La jeune femme frappa à la porte, plus intriguée qu’inquiète. « Entrez !- Bonjour, Agent Malone. Nous avions rendez-vous…- Oui, je me souviens parfaitement. Asseyez-vous. » Elle obtempéra et Jack la dévisagea quelques instants. Elle ne sembla pas troublée, et lui rendit la pareille. Ils restèrent un instant à se jauger, puis Jack rompit le silence. « Vous devez vous demander ce que je vous veux…- C’est vrai qu’il n’est pas dans mes habitudes d’être convoquée par le FBI. Surtout, pendant mes vacances. - Mais vous êtes venue quand même.- pour être honnête, j’ai cru que c’était une plaisanterie. Mais, j’ai passé quelques coups de fil, et j’ai été rassurée. Ma curiosité a alors pris le dessus, et j’ai décidé de venir. » Il hocha la tête. Cette fille avait la tête sur les épaules. Bon point pour elle. « Je vous en suis reconnaissant. Désolé d’avoir gâché vos vacances.- Elles ne sont pas finies, et je n’ai rien signé. Je suis encore libre de quitter les lieux, si je sens que mes vacances sont en péril. A moins que je n’ai besoin d’un avocat ? » Elle lui sourit, et Jack fut hypnotisé par la joie de vivre qui émanait d’elle. « Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. - Je pèse chacun de mes mots. » Elle bouillait d’impatience, que pouvait lui vouloir l’Agent Jack Malone ? Mais elle restait calme, c’est lui qui devrait faire le premier pas. Jack sentait l’impatience de la jeune femme, et il apprécia son self-contrôle. Il décida d’entrer dans son jeu. « Belle journée, n’est ce pas ? Qu’avez-vous pensé de notre belle ville ? - Je suis impressionnée, ici on se sent vraiment minuscule. Tout semble avoir été bâti pour des géants. - Vous restez encore longtemps ? - Plus que trois jours D’ailleurs, j’ai l’intention de visiter le MoMa aujourd’hui. » Il rit. « Bien, je ne suis pas sûr de gagner à ce petit jeu là.- Quel jeu, agent Malone ? répondit-elle d’un air faussement innocent. Il rit à nouveau. «Je vais vous dire pourquoi je vous ai convoquée. A moins, que vous ne soyez pressée… » Elle regarda sa montre. « Je ne pense pas que le musée n’ouvre avant 10h00, j’ai le temps. » Elle croisa les jambes, et planta son regard mauve dans celui de Jack. « 1-0, vous êtes à la hauteur de votre réputation. C’est pour cela que vous êtes là.- Parce que j’ai la réputation d’avoir la langue bien pendue ? - Entre autre. Je souhaiterai que vous intégriez mon équipe.- Pardon ? » Il jubila, il avait réussi à la surprendre. « Oui, je pense que vous êtes l’élément manquant. - Cela me flatte, mais… pourquoi moi ? Les rues de New-York doivent grouiller d’éléments manquants. - Je ne pense pas. » Jack saisit une feuille. « Bac à 13 ans, trilingue, licence de droit, diplôme de médecine, trois ans aux urgences, vous intégrez ensuite l’école de police, vous en sortez première, tireuse d’élite, en trois mois vous êtes prise à la Crim’… Je vois aussi des médailles, des félicitations… - C’est bon, c’est bon. » Elle avait baissé la tête sous cette énumération. « Je connais ce document. Ok, admettons que mon profil vous intéresse, vous avez omis un léger détail - Vous êtes française. Je sais mais personne n’est parfait… » La brunette grimaça. « Amusant ! J’allais en dire autant de vous. - Sérieusement, ce n’est pas un problème. Vous n’êtes pas mariée, vous n’avez pas d’enfant, rien ne vous retient là-bas…- Mon travail. Mes amis. C’est quand même mon pays !- Je vous propose un autre travail. - J’avais cru comprendre. Mais ce n’est pas aussi simple, on ne quitte pas un boulot à la Crim’ comme cela. - J’imagine. Ceci dit, mes informateurs m’ont fait comprendre que vous aviez quelques « frictions » avec certains de vos collègues. » Elle ne parut pas surprise.« Vous êtes très bien renseigné, mais qu’est ce qui vous a fait croire que je pourrais être intéressée par votre offre ? » Jack lui sourit. « Rien ! Je tente ma chance, avant que quelqu'un d’autre ne le fasse. » La jeune femme sembla réfléchir quelques instants. « Pouvez vous m’assurer que je me plairais ici ?- Non. Je ne peux pas en être sûr, mais je crois que nous pourrions nous entendre. - Y a-t-il quelque chose que vous ne sachiez pas sur moi ? - Pourquoi avez-vous arrêté la médecine ? » Elle se figea, une ombre passa sur son visage. « « La médecine est une maladie qui frappe tous les médecins, de manière inégale. Certains en tirent des bénéfices durables ? D’autres décident un jour de rendre leur blouse, parce que c’est la seule possibilité de guérir – au prix de quelques cicatrices. Qu’on le veuille ou non, on est toujours médecin. Mais on n’est pas tenu de le faire payer aux autres, et on n’est pas, non plus, obligé d’en crever.» Récita-t elle. « Martin Winckler, La Maladie de Sach. C’est la bible des médecins, ou ça devrait l’être… » - Cela doit s’appliquer à pas mal de métier. C’est intéressant.- Oui. Pour votre offre … Combien me laissez vous pour réfléchir ? » Jack eu un sourire triomphant. « Dois-je comprendre que vous êtes intéressée ? - C’est tentant je vous l’accorde. Faire équipe avec le célèbre Jack Malone, le brillant électron libre du FBI. » Elle rit devant la moue surprise de Jack. « Moi aussi, je me suis renseignée avant de venir. Ceci dit, une décision pareille ne se prend pas à la légère : vous me demandez tout de même de m’expatrier dans une ville quasi-inconnue ! Et puis, certes je ne suis pas mariée mais je ne vit pas seule pour autant… Je ne suis pas la seule impliquée. - Je comprends. Voici ce que je vous propose… Vous profitez de vos derniers jours de vacances pour explorer la ville, voyez si elle vous plaît. Vous rentrez en France, consultez votre entourage et vous me rappelez pour me faire part de votre décision. C’est d’accord ?- C’est d’accord. » Jack se leva pour la raccompagner. En lui serrant la main il ajouta : « Si vous acceptez, je vous aiderai à vous installer. Ne vous préoccupez pas de l’aspect matériel des choses… Des questions ? - Oui. Comment avez-vous entendu parler de moi ? - Grâce à un journal qui fait des traductions d’articles de tous les pays, j’ai vu votre nom revenir à plusieurs reprises au sujet de la disparition de la fille d’un ministre. Tout le monde s’accordait à dire que vous aviez été brillante, j’ai voulu en avoir le cœur net. J’ai appelé Paris, et lorsque l’on m’a dit que vous étiez en vacances sur New York, je n’en ai pas cru ma chance ! J’ai sauté sur l’occasion, et vous prie de m’excuser si mon invitation vous a semblé un peu cavalière. - Ce n’est rien. » La jeune femme avait les yeux rivés sur les quatre agents qui discutaient joyeusement. « Ce sont vos agents ?- Oui. Samantha, Viviane, Danny et Martin. De très bons agents, des gens exceptionnels. - Bien. Ecoutez, je vous souhaite une bonne journée et je vous rappelle la semaine prochaine. » La jeune femme quitta le bureau. « A bientôt, j’espère, dit Jack en la raccompagnant à l’ascenseur. Les portes se refermèrent sur son visage souriant. Tous s’approchèrent de Jack. « Qui était-ce ? - Vous le saurez bientôt, je pense. »