalement la requête de Kate. Il ne répondit pas, ne bougea pas. Elle se détacha de lui et alla prendre place de l’autre côté du lit.

- Ne t’étonne pas si je cherche par moi-même toutes les réponses que tu refuses de me donner, glissa-t-elle avant de tenter de trouver le sommeil.

 


cathy24  (05.01.2014 à 19:07)

5EME CHAPITRE

 

Comme à son habitude des derniers jours, Castle avait déjà quitté le loft avant que Kate ne se réveille. Il était pourtant à peine six heures du matin. Quand il arriva à l’hôpital, il commença par aller se chercher un café avant de revenir une fois encore, prendre sa place auprès de sa mère. Il réalisa à quel point la soirée d’hier soir avait été bénéfique en éprouvant le besoin d’en parler à Martha.

- Tu aurais aimé notre discussion. C’était chaleureux et tendrement délicat. Par contre… et il s’arrêta comme s’il ne se sentait pas pouvoir échanger sur ce sujet.

Effectivement il ne dormait pas quand Kate était venue le retrouver dans la chambre. Il ne savait pas comment, à quel indice,  mais il ne pouvait ignorer qu’elle le connaissait suffisamment pour déceler le fait qu’il faisait semblant de s’être assoupi. Et il avait refusé la discussion. Il se doutait qu’elle voulait lui parler de ce père dont il ne lui avait pas avoué l’existence. Il devinait quel choc avait du être le sien en découvrant cela, cette chose si intime qu’il n’avait pas voulu lui confier. Comme s’il avait voulu garder pour lui seul, cette rencontre inattendue. En égoïste. Pour ne pas être obligé de partager un père absent toute sa vie et qui ne devait et ne pouvait que lui appartenir.  Du moins dans un premier temps. Et puis, comment ne pas raviver certaines  blessures ?

Comme s’il n’y avait pas besoin de transition et que Martha comprenait forcément son ellipse, il reprit son monologue.

- Hier, je ne t’en  pas parlé mais il s’est assis à mes côtés.

Il fixa sa  mère, comme s’il s’attendait à la voir relever les paupières et lui jeter un  regard aussi ému et craintif que celui qu’elle lui avait octroyé à son retour de Paris quand il avait sorti le livre « Casino Royale » de l’enveloppe. Il n’avait jamais vu sa mère ainsi et son cœur s’était empli de tendresse et d’amour infini pour elle en la voyant subitement si fragilisée par l’émotion.

- Kate nous a surpris et depuis, je passe mon temps à éviter…

Les lumières se mirent toutes à crépiter en même temps dans une sorte de bourdonnement aigu avant de s’éteindre l’espace de deux, trois secondes puis de se remettre à briller normalement. Il y eut juste ce claquement sec dans le dos de Castle qui lui fit lever les yeux instantanément. Un néon venait de rendre l’âme définitivement.

Et la porte était encore entrouverte.

Castle se leva, sortit dans le couloir à la recherche de quelqu’un. Il était encore tellement tôt, qu’il n’y avait que le personnel soignant qui officiait dans les lieux. Soins, petits déjeuners. La journée commencée depuis quelques heures déjà suivait son cours habituel. Castle se dirigea vers le local des infirmiers. Un homme d’une cinquante d’années pianotait sur son clavier d’ordinateur.

- Excusez-moi !

L’infirmier ne cessa pas son travail.

- Oui ?

Castle n’avait pas le cœur à s’amuser mais c’était plus fort que lui :

- Il y a un mort.

L’infirmier leva brusquement la tête.

- Pardon ?

- Un néon, le rassura-t-il tout de suite.

- Vous vous trouvez drôle ? répondit l’individu d’un ton agacé.

- Excusez-moi, fit-il sincèrement.

- Ok. Quel est le problème ?

- L’éclairage est hésitant dans la chambre de ma mère.

- Ca l’est dans tout l’hôpital. C’est du au froid dehors. Les réseaux électriques sont trop sollicités et par moment, ça disjoncte. Mais ne vous inquiétez pas, les groupes électrogènes sont en parfait état de marche.

- D’accord. Il y a aussi la porte : elle ferme mal.

- Je vais le signaler. Autre chose ?

- Non, merci.

En faisant demi-tour, Castle se disait que le gars devait le prendre pour un imbécile et il n’aurait pas forcément tort. C’était le climat général du lieu qui ramollissait ses neurones. Il décida d’aller faire quelques pas dehors. Il récupéra son manteau et cette fois-ci prit l’ascenseur. Il allait sortir du bâtiment quand il faillit tomber en voulant éviter de heurter un enfant qu’il n’avait pas vu venir. Le temps de reprendre l’équilibre et l’enfant avait déjà disparu de son champ de vision. Castle le chercha du regard mais s’aperçut bien vite que c’était inutile. Ce n’est qu’une fois dans la rue, après avoir remonté son col de manteau, qu’il s’arrêta de nouveau. Etait-ce sa mémoire qui lui jouait des tours ou la fatigue qui lui créait des hallucinations, mais le visage de l’enfant lui rappelait  assez celui de la nuit dernière ?

Il haussa les épaules et entreprit de marcher dans les rues de New-York. Il se disait que peut-être il verrait réapparaître son père à un moment donné à ses côtés même s’il n’y croyait pas. Il n’avait aucune idée de leur prochaine rencontre et cela à la fois l’amenait aux portes du mystère et au bord de la frustration. Il savait qu’il lui fallait se contenter de ce peu que pouvait lui accorder Jackson Hunt. Question de sécurité pour Alexis, Martha et lui-même.

 

Esposito et Ryan étaient penchés sur des listings et n’entendirent pas Beckett prendre un siège pour se positionner à leurs côtés.

- Alors les gars ? Quelque chose d’intéressant ?

Ils eurent un moment de surprise.

- Un truc qui nous titille, là !

- Et toi, ça va ? demanda Espo en voyant l’air fermé qu’arborait Kate.

Une moue se dessina sur son visage.

- Martha ? interrogea Ryan.

- Castle, répondit Beckett.

- Tu peux nous dire, si tu veux.

Elle leur sourit.

- Je n’en suis pas encore à ce point-là, leur mentit-elle.

Ils opinèrent et entamèrent sans transition le rapport sur ce qu’ils avaient appris depuis hier sur Jack Silver. Ils lui firent le compte-rendu de leur déplacement à Cable5 et du peu de renseignements intéressants qu’ils avaient glanés. Sarah Granger, la personne la plus proche de Silver au sein de la boîte, l’avait dépeint comme un type très réservé sur sa vie privée qui ne paraissait avoir que sa mère comme relation proche. Il ne se liait pas avec ses collègues. Sarah était parvenue à briser la glace en lui demandant un service. Elle avait eu besoin de lui plusieurs fois pour garder son fils de neuf ans et curieusement, elle avait trouvé que Jack savait y faire : son gamin l’adorait littéralement.

- Et alors ? Embraya Kate, c’est quoi ce truc qui vous chiffonne ?

- Ҫa, fit Espo en lui mettant les relevés de comptes sous les yeux.

- Tu peux expliquer ?

- Ce gars touche trois mille deux cent dollars par mois et n’a apparemment, aucune autre rentrée d’argent. Comment peut-il payer les frais d’hébergement de sa mère ?

- Elle doit avoir un pécule de côté.

- On a ses comptes à elle aussi, compléta Ryan. Pas fortunée du tout. Si on additionne leurs rentrées mensuelles à tous les deux, il y a à peine de quoi subvenir à ce que coûte la maison spécialisée.

- Ils font comment, alors ?

- Aucune idée, répondit Javier. Par contre, seconde interrogation : aucun virement, aucun retrait, aucune trace du moindre règlement des frais de Mme Silver.

Beckett se leva. Elle aurait aimé que l’enquête conclue à la thèse de l’accident, définitivement. Elle aurait aimé être rassurée sur une non-préméditation. Elle aurait aimé ne pas sentir planer l’ombre d’une agression programmée.

Elle ferma les yeux quelques instants avant de reprendre :

- Vous prenez en charge cette piste. Il faut absolument savoir comment la facture était réglée. Et pour cela, adressez-vous à la comptabilité de ce centre médical.

- Ok.

- Moi, je dois retrouver quelqu’un.

Elle n’en dit pas davantage aux Bros qui l’interrogèrent. Elle ne pouvait pas leur avouer que toute cette affaire était peut-être bien la suite de l’enlèvement d’Alexis et de l’apparition du père de Rick.

 

Avant de rejoindre Espo et Ryan au 12th, Kate avait tenu à la déposer à l’hôpital. Alexis en poussant la porte de la chambre, s’était attendue à trouver son père. Elle ne vit d’abord que des blouses bleues poursuivre un étrange ballet. C’était déstabilisant pour la jeune femme qu’elle était, dont l’existence n’avait jusque là  pas côtoyé la maladie ou le décès d’un proche. La veille, après avoir serré Kate dans ses bras et son père dans une étreinte qu’elle aurait aimé aussi miraculeuse que celles de son enfance faisant disparaître toutes ses craintes, tous ses doutes, elle était allée pleurer à chaudes larmes dans sa chambre. Elle avait essayé de joindre sa mère mais elle n’était tombée que sur le répondeur. Ses amis, elle venait juste de les quitter le matin-même et elle ne se voyait pas les interrompre dans leurs vacances pour les apitoyer sur son sort.

Elle se retira dans un coin de la chambre évitant autant qu’elle le pouvait de déranger et de gêner les activités du personnel tant et si bien, qu’un infirmier ne s’aperçut de sa présence qu’au moment d’en sortir.

- Eh ! Il y a longtemps que vous êtes là ?

- Quelques secondes.

- Vous auriez du attendre à l’extérieur mais bon, on a fini.

Il avait déjà la main sur la poignée quand Alexis poursuivit :

- Comment va-t-elle ?

- Son état est stationnaire.

- C’est bon signe?

-  C’est déjà que son état ne s’aggrave pas.

Et comme pour confirmer ce qu’il avait dit, tous les deux autres membres du personnel soignant quittèrent la chambre sur les pas de leur collègue. Alexis se retrouva face à sa grand-mère. D’être ainsi seule comparativement à la veille, une grande timidité s’empara d’elle. Elle n’osait plus avancer, elle n’osait plus faire le moindre geste, elle n’osait presque plus respirer. Elle était déstabilisée par ce tête-à-tête étrange si contre nature. Elle trouva inepte subitement d’avoir amené tout le nécessaire pour la maquiller et la manucurer. Cela aurait des allures de petite fille s’amusant à la poupée. Jamais elle n’avait senti autant de désespérance au fond d’elle-même. Elle avait vraiment besoin d’un conseil. Elle prit son portable, décidée à appeler Beckett quand la porte s’ouvrit de nouveau.

L’homme qui passa le seuil s’arrêta en la voyant, hésita et s’apprêta à faire demi-tour.

- Docteur… Fricker? Fit Alexis en lisant le nom inscrit sur le badge.

- Mademoiselle ? fit-il en se retournant vers elle.

- Je peux vous poser une question ?

- Je vous en prie.

- Est-ce que vous croyez bénéfique pour elle si…

- … Si ?

Alexis ne répondit pas mais secoua légèrement le sac qu’elle tenait à la main et qui émit un bruit de cliquètement entre objets en verre. L’homme, aux tempes et cheveux grisonnants, avait vécu certainement bon nombre de situations similaires pour comprendre où elle voulait en venir.

- Toute action qui stimule un de ses cinq sens est bénéfique.

- J’ai tellement peur que ce ne soit que pour moi, pour me cacher, m’éviter de saisir à quel point tout cela est affreusement réel.

- Ce sentiment vous honore, jeune fille. Et votre … grand-mère ?...

Elle confirme d’un mouvement de tête.

- … Votre grand-mère serait très émue de vos scrupules. Il est évident que vous l’aimez profondément.

Alexis se pinça les lèvres en espérant retenir ses larmes. Malgré sa vue qui s’en trouvait brouillée, il lui sembla que ce médecin avait fait un pas vers elle, comme s’il avait voulu la prendre dans ses bras mais ce n’était certainement qu’une impression.

- C’est vrai, réussit-elle finalement à articuler. Mais vous vouliez l’examiner, je vais sortir.

- Non, je repasserai. Bichonnez-la. Elle va le sentir et cela lui fera beaucoup du bien.

- Merci, docteur.

- Je vous en prie.

- Encore une question.

- Allez-y.

- Risque-t-elle mourir bientôt ?

- La mort, il n’y a que cela à la fois de moins programmée mais de moins inévitable. Courage jeune fille.

Il revenait vers la porte quand Alexis l’interrompit une fois de plus.

- On ne s’est pas rencontré avant ?

- Non,  vous ne m’avez jamais vu.

- Votre voix… Il me semble l’avoir déjà entendue.

Malgré elle, elle dévisagea et détailla entièrement l’homme qu’elle avait en face d’elle. Il ne dépareillait en rien d’un membre du personnel médical de cet hôpital : blouse, pantalon, badge. Mais il y avait cette curiosité : les chaussures, des chaussures épaisses faites pour arpenter les rues enneigées de New-York et pas les couloirs d’un hôpital. Elle écarquilla les yeux, recula vers le lit en faisant face à l’individu, dans un réflexe de défense. Mais elle croisa son regard attendri et bienveillant et là, elle relia tous les fils et elle sut.

- Grand-père ?!


cathy24  (06.01.2014 à 19:09)

6EME CHAPITRE

 

Beckett réalisait l’urgence de la situation. Elle avait perdu un temps précieux en ne comprenant pas à quel point le danger était réel et que c’était le cauchemar de Paris qui recommençait. Et elle qui reprochait à Castle de lui avoir caché l’existence de son père, voilà qu’elle opérait de même et dissimulait aux Bros cette information importante. Mais lancer son équipe sur les traces de Jackson Hunt, c’était prendre le risque à un moment donné de voir Gates mettre son nez dans cette affaire et là, Kate refusait de voir le père de Rick recherché  tandis que Martha était toujours entre la vie et la mort.  Elle voulait secourir Castle pas le déstabiliser encore plus.

Elle prit le téléphone et appela, espérant que cette fois-ci il décrocherait. A la troisième sonnerie, elle l’entendit.

- Oui, Kate ?

- Bonjour, Castle. J’avais envie d’entendre ta voix. Comment vas-tu ?

- Je fais aller.

- Tu veux qu’on se retrouve pour manger ce midi ?

- Je suis désolé mais j’avais promis à Alexis.

- D’accord, je comprends. Pas de problème. A ce soir alors !

- A ce soir.

Il allait raccrocher quand elle rajouta :

- Castle, je voudrais juste savoir combien de fois tu as déjà rencontré ton père ?

Il y eut un long silence à l’autre bout du fil. Il était évident que la question embarrassait Rick.

- Hier, c’était la seconde fois, finit-il par la contenter. Et si tu veux savoir, puisque je suppose que cela sera ta prochaine demande, à chaque fois c’était inattendu. Il apparaît subitement et disparaît sans me permettre de le retrouver.

- Je ne…

- Ce n’est pas moi qui te permettrais de lui mettre la main dessus. Il a ses raisons pour rester dans l’ombre. Ne cherche pas à le débusquer.

Kate avait raccroché le cœur serré. Elle sentait une menace non feinte dans le ton employé par Castle. Elle savait cependant aussi qu’elle ne pourrait pas circonscrire le danger qui rôdait autour de lui et sa famille si elle ne savait pas où regarder. Elle pouvait lui exposer clairement  la situation, cette impression de plus en plus nette que l’accident de Martha n’en n’était pas un mais était-il disposé à l’entendre ? Tant que rien ne viendrait parfaitement étayer sa thèse sur l’implication de Jack Silver dans un complot destiné à faire sortir du bois Jackson Hunt, elle redoutait que Castle ne la suive pas sur cette voie et qu’il croie qu’elle fasse tout cela au contraire, dans l’unique but de retrouver son père. Ou pire encore, s’il accordait foi à sa théorie, il était capable sur cette enquête, de se lancer une fois de plus en solitaire.

Elle tourna et vira toutes les possibilités dans sa tête et, malgré ses réticences, alla toquer à la porte de Gates.

- Entrez, fit la capitaine à la vue de son détective.

Elle retira ses lunettes en voyant Kate fermer la porte derrière elle.

- Qui a-t-il, lieutenant ?

- J’aimerais qu’on mettre en place une protection discrète autour de Castle, Alexis et Martha Rodgers.

- Pardon ?

 

C’était quelque chose qu’elle avait perçu comme d’irréel : tenir son grand-père dans ses bras quelques secondes. Quand ils arrêtèrent leur étreinte, elle le regarda intensément comme si par le seul langage des yeux, toutes ses questions allaient trouver réponse. Il n’y eut cependant aucun mot d’échanger entre eux. Alexis dégagea le passage et permit à Jackson Hunt de s’approcher de Martha. La jeune fille hésitait à quitter la pièce.

- Reste, anticipa son grand-père comme s’il avait deviné ses pensées, je n’en ai que pour quelques secondes.

Il passa sa main sur le visage de Martha, se pencha pour lui déposer un baiser sur la joue, se redressa, passa à côté d’Alexis, l’embrassa et prit la direction de la porte.

- Quand te reverrai-je ? demanda-t-elle.

- Je pensais que ta grand-mère était seule.

 

Il aimait marcher dans les rues enneigées de New-York. En premier parce qu’il y avait moins de piétons et ensuite parce que cette ambiance plus feutrée semblait apaiser ses pensées. Et ce calme passager venait de lui être refusé par l’appel de Kate. Il était contrarié par la question de la jeune femme. Il avait été assez clair, il lui semblait, mais il se doutait qu’elle ne se rendrait pas. Kate Beckett n’était pas une personne qui renonçait si aisément quand elle avait un objectif. Et il sentait que son nouvel objectif était de retrouver son père. Castle comprenait dans quelle situation elle était en train de se débattre. D’un côté son devoir de flic, de l’autre son amour pour lui. Il l’avait déjà vu face à ce genre de dilemmes, elle n’avait jamais transigé avec son devoir. Et il n’avait jamais voulu qu’elle le fasse même quand des amis proches étaient visés.

Serait-il capable de lui demander de faire une exception pour son père ?

Le froid était vif et s’insinuait peu à peu au travers de sa parka cependant chaude et épaisse. De toute façon il devait retrouver Alexis.

Quand il parvint à l’étage, une agitation fébrile se présentait devant lui. Il eut un instant de panique honteusement évaporée quand il comprit que cela ne concernait pas Martha. Pour ne pas gêner les va-et-vient incessants, il se décala vers le mur. Cette activité concernait une chambre plus loin dans le couloir. Castle vit une infirmière en sortir aidant une femme recroquevillée de chagrin qui marchait avec difficulté et qu’elle conduisit vers un fauteuil. Elle l’aida à s’asseoir et retourna précipitamment aider ses collègues.

Quand la femme parvint enfin à se redresser, ce fut un visage ravagé par les larmes que vit Castle, un visage qui le peina. Elle devait avoir à peine plus de trente ans. Elle avait les traits tirés, les cheveux châtain clair attachés sommairement et des mèches qui tombaient anarchiquement sur ses joues et dans son cou. Elle chercha dans ses poches quelque chose qu’elle ne trouva pas. Elle se leva alors, remonta le couloir d’un pas très hésitant et chancelant. Elle se dirigeait vers le bureau des infirmiers mais elle dut s’arrêter une première fois, recherchant un équilibre qui demeurait précaire. Elle reprit sa marche mais ce fut au bout de deux pas, pour s’écrouler. Elle fut rattrapée par Castle qui avait senti qu’elle n’irait pas loin et qui s’était précipité vers elle. Il la saisit dans ses bras, l’amena vers le canapé le plus proche et s’assit à ses côtés pour la soutenir. Il lui tapota les joues pendant qu’il appelait à l’aide. Un médecin surgit devant eux, releva les paupières de la femme, examina les pupilles et lui prit le pouls.

- Gardez-la contre vous, fit-il à Castle, je vais lui faire une piqûre.

Rick n’avait pas pensé la poser là et déguerpir. Au contraire, il la positionna plus confortablement contre lui, la tête au creux de son épaule droite. Il maintint sa tête haute, dégagea les mèches de cheveux qui s’étaient plaquées sur le nez, sur la bouche. Le visage ainsi dégagé, Castle vit à quel point cette femme était belle. Elle possédait une beauté simple, toute drapée d’une jeunesse encore intacte mais bouleversante par la peine profonde qui s’en exhalait. Castle avait l’impression de tenir entre ses mains le modèle d’un portrait de Madone.Instantanément,il ressentit pour cette femme une sorte de respect et d’attirance. Pas physique, pas sentimentale. Juste émotionnelle. Un besoin de sentir son cœur s’apaiser à l’unisson du sien, sa respiration se calquer sur la sienne. Et il était incapable de dire si c’était lui qui lui apportait du réconfort ou l’inverse mais une chose de  certaine, il se sentait plus léger depuis qu’elle s’était évanouie entre ses bras. La peur de perdre Martha allongée là-bas avait perdu de son intensité. Elle s’était muée en une plaie ointe d’un baume cicatriciel apaisant.

Le médecin l’empêcha de trouver une possible réponse. Il releva la manche droite du pull de la femme, tapota fortement de deux doigts au niveau de la saignée du coude et enfonça l’aiguille dans la veine. Au fur et à mesure que le liquide pénétrait dans l’organisme, Castle sentait le corps qu’il soutenait se désengourdir progressivement. La tête se dégagea de son épaule. Le regard de la femme était empreint de surprise en croisant le sien et en réalisant la posture dans laquelle elle se trouvait. Elle se redressa trop vivement et un étourdissement la lui fit basculer vers l’avant.

- Doucement, conseilla le médecin en la rattrapant. Il va falloir vous étendre et vous reposer un peu.

Elle opina. Puis, comme si elle se réveillait brusquement en sursaut, la panique dans la voix et les larmes se formant de nouveau dans son regard marron :

- Mickaël !

- Il va bien. Son état est stabilisé. On le surveille.

- Je veux le voir.

- Pas pour l’instant. Vous devez reprendre des forces. Depuis combien de temps n’avez-vous pas mangé ?

- Je… je ne sais pas, fit-elle faiblement.

- Vous devez penser à vous. Là, nous sommes cinq à nous occuper de lui. Prenez un peu de repos et allez vous restaurer.

Cela fut instantané, sans réfléchir.

- Avec ma fille, nous nous apprêtions à déjeuner. Vous pouvez vous joindre à nous.

 

Kate hésitait. Les doigts de la main droite massaient ses yeux. Histoire de trouver contenance devant le doute qui l’assaillait. Puis elle poussa un profond soupir et saisit le téléphone. La numérotation était plus longue qu’à l’accoutumée mais l’attente fut très brève. A l’autre bout du fil, il n’y eut que deux sonneries avant qu’une voix féminine ne confirme.

- Ambassade des Etats-Unis, bonjour.

- Bonjour. Pourrais-je parler à Jim Aldacott, s’il vous plaît.

- Ne quittez pas.

La musique d’attente agaça très rapidement Kate. Elle tambourina sur son bureau de plus en plus anxieusement et quand l’homme prit enfin la communication, elle  eut un moment d’absence.

- Aldacott, répéta l’individu.

- Heu ! Bonjour. Je m’appelle Kate Beckett et je suis détective au NYPD. J’aurais besoin d’un service.

- Si cela est dans mes capacités.

- Voilà quelques mois, vous avez aidé un homme et sa fille à rentrer à New-York…

- Non, cela ne me rappelle rien, répondit-il après un court silence.

- Cet homme s’appelle Rick Castle et sa fille, Alexis. Je sais qu’une personne vous les a confiés pour les faire sortir de France.

- Je vous assure que…

- Il me faut absolument entrer en contact avec cet individu. Question de vie ou de mort.

- Vous êtes mal renseignée…

- Castle et Alexis sont toujours en danger.

- Désolé mais je ne peux rien pour vous, détective Beckett.

- Je vous en prie, ne me donnez pas ses coordonnées si vous voulez, dites-moi simplement si le renseignement est bon.

- Je suis désolé mais je ne sais vraiment pas de quoi vous parlez.

Puis il raccrocha. Kate resta de longues secondes immobile, incapable de réagir à cet échec qui refermait une piste et une espérance.

 

Ils étaient attablés dans un restaurant indien à deux rues de l’hôpital. Ils avaient commandé sans trop faire attention à la carte, choisissant juste le plat du jour. Alexis avait jeté un regard assassin à son père en voyant que leur repas en tête-à-tête s’était transformé en un repas avec une inconnue. Mais, après quelques paroles échangées, l’agressivité d’Alexis s’était muée en une attention et une empathie totale pour la femme qui ne recherchait pas cependant à attirer la compassion. Il était évident qu’elle ne voulait pas mettre en avant sa douleur. Certainement parce qu’elle savait que ce père et cette fille en face d’elle portaient aussi leur propre peine sur leurs épaules et qu’il aurait été incongru de mettre en compétition la profondeur de leurs souffrances respectives. Toutefois, Alexis éprouva à ce contact un apaisement de son chagrin. Elle ne pensait plus à sa grand-mère perfusée de toute part et reliée à des machines insensibles qui mesuraient le moindre degré d’évolution de son état. Elle ne pouvait détacher son regard du visage de cette femme et plus elle s’abandonnait à cette observation, plus elle s’apaisait. Elle n’éprouvait pas le besoin de parler, juste de regarder, de calquer sa respiration sur celle de la femme.

Quand le serveur apporta le poulet tikka massala accompagné de riz aux épices, il parut réveiller Castle et Alexis de cet attrait incontrôlable.

- Nous ne nous sommes même pas présentés.

Rick entamait la conversation en effectuant le service.

- Ma fille Alexis et je suis Richard Castle.

- Je sais qui vous êtes Monsieur Castle.

- Il y a des fois où j’aimerais être moins… connu.

- Je comprends parfaitement. Meg Peterson. Désolée de faire votre connaissance dans ces circonstances.

- Pareillement, réussit à glisser Alexis.

- Mickaël. C’est pour lui que vous êtes ici.

Meg Peterson opina.

- C’est mon fils.

Castle laissa la cuillère en suspens quelques instants et un peu de sauce tomba tâchant la nappe en papier.

- Il a quel âge ? poursuivit Alexis.

- Sept ans.

Elle rajouta, devançant la question qui était inévitable :

- Cela fait deux jours qu’il est tombé dans le coma.

 

Les Bros avaient suivi la piste des virements. En fait, ils n’avaient pas été très loin. Il s’avérait que l’argent provenait d’un compte dont ils ne parvenaient pas à identifier le propriétaire. Un passage par différents organismes bancaires pour se retrouver bloqué sur un serveur domicilié dans les îles Caïman. Cela sentait la mafia, le milieu du grand banditisme ou le blanchiment et détournement d’argent. Ils sentaient que Beckett avait eu raison et que l’accident n’était qu’un maquillage et que Martha était belle et bien la cible de Jack Silver.


cathy24  (07.01.2014 à 19:11)

7EME CHAPITRE

 

Kate avait beau caché à Esposito et Ryan son angoisse, il était évident qu’elle transpirait dans cette façon qu’elle avait de tirer sur sa chaîne et de tourner entre ses doigts, sa bague de fiançailles qui y était suspendue. Elle ne répondit cependant pas à certaines de leurs questions légitimes. Comment leur dire que c’était la suite de l’enlèvement d’Alexis ? Que tout était de la faute du père de Castle ? Et que cet homme avait torturé et tué ? Elle préféra leur demander de faire appel à la brigade financière  pour tenter de retrouver le propriétaire du compte et d’autre part d’interroger Jack Silver. Elle ne s’expliquait pas comment un individu comme lui, plutôt effacé, se trouvait mêlé à une vengeance. Il fallait savoir comment il avait été contacté et par qui.

De son côté, elle avait encore une infime piste à explorer.

 

Après leur repas, Alexis avait décidé de rentrer à son appartement. Elle reviendrait à l’hôpital  plus tard dans la soirée. Castle avait donc raccompagné Meg Peterson au seuil de la chambre de Mickaël. Par la porte entrouverte quelques instants, il avait aperçu brièvement la frêle silhouette de l’enfant puis il s’en retourna auprès de Martha. Il ne pouvait s’empêcher de penser à Meg, cette mère si heureuse quelques minutes avant que son fils n’ait cet accident et qui voyait désormais sa vie bouleversée peut-être à jamais. Il avait suffi d’un choc émotionnel intense pour que le gamin bascule dans son état actuel. Un gosse bouleversé par son chien gisant ensanglanté sur la route, vers lequel il s’était précipité, qu’il avait serré de toutes ses faibles forces contre lui en versant des torrents de larmes et  le père luttant pour l’éloigner peu à peu du corps de l’animal. Puis celui de l’enfant prit de convulsions avant de tomber inerte dans le coma. Ce fut alors que le chien émit une faible plainte lugubre. Il s’en sortait, lui,  miraculeusement. Ironique comme situation.

 

Gates était parvenue à obtenir que Jack Silver soit transféré dans les locaux du 12th. De l’autre côté de la glace sans tain, elle assistait à l’interrogatoire mené par Ryan et Esposito. Le capitaine n’avait pas été insensible aux découvertes récentes faites sur l’accident. Elle avait reconnu que ce compte dont on ne parvenait pas à remonter jusqu’au propriétaire, était troublant. Elle ne pouvait faire autre chose que d’autoriser ses hommes à aller jusqu’au bout de l’enquête. D’abord parce qu’elle ne voulait pas laisser passer un homicide volontaire s’il s’agissait bel et bien de cela et ensuite, parce qu’elle n’avait rencontré que très rarement Martha mais elle l’appréciait.

- Alors, qui paie les frais mensuels pour votre mère ? demanda Ryan.

- Un ami.

- Son nom ?

- Il souhaite rester anonyme.

- C’est ça votre ligne de défense ? Il va falloir trouver autre chose parce qu’une tentative de meurtre, là, vous jouez dans la cour des grands.

- Détective, interrompit l’avocat de Silver, un homme d’une bonne soixantaine d’années, avez-vous des preuves à présenter pour accuser mon client de tentative de meurtre ?

- Monsieur Silver a manifestement était payé pour renverser Martha Rodgers.

- Je vais me répéter : où sont les preuves ?

Ryan fit comme s’il n’avait pas entendu les propos de l’avocat et ne s’adressa qu’à Silver.

- Qui vous fait chanter ? Qui vous…

- Cela suffit et l’avocat se leva brusquement et incita son client à en faire autant. Nous ne répondrons à aucune autre question si vous n’avez rien de plus à nous présenter.

- Silver, tenta de poursuivre Ryan, vous devriez réfléchir à ce que votre avenir…

L’avocat ouvrit la porte et fit passer Jack Silver devant lui.

- Détectives, désolé, mais plutôt que de perdre mon temps avec vos fables, j’ai une défense pour des faits réels à assurer.

Deux policiers en faction menottèrent le chauffard et le conduisirent vers l’ascenseur, l’avocat toujours sur leurs talons.

Gates s’avança vers ses hommes.

- Ce Silver est manifestement manipulé. C’est un gars simple apparemment. Sans problème notoire avant cet accident. Depuis quand sa mère est-elle dans cet établissement spécialisé?

- Trois mois.

- Alors c’est un peu avant cette période qu’on a du le contacter. Je veux tout savoir sur ce qui est sorti de son quotidien à ce moment-là.

Dès que Gates fut retournée dans son bureau, Esposito ne put s’empêcher de souffler et Ryan de dessiner une grimace sur ses lèvres. Autant il était possible de mettre des faits en comparaison, autant quand on n’avait rien, cela s’avérait plus que problématique.

 

Castle vit sans déplaisir entrer Jane Austen. L’infirmière lui sourit et lui dit son contentement de lui trouver meilleur aspect. Après un examen des dernières données, elle nota que l’état de Martha était stationnaire.

- Vous devriez prendre du temps pour vous, Monsieur Castle. Votre mère peut rester ainsi pendant des semaines, des mois comme elle peut en sortir d’un instant à l’autre. Il vous faut apprendre à gérer cette situation. Vous ne pouvez pas restreindre votre vie à une espérance.

- Je suis incapable pour le moment de me détacher de cette chambre.

- Je comprends mais votre existence n’a aucun avenir ici. Elle en a plus avec votre fille et cette ravissante femme qui vous aime.

Il opina mais rajouta cependant :

- Vous me demandez de vivre une existence normale. Je ne le peux pas.

- Cela va vous prendre un peu de temps mais vous y arriverez. Il faut vous raccrocher aux autres. Et puis, votre mère a eu une belle vie. Je ne crois pas qu’elle aimerait vous voir ainsi.

Il savait qu’Austen avait raison.  Il allait lui falloir apprendre à tourner une page de son existence  et c’était très douloureux mais c’était logique : sa mère avait toutes les probabilités de partir avant lui. Son cœur pleurait en faisant cette remarque horrible qu’il était dans l’ordre des choses de perdre Martha.

La transition se fit en lui, tout naturellement.

- Meg Peterson est plus à plaindre que moi. Mais son fils est jeune, il a des chances de s’en sortir.

- Franchement Monsieur Castle, son cas nous intrigue.

- En quoi ?

- Quelques heures après son admission, tous les signes cliniques tendaient à prouver qu’il était en phase de réveil. Son état est inexplicablement en dent de scie depuis. On a cru le ramener plusieurs fois mais c’était pour qu’à la suite de nouvelles convulsions, il sombre plus profondément à chaque fois dans le coma.

- Tout ça pour avoir cru perdre son chien ?

- On ne s’explique toujours pas pourquoi Mickaël en est là malgré les dizaines d’examen qu’il a subi.

On toqua à la porte.

- Oui, fit Castle.

- Bonjour, fit l’homme en entrant. Je suis de la maintenance. On m’envoie pour un néon grillé et la porte qui ferme mal.

 

Le portable de Beckett sonna. Sans regarder, elle décrocha.

- Beckett, s’annonça-t-elle comme à l’accoutumée.

Personne ne lui répondit.

- Allo ?

Elle entendait parfaitement un souffle à l’autre bout du fil puis au bout de quelques secondes, la personne raccrocha. Beckett pensait à un mauvais numéro quand son portable sonna de nouveau. Aucun numéro ne s’afficha, seulement la mention « appel inconnu ». Elle décrocha une fois de plus pour entendre de nouveau le même souffle.

- Que voulez-vous ? fit-elle d’un ton péremptoire et d’une voix grave.

De la même manière que précédemment, on raccrocha. Beckett contacta aussitôt la cellule informatique.

- Oui, j’aurais besoin que vous puissiez trouver l’origine d’un appel que je viens de recevoir sur mon portable.

 

Alexis n’avait pas eu l’occasion de dire à son père qu’elle avait rencontré son grand-père. Elle avait espéré pouvoir lui avouer cela au cours du repas qu’il devait prendre ensemble avant que cette femme ne s’immisce entre eux. En sortant du restaurant, elle avait préféré laisser son père et la femme retourner à l’hôpital et l’alibi de faire un tour à son appartement, était ce qu’elle avait trouvé de plus plausible pour s’absenter quelques heures.

Peu de taxis circulaient maintenant que la neige s’était remise à tomber drue. Alexis tentait  bien d’en héler un dès qu’elle apercevait une voiture jaune approcher, mais elle était souvent déjà occupée. La jeune femme pensait à prendre le métro quand elle remarqua dans le reflet de la vitrine d’une librairie, un homme qui essayait de se dissimuler de l’autre côté de la rue et que ne la quittait pas du regard. En remontant l’avenue vers la plus proche bouche de métro, Alexis composa un numéro de téléphone.

- Beckett, lui fut-il répondu à l’autre bout.

- C’est Alexis.

Le ton de la jeune fille était suffisamment angoissé pour que la détective le ressente.

- Que se passe-t-il ? Martha ?

- Non, non… Kate, j’ai l’impression qu’on me suit.

- Peux-tu me décrire l’homme ?

- Un mètre quatre vingt dix environ, baraqué. Il porte une grande parka noire, des gants et un chapeau.

- Es-tu près d’un endroit passager ?

- Il y a une petite librairie  devant moi.

- Je pensais à quelque chose de plus fréquenté.

- Un café plus bas.

- Entres-y et mets toi dans un endroit où tu peux voir  à l’extérieur sans être vue.

Alexis courait plus qu’elle ne marchait. En quelques secondes, elle franchit la centaine de mètres qui la séparait du café et pénétra à l’intérieur sans se retourner, fit ce que lui avait préconisé Beckett et eut peu à attendre avant de voir réapparaître l’homme qui tentait de se protéger de la neige ou de se cacher le plus possible dans un renfoncement de porte.

- Tu es toujours là, Alexis ?

- Oui. Il m’a suivi.

- Reste en ligne, ne coupe pas, je te reprends tout de suite.

Alexis sentait une crise d’angoisse monter en elle. Elle n’avait pas encore cicatrisé totalement de son enlèvement. Elle qui priait très rarement, marmonnait en silence des paroles confuses dans l’espoir que ce qu’elle prenait pour une menace n’en soit pas une. Mais elle ne croyait pas à ce genre de coïncidence : sa grand-mère renversée, Beckett qui l’avait interrogé sur Paris, son grand-père qui était apparu. Non, décidemment, son cœur se comprimait sous l’effet de la peur qui irradiait dans tout son corps et qui lui disait que cela recommençait. Quand Kate lui reparla, elle en sursauta et faillit échapper son portable.

- Alexis ? Tu m’entends ?

- Oui.

- Peux-tu me dire ce que fait l’individu en ce moment ?

- Il est adossé, immobile…

- Non, dis-moi ce qu’il fait.

Alexis mit un peu de temps à comprendre ce que lui demandait Beckett et puis l’homme bougea.

- Il a son portable à l’oreille.

- Parle-t-il ?

- Non, il écoute. Attendez ! Il vient de taper quelque chose.

- Et maintenant ?

- Il raccroche. Il glisse son portable dans sa poche. Il retire son chapeau de sa main… droite, il passe l’autre dans ses cheveux et il remet son chapeau.

- Très bien. Tu n’as rien à craindre. Il s’agit de l’agent Polski.

- De l’agent Polski ?

- Oui, j’avais demandé à Gates qu’on veille sur toi et Castle. Apparemment la surveillance est en place.

- Mon père est au courant ?

- Non et je crois qu’il le prendrait mal.  Je voudrais que tu me promettes de ne rien lui dire.

- D’accord.

 

Castle avait quitté la chambre pour laisser le réparateur faire ce qu’il devait. Il finissait par connaître chaque mètre de ce couloir à l’arpenter ainsi depuis quatre jours. Sa première idée fut d’aller se chercher un autre café mais il s’arrêta en chemin et s’assit sur le canapé où il était venu se poser lorsqu’il soutenait Meg Peterson. Il avait posé les mains sur ses genoux, il avait la tête baissée et ne voyait que le sol gris moucheté et la pointe de ses chaussures.

Il réfléchissait à ce que lui avait dit l’infirmière ; à ce qu’il savait devoir faire. Il ne pouvait pas passer toutes ses journées ainsi au chevet de sa mère. Il n’ignorait pas qu’au moment précis où il accepterait de s’éloigner plus souvent de cette chambre, le remords le rongerait. Il n’aurait comme solution que de s’étourdir. S’étourdir dans son travail d’écriture. S’étourdir dans l’affection et l’amour vivant de sa fille. De celui de Kate surtout. Il s’en voulait terriblement de ne pas être en capacité de s’ouvrir à elle de ce froid intense qui lui enserrait le cœur. Mais c’était au-dessus de ses forces. Cela aurait nécessité qu’il parle de certaines blessures et ça, non, il ne le pouvait décidément pas.

Lorsqu’Alexis avait été enlevée, son immense frayeur de la perdre avait intensifié ses capacités de réaction. Il s’était jeté à fond dans l’action et avait caché ses intensions à Beckett parce qu’elle aurait voulu l’en dissuader. Il ne supportait pas l’attente. Il s’était senti prêt à tout accepter pour la retrouver et la sauver : faire de la prison pour avoir torturé comme mourir en échange de sa vie, si cela avait été le prix ultime à payer. Mais là, rien de tel. L’adversaire lui interdisait toute initiative. Il ne pouvait que subir. Il ne gagnerait rien à lutter contre cet ennemi. Il devait accepter et c’était le plus éprouvant.

L’éclairage se brouilla autour de lui mais il n’y fit pas attention. Encore cette intempérie neigeuse qui jouait des tours au réseau électrique. Une étrange comparaison prit forme dans son esprit. Son cerveau était un peu comme ces sautes d’humeurs électriques et ce n’était pas meilleur pour lui que pour l’alimentation générale. Les tressautements de l’éclairage s’intensifièrent au point de lui faire relever la tête. Le courant se remit à la normale cependant dans l’instant. Castle soupira mais son attention fut retenue par l’enfant qui se tenait devant la chambre de Mickaël Peterson. C’était le même enfant qu’il avait vu la veille et qu’il avait failli renverser le matin même. Le gamin lui jeta le même regard glacial que la veille puis se détourna vers la porte et resta immobile. Castle jeta un coup d’œil aux alentours espérant trouver une personne responsable de ce gosse mais l’animation restreinte ne lui permit cependant pas de comprendre ce qu’il faisait là. Inconsciemment, son regard revint vers l’enfant qui le dévisageait les yeux froncés comme par l’agacement. Castle se levait pour s’avancer vers lui quand quelqu’un l’appela. Il se retourna.

- Capitaine Gates !?

Le temps qu’il revienne vers l’enfant, celui-ci avait disparu. Juste la porte plus bas, sur la droite, qui se refermait en douceur.  


cathy24  (08.01.2014 à 18:58)

8EME CHAPITRE

 

La visite de Gates le toucha. La poignée de mains qu’ils échangèrent, avait été d’une intensité émotionnelle forte. Jamais la capitaine n’avait laissé transpirer autant le fait qu’elle était affectée par un évènement. Cette femme lui inspirait un respect non feint. Lorsqu’elle avait pris la place de Montgomery, elle était redoutée, crainte, prise presque comme une adversaire. Et puis elle avait par sa droiture et son autorité gagnée la considération de ses hommes. Même s’il savait qu’elle ne l’appréciait pas, il en avait pris son parti et cela ne l’affectait plus comme c’était le cas initialement alors qu’il avait toujours du mal à s’expliquer pourquoi elle n’était pas tombée sous son charme.

Gates s’approcha du lit et prit la main droite de Martha dans la sienne. Une légère pression comme pour lui insuffler la volonté de se battre. Elle n’éternisa pas ce moment et se retourna vers Castle qui attendait assis sur le canapé.

- Même ainsi, votre mère dégage beaucoup d’énergie. Je suis certaine qu’elle fait tout son possible  pour vous retrouver.

- Elle n’a jamais baissé les bras.

- C’est une caractéristique de la famille.

Castle eut un moment de surprise. Gates lui faisait un compliment de manière détournée.

- Je crois, oui, glissa-t-il.

Gates sans tergiverser, vint s’asseoir à ses côtés.

- Martha est une femme remarquable.

- Le problème, c’est juste le fils, n’est-ce pas ?

La capitaine sourit.

- Quand on a la mère que vous avez et quand on a élevé une enfant aussi brillante qu’Alexis, on ne peut pas être qu’un problème, Monsieur Castle.

L’étonnement se lisait aisément sur le visage de Rick. Il en resta muet  ne voulant pas briser ce moment rare où Gates montrait un soupçon de gentillesse envers lui. Il craignait s’il lui répondait, qu’avec sa maladresse coutumière avec elle, elle ne lui réplique sèchement et ne pulvérise cet instant précieux.

- Monsieur Castle, ne faites pas cette tête. J’ai appris à apprécier certains de vos côtés comme vous avez appris à apprécier certains des miens au fil de toutes ses années. Et cela s’arrête là.

- Je suppose que je dois vous remercier, prit-il le risque de répondre.

- Pas de ça entre nous. Vous êtes efficace au sein de mon équipe donc je vous garde pour cela.

- Je me disais aussi… Au moins, quelque chose qui ne change pas et à laquelle je peux  me raccrocher.

Il réussit à faire sourire Gates et ce n’était pas un mince exploit.

- Je ne vous déteste pas, c’est déjà un bon point.

- Vous m’en voyez ravi, sir.

Jamais ils n’avaient été aussi attentifs l’un à l’autre et ils comprenaient que leur relation ne serait plus du tout la même. Une sorte d’armistice perpétuel, d’apaisement permanent.

- Sinon, Monsieur Castle, Gates n’était pas du genre à s’attendrir trop longtemps, je voudrais vous demander si vous avez remarqué quelque chose d’inhabituel peu de temps avant ce qui est arrivé à votre mère ?

- Non. Je ne vois pas…

Il prit une grande inspiration avant de poursuivre :

- Aux dernières nouvelles, c’était un accident. Pourquoi ? Qu’est-ce que je ne sais pas ?

- Jack Silver, le conducteur de la voiture, on croit qu’il a été payé pour faire ce qu’il a fait.

Rick se leva, fit quelques pas dans la chambre, posa ses deux mains sur le barreau du lit aux pieds de Martha.

- Pourquoi s’attaquer à ma mère ?

- La suite de l’enlèvement de votre fille.

Il secoua la tête de droite à gauche.

- Non. C’est impossible.

 

Le porte à porte de l’immeuble ne donna rien d’intéressant, la fouille de l’appartement de Jack Silver aussi. Le logement était petit, les policiers en eurent vite fait l’examen complet. Rien de bien passionnant dans cette existence sans relief particulier. Une étude rapide de quelques factures. La banalité du quotidien, désespérément. La seule chose détonante dans cet intérieur aussi aseptisé était cette bague trouvée dans le tiroir du bureau, un diamant serti sur une monture dont la façon remontait aisément à une cinquantaine d’années. Un souvenir familial vraisemblablement.

La Scientifique emporta l’unité centrale de l’ordinateur.

Avant de retourner au poste, les Bros firent un détour par chez Sarah Granger, la collègue de Silver. Il voulait poser quelques questions à son fils et elle avait accepté à condition d’être présente ce qui ne posait aucun problème aux enquêteurs.

- Tu t’appelles comment ?

- Jonathan.

- Moi c’est Javier et mon collègue, Kevin. On voudrait de poser quelques questions au sujet de Jack. Tu veux bien répondre ?

- Il a des problèmes ?

- Oui et tu pourrais l’aider.

- D’accord.

- Il s’entend bien avec toi, apparemment.

- Oui.

- Les soirs où il était présent, tu t’occupais dans ton coin et il regardait la télé ?

Le gamin jeta un regard craintif vers sa mère. Il était évident que ce que Jonathan s’apprêtait à révéler, n’était pas connu de Sarah. Un moment de silence et de questionnement muet s’établit entre la mère et le fils.

- Eh ! Tu peux leur dire. Je me doute bien que ce n’est pas en te mettant au lit à vingt et une heures, comme je lui demandais, que Jack et toi êtes devenus copains. Que faisiez-vous ?

L’enfant rassuré se lança dans la description de leurs soirées à lire des BD, à jouer à des jeux-vidéo, à regarder un film, un match de base-ball, sport dont tous les deux étaient fans.

- Et il était comment avec toi ? Sérieux, drôle, attentionné, un peu distant ?

- Distant ?

- Réservé ?

L’enfant prenait les questions avec gravité. Il était soucieux d’aider au mieux les détectives. Il réfléchit un moment avant de poursuivre.

- Une fois, oui. Je lui ai mis la pâtée ce soir là à Super Mario.

- Il était vraiment nul ou c’était exceptionnel ?

- Je crois qu’il était inquiet.

- De quoi ?

- Ben, il a aussi passé pas mal de coups de fil.

- C’était quand ? Tu te souviens ?

- Je ne sais pas.

L’enfant était mal à l’aise. Il désirait ardemment dire tout ce qu’il savait mais là, il bloquait. Quoi  de plus normal pour un gamin de onze ans ? Ryan jeta un regard vers Mme Granger parce qu’il savait qu’elle seule pouvait aider à dater ce soir-là.

- C’était le soir où j’ai aidé grand-mère au magasin ? A la soirée avec mes anciens copains de lycée ?

- Non, c’était juste avant qu’on enlève le plâtre de ta main.

Meg n’eut pas à réfléchir longtemps pour avancer une date.

- Cela remonte à un peu plus de trois mois. D’ailleurs Jack m’a beaucoup aidé à ce moment.

- Il y a plus entre vous ? demanda Ryan.

- Non, c’est un type adorable quand on le connaît mais cela s’arrête là.

- Pour vous peut-être, poursuivit-il, mais lui ?

Sarah rougit et ne répondit pas.

- Vous vous êtes aperçu qu’il avait des sentiments pour vous, n’est-ce pas ?

- Je lui ai fait comprendre que je ne cherchais juste qu’une amitié, rien de plus.

- Mais lui attendait autre chose.

Pour toute réponse, elle se leva et leur proposa du café. Ils acquiescèrent. Pour la première fois, ils venaient de dénicher deux éléments intéressants sur Jack Silver : il aimait Sarah et quelque chose le perturbait voilà un peu plus de trois mois plus tôt. Ils en revenaient toujours à la même période. Il fallait absolument comprendre ce qui s’était passé à  cette époque. Ils reportèrent leur attention sur l’enfant.

- Sinon, reprit Esposito, il est plutôt bon à Super Mario ?

- Il gagne tout le temps.

- Sauf ce soir-là ?

Jonathan hocha la tête. Sa mère revenait avec les cafés et un coca pour son fils.

- Et la fois suivante, continua Javier, il t’a battu ?

- Je n’ai rien pu faire.

- Il n’avait plus de souci apparemment.

- Ce soir-là, j’ai eu droit à des popcorns. Il m’a même offert la collection complète des Avengers : Blue-Ray, pochettes, figurines…

- Waouh ! fit Esposito. Il fêtait quoi ?

- Je ne sais pas mais il m’a donné un billet de cinquante dollars.

- Cinquante dollars ! répéta Sarah. Mais tu ne m’as rien dit.

- Je sais, maman, mais tu aurais voulu que je lui rende cet argent et lui, il tenait à ce que je garde ce billet. Mais je t’assure, ce n’était pas de l’argent volé.

Sarah Peterson s’apprêtait à parler mais Ryan fut plus prompt qu’elle.

- Comment peux-tu en être certain ?

- Il m’a dit qu’il avait de nouveaux amis.

- Tu sais qui ?

- J’aime beaucoup Jack.

- Et nous, on veut l’aider.

Il y eut comme une sorte de tempête sous ce petit crâne. Sarah prit son fils entre ses bras et déposa de nombreux baisers sur sa chevelure.

- Dis tout ce que tu sais. C’est pour son bien.

Les yeux du fils trouvèrent confirmation dans ceux de sa mère.

- Il m’a fait jurer de ne rien dire.

- Parfois il faut savoir faire des choix pour aider ceux qu’on aime.

L’enfant hésita finalement peu de temps au grand soulagement de Ryan et d’Esposito.

- Il m’a dit qu’il aidait le gouvernement.

 

Beckett avait quitté le poste, décidée à prendre sa voiture pour s’éloigner un peu. Mais la neige qui recouvrait son véhicule de dix bons centimètres l’obligea à changer de plan. Elle remonta l’avenue sur plusieurs centaines de pas avant de bifurquer vers la zone commerciale. L’animation et la musique douceâtre balancée par les haut-parleurs n’aideraient à la communication mais au moins, elle avait mis un peu de distance pour amenuiser le risque d’être vue et entendue par une connaissance professionnelle. Elle rechercha cependant un coin un peu à l’écart où elle aurait une vision parfaite sur les allers et venues. Elle sortit alors un papier plié en quatre de la poche droite de son manteau, son portable et composa un numéro.

- Bonjour, Kate Beckett de la police criminelle de New-York. Pourrais-je parler au lieutenant Patrick Vassili ?

- Ne quittez-pas, je vous le passe.

Une enfant fit irruption devant Beckett, criant de toutes les forces de ses poumons, sa mère sur ses talons et qui tentait de la calmer.

- Allo ? Hurla à son tour Beckett. Allo ? Elle ne parvenait pas à entendre son interlocuteur.

Maladroitement Kate exhiba son badge à la femme et lui fit signe de s’éloigner ce qu’elle fit aussi rapidement qu’elle put en tirant sa fille par le bras.

- Allo ?

- Patrick Vassili. Je vous entends mal.

- Excusez-moi mais je suis dans un lieu passager.

- Que me veut un flic de New-York ?

La voix de l’homme était pâteuse, bourrue, marquée par une façon de trainer sur chaque mot qui offrait une impression d’épuisement total. Le type devait être assez âgé, avait du pas mal fumé, fumait peut-être encore.

- L’anglais et moi, ça fait deux. J’espère que vous parlez français.

- Pas parfaitement mais j’ai des notions.

- Bon, alors ?

 

Castle sortit une fois encore de la chambre de sa mère pour laisser le personnel soignant s’occuper d’elle. Il était à peine dix-huit heures. Il hésitait à rentrer chez lui et réalisa que cela venait de lui traverser l’esprit. C’était déjà mieux. La veille encore, l’infirmière Austen l’avait carrément mis en demeure de quitter l’hôpital. Il se dit qu’il commençait à se faire à l’idée d’abandonner Martha de plus en plus fréquemment. En écourtant ses nuits de veille d’abord. Puis viendrait le temps où il ne passerait que quelques heures dans la journée. Enfin il ne viendrait plus qu’une fois le matin ou en cours d’après-midi selon les disponibilités d’un emploi du temps qu’il devrait apprendre à regarnir. S’il n’avait pas encore franchi le pas ce soir, c’était à cause de la discussion qu’il avait eu avec Gates. Il était contrarié que Kate ait mis le capitaine au courant de certains éléments concernant l’enlèvement d’Alexis. Il avait tout fait pour les amener à croire à l’époque, qu’il s’était juste agi d’une demande de rançon. Quand Ryan avait posé la question de savoir pourquoi Paris, il avait dit que les ravisseurs connaissaient ses liens avec la police et qu’ils voulaient éviter ainsi qu’il puisse bénéficier de trop de soutien. Personne n’avait relevé les incohérences ou plutôt, tout le monde les avait tues.

Apparemment Kate n’avait pas fait référence à Jackson Hunt dans sa discussion avec Gates mais il redoutait qu’en remuant cette affaire, elle ne finisse par braquer un projecteur sur lui. Et puis, pourquoi s’en prendre à Martha ? Ce n’était pas logique. D’autant plus que son père lui avait assuré que tout cela était bel et bien terminé, que personne ne pouvait désormais remonter de lui à sa famille.

Noyé dans ses réflexions, il fut surpris de reprendre conscience de ce qui l’entourait devant la chambre de Mickaël. Mû par une impulsion subite, il frappa, attendit qu’on l’y autorise et entra.


cathy24  (09.01.2014 à 18:25)

9EME CHAPITRE

 

Il s’était attendu à trouver Meg Peterson mais c’était une autre personne qui veillait l’enfant. Une femme, entre vingt-cinq et trente ans mais avec une indéniable ressemblance avec Meg.

- Excusez-moi, commença-t-il mais je croyais trouver…

- Ma sœur ?

Elle lui sourit.

- J’ai réussi à lui faire prendre un peu de repos. Elle est rentrée chez elle.

- Je vais vous laisser.

- Non, restez, cela ne me dérange pas. Vous êtes Monsieur Castle, n’est-ce pas ?

Il opina.

- Elle m’a parlé de vous. C’est très gentil d’avoir pris soin d’elle. Je vous en prie, entrer.

Il obtempéra, ferma la porte derrière lui et s’approcha.

L’enfant était frêle dans ce lit trop grand pour lui. Il paraissait juste assoupi et sans la perfusion et les fils qui le reliaient au monitoring, on pouvait penser qu’il dormait paisiblement.

- Vous êtes ici pour votre mère, c’est cela ? reprit-elle.

- Oui.

- Elle va s’en sortir ?

- Difficile à dire. Par contre, Mickaël est jeune, vous devez rester optimiste.

- Son état s’est aggravé depuis qu’il est ici et les médecins ne comprennent pas pourquoi.

- Il faut leur faire confiance, ils vont trouver.

Elle lui sourit.

- Ils ont fait toute une batterie d’examens mais cela n’a donné aucun résultat pour l’instant.

- Ils doivent avoir des pistes.

- Un enfant sans problème jusqu’alors, qui tombe en syncope, secoué de spasmes et qui développe subitement des problèmes cardiaques.

- Des antécédents?

- Il n’a aucune lésion. Tout est parfait de ce côté-là.

- Il y a forcément une raison et ils vont la découvrir.

- Je l’espère.

- Il doit y avoir déjà eu d’autres cas similaires.

- Au moins un.

- Vous voyez, ils vont le guérir.

- Le précédent patient est mort au bout de quatre jours.

 

Castle quitta la chambre très mal à l’aise. Cela ne le consolait pas mais il admettait que la logique voulait que les parents partent avant les enfants et que Martha, là-bas, luttant pour arracher quelques bribes de vie, était plus à sa place que Mickaël ou tout autre gamin dans cet hôpital.

En retournant vers la chambre de sa mère, l’enfant, toujours le même, celui qu’il croisait régulièrement, se retrouva encore, là, face à lui, le regardant toujours aussi froidement de ses yeux gris dans lesquels il lisait un reproche. Castle se sentait mis en accusation, comme s’il était responsable d’un fait grave important. Il avait toujours eu une excellente relation avec les enfants, il savait entrer dans leur univers certainement parce qu’il n’en n’était pas totalement sorti lui-même. Mais là, c’était angoissant de réaliser que cet enfant semblait lui en vouloir. Alors, Castle s’approcha encore davantage et s’agenouilla devant lui.

- Eh ! Je me prénomme Rick.  Et toi ?

Le gamin ne modifia pas son comportement et ne réagit pas à la tentative de Castle d’entrer en contact.

- Où sont tes parents ?

Aucune réponse ne lui parvint mais  Castle insista :

- Tu veux que je t’accompagne auprès d’eux ?

D’une chambre située plus haut dans le couloir, un couple sortit d’un pas rapide. La femme était en pleurs et l’homme paraissait ébranlé mais ne cessait de parler doucement. Un médecin quittant la même chambre accéléra le pas avant qu’ils ne parviennent à l’ascenseur, les rattrapa et au bout de quelques secondes  de discussion, leur indiqua une direction qu’ils finirent par accepter de prendre. Quand Castle revint à l’enfant, celui-ci avait une fois de plus disparu et il échappa un soupir d’agacement. Il jeta un rapide coup d’œil et aperçut du côté opposé une porte en train d’être refermée. Il s’apprêtait à suivre l’enfant quand quelqu’un l’apostropha.

- Je ne suis pas certain que ce soit le bon endroit pour faire ses prières.

Castle détourna la tête et eut une moue contrite en voyant l’infirmier positionné immobile à deux mètres de lui.

- Je… je discutais avec un enfant.

- Je ne vois personne, fit remarquer l’homme un petit sourire en coin.

- C’est parce qu’il vient de retourner dans la chambre là-bas, indiqua Rick d’un mouvement de menton en se relevant.

- Si vous le dites !

Voilà qu’après la remarque stupide de la veille, à le voir à genoux dans ce couloir, l’infirmier devait le prendre en plus d’un imbécile pour un excentrique de la pire espèce, un affabulateur, voire un fou. Mais il savait bien ce qu’il avait vu et la preuve n’était pas loin.

- Je ne comprends pas d’ailleurs qu’on laisse cet enfant déambuler tout seul dans cet hôpital. Vous devriez vous en inquiéter.

L’infirmier prit un ton condescendant pour répondre à Castle :

- Si cela peut vous rassurer, je vais aller vérifier tout cela.

Castle tourna les talons en murmurant pour lui-même :

- C’est toi qui veux en savoir plus sur mon niveau de cohérence mentale.

 

C’était dans un des articles de journaux qu’elle avait trouvé son nom. Kate avait eu une longue conversation intéressante avec Patrick Vassili, le flic en charge initialement de l’affaire de la tuerie de Fontainebleau. La mauvaise impression qu’elle avait eue au début s’était transformée en amusement puis en admiration en comprenant que sous ses allures dilettantes et je-m’en-foutistes, l’homme était un grand professionnel avec lequel elle aurait apprécié de travailler. Il avait semblé méfiant dans les premiers instants de leur communication mais il avait très vite senti qu’il y avait quelque chose de personnel et que cette détective new-yorkaise était du bois qui ne rompt pas. Il lui fit le compte-rendu de ce qu’il avait pu trouver sur cette affaire avant qu’elle ne lui soit retirée par un service officiel dont il ignorait l’existence et dont il se demandait s’il en avait véritablement une. Sa hiérarchie avait été formelle : on donnait les pièces du dossier qu’on leur demandait, on abandonnait l’affaire, on oubliait même qu’elle avait existée.

- Oui, mais voilà, ils étaient si impatients qu’ils ont oublié certains documents et comme personne ne m’a dit ce que je devais en faire…

- Vous les avez toujours ?

- Mon boss ne m’a toujours rien réclamé!

Kate éclata de rire au bout du fil et ce rire se propagea de l’autre côté de l’Atlantique. Une fois qu’ils eurent repris leur sérieux, Vassili s’enquit d’un numéro de fax où il pouvait envoyer les feuillets en sa possession.

- Je préfèrerais vous donnez ma boîte mail.

- Ne me dites pas que vous faites des cachotteries à votre chef, vous aussi !

- C’est plus compliqué que cela.

Il émit un léger gloussement.

- Si vous trouvez des éléments intéressants, parce que là, on a assisté à un enterrement de première classe…

- Promis, je vous contacterais.

 

Alexis était rentrée chez elle. On était encore en début d’après-midi mais le ciel toujours laiteux rendait nécessaire l’éclairage dans les habitations. Cependant, la jeune femme préféra rester dans la semi-pénombre plutôt que d’indiquer sa présence chez elle. Elle avait beaucoup de mal à appréhender le fait d’être protégée. Elle se pelotonna dans un fauteuil, les bras enserrant un coussin qu’elle tenait fortement contre elle, les yeux perdus sur le mur qui lui faisait face. La chaleur était agréable dans l’appartement mais elle ne pouvait s’empêcher de grelotter. Elle resta ainsi longtemps, très longtemps ne sachant plus trop quelle attitude adoptée et surtout que faire. Elle avait essayé d’appeler Beckett mais la détective devait déjà être en communication et elle tomba sur le répondeur mais raccrocha sans laisser de message. Il restait toujours son père qui accourrait si elle lui disait qu’elle avait besoin de lui. Mais elle s’y refusait parce que cela aurait impliqué de parler de cette surveillance et qu’elle avait promis à Beckett de ne rien dire.

Le temps passait, la nuit tombait. Elle aurait du retourner auprès de sa grand-mère.

On toqua à sa porte.

 

Esposito et Ryan ne trouvèrent que Gates en rentrant au poste. Beckett n’était pas à son bureau et son portable dirigeait tout de suite vers la messagerie dès qu’on tentait de l’appeler. Ils firent à leur supérieure, le compte-rendu des informations qu’ils avaient glanées auprès de Jonathan et Sarah Granger.

- Je doute fort que Silver annonce comme cela à un gosse qu’il travaille pour le gouvernement. En tout cas, cela confirme qu’il a fait ce qu’il a fait pour de l’argent.

- Mais s’il se refuse à nous parler et si on ne peut pas remonter la piste des virements, on est bloqué là !

- Il y a des zones sombres dans le comportement de Silver. Il prend plusieurs verres dans un bar,  monte dans sa voiture, emprunte le chemin de son domicile, fonce sur Martha, la renverse et au lieu de fuir, se précipite vers elle, appelle les secours et n’offre aucune résistance aux forces de l’ordre. Ce n’est pas ainsi qu’on commet un meurtre.

- Ou alors, Capitaine, il a agi de manière très intelligente, objecta Esposito. Il sait qu’avec les caméras de surveillance, on pouvait remonter jusqu’à lui, donc il préfère faire passer cela pour un accident sous emprise de l’alcool plutôt que pour un meurtre prémédité. Et puis, l’argent monnaye aussi peut-être une peine d’emprisonnement.

- Possible, détective. Sait-on s’il a l’habitude de boire ?

- Apparemment non, répondit Ryan. Chez lui, on n’a trouvé qu’une bouteille de vin blanc à peine entamée dans le réfrigérateur. On a enquêté dans tous les bars aux environs de son boulot et de son domicile. Il n’y est pas connu. Il n’y a que celui de l’autre nuit.

- Et il a bu…

- On lui a servi trois Whisky mais il n’est même pas allé au bout du dernier.

Gates fronça les sourcils, fit le tour de son bureau et s’assit.

- A-t-il avoué avoir renversé volontairement Martha ?

- Bien sur que non. Cela doit faire partie de sa ligne de défense.

- A moins, avança Gates en hésitant sur les mots, à moins que cet accident ne soit vraiment qu’un accident et que la cible de Silver n’ait pas été Martha.

 

Rick revint une fois de plus, sans même réellement réfléchir à ce qu’il faisait, prendre place auprès de sa mère. Il regarda sa montre. Il était à peine dix-huit heures. Alexis n’allait pas tarder et cela serait un parfait prétexte qui lui permettrait de ne pas se culpabiliser en rentrant ensuite ensemble au loft plus tôt qu’il ne l’avait jamais fait depuis l’accident. Il prit une fois de plus la main de sa mère entre les siennes et ce geste remplaçait ces paroles qui ne venaient pas. Il voulait lui avouer qu’il se devait de continuer à vivre sa vie, qu’il ne pouvait pas passer toutes ses journées à son chevet à attendre un réveil qui ne viendrait peut-être pas. Il était déchiré par ce qu’il s’apprêtait à faire : commencer d’abandonner sa mère à son triste avenir. Il ne prit pas même conscience que les larmes coulaient sur ses joues.

Quand le grésillement recommença au dessus du lit, il leva les yeux par réflexe, les essuya machinalement et sentit qu’on le fixait intensément. Il eut un soupir d’exaspération en voyant le même enfant auprès de la porte entrouverte qui le regardait intensément.

- Bon, cela suffit, fit Castle en colère. Je te raccompagne auprès de tes parents et je ne veux plus te voir, c’est compris ?

Le temps qu’il abaisse son regard pour reposer délicatement à plat la main de sa mère sur le lit, l’enfant s’était de nouveau éclipsé. Castle fonça dans le couloir et le vit devant la chambre de Mickaël. L’enfant continuait de le regarder fixement et ramena la tête vers la porte derrière. Il y avait pas mal d’agitation dans le couloir. Un brancard l’obstruait en partie, conduisant un malade vers sa chambre pour les quelques jours à venir. Des visiteurs partaient, d’autres arrivaient. Le personnel médical vaquait à ses occupations multiples. Mais Castle ne se laissa pas accaparer par  cette agitation et continuait de fixer l’enfant qui recula, tourna vers la droite et d’un pas lent remonta le couloir. Castle le perdit de vue quelques secondes en évitant un infirmier mais il le vit distinctement entrer dans une chambre. Il avançait d’un pas assuré à la poursuite du gamin, décidé une fois pour toute à avoir une explication avec ses parents. La main sur la poignée il s’apprêtait à entrer quand une voix l’interrompit une fois de plus dans son geste.


cathy24  (10.01.2014 à 19:14)

10EME CHAPITRE

 

Alexis resta pétrifiée et quand on toqua pour la seconde fois à la porte, elle étouffa un petit cri dans son coussin. Elle n’attendait personne, personne ne savait qu’elle était ici. A part son père et Kate. Mais l’un et l’autre se seraient présentés.

Elle paniquait, totalement, de façon incontrôlable. Elle voyait sur la table basse son portable. Elle aurait pu passer un coup de fil, demander de l’aide mais il lui sembla que de quitter sa place, de se séparer de la chaleur émise par son corps dans ce fauteuil et du  contact rassurant du coussin, serait trop s’exposer. Elle attendit donc, espérant que de l’autre côté de la porte, la personne s’éclipserait.

Les cauchemars avaient cessé depuis plusieurs mois déjà. Son père avait souhaité à l’époque, qu’elle aille voir un psy pour parler de l’enlèvement dont elle avait été victime mais elle ne l’avait pas voulu, disant que cela allait. Elle avait voulu tourner la page mais cela n’était pas allé de soi au départ. Partir à l’aventure au Costa-Rica faisait partie de ces choses que l’on fait quand on n’est pas encore guéri, tenter par ce biais de revivre une situation dangereuse afin d’exorciser ses angoisses. Mais tout s’était remarquablement déroulé alors qu’elle avait tenté plusieurs fois le sort, elle s’était sortie sans encombre d’une crevaison sur une route déserte, d’un égarement momentané dans la forêt, d’une altercation entre villageois et narcotrafiquants. Elle avait sans appréhension excessive  côtoyé, reptiles et araignées, ces animaux qu’elle redoutait et exécrait le plus. Et plus incroyable encore, elle avait fait la connaissance de PI. Elle était revenue de son séjour totalement rassurée sur elle-même et prête à affronter et à gagner contre le monde  entier. Et le monde entier, son père en faisait partie. Depuis son retour, elle se sentait totalement rassérénée, comme si sa vie n’avait jamais été menacée quelques mois auparavant. Mais, là, il avait suffi de la discussion avec Kate, d’avoir fait de visu la connaissance de son grand-père, d’avoir remarqué cet homme qui la suivait, de ces heurts à la porte pour que toute cette assurance gagnée s’effrite et se volatilise par fragments successifs comme ces pelures d’oignon qu’un couteau expert ôte pellicule après pellicule mettant le bulbe à nu.

Elle étouffait ses sanglots autant qu’elle le pouvait mais il lui semblait qu’elle devait faire un bruit incroyable car la personne frappa pour une troisième fois à la porte. Alexis pensa au policier qui devait veiller dehors. Elle essaya de se lever mais n’y parvint pas qu’en trébuchant et heurta violemment la table basse en provoquant un crissement des pieds sur le plancher. Son cœur frappait si fort dans sa poitrine qu’il lui parut que son corps entier n’était qu’un gigantesque battement cardiaque.

- Alexis, fit une voix étouffée par la porte ? Tu es là ? C’est Lanie. Ouvre-moi, ma chérie. C’est Kate qui m’envoie.

 

Kate de retour au bureau, sauvegarda sur une clé USB le dossier que lui avait envoyé Patrick Vassili et effaça le mail. Il n’était pas question qu’elle partage les informations avec qui que ce soit d’autre. Pour l’instant. Elle n’excluait pas à un moment de devoir informer les Bros et Gates. Elle savait qu’elle ne devrait pas agir ainsi. Cela avait failli lui coûter la vie quand elle avait couru seule derrière Maddox. Là, c’était de Castle dont il était question. Tant qu’elle pourrait avancer et agir sans qu’il soit besoin de mettre Jackson Hunt sur le devant de la scène, elle continuerait ainsi. Esposito et Ryan suivaient la seule piste officielle qu’ils avaient. Elle, s’accrochait à un sentiment diffus, à une intuition dont elle ne parvenait pas à cerner le moindre détail pouvant donner consistance à ses craintes.

Si l’affaire de Paris avait été étouffée, si on avait tenté de supprimer toutes les traces, ce n’était pas pour un banal enlèvement. Il y avait forcément quelque chose de très gros derrière tout ça. Mais de cela, Beckett se moquait totalement. Elle ne cherchait qu’à retrouver Hunt, pouvoir le contacter. Elle avait peut-être uniquement besoin d’être rassurée, d’être certaine que l’accident de Martha n’était pas le prolongement et la conclusion des évènements parisiens. Et elle en revenait toujours à cette conclusion : seul Jackson Hunt pourrait la détromper ou l’aider.

Elle demanda à Gates de pouvoir prendre quelques heures ce que sa supérieure lui accorda sans problème. Elle quitta le poste, remonta à pied quelques rues et s’engouffra dans un cybercafé. Elle s’installa à l’emplacement le plus éloigné et le plus dissimulé de la porte. Elle sortit la clé USB de la poche de son manteau qu’elle retira, déposa sur le dossier de la chaise et prit le temps, enfin, d’étudier les différentes pièces. Il y avait des photos de la tuerie de la forêt de Fontainebleau, plus détaillées, exposant leur mort plus crûment que ne l’avaient fait les clichés des journalistes. Pas de doute, celui qui avait fait cela était un sniper de tout premier plan : une seule balle mortelle pour chacune des quatre victimes. Mais il n’y avait rien de particulièrement exploitable sur ces photos. Alors, elle entama la lecture des quelques pièces suivantes. Les cartes d’identité trouvées sur les russes s’avéraient être fausses.  Patrick Vassili n’avait pas eu les habilitations nécessaires pour comparer avec les fichiers d’Interpol. La piste s’arrêtait là et Kate l’élimina de suite car elle lui ferait perdre trop de temps. Un rapport de la Scientifique Française précisait que les portables de ces hommes étaient inexploitables en l’état et qu’il faudrait les passer par des algorithmes pour pouvoir les faire parler. Apparemment, le résultat définitif n’avait jamais été communiqué à Vassili. Il ne restait que le français étendu à quelques mètres des trois autres individus. Son identité n’était pas confirmée. Un autre faux nom.

Kate poussa un soupir de découragement et ferma les yeux quelques secondes. Chaque élément mis à jour menait à une impasse et elle commençait à croire qu’elle n’avancerait jamais dans ce dossier quand elle tomba sur le listing des communications du portable de l’homme. Vassili avait certainement été empêché de poursuivre ses investigations à partir de ces éléments. Alors, recherchant une infime possibilité de progresser dans cette affaire, elle étudia attentivement les noms qui apparaissaient. Elle ne prit pas conscience que sa respiration s’arrêta quelques instants quand ses yeux se portèrent sur une identité. Une initiale particulièrement qui provoqua l’accélération de son rythme cardiaque.

 

- Monsieur Castle ?

L’infirmière Austen venait vers lui.

- Que faites-vous ici ? demanda-t-elle par simple curiosité.

Rick hésita sur la réponse à donner. Il voulait juste que l’enfant cesse de le regarder ainsi et de le poursuivre partout. Il ne désirait pas que ce gosse livré à lui-même et certainement bouleversé par ce qu’il vivait en ce moment, soit réprimandé.

- Je… je croyais avoir reconnu quelqu’un.

- C’est le cas ?

- Je voulais m’en assurer.

- C’est la chambre de John Kruger. Ce nom vous dit quelque chose ?

- Non, précisa-t-il en jouant un temps de réflexion. J’ai du me tromper. Désolé.

Il reprenait une fois de plus la direction de la chambre de Martha laissant Austen derrière lui. Et puis, il y eut l’arrivée au pas de course d’un médecin et de deux infirmiers qui se précipitèrent dans la chambre de Mickaël. Rick resta là, immobile à regarder. Quelques secondes plus tard et la sœur de Meg Petersen se retrouva dans le couloir. Elle avait les larmes en bordure des cils et les mains jointes à hauteur de ses lèvres.

Castle se retourna vers Austen.

- Il a quoi ce gamin ?

- Ce doit être sa pression artérielle une fois encore qui est trop élevée.

- Et la cause ?

- Pas de certitude.

- Je n’aimerais pas vivre ce qu’ils subissent en ce moment.

- Il y a des familles comme ça pour qui rien n’est simple et surqui le sort s’acharne.

Castle tiqua à cette remarque et quand il eut retrouvé sa place auprès de Martha, il sortit son iPhone de sa poche et entama une recherche sur internet. Il n’y avait que quelques liens qui invariablement renvoyaient à un autre Peterson, Jeffrey Peterson. Fouillant dans sa mémoire, Castle admit rapidement que ce nom ne lui était pas inconnu mais il ignorait beaucoup des faits qu’il lisait.

Jeffrey Peterson était décédé d’épuisement voilà plus de quinze ans. Cela avait fait à l’époque, la une de quelques journaux locaux du Tennessee où il résidait alors. Il croyait posséder un don de guérison et apparemment il n’était pas le seul. Il avait suffi de certaines soi-disant miraculeuses pour  que des personnes affluent des tous les Etats voisins, ne serait-ce que pour le toucher. Castle soupira. On ne pouvait empêcher les gens d’être crédules et de se rattacher à n’importe quelle solution quand plus rien d’autre ne semblait envisageable. Même si les autorités scientifiques avaient donné des explications parfaitement rationnelles aux guérisons, il n’en demeurait pas moins que Peterson voyait les souffrances se multiplier sur le seuil de sa maison.

L’arnaque était le premier sentiment de Castle. Mais tous les articles précisaient que Peterson ne demandait rien en compensation de ses services. Il devait être persuadé d’avoir véritablement un don, s’y consacrait à tout moment au point de s’épuiser et de mourir presque dans la pauvreté. Les coupures de journaux indiquaient qu’à son décès, sa famille avait quitté la région pour une destination inconnue. Castle savait désormais où.

 

Gates avait sauté sur l’occasion. Elle ne désirait pas que Beckett reste sur l’enquête même si elle ne voulait pas le lui signifier face à face : la jeune femme n’aurait certainement pas obtempéré. Elle sentait bien que son lieutenant lui dissimulait quelque chose, suivait une autre piste que celle de Jack Silver. Mais cela l’arrangeait. Beckett partait sur une autre voie, quelque chose dont elle ne voulait pas parler. Gates savait qu’elle aurait du recadrer cela, la prendre en tête-à-tête et l’obliger à lui expliquer son comportement mais elle redoutait que Beckett n’élude ses questions. Et puis, Gates avait demandé à interroger Jack Silver de nouveau. Elle ne voulait pas que Beckett soit dans le secteur. Elle se rappelait parfaitement voilà quelques mois, lui avoir donné carte blanche. Elle ne voulait pas revoir ce genre d’interrogatoire musclé que Beckett avait mené envers la compagne d’un des kidnappeurs d’Alexis. Pour Gates, cela ne signifierait jamais à ses yeux faire tomber violemment de sa chaise  un quelconque témoin. Tenant Silver dans ses rets, de quoi serait encore capable Beckett pour trouver le ou les potentiels commanditaires de l’agression envers Martha ? Et là, Gates doutait, doutait que cet homme ait eu entre ses mains un contrat visant Martha Rodgers.

Silver et son avocat l’attendaient. Gates entra vers la salle d’interrogatoire et s’appuya contre la vitre sans tain derrière laquelle se tenaient Esposito et Ryan.

- Monsieur Silver, entama-t-elle, vous n’avez pas été très coopératif jusque là.

- J’étais saoul ce soir-là, je ne me souviens pas précisément de l’accident. Je vous ai dit tout ce dont je me rappelle.

- Que vous soyez ivre et que vous ayez renversé la victime, cela est avéré et vous ne le contestez pas; que vous bénéficiez de fonds dont vous refusez de parler qui vous aident à payer les frais d’hébergement de votre mère, cela ne fait aucun doute.  On finira bien par trouver d’où provient cet argent avec ou sans votre aide.

Gates s’approcha de la table, prit appui dessus de ses bras tendus et pencha son buste vers Silver avant de poursuivre :

- Je voudrais que vous répondiez à cette simple question : pour quelle agence gouvernementale travaillez-vous?

Gates lors de ses discussions avec ses subordonnés, avait senti en Silver un homme embringué malgré lui dans une histoire qui le dépassait. L’homme n’avait pas l’étoffe d’un malfrat, d’un tueur à gages, d’un simple meurtrier même.  Elle le percevait victime d’une manipulation.

Le regard que lui lança Silver confirmait son hypothèse. L’homme mis un certain temps avant de penser à répondre.

- Je ne sais pas de quoi vous parlez.

 

Silver se grignotait les ongles alors que Gates allait retrouver les Bros dans la salle attenante à celle d’interrogatoire.

- Capitaine, je crois qu’il nous faut chercher dans cette direction, avança Ryan.

- Et comme nous sommes dans l’incapacité pour l’instant de savoir qui monnaie les services de Silver, compléta Gates, nous devons prendre l’affaire à l’envers.

Ryan opina et Esposito fixant Silver ajouta :

- Qu’est-ce qui peut intéresser les Fédéraux chez ce gars ?

- Pas sa vie privée, dit Ryan.

Gates regarda intensément Kevin avant de lancer :

- Cable5, je veux tout savoir sur cette boîte.

 

Alexis s’était précipitée vers la porte qu’elle avait ouverte fébrilement. Elle se jeta dans les bras de Lanie toute étonnée du comportement de la jeune femme.

- Eh ! Ma puce ! Que se passe-t-il ?

Elles s’étaient installées côte à côte devant la table basse, buvant le maté qu’Alexis avait préparé. Ce n’était pas particulièrement la tasse de… thé de Lanie, mais PI avait apparemment initié Alexis à ce breuvage et la légiste s’habitua gorgée après gorgée à cette infusion qu’elle se promit intérieurement d’éviter pour les années à venir. Lanie n’eut pas vraiment à poser d’autres questions pour qu’Alexis s’ouvre à elle. Elle s’épancha alors qu’elle s’y était refusée à son père, ne voulant pas accroître sa peine. Elle devait être forte pour lui car elle savait quelle affection indéfectible liait la mère et le fils. Ce n’était pas des effusions, des embrassades et des mots d’amour qu’ils échangeaient entre eux, c’était bien davantage des taquineries, des regards, des sourires, des silences. Comme Martha avait dit un jour, ils étaient des petits pois dans une gousse, Rick avait repris l’expression à son compte car cela définissait totalement ce qu’il ressentait et envers sa mère et envers sa fille. En fait, envers toutes les personnes qu’il aimait. Et désormais, Kate avait à son tour, prit place dans la gousse. Alexis s’était souvent posé la question de savoir si ce n’était pas pour son père, malgré ses remarques provocantes parfois envers la présence de Martha au loft, sa façon de dissimuler qu’il appréciait au contraire de vivre ce qu’il aurait voulu vivre dans sa jeunesse : un cocon familial protecteur.

Lanie parla à peine. Kate avait bien compris qu’Alexis aurait besoin de se confier à quelqu’un et Lanie avait accepté tout de suite d’assumer ce rôle : elle aimait beaucoup Alexis. Comme elle aimait beaucoup Martha et qu’elle avait une amitié sincère pour Castle qui avait donné enfin un équilibre sentimental et de la sérénité dans la vie de sa meilleure amie. Elle était tellement heureuse pour Kate, qu’elle était disposée à faire beaucoup pour remercier cet homme et cette famille d’avoir offert la sécurité d’une vie familiale et un avenir fait de projets motivants et heureux à son amie.

La nuit était tombée sur New-York tant soit peu que le jour se soit un peu levé. Lanie voulut se lever pour allumer car il n’y avait que l’éclairage extérieur pour apporter une faible luminosité à l’intérieur du logement mais Alexis l’en empêcha.

- Tu ne peux pas rester ainsi dans le noir.

- Je sais, murmura Alexis, mais je… j’ai l’impression d’être plus en sécurité ainsi.

- Ma chérie…, commença Lanie.

- Et puis, je dois aller retrouver mon père à l’hôpital. 


cathy24  (11.01.2014 à 19:12)

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