HypnoFanfics

Je tiens à préciser que les personnages de Gray, John Hart et Jack Harkness appartiennent à Torchwood et Russell T. Davies. Ainsi que l'idée de départ et les passages concernant l'arrivée de John à Cardiff et la destruction engendrée par Gray. Le reste vient de moi. Certains passages peuvent être considérés comme un peu violents mais ils sont rares et uniquement sur le début de l'histoire. Voilà, vous savez tout ce qu'il vous faut pour lire cette histoire. Bonne lecture.

Prologue

Des mois s'étaient écoulés depuis la prophétie de l'Anka et le voyage de Torchwood dans le passé. De biens tristes mois, à vrai dire, surtout les derniers. Certes, Jack avait enfin retrouvé son frère disparu lorsqu'ils étaient enfants mais Gray était hélas devenu un jeune homme plein de rancoeur et de haine envers son frère. Cette haine l'avait conduit à détruire la vie de Jack en y prenant plaisir et à tuer Owen et Toshiko. Les trois membres restant de l'équipe essayaient tant bien que mal de refaire surface et de continuer à vivre mais leur tristesse était toujours palpable.

Dans son bureau, Jack pensait, se souvenait. Regardant une dernière fois une photo de son frère enfant et sentant les larmes arriver, il rangea la boîte de son passé, ne gardant dans sa main que le petit objet doré qu'il en avait retiré. Il s'agissait d'un médaillon. Son médaillon. Depuis des mois, Jack s'enfermait dans son bureau pour revivre ses souvenirs. Gray... Le jeune homme dormait profondément dans l'un des caissons de la morgue d'un sommeil artificiel et ininterrompu.

Oublierait-il un jour la haine qui l'habitait? Pardonnerait-il à son frère de l'avoir abandonné? Car Jack était coupable. Toute sa vie, sa très longue vie, il n'avait cessé de se le répéter. Il aurait dû sentir la main de son jeune frère quitter la sienne. Il aurait dû savoir le protéger mais il avait continué de courir, s'enfuyant sans se retourner. Aujourd'hui des innocents, ses amis, et une partie de la ville étaient morts ou blessés par sa faute. La vie de son frère était détruite. Et la sienne... Il ne voulait pas y penser. Se rendant à la morgue comme tous les jours, il regarda son frère. Celui-ci semblait dormir paisiblement. Rêvait-il? Revivait-il son enfance torturée? Personne ne le savait, même pas John Hart car même si le jeune homme lui avait raconté une partie de ses souffrances, personne ne pouvait comprendre.

Jack regarda son frère une dernière fois avant de refermer la porte de la morgue. Dans son caisson cryogénisé, Gray dormait mais sa conscience veillait et il se souvenait. Des rires, des cris de joie, une famille unie et heureuse puis soudain la destruction, le noir et la terreur...

Chapitre 1

Péninsule de Boeshane, 51 ème siècle

Les dunes de sable s'étendant à perte de vue dégageaient une agréable chaleur grâce au soleil qui les effleurait doucement. La journée s'annonçait calme et belle, du moins comme elle pouvait l'être désormais entre deux attaques des envahisseurs. Au loin s'étendaient les citadelles de sable dans lesquelles les habitants de la péninsule tentaient de mener une vie paisible, à l'abri de leurs ennemis. Les adultes regrettaient le temps passé, pas si lointain, où tout le monde vivait en paix sur cette planète agréable , sans que rien de mauvais ne les atteigne. Mais depuis environ une décennie, ces étrangers survolaient régulièrement leur ville, causant de nombreux dégâts matériels. Mais le pire était le changement survenu un an plus tôt. Ils ne se contentaient plus de les survoler, ils atterrissaient pour mener à bien leur sombre projet.

Ce jour-là, des groupes d'enfants jouaient tranquillement sur la plage tandis que d'autres se promenaient avec leurs parents. Le petit garçon était heureux. Il aimait ses parents et son grand frère et menait une vie plutôt agréable, emplie d'amour. Bien sûr, comme tous les habitants de la péninsule, l'enfant était terrifié lors des attaques qui se faisaient de plus en plus fréquentes mais il savait que son père le protégerait toujours. Gray jouait sur la plage avec son frère aîné comme il le faisait souvent. Leurs parents étaient chez eux. Ils vaquaient à leurs occupations dans la joie et la bonne humeur. Sa mère préparait un délicieux ragoût tandis que  son père réparait une table dont le pied avait cassé.

Soudain, le bruit terriblement familier des engins spatiaux se fit entendre. Les ennemis étaient beaucoup plus nombreux qu'à l'ordinaire et ils descendirent plus bas que d'habitude. Aussitôt se fut la débâcle. Des cris retentirent dans tous les coins. Les parents cherchaient leurs enfants, leur criant de s'enfuir et de se cacher. Les adultes connaissaient le danger. Ils savaient ce que les Autres désiraient. Les enfants.  Certains avaient déjà été capturés et personne ne les avait jamais revu. Les Autres prenaient essentiellement des garçons, entre huit et dix ans pour la plupart mais parfois ils étaient plus jeunes ou bien il s'agissait de filles. Aucun n'était à l'abri. Tous couraient le risque d'être capturés ou tués.

Lorsque l'attaque commença, Franklin, le père de Gray, rejoignit ses fils en courant. Il s'adressa à son aîné, essayant de ne pas avoir l'air trop effrayé pour ne pas leur faire davantage peur.

- Allez vous cacher tous les deux, vite! Emmènes ton frère et protèges-le. Je compte sur toi pour prendre soin de lui. Nous nous retrouverons après. Vite, courez!

- Mais, père, je ne veux pas vous laisser, maman et toi. Venez avec nous.

- Ne t'inquiètes pas pour nous, mon fils. C'est vous qui êtes en danger. Vite, sauvez-vous! Allez sous le triangle d'arbres, comme d'habitude. Ils arrivent! Courez!

Après une brève étreinte, les deux frères se mirent à courir, main dans la main vers leur cachette. Il s'agissait d'un ensemble de pierres sous lequel on pouvait tenir à trois ou quatre, surmonté de trois arbres qui constituaient un abri supplémentaire. Les deux garçons couraient le plus vite possible, trébuchant parfois dans le sable. La plage était remplie d'enfants apeurés, petits et grands, qui essayaient de se cacher tant bien que mal mais il n'y avait que très peu d'endroits où cela était possible au milieu de cette vaste étendue de sable fin. Les envahisseurs se rapprochaient, le bruit de leurs machines se faisant de plus en plus menaçant.

Soudain Gray trébucha sur une butte de sable mais cette fois-ci, le petit garçon ne retrouva pas son équilibre. Sa main glissa de celle de son frère et il tomba lourdement. Il mit quelques secondes avant de se relever et, lorsqu'il y parvint, il prit peur. Une peur terrible. Son frère n'était plus là. Il était tout seul. Plus aucun enfant ne se trouvait à ses côtés. Le pauvre petit n'y croyait pas. Son grand frère l'avait abandonné. Il l'avait laissé seul face aux méchants. Il ne voulait plus le protéger. Gray ne voulait pas y croire mais il devait se rendre à l'évidence. Il était seul sur la plage, abandonné. Alors une immense tristesse l'envahit et il hurla le nom de son frère. Il hurla à s'en casser la voix, tombant les genoux dans le sol. Et c'est ainsi que les envahisseurs le découvrirent et l'attrapèrent.

Lorsque Gray reprit vraiment ses esprits, il se tenait au centre d'un rayon lumineux qui le soulevait du sol pour le conduire vers l'ouverture béante d'un vaisseau spatial. Le petit garçon était terrifié. Tout était noir autour de lui. Il observa ce qui se passait et constata qu'une dizaine de vaisseaux entraînaient également des enfants. Il reprit légèrement espoir en se disant que son frère était peut-être dans l'un des engins et qu'il le retrouverait là où ils se rendaient. Mais la peur s'était emparée de lui et n'allait plus le quitter avant très longtemps. Après tout, ce n'était qu'un petit garçon de neuf ans, désormais prisonnier d'ennemis inconnus.

En quelques secondes il fut à bord, avalé par cette bouche monstrueuse. Terrorisé, il n'osait regarder autour de lui pourtant la curiosité fut la plus forte. Le vaisseau n'avait pas l'air très grand et il était sombre et triste. Des consoles de commande en occupaient une partie tandis que des portes s'ouvraient sur l'autre. Le petit garçon n'osait pas bouger. Il ne savait pas quoi faire et espérait toujours que sa famille allait venir le sauver. En l'espace de quelques minutes, il avait perdu tout ses repères et n'avait plus rien à quoi se raccrocher. Une voix effrayante s'éleva alors d'un coin sombre et une horrible créature sortit de l'ombre pour s'approcher de l'enfant, tétanisé.

- Petit d'humain, tu nous appartiens désormais. Ne tentes rien ou tu es mort!

Gray ouvrit des yeux immenses face au monstre qui se tenait devant lui. Il hurla et ferma les yeux très fort, terrifié par ce qu'il voyait. Il espérait que la bête immonde allait disparaître s'il ne le regardait plus mais il devait se rendre à l'évidence, cela ne servirait à rien. Alors l'enfant respira un grand coup et ouvrit les yeux tout doucement. Il résista à la tentation d'hurler à nouveau. Il pensait que s'il ne montrait pas sa peur, le monstre ne lui ferait rien. Il avait tort seulement il ne le savait pas encore. Heureusement pour lui car sinon sa raison l'aurait abandonné beaucoup plus tôt.

La créature le poussa devant lui sans ménagement sans rien dire de plus jusqu'à une plate-forme semblable à celle par laquelle il était arrivé. Le vaisseau se posa enfin, la trappe s'ouvrit, et des escaliers se déplièrent. L'alien poussa encore l'enfant dans le dos, l'obligeant à descendre et à sortir de la navette. Gray posa le pied sur un sol en terre noire. Il leva les yeux et regarda autour de lui. Tous les enfants se tenaient au même endroit. Des dizaines d'enfants tout aussi terrifiés que lui. Ils se regardaient comme pour se rassurer et se donner le courage d'avancer. Les monstres les rassemblèrent comme un troupeau que l'on mène à l'abattoir. les frappant cruellement s'ils n'avançaient pas assez vite. Regardant autour d'eux, ils ne voyaient que désolation. Une terre sèche, aride, où rien ne poussait. Le ciel était sombre et menaçant et un vent glacial s'abattait sur eux. Ils n'osaient pas regarder leurs bourreaux car le premier regard leur avait suffit. Une seule de ces créatures représentait leurs cauchemars les plus horribles.

Ils étaient immenses, avaient des bras et des jambes ainsi qu'une tête qui les faisaient ressembler à des êtres humains mais la ressemblance s'arrêtait là. On les aurait dit taillés dans le roc, leur peau était noire et dure, comme hérissée de pics. Leurs membres étaient courts, trapus et se terminaient en doigts griffus et solides. Leur tête était menaçante, des yeux noirs dépourvus de pupilles semblaient lancer des éclairs tandis que leur bouche s'ouvrait sur une double rangée de dents longues et acérées qui pouvaient sûrement déchiqueter un corps en quelques secondes. Ils n'avaient ni nez, ni oreilles, seulement de petites ouvertures à la place. Ils étaient terrifiants et les enfants étaient morts de peur.

Ils furent conduits dans une espèce d'habitation gigantesque, longue et large, composée de plusieurs étages, taillé à même une montagne noire comme le reste. Une salle immense occupait le rez-de chaussée et les enfants y furent regroupés par groupes de dix. Gray chercha désespérément son frère du regard mais il ne le trouva pas. Il parcourut un par un les cinq groupes, en vain et se rendit à l'évidence. Les enfants présents avaient tous environ le même âge que lui. Son frère avait treize ans. Il n'était pas là. Le petit garçon se retrouvait seul, perdu. Bien sûr, il connaissait certains de ses camarades de douleur. Il y avait même quelques uns de ses amis mais ce n'était pas la même chose. Il n'avait plus de famille sur qui compter, il était seul au monde. Gray ressentait une forte envie de pleurer mais l'enfant avait déjà compris qu'il n'avait plus le choix. Il devrait désormais être courageux et ne pas se laisser aller. Ainsi les créatures ne lui feraient peut-être pas trop mal. Mais ses espoirs furent de courte durée lorsque l'un des monstres s'adressa à eux d'une voix gutturale.

- Petits d'humains, désormais vous serez nos esclaves. Vous nous servirez sans discuter. N'essayer pas de vous enfuir, vous ne le pourrez jamais. Désormais vous nous appartenez. Mais nous vous laissons le choix. Soit vous intégrez nos équipes de combat, soit... vous souffrirez pour le reste de votre vie.

Certains enfants se mirent à pleurer, terrifiés, tout en appelant leurs parents. D'autres se serrèrent les uns contre les autres, cherchant un peu de réconfort dans des bras amis. Gray ne bougea pas. Il attendait la suite des évènements et réfléchissait à ce qu'il voyait et ce qu'il entendait. Aucun d'entre eux n'eut le temps de se sentir rassurés que les créatures les firent entrer un par un dans une autre pièce, pour faire leur choix, à en croire les ennemis. Le petit garçon avait peur car leurs cris raisonnaient et aucun ne ressortait. Le doute n'était plus permis. Les envahisseurs n'étaient pas gentils. Ils leur voulaient du mal. Ils voulaient des enfants car ceux-ci étaient bien entendu plus faciles à manipuler et à effrayer que des adultes. Ils ne savaient pas se battre et n'avaient pas la force de tenir tête à leurs ennemis.

Quant ce fut au tour de Gray d'entrer dans la pièce, un réflexe de survie poussa le petit garçon à essayer de fuir. Mais il ne put faire qu'un seul pas avant que l'un de leurs geôliers ne le rattrape. Il le lança à terre et Gray se cogna fortement la tête. Il avait terriblement peur mais il n'eut pas le temps  de réagir que le monstre le releva et le frappa violemment avant de le pousser brutalement dans l'autre pièce. Gray atterrit sur les mains et les genoux. Il avait très mal, les larmes coulaient toutes seules de ses yeux et son nez saignait. Le petit garçon se releva faiblement et ses yeux s'écarquillèrent d'horreur. Des feux étaient allumés, des objets ressemblant à des armes s'étalaient sur une table en pierre devant trois de leurs bourreaux. L'un d'eux s'avança au dessus de l'enfant, menaçant.

- Petit d'humain, tu as le choix: esclave ou soldat. Une épreuve t'attend dans les deux cas. Si tu n'as pas la force de la supporter, tu la subiras jusqu'à ce que tu sois assez fort. Que décides-tu?

Gray réfléchit rapidement. Devenir soldat lui permettrait peut-être d'être mieux traité et de devenir suffisamment fort pour se sauver dès que possible. Devenir esclave le condamnerait certainement à souffrir beaucoup plus et sûrement à être parqué dans un endroit isolé ou très surveillé. Alors il tenta le tout pour le tout. Il leva la tête, regardant son ennemi droit dans les yeux et, d'une voix qu'il voulut ferme, il répondit:

- Je veux être un soldat.

- Que ta volonté soit faite. Approches.

Gray s'avança, s'efforçant de ne pas trembler. Il allait avoir mal, il le savait. Aussi essaya-t-il de se montrer fort et de penser à autre chose lorsque la créature prit un outil étrange, semblable à un fouet avec des lanières parsemées de piquants. Lorsque le premier coup tomba, le petit garçon s'écroula sur le sol. La douleur était tellement forte! Jamais il n'avait eu si mal. Le monstre le releva, sans aucune pitié et continua de frapper. L'enfant subit les dix coups requis en essayant de ne pas pleurer, de ne pas crier mais son dos était en sang et son corps tout entier n'était que douleur. Il se laissa glisser sur le sol, se recroquevillant en position foetale, souhaitant de toutes ses forces retrouver ses parents et son frère. Il se sentit à nouveau soulever du sol sans ménagement et poussé dans une autre pièce sombre alors que son bourreau lui ôtait ses derniers espoirs en quelques mots cruels.

- Tu ne feras pas un bon soldat. Tu es trop fragile. Tu seras esclave jusqu'à ce que tu apprennes à résister aux épreuves. Tu m'appartiens. Personne ne te sauvera, jamais!

Et la porte se referma sur la vie de l'enfant.

Regardant autour de lui, il vit qu'il n'était pas seul. Une douzaine d'enfants dans le même état que lui étaient étendus par terre ou recroquevillés dans un coin. Tous pleuraient et l'odeur métallique du sang était omniprésente. Alors Gray s'assit dans un coin, solitaire et, les yeux fermés, il essaya de ne penser qu'à sa famille, laissant les larmes couler en silence. Le sommeil le surprit quelques heures pus tard. Un sommeil peuplé de cauchemars et du souvenir de son grand frère.

Un bruit le réveilla en sursaut. Les monstres emmenaient les enfants. Gray n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé depuis son enlèvement mais il avait peur, il avait faim et il voulait rentrer chez lui. Pendant des jours et des jours, il dut travailler avec les autres petits. Enchaînés, frappés, ils construisaient des sortes de cabanes destinées à les accueillir par groupes de cinq. Ils ne mangeaient presque rien à part une espèce de gruau infâme accompagné d'un liquide jaunâtre qui les maintenaient hydratés et ne dormaient que quelques heures dans le froid  tout en étant constamment surveillés. S'ils n'allaient pas assez vite ou faisaient mine de s'arrêter, leurs bourreaux les frappaient violemment sans aucune pitié. Gray vivait désormais la peur au ventre. Il voyait les changements qui s'opéraient chez ses camarades et, assurément, sur lui-même. Sales, plus maigres que jamais; des yeux remplis de terreur ornés de larges cernes noirs et surtout les marques de coups qui recouvraient leurs pauvres petits corps. Mais il y avait autre chose. Certains semblaient vides, d'autres en colère.

Gray sentait des changements se produire au plus profond de lui mais suivait le mouvement sans se poser de questions  car il avait toujours peur de se faire frapper. Il construisait ce qu'on leur demandait de construire, mangeait sa maigre pitance une fois par jour, se lavait lorsqu'il trouvait de l'eau. Enfin, il tentait de se maintenir en vie comme il le pouvait. Chaque mouvement était douloureux, certaines de ses plaies étaient infectées mais il était toujours vivant. Il ne pouvait en dire autant de certains des enfants qui partageaient son groupe. Sur les dix-huit du départ, trois manquaient déjà à l'appel, deux autres étaient à l'agonie. Gray était horrifié de voir tout de qui se passait autour de lui et, parfois, il se demandait même s'il ne valait pas mieux mourir. Au moins il ne souffrirait plus. Mais d'un autre côté, il espérait toujours que son frère allait venir le sauver. Il croyait encore en lui car c'était cela ou plonger dans un abîme de désespoir.

Plus les jours passaient, plus Gray se retrouvait seul et triste. Ses camarades disparaissaient les uns après les autres, certains étant envoyés dans une autre partie de la planète dans un but imprécis tandis que d'autres disparaissaient simplement. Un matin, le jeune garçon se réveilla plus déterminé que jamais. Il devait tenter quelque chose. Il devait essayer de s'enfuir s'il ne voulait pas subir le même sort que tous les enfants et il pensait savoir comment faire. Ayant été obligé de servir certaines créatures chargées de l'entretien des vaisseaux, il avait appris certaines choses et pensait être en mesure de conduire l'un de ces engins. Il suffisait d'entrer les coordonnées de la destination souhaitée et une sorte de pilote automatique vous y menait rapidement. Bien sûr, il y avait des commandes manuelles mais l'enfant ne savait pas s'en servir et il ne pouvait courir le risque d'avoir un accident. Alors, ce matin-là, tout en faisant semblant d'accomplir ses tâches quotidiennes, il parvint jusqu'à l'endroit où les vaisseaux se trouvaient. C'était le seul moment où il pouvait tenter quelque chose car personne ne se trouvait sur les lieux. Il devait agir vite.

Après avoir regardé autour de lui, il ouvrit lentement la porte de l'un d'entre eux, monta rapidement à bord et tâcha de se souvenir des bonnes coordonnées qui le ramèneraient chez lui. Le petit garçon commençait tout juste à les introduire dans l'appareil, tremblant d'impatience, lorsqu'un bruit terrible retentit derrière lui. terrifié, il se retourna rapidement et se trouva face à trois Stax -c'était leur nom, il l'avait appris. le premier le balança à terre d'un coup violent à la tête tandis que le second rugissait.

- Tu voulais t'enfuir, misérable humain! Et tu aurais pu réussir. Mais l'un de tes camarades t'a vu et t'a trahi sans aucune hésitation. Nous le remercierons comme il se doit. C'est lui qui auras le privilège de t'administrer la correction qui t'attend.

Le troisième Stax le souleva de terre et tous redescendirent du vaisseau pour retourner à leur base. Gray était terrifié. Qu'allaient-ils lui faire? Il savait de quoi ces monstres étaient capables pour les avoir vu à l'oeuvre plus d'une fois et il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa jeune vie. Arrivés à la base, l'enfant vit celui qui l'avait trahi. A peine plus âgé que lui, il avait l'air en piteux état. Ses yeux sans éclat accrochèrent ceux de Gray mais aucun des deux ne parla. L'un des Stax poussa Gray à terre et fit approcher l'autre garçon. Celui-ci tenait un fouet entre ses mains qui tremblaient. Alors Gray ressentit un immense soulagement. Il serait juste frappé, ce n'était pas grave. Et puis l'enfant était beaucoup moins fort que les créatures. De plus, son corps en avait pris l'habitude et son esprit s'en allait vers d'autres sphères dès que le premier coup tombait. Un lieu remplit de rage et de haine envers tout ceux qui l'avaient blessé; un lieu qui l'aidait à tenir pendant toute la durée de la correction.

Parfois, pourtant, Gray ressentait une étrange sensation. Il avait de plus en plus de mal à revenir de ce lieu inconnu. La haine commençait à tisser sa toile autour de son âme et menaçait de l'emprisonner à jamais. Et cette haine grandissait en même temps que l'enfant, en se dirigeant de plus en plus vers un seul être, celui que le petit garçon tenait pour responsable. Son propre frère.

Un Stax l'avait à nouveau soulever du sol et l'entraînait vers une gigantesque croix de pierre dressée à l'écart de tout et Gray comprit son erreur. Il s'était lourdement trompé. Sa tentative d'évasion, il allait la payer très cher. Il ne subirait pas que le fouet. L'enfant avait raison. En quelques secondes, il se retrouva attaché contre cette pierre dure et froide, torse nu, et il vit l'autre enfant s'approcher lentement de lui. Avant de lui assener le premier coup, leurs regards se croisèrent encore une fois et le petit bourreau sourit tristement à Gray.

- Je suis désolé, tu sais, mais je n'ai pas le choix. Ils m'ont promis que je pourrais aller dans la grande maison et les enfants sont mieux traités là-bas. Ne m'en veux pas, je t'en prie.

Gray regarda intensément celui qui venait de prononcer ces paroles. Son regard n'exprimait rien et ce fut d'une voix froide qu'il lui répondit.

- Frappes! Il faut bien que tu mérites ta place dans la grande maison.

L'enfant laissa couler ses larmes tandis que les lanières de cuir meurtrissaient la chair de son semblable. Quand il eut terminé, il jeta l'instrument de torture aux pieds des Stax qui se réjouissaient de ce spectacle et baissa la tête tandis que les créatures éclataient d'un rire guttural. L'un d'eux regarda les petits, froidement.

- Petits d'humains, voyez: vous n'êtes pas différents de nous. Le mal vous habite tout autant. Il suffit de lui donner l'occasion de sortir et de s'exprimer.

Se tournant vers celui qui avait frappé, il continua.

- Tu as réussi ton épreuve. Tu peux rejoindre la grande maison et je pense que tes services seront encore nécessaires.

- Non, je ne veux plus faire de mal à personne, plus jamais!

- Tu n'as pas le choix sauf si tu préfères tenir compagnie à ta victime.

Les deux enfants se regardèrent encore en silence.

- D'accord, je vous suis.

- Bien. Décidément, vous êtes très prévisibles, petits d'humains.

Et se tournant vers Gray, il reprit.

- Quant à toi, puisque tu as voulu nous quitter, ta punition sera terrible. Tu resteras attaché ici jusqu'à ce que nous décidions que c'en est assez... ou que tu meures.

Gray ne répondit pas. Tout lui devenait égal. Il se dit que rester attaché à cette croix ne devait pas être plus terrible que les travaux forcés et les coups quotidiens. Il se trompait. Il resta de longs jours suivis de terribles nuits dans le vent et le froid, frappé, privé de nourriture la plupart du temps. Il tomba terriblement malade, souhaitant que la mort le cueille mais, hélas, de plus dures épreuves l'attendaient encore et la mort se détourna de lui encore une fois.

Chapitre 2

La grande maison était vide. Gray savait qu'il se passait quelque chose d'étranges depuis plusieurs mois. Il était le dernier prisonnier vivant sur la planète et il ne restait environ qu'une dizaine de Stax. Tous avaient disparu; certains suite à une épidémie, les autres, et bien, il ne le savait pas vraiment. Depuis douze ans qu'il vivait là, le jeune homme connaissait la petite planète dans les moindres détails et ces disparitions mystérieuses l'inquiétaient vaguement. Que ferait-il si les dernières créatures quittaient la planète en l'abandonnant? Comment pourrait-il partir à son tour? Il passait le plus clair de son temps enchaîné. Sa marge de manoeuvre était considérablement réduite et, même s'il avait de quoi boire et manger, il ne pouvait rien faire d'autre. Il n'aurait donc aucun moyen pour atteindre les vaisseaux même s'il n'était plus sous surveillance depuis plusieurs années. Son seul choix serait de se laisser mourir et il n'en était pas question!

Gray était devenu un jeune homme beau et fort comme il promettait de le devenir avant son enlèvement et ce, malgré les tortures qu'il n'avait cessé de subir tout au long de ces années. Son caractère aussi avait changé. Le charmant petit garçon drôle, naïf et confiant était devenu un être que la haine et la rage uniquement faisait vivre dans un seul but. Quitter cette planète, retrouver son frère et se venger de lui. Lui voler sa vie ou la briser car il méritait de souffrir, de connaître autant de malheurs et de souffrances que lui-même avait enduré en serrant les dents tout au long de sa vie.

Oui, Gray savait que la chance allait tourner. Que l'occasion lui serait enfin donnée de s'échapper de cet enfer. Qu'un jour ou l'autre il trouverait un monde normal et aurait une vie digne de ce nom. Quoiqu'il ne lui restait que de vagues souvenirs de ce qu'était une vie normale. mais son premier souhait était avant tout de se venger, de briser son frère. Ensuite, il aviserait. Peut-être chercherait-il ses parents s'ils n'étaient pas morts. Il pensait pouvoir leur pardonner. Après tout, son père avait essayé de  protéger ses enfants même s'il n'avait pas réussi. Il ne l'avait pas lâché, il ne l'avait pas abandonné, lui. Oui, il leur laisserait sûrement une deuxième chance. Il était assez fort désormais pour les protéger et se protéger lui-même de n'importe quel ennemi. Chaque jour, il s'entraînait et devenait plus fort et endurant. Cela lui servirait tôt ou tard, il le sentait. Après tout, il ne pouvait rien contrôler d'autre que son corps et son esprit, il ne pouvait agir sur rien ni personne d'autre que lui. Jamais il  n'avait eu de professeurs, d'amis, ni même d'animal domestique. Il ne connaissait rien de la vie et comptait bien rattraper son retard, une fois libéré. Il vivrait deux fois plus intensément toutes les nouvelles expériences qu'il ferait. Mais pas avant d'avoir détruit son frère. A cette idée, le jeune homme sourit. Un sourire cruel au premier regard mais, si l'on regardait de plus près, empreint d'une profonde tristesse. Un sentiment que Gray ne voulait ni reconnaître, ni accepter mais qui transparaissait parfois, dans ses moments de faiblesse.

Le jeune homme occupait donc ses journées en s'entraînant, faisant travailler ses muscles sans relâche tout en cherchant un moyen pour vaincre les derniers Stax. Il pensait y parvenir assez facilement en les isolant et en les tuant les uns après les autres. Mais il lui faudrait encore du temps avant d'y parvenir sans se faire repérer car ils étaient armés et Gray ne pouvait rien contre ça. En plus, malgré le fait que le jeune homme se servait de sa rage pour avancer, il n'avait encore jamais tué personne et ne savait pas se qu'"il ressentirait en accomplissant un tel acte. Mais il s'agissait de ses bourreaux alors il ne devait avoir aucune pitié pour eux et faire ce qu'il fallait pour s'en sortir.

Gray enrageait. Quand donc réussirait-il à quitter cette maudite planète? Soudain, tandis qu'il se posait toutes ces questions, un bruit étrange se fit entendre non loin de lui. Et une voix railleuse s'éleva.

- Allons bon! Où ai-je atterri cette fois-ci? C'est quoi cette stupide planète? Où sont les belles créatures et l'alcool coulant à flots? C'est bien ma veine. Je suis tombé sur une planète cimetière. Allez, je me casse d'ici.

Gray était intrigué. C'était la première fois depuis qu'il était enfant qu'il entendait une voix apparemment humaine. Il contourna le rocher derrière lequel il se trouvait et tomba nez-à-nez avec un homme. Grand, brun, vêtu d'un étrange uniforme. Une veste militaire rouge à boutons dorés, un jean usé et un tee-shirt blanc qui avait connu des jours meilleurs. Il portait également un double ceinturon et des bottes de cuir à lacets lui montant presque aux genoux ainsi qu'un étrange bracelet de cuir au poignet, de grosse taille. Une arme dans chaque main complétait cette panoplie. Armes qu'il pointa sur Gray dès l'instant où il le vit apparaître.

- Ho là, t'es qui, toi? On est où, là?

- C'est plutôt à vous qu'il faut le demander. Comment êtes-vous arrivé ici? Je n'ai vu  ou entendu aucun vaisseau à part celui des Stax.

- Les Stax?! C'est quoi, ça?

Gray regarda par dessus l'épaule du visiteur.

- Ce sont eux.

En une seconde, les deux hommes furent entourés par les créatures. L'étranger réagit le premier.

- Tu sais te servir d'une arme, gamin?

- Je crois que  oui. On n'a pas le choix.

Et dans une union parfaite, les deux hommes firent face et se battirent contre les Stax. La lutte fut acharnée mais au bout du compte, toutes les créatures  furent anéanties non sans avoir infligé quelques blessures à leurs agresseurs. L'étranger se releva le premier. On le sentait dans son élément.

- Alors, gamin, ça va? Non pas que ça m'intéresse mais bon, je dois reconnaître que tu t'es bien battu. Allez, je dois y aller. J'ai passé suffisamment de temps sur cette planète. A un de ces jours.

- Attendez, je pars avec vous. Ça fait des années que je cherche à m'échapper d'ici. Quelque soit votre véhicule, je vous demande juste de me conduire ailleurs. Rien d'autre. Après, chacun sa route.

- T'échapper, dis-tu? Es-tu donc leur prisonnier?

L'homme avait l'air intéressé et attiré par le jeune homme et le regardait d'un air étrange.

- Oui, depuis que j'ai neuf ans. Ils étaient beaucoup plus nombreux auparavant et ont enlevé de nombreux enfants. Ils nous ont soumis à l'esclavage en nous torturant sans relâche pour qu'on leur obéisse. Je dois m'échapper, rentrer chez moi, le retrouver.

- Retrouver qui?

Gray se remit immédiatement sur ses gardes.

- Ça ne vous regarde pas. Qui êtes-vous, au fait?

- Oh, c'est vrai. Nous ne nous sommes pas présentés. Je suis le Capitaine John Hart. Et toi, qui es-tu?

- Je m'appelle Gray.

A ce nom, la physionomie du Capitaine changea l'espace d'une seconde mais il se reprit instantanément.

- Gray... Tu as raison. Quittons ce tombeau.

Et sans rien dire de plus, John Hart porta la main à son poignet opposé et pianota sur les touches de son étrange bracelet également muni d'un cadran.

- Attendez! Vous faîtes quoi, là? Nous devons partir d'ici!

- Mais c'est ce que nous faisons, gamin. Nous partons. Accroches-toi. Ça secoues si on n'est pas habitués.

Et sur ces derniers mots, une lumière bleue apparut et bientôt il ne resta plus une trace de vie sur cette planète désolée.

Gray regarda autour de lui, stupéfait. Il se tenait aux abords de ce qui ressemblait à une ville animée, John Hart à ses côtés. Il se tourna vers lui.

- Où sommes-nous exactement? Que s'est-il passé?

- Si mes calculs étaient bons, sur la planète Groborabox. Ne te fies pas au nom. John le regarda, un sourire canaille aux lèvres. Cette planète possède les plus belles femmes de tout l'univers. Allons nous amuser. Nous l'avons bien mérité après notre bataille avec ces sales bêtes.

Gray commençait à s'énerver.

- Mais je ne veux pas m'amuser! J'ai une mission à accomplir. Et d'abord, comment sommes-nous arrivés ici?

- Gamin, ce bracelet est un manipulateur de vortex. Je suis un Agent du Temps. Je me balade où je veux dans le temps et l'espace.

John marqua une pause puis reprit.

- Écoutes, gamin. Tu es resté coincé presque toute ta vie, prisonnier. Tu ne connais rien du monde. Tu as besoin d'apprendre certaines choses. Je serai ton mentor. Et quand tu en auras assez, tu partiras.  Ça te convient comme deal?

Gray regardait le Capitaine, méfiant. Il se demandait s'il pouvait faire confiance à cet homme qui venait de nulle part. Pourquoi voudrait-il l'aider? Après tout, il pourrait toujours s'en aller où bon lui semblerait s'il le voulait. Il était libre. Enfin!

- Pourquoi feriez-vous ça pour moi? Vous ne me connaissez pas. Nous sommes des inconnus tous les deux. Personne ne m'a jamais aidé.

John le regarda, un instant songeur. Perdu dans ses pensés, il sursauta lorsque Gray l'appela.

- Et bien, je pense que j'en ai assez de la solitude. Un compagnon de voyage me fera du bien.

Gray réfléchit quelques instants. Cet homme avait raison. Il avait besoin d'acquérir de l'expérience, de connaître le monde qui l'entourait. Il devait faire ses preuves dans la vraie vie afin de mettre au point sa vengeance. Il devait découvrir l'endroit où vivait son frère, l'étudier, connaître ses amis, ses ennemis même. Alors son but serait enfin atteint. Il serait enfin libre. Reprenant conscience de la présence du Capitaine à ses côtés, il s'adressa à lui, sa méfiance tapie dans l'ombre.

- D'accord, Capitaine John Hart! Je resterais avec vous le temps de connaître ce monde, de me créer une vie et, après, ce sera chacun pour soi.

John Hart acquiesça en silence mais dans son esprit un autre projet prenait forme.