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Blackwood Manor

Série : Torchwood
Création : 29.09.2010 à 22h17
Auteur : Rhea01 
Statut : Terminée

« Univers Alternatif, toute l'équipe de Torchwood au grand complet au temps de la Reine Victoria. Ou les aventures de Lord Harkness et Ianto Jones, précepteur et bibliothécaire. » Rhea01 

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L'essentiel des personnages de cette fic ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de RTD et la BBC (et My boss Chrismaz).

Beta : ma précieuse Arianrhod


Partie une

Chapitre un : Voyage vers un manoir inconnu.

 

L'attelage brinqueballait un jeune homme frêle, d'allure modeste au gré des trous, nombreux, de la route. Il luttait maladroitement pour ne pas tomber sur les genoux de ses voisins de voyage. Une vieille femme le regardait avec chaleur en voyant ses efforts pour ne pas l'écraser tandis qu'un diacre le fusillait du regard parce qu'il lui avait brièvement touché le genou. Le jeune homme, brun, emprunté dans ses meilleurs vêtements d'une coupe presque incongrue pour le voyage. Il ressemblait à un jeune citadin, perdu dans cette campagne galloise, grise sous la pluie qui bouchait le ciel.

Il baissa la tête, épuisé. Il commençait à ne plus pouvoir supporter ce voyage entamé trois jours plus tôt. De Londres à Cardiff, en passant par l'atroce traversée du bras de mer, il lui restait encore quelques heures avant d'achever son périple. Il s'était lancé sur les routes sans même réfléchir. Le pire fut de découvrir qu'il aurait pu éviter le passage en mer, car Blackwood, sa destination finale était plus au nord que la cité Galloise. Il avait suivi les indications de Maître Andy Davidson, le fondé de pouvoir de Lord Harkness. Il l'avait rencontré à Cardiff, celui-ci avait voulu vérifier ses états de service avant de l'accepter pour le travail pour lequel il avait postulé.

Les références qu'il avait apportées l'avaient à la fois charmé et étonné. Ianto Jones, fils d'Amalia Geerstann et de Peter Jones, diplômé de latin, grec, allemand et anglais d'une des meilleures universités d'Angleterre, c'était un curriculum vitae intéressant pour un simple fils de tailleurs gallois. Il aurait pu certainement aller loin, devenir professeur à l'université de Londres, où ses parents résidaient loin de leur pays natal. Il n'avait pas eu cette chance, aucun mécène n'avait souhaité le prendre sous sa protection et une chaire était d'un coût exorbitant. Il ne pouvait que rêver un jour s'offrir ce luxe, une fois une vie de labeur achevée. D'autres rêves occupaient son esprit, ceux de visiter l'Europe, les villes les plus magnifiques, les ruines les plus intéressantes, marcher dans les pas des philosophes qui avaient enthousiasmés ses jeunes années.

Il avait dû choisir d'autres métiers pour remplir cette vie, il avait continué à chérir l'enseignement, il était donc devenu professeur particulier dans différentes familles. A l'âge encore tendre de 23 ans, il avait déjà enseigné les lettres anciennes à deux jeunes gens de la haute société londonienne, avant qu'ils ne rejoignent le collège d'Eton et prit le poste de professeur particulier auprès d'une jeune fille, sortant à peine d'une institution de jeune fille, Lisa Hallet.

Il s'était beaucoup attaché à cette demoiselle, à l'aube de la maturité. Il avait adoré voir son esprit s'épanouir sur les plus ardues des épîtres des philosophes grecs et romains. Il avait succombé à son charme, sa façon de se jouer de lui, et de ses sentiments. La jeune fille de 18 ans l'avait poussé à se déclarer, à demander sa main à son père qui s'était gaussé de son aplomb et de son amour.

« Lisa est fiancée, promise au fils du Baron de R…, sa fortune est estimée à 700 000 livres annuelles, c'est bien plus que ce que vous pourriez gagner avec votre traitement de professeur. Vous n'avez pas honte de proposer une vie de pauvreté à ma fille, avait-il tonné » Jones n'avait rien répondu, il ne pouvait rien rétorquer à cette volonté paternelle. Pas même l'assurance de leur amour réciproque n'aurait pu attendrir le vieux lion. Le professeur avait été sommé d'oublier cette idiotie et de trouver rapidement un nouvel emploi. Seules l'excellence de son travail, son honnêteté et la peur du scandale avait empêché la famille Hallet de le jeter dehors comme un malpropre.

Mais l'affaire avait couru rapidement en ville, aidée par la jeune Lisa, dépitée que son soupirant ne se batte pas plus pour sa main. Elle s'était donc vengée en faisant courir sur son dos des rumeurs immorales qui lui avaient coûté chaque emploi demandé. Il aurait pu se retrouver seul au monde, à la rue, endetté, si ses parents ne l'avaient pas accepté à nouveau chez eux. Il avait mis tellement de temps à partir de la cellule familiale qu'il avait soupiré. Il ne savait ce qui était le plus difficile, perdre toute chance d'enseigner à nouveau à de jeunes esprits ou retourner à l'âge d'homme auprès de ses parents.

Son père n'avait pas manqué de mots plus durs et plus désagréables les uns que les autres pour décrire sa situation malheureuse, le terme imbécile avait été le plus doux. Le jeune homme n'avait rien dit, il avait subi pour ne pas envenimer l'ambiance familiale et protéger sa mère. Il avait dès que possible cherché du travail, mais même en tant que secrétaire particulier, il n'avait pas eu de réponses positives. Au bout de deux mois difficiles à éviter son père dans la minuscule maison cachée dans Canary Warf, il avait enfin reçu une missive de Maître Davidson qui lui proposait une situation, celle de secrétaire particulier en charge de la bibliothèque de Sir Harkness assorti d'un poste de précepteur. C'était une opportunité qui lui avait semblé tomber du ciel, sans doute trop belle pour être vraie.

 


Rhea01  (29.09.2010 à 22:18)

Alors qu'il pensait encore à cet entretien passé dans les bureaux de Davidson, la diligence qui cheminait à travers la campagne galloise s'arrêta enfin.

- Blackwood ! On descend ici.

- Excusez-moi, pardon, veuillez m'excuser madame.

Le jeune homme s'extirpa de l'habitacle empuanti par l'haleine chargée du diacre. Il descendit et posa le pied dans une flaque d'eau cachée par la végétation. Retenant un juron, il se tourna juste à temps pour recevoir son bagage jeté par un postillon hilare.

- voilà votre bien, monsieur, amusez-vous bien dans ce trou perdu, vous allez regrettez notre belle cité de Cardiff.

Ianto ne répondit pas, l'homme avait raison. C'était une triste journée, la pluie avait cessé de tomber, laissant place à un jour sombre, voilé et bas. Tout semblait être gorgé d'eau, être noyé par la pluie. Il regarda la diligence s'éloigner dans un concert de crissements d'essieu et giclements d'eau. Il se trouvait à un carrefour sur une route qui porterait plutôt le nom de chemin creux, si la poste ne passait pas si souvent, au moins une fois par semaine. Il avisa un panneau qui indiquait la direction de Blackwood. Il s'engagea dans ce chemin, l'eau qui trempait ses chaussures montait à présent l'assaut de son pantalon. Il regretta ne pas s'être muni de bottes, après tout, il allait maintenant travailler dans la campagne. Autant faire sacrifice de l'élégance. Il maugréa ce qui n'était guère dans son habitude. Cependant depuis qu'il avait mis un pied ici, il ne cessait d'avoir de mauvaises surprises, le temps maussade du voyage n'avait été qu'une sinécure à coté du voyage en bateau.

Il avait été malade à tel point qu'en arrivant à Cardiff, il était encore, nauséeux et tremblant de son violent mal de mer. Il s'était alors juré de ne plus quitter le délicieux plancher des vaches. Le temps de trouver une auberge pour l'accueillir la nuit, l'heure de son rendez-vous était arrivé.

Il marchait d'un pas vif, qui ne tarda pas à lui mettre la sueur au front, il y avait si longtemps qu'il n'avait pas pris d'exercice, qu'il profitait de l'agréable sensation. Il respirait l'air frais et humide qui collait à son visage avec un plaisir évident. Ce serait tellement mieux s'il n'avait pas les pieds qui se refroidissaient.

Il repensa à son entretien. Il était arrivé à l'heure au rendez-vous fixé. Il avait eu raison de précipiter son départ. Maître Davidson était un jeune homme, mince et blond, paraissant trop jeune pour s'occuper de finances mais il semblait tout à fait à son affaire. Il connaissait visiblement l'histoire de Jones mais ne semblait pas en avoir cure. D'emblée, il avait été franc, ouvrant l'entretien sur les déboires de Jones.

"- Ce que je vous propose est très simple, je sais que vous cherchez actuellement un emploi vous permettant de vous faire oublier quelques temps et moi, je recherche une personne qui pourra aider Lord Harkness à organiser sa bibliothèque. Il a hérité d'un fond très important d'une amie et il souhaiterait y mettre de l'ordre. Ce sera votre première mission auprès de lui. Vos qualités d'écoute et de rédaction seront importantes pour votre seconde mission, car il vous faudra écouter ses histoires et les retranscrire afin de rédiger ses mémoires. Cela vous convient-il ?

- Tout à fait, ce sont les tâches d'un secrétaire particulier. Votre offre parlait aussi d'un poste de précepteur, n'est-ce pas ?

- Oh, j'oubliais, vous donnerez aussi des cours à Master Steven, le fils de Lord Harkness, une fois qu'il sera à Blackwood ainsi qu'à Miss Sato, sa pupille. Je connais vos récentes difficultés mais je pense que dans le cas qui nous occupe, vous serez trop affairé pour conter fleurette à une jeune fille fiancée de surcroît.

- Je n'ai jamais conté fleurette à quiconque !

- Vous devez donc être bien malheureux ! fit-il en plaisantant, non, je veux juste que vous sachiez que bien que cette malheureuse histoire soit venue jusqu'à nous, vous n'aurez pas de problème pour l'oublier ou vous faire oublier. Et puis, ce n'est certainement pas Lord Harkness qui pourrait vous juger.

- Parlez-moi de lui et de sa maisonnée, je vous prie, le jeune homme ne put s'empêcher de concevoir une certaine curiosité à propos de son futur employeur.

- Oh, il est rentier, anobli par la Reine Victoria pour services rendus à l'empire Britannique. Elle lui a offert le manoir de Blackwood et les terres environnantes, jusqu'à une partie de la forêt de Beacons Brecons pour son confort personnel. Monseigneur aime la chasse entre autres activités. Il vit entouré de sa pupille, Miss Sato, une jeune femme remarquablement intelligente, elle en remonte à bien des hommes. Elle est fiancée au Docteur Harper, à qui vous avez été recommandé. Un certain Maître Dumont qui connaissant votre situation lui a enjoint de vous prendre pour les différentes tâches que le docteur assurait jusqu'ici. Mais dans quelques mois, il aura sa propre maison à s'occuper. Il cherchait donc une personne pour s'attacher au Lord.

- Très bien, je comprends. Mais.. qu'en est-il de mes ..., il se trouvait un peu embarrassé de parler salaire à cet homme.

- Vos gages ? 250 livres par mois, tout frais compris.

- Hein ? Il avait écarquillé les yeux, une somme pareille, c'était presque 3 mois de salaires.

- Oui, les gages sont importants, vous comprendrez en rencontrant le lord, il peut être assez exigeant et parfois difficile. Nous avons dû convenir d'une somme suffisante pour retenir n'importe qui. Encore que 250 livres n'ont pas suffit la dernière fois. Mais Sir Harkness ne s'embarrasse pas pour une somme pareille.

- Je ne suis donc pas le seul à avoir occupé ce poste.

- Non, vous êtes le cinquième et autant vous le dire dès maintenant, tous ont jugé la tâche trop lourde et épuisante.

- C'est une façon de me dire que c'est un emploi de courte durée ?

- Vous êtes le seul à pouvoir le décider. Si cela vous plait de rester, vous ferez comme vous le souhaitez. Vous allez découvrir que la vie à Blackwood est assez particulière. Deux personnes s'occupent de la maisonnée, Rhys et Gwen Williams, un jeune couple auquel le lord fait une totale confiance. Ils gèrent à eux deux les aspects pratiques du manoir. Rhys est très apprécié des fermiers qui louent et cultivent les terres, son épouse gère le personnel du manoir. Elle les tient sous sa coupe et gare à ceux qui ne suivent pas les règles. Malgré tout, le manoir n'emploie plus beaucoup de personnel en ce moment. Lord Jack est assez … particulier, vous le constaterez par vous-même, mais ce n'est pas un mauvais homme.

- J'ai l'impression que vous essayez plus de me convaincre de partir que de rester, avait-il dit en riant.

- Oh non, le jeune notaire avait répondu en souriant à son tour, mais je tiens à ce que vous soyez prévenu. Ne faites pas attention aux commentaires que vous entendrez sur lord Jack, la moitié est vraie, l'autre n'est que spéculation. Mais vous apprendrez vous-même à le connaître, vous verrez qu'il peut être tout à fait charmant.

- Très bien, et comment je me rends à Blackwood Manor ?

- Vous acceptez le travail ?

- Je n'ai pas d'autres choix en ce moment, vous avez parfaitement compris ma situation actuelle.

- Oui, et croyez-moi, j'en suis désolé. Je n'aime pas voir un homme à l'honneur bafoué, surtout pour des broutilles. Je vous fais signer votre contrat et vous donne un acompte, pour votre logement de ce soir, quelques faux-frais et de quoi compléter votre garde-robe. Des bottes, ce serait un choix intelligent, croyez-moi. La diligence part demain matin à la première heure et la prochaine n'est que dans une semaine. Vous savez, on sera heureux lorsqu'on aura enfin le train pour se rapprocher de Londres. Mais cela ne risque pas d'arriver à Cardiff avant un bon bout de temps… »

L'entretien s'était vite conclu, Jones avait donné toutes ses références, bien plus importantes et enthousiasmantes que celle, succinctes des Hallet, même si Maître Hallet n'avait rien indiqué d'embarrassant dans sa lettre de référence.

Jones avait acquiescé à tout ce qu'il disait, la tête un peu embrumée par les paroles du fondé de pouvoir qui n'avait pas la langue dans sa poche. Il l'invita à déjeuner, ce qu'il accepta, attentif à tous les détails que l'homme pourrait lui apprendre sur son nouvel emploi. Mais il avait conservé en tête ce qu'il avait dit « un homme à l'honneur bafoué pour des broutilles ».

Alors qu'il marchait seul dans cette campagne gorgée d'eau, les mêmes mots tournoyaient dans son esprit. Il avait été stupide, tellement idiot, de tomber amoureux de la fille de son employeur. Il n'avait pas réussi à arracher ses sentiments dans sa poitrine. Il vivait son absence comme une lame de rasoir posé sur son cœur. A moins que ce ne soit l'assurance d'avoir été utilisé … Lisa Hallet, elle s'était joué de lui, de ses sentiments, pour partir plus rapidement de sa famille. Il s'en était rendu compte, bien sur, mais aveuglé par ses sentiments, il croyait sincèrement qu'elle le choisirait lui, parmi tous les autres.

La déconvenue avait été rude. La jeune fille lui avait ri au nez, elle lui avait avoué tout ce qu'elle ressentait pour lui, alors que le jeune homme venait lui expliquer que son père s'opposait à leur union. Ce n'était pas du tout ce à quoi il s'était attendu. Il n'avait pas anticipé ce mépris, ce dégoût quand elle avait choisi de rompre une relation qui n'existait que dans son esprit. Elle ne l'aimait pas, elle ne le haïssait pas, pire que tout, il lui était indifférent. Le choc avait été violent. Il ne voulait pas se souvenir des mots terribles qu'elle n'avait pas hésité à utiliser pour lui faire mal. Il respira un grand coup et continua à marcher dans ce chemin creux qui lui cachait les champs.

 


Rhea01  (29.09.2010 à 22:20)

Le jeune homme continua de marcher tandis que son regard traînait rêveusement sur les herbes du chemin mal entretenu. La côte commençait à être raide et lui donnait chaud. S'arrêtant un instant, il retira son lourd pardessus et respira un peu mieux. A ce moment-là, il entendit un grondement de tonnerre, il jeta un coup d'œil aux cieux, malgré le plafond bas, ce n'était pas un orage.

Bien que citadin, il reconnut le bruit de sabots qui frappaient la terre, il vit apparaître en haut de la pente, deux cavaliers qui dévalèrent à fond de train. Il resta figé au milieu du chemin, tétanisé par la peur. Les deux cavaliers fouaillaient leurs bêtes durement, les poussant à accélérer. La lumière du soleil soudain flamboya, elle auréola les deux cavaliers, et lui cacha les traits des deux individus qui lui fonçaient dessus. Il n'eut que le temps de se jeter dans le fossé pour éviter la collision. Il mordit la fange et entendit l'un d'entre eux lui crier "pardon, c'est une urgence !" avec un grand éclat de rire. Jones se tordit le cou pour voir disparaître toujours à fond de train les deux fiers cavaliers qui ne s'étaient même pas arrêtés pour l'aider ou s'excuser. Quelle affaire pouvait être si importante pour qu'ils le bousculent et manquent de le piétiner ?

Il se releva et frotta les tâches de boue qui maculaient son habit d'un air fâché. Il n'était pas blessé, mais le plus grand désordre régnait ici. Il se précipita sur sa sacoche. Elle avait été foulée par les sabots, irrémédiablement abîmée. Elle contenait toutes et seules possessions, ses livres préférés, la tabatière de son grand-père, des lettres de Lisa, les seuls mots où elle lui disait son amour mensonger. Il maugréa. Depuis qu'il était arrivé ici, cela allait de mal en pis.

Jones ramassa ses affaires mises à mal par les sabots des chevaux qui avaient failli lui passer sur le corps. Il pesta contre l'inconscience de ces hobereaux qui se croyaient toujours tout permis. Il récupéra ses effets personnels qui jonchaient le sol. Ses livres si précieux, ses lettres personnelles, dont les missives de la tendre, alors, Lisa, ses vêtements dont il est peu riche avaient pâti de cet accident. Le vent joueur s'amusa d'ailleurs à soulever une de ses chemises, il s'engouffra à l'intérieur la faisant valser au gré de son humeur folâtre.

Il rouspéta, depuis qu'il avait accepté de travailler pour Lord Harkness, il ne lui arrivait que des soucis. Il courut après la chemise égarée qui prenait la poudre d'escampette en volant au-dessus du chemin creux et sembla le narguer en s'accrochant à un poteau de l'herbage au-dessus de lui. Il grimpa pour la récupérer. Il glissa plusieurs fois sans qu'il se préoccupât désormais de l'état de ses vêtements, le mal était déjà fait. Il se hissa à la force des bras au niveau de la barrière et attrapa sa chemise qui lui cachait le paysage. Il resta bouche bée au spectacle qu'elle lui révéla.

Un rayon de soleil mutin éclairait ce qui semblait être Blackwood manor. Il s'était attendu à un manoir typiquement victorien, de hauts murs, une façade classique précédée par une pelouse et sa traditionnelle allée de gravier qui relierait le portail au perron. Il n'en était rien. Blackwood était un château plus qu'un manoir, et encore pas un de ces châteaux fins et maniérés qui embellissait les berges de la Loire française. Non, un château féodal. Une tour immense, un véritable donjon surplombait une cour carrée entourée de hauts murs reliés entre eux par trois tourelles. C'était le genre de castel qu'on sentait prêt à subir un siège, préparé à la guerre et qui avait subi bien des assauts, à commencer par le temps.

L'espace d'un instant, il se crut transporté au temps des chevaliers alors que le soleil miroitait sur la surface des fenêtres, comme dansant sur des oriflammes. Il crut entendre mugir des trompes d'airain, des cris de batailles, des restes médiévaux. Puis le soleil se cacha derrière les nuages et il ne resta que la tristesse des murs avilis par l'âge. Leur formidable résistance avait cédé aux caprices du temps. Le portail qu'un instant il avait cru découvrir pont-levis était petit, trop petit pour être celui d'un château fort. C'était vraisemblablement une maison fortifiée plutôt qu'un manoir, à laquelle le soleil avait donné l'aspect d'un château fort. Derrière une masse sombre moutonnait à l'horizon, la forêt sauvage, qui ressemblait à une mer noire. Il comprit d'où venait le nom du domaine, les bois noirs de la forêt royale de Brecons Baecons.

Sa première impression restait dans ses yeux, un reste vivace de l'époque médiévale. Il s'aperçut que le talus sur lequel il était grimpé, était un mur d'enceinte à demi-éboulé et qu'il dominait un parc laissé dans un désordre savamment étudié. Il vit bon nombre d'arbres fruitiers, en quantité suffisante pour comprendre qu'il devait s'agir d'un verger ancien. Son regard suivit la ligne du mur et il s'aperçut qu'il ne se trouvait plus qu'à quelques minutes du portail d'entrée. Encore un effort, et il arriverait avant la nuit tombée. Le soleil sombrait déjà à l'horizon et ce qu'il convenait le crépuscule noyait les ombres du chemin creux où il lui fallait retourner pour accéder enfin à la propriété. Il soupira le cœur encore plein de la vision qu'il venait d'avoir.

Il monta la pente qui tournait un peu sur la gauche, lui cachant encore le muret et le portail symbolisant l'entrée dans l'enceinte du manoir. Il arriva au moment où le soleil disparaissait définitivement derrière l'horizon, dardant une dernière flamme rouge sur le paysage vert sombre, parsemé de taches plus claires, celle des arbres en fleurs. Jones respira profondément. L'odeur lui chatouillait légèrement les narines, un mélange de fleurs printanières, d'herbes humides et de forêt mystérieuse.

Le portail était resté ouvert, nul doute que les deux cavaliers qu'il avait rencontrés au grand désarroi de son vêtement tout taché, étaient passés par ici. Il poussa le portail, fière grille où s'entrelaçait des sirènes à des arbres, curieux emblème et posa le pied, enfin sur la propriété.
La grille se ferma sur elle-même en un hurlement d'acier qui le saisit à l'échine. Il crut que le bruit énorme allait éveiller toute la campagne, mais il était certain que celle-ci connaissait mieux les bruits de la nuit qu'un jeune citadin. Il se reprit tout doucement, alors qu'il empruntait le seul chemin qui paraissait se rendre vers la maison forte qu'il avait aperçue, garnie de gravier blanc crissant sous ses pas. Finalement, il y avait une once de tradition ici bas.

oOoOo

La nuit tombait, elle perdait ce nom de crépuscule pour gagner celui d'obscurité, tandis que les chants printaniers des oiseaux s'élevaient dans les ténèbres et qu'un délicieux fumet de cuisine venait jusqu'à lui. Il allait enfin pouvoir se reposer. Il sentait son estomac gronder. Il n'avait pas mangé depuis ce midi et commençait à ressentir les effets de la faim.

Il entendit alors un son bas, sourd et terriblement intimidant. Un grondement qui n'avait rien à voir avec sa faim, absolument rien à voir avec son estomac.

Il se figea, se pétrifia, n'osant pas se retourner alors que défilaient dans son esprit toutes les images des monstres qu'il imaginait enfant et qui parfois le hantaient dans son sommeil. Il serra les poings sur son bagage et tenta de rassembler tout son courage pour affronter le pire de ses cauchemars. Il se retourna et découvrit la source de ce bruit menaçant. Deux chiens, d'une race qu'il ne connaissait pas, il n'avait jusqu'ici connu que les chiens pommadés des gens de la bonne société londonienne et ne savait pas ce à quoi il faisait face. Cependant le hérissement atavique de ses cheveux sur sa nuque ne mentait pas, c'était un danger imminent.

Les chiens montrèrent les dents et il ne bougea pas le moindre muscle, tentant de soutenir le regard des bêtes. Il y découvrait des flammes de très mauvaise augure, ses jambes n'avaient qu'une envie, fuir, détaler et si possible sans s'étaler. Il avait entendu dire qu'il ne fallait pas courir, que c'était le meilleur moyen de se faire attaquer. Il lutta diablement contre l'instinct qui le lui commandait alors que les chiens s'approchaient de lui en continuant de gronder.

Il leva les yeux au ciel, priant pour qu'un dieu un peu plus tendre veuille bien lui venir en aide. Avec un gémissement, un des chiens vient coller sa truffe humide dans le creux de son genou. Il posa une main tremblante sur l'encolure de l'animal et le cajola, celui-ci montra son contentement en lui léchant la main, l'autre s'approcha à son tour et posa ses pattes sur son ventre, quémandant lui aussi des caresses. Il lui gratouilla l'arrière du crâne. Il remercia la divinité inconnue qui lui avait donné enfin un coup de main. La soirée lui apparut enfin un peu plus supportable. Les chiens l'entouraient affectueusement, jappant pour attirer son attention. Il découvrit qu'il aimait bien les chiens finalement, ils étaient tellement plus agréables que les poupées canines qui hantaient les salons de Londres.

Soudain les animaux s'égayèrent comme répondant à un appel. Jones prit la même direction, leur présence lui manquait maintenant. Il n'avait pas envie d'être renvoyé à sa solitude au milieu de ce parc vide et obscur. Il marcha encore pendant ce qui lui parut longtemps, accompagné seulement par le pépiement nocturne des oiseaux de nuit. Il commençait à avoir le bout du nez froid, cela avait beau être le printemps, il faisait froid dans cette contrée. Enfin, il arriva devant le porche qui s'ouvrait dans l'enceinte fortifiée. Il entra, suivant la lumière des torches qu'une main aimable avait posée devant le perron large et ancien de la maison-forte. La porte était fermée et les chiens grattaient le long de son bois.

- voilà, voila, c'est bon, calmez-vous, Hector, Nessie, ça suffit maintenant ! cria une voix rauque en ouvrant la porte, les chiens s'engouffrèrent à l'intérieur en quelques secondes. C'est bon, gentil.

- Attendez, s'exclama Jones, bonsoir.

- Bonsoir, monsieur, dit l'homme en ouvrant plus largement la porte, vous vous êtes égaré ?

- Non, je suis le nouvel employé, j'arrive de Cardiff.

- Oh, bien sûr, le nouveau secrétaire. Mais on ne vous attendait que demain, vous ne vous êtes pas arrêté à Abergavveny pour la nuit ?

- Non, je suis descendu de la diligence cet après-midi et j'ai marché.

- Eh ben, vous aimez la marche,il y a tout de même 12 milles, on allait vous envoyer une calèche, vous savez ... mais entrez, entrez, je vais demander à mon épouse de vous préparer quelque chose de chaud. Un thé, cela vous dit ? Le maître ne devrait pas tarder à revenir et on a l'habitude de servir le dîner vers neuf heures, Miss Toshiko devrait pas tarder à sonner.

L'homme était grand, robuste avec l'air franc et en pleine santé. Il respirait la jovialité et le grand air. Il ne ressemblait pas le moins du monde aux flandrins froids et obséquieux que Jones avait eu l'habitude de côtoyer à Londres. Il était bien plus hospitalier qu'un majordome anglais.

- un thé, ce sera parfait, j'ai un peu froid pour tout dire.

- Allez-y, entrez, eh ben, dans quel état vous vous trouvez, vous êtes tombé dans le fossé ou vous vous êtes jeté dedans ?

- A vrai dire, j'y ai été poussé, et mes bagages ont subi des dommages.

- Oh, vraiment, mais qui… oh ... vous avez dû croiser Lord Jack et le docteur Harper. Ils sont partis à cheval cet après-midi, pour aller à Gaberny. Je n'ai pas eu le temps de les voir tantôt.

L'homme ne s'était pas présenté mais il supposa qu'il s'agissait du majordome, ou de l'homme de charge, Rhys Williams. Son affabilité lui fit chaud au cœur. Celui-ci s'effaça pour le laisser entrer. Jones s'empressa de répondre à l'offre faite par le robuste Gallois et entra dans la maison de Lord Harkness sur ses pas.


Rhea01  (29.09.2010 à 22:21)

Chapitre Deux :

A la découverte du manoir de Blackwood et de son propriétaire

Jones ne s'attendait pas à découvrir une maison-forte, un manoir encore fortifié lorsqu'il avait aperçu la propriété plus tôt. Il ne s'attendait pas plus à découvrir une maison aussi originale. Il régnait un capharnaüm dans l'entrée, des piles de souvenirs de voyages divers qui encombraient le hall d'entrée et le rapetissait involontairement. Il leva la tête et découvrit un escalier en chêne ciré avec amour.

Large et monumental, il desservait le premier étage du manoir qui s'ouvrait sur le hall. Il leva la tête et découvrit l'immense verrière qui recouvrait le hall et l'escalier, formant un dôme rappelant Victoria Station. Cette maison était décidément surprenante, il ne s'attendait pas à voir ici un tel chef d'oeuvre d'architecture contemporaine.

Rhys l'entraîna vers la cuisine d'où il savait trouver son épouse. Des odeurs délicieuses s'infiltraient jusqu'ici, aiguisaient son appétit.

Il l'emmena à travers des couloirs et des enfilades de pièces dans lesquelles il perdit vite tout sens de l'orientation. Rhys avait beau affirmer que la maison était simple, il n'en comprenait pas la disposition. En passant dans la majestueuse salle de réception, il en comprit la raison. La partie moderne du manoir était couplée au donjon auquel il était accolé. La magistrale cheminée suffisante pour rôtir un demi-bœuf possédait le charme ancien des âtres médiévaux. Une table idéale pour une multitude d'invités trônait au milieu de cette salle. Rhys s'esclaffa en découvrant son regard effaré.

- je sais ce qu'on peut penser du manoir, que c'est une vieille ruine et tout et tout, mais le maître a fait des miracles pour l'améliorer. On vient juste de finir les travaux. Faut dire qu'il ne manque pas d'idée. Et puis elle ne ressemble à aucune autre demeure.

- j'allais le dire, fit Jones, le souffle coupé, cette salle est immense, une vraie salle de bal et cette table, c'est impressionnant.

- à vrai dire on ne se sert pas souvent de cette pièce, Lord Harkness n'aime pas vraiment les réceptions. Il préfère le petit salon, Miss Toshiko également.

Il poussa une porte et lui montra une pièce tendue de velours rosé où flambait un feu joyeux. Le couvert était dressé et attendait plus que ses trois convives.

- c'est plus intime, hein ? Venez par là, c'est l'accès à la cuisine.

La cuisine était étonnamment proche de la salle de réception, à la différence des grandes maisons où Jones avait déjeuné froid plus souvent qu'à son tour, le trajet entre les communs où se trouvaient habituellement les cuisines et les salles à manger était tellement long que les mets préparés arrivaient généralement froid ou pire tiède. Ici, de toute évidence, ce n'était pas le cas, et aux parfums que dégageaient les marmites de Dame Gwen, la maitresse des lieux, ce devait être un délice.

La cuisine semblait en ébullition et pourtant Rhys entraîna son visiteur et nouvel ami, vers l'âtre, où il le plaça dos au feu sans plus de façon. Puis il partit à la recherche de son épouse, dont il entendait l'organe aigu houspiller les aides-cuisines. Jones en profita pour observer la brigade de petites mains très affairées. Il s'agissait d'une demi-douzaine de jeunes gens, qui rôtissaient, mélangeaient, cuisaient avec force cadence le repas du soir.
Ils s'étaient tus à son arrivée, le soupesant du regard, mais jugeant pertinemment qu'il ne s'agissait pas d'un "monsieur", ils reprirent leurs conversations sans trop lui prêter attention.

- vous préparez pour un régiment, demanda Jones à Rhys qui lui apportait complaisamment une tasse de thé qui acheva de le réchauffer.

- non, ce sont les préparatifs du repas de ce soir, nous aussi, il faut qu'on mange, comme ces quatre gaillards et ces p'tites demoiselles. C'est toujours comme ça, il faut qu'on nourrisse une quinzaine de personnes chaque matin, midi et soir. Le maître souhaite qu'on mange à peu près la même chose que lui, on n'a vraiment pas lieu de se plaindre, ajouta Rhys en sous-entendant que chez certains maîtres, il fallait s'estimer heureux de pouvoir manger quelque chose à la fin du service. On a même des cochons qui font trop de lard, à cause de la nourriture. Vous verrez, vous aussi, vous ferez du gras, ça vous ne fera pas de mal. Ce que vous pouvez être maigre ! Vous avez pas dû manger à votre soûl tous les jours. Ici, ne vous inquiétez pas pour ça.

- ah, d'accord, fit Jones, qui avait les yeux et les oreilles remplis par tout le vacarme.

- ouais, le patron est un sacré "humaniste", dit l'homme en faisant rouler le mot sur sa langue, comme un bonbon au miel. Il sait ce que c'est d'être serviteur, alors il fait tout pour qu'on aime notre boulot, si vous voyez ce que je veux dire.

- oui, un humaniste, une personne qui va chercher à améliorer le sort de ses semblables...

- oui, et franchement, y'a pas mieux que lui pour ça, faut pas écouter les racontars sur lui, la moitié est vraie seulement. Bah...

- Rhys Williams ! Te voilà encore à fainéanter dans les coins !

- Par contre, le dragon c'est bien elle. Avec elle, il faut obéir droit ! dit-il à mi voix avant de reprendre plus haut, non ma douce, j'accueillais le nouveau professeur. Je lui ai proposé de se sécher et de se réchauffer. Professeur, voici Gwenievre William, Gwen pour faire court.

- Aaah, bonjour monsieur, dit Gwen en français, bienvenue. Je m'appelle Gwen.

- Ma douce, il est gallois, pas français, le français, c'est le précédent. Celui qui n'a jamais ouvert la bouche pour nous dire bonjour.

- Pas étonnant alors que je ne sache pas qu'il était français.

- Pas étonnant, en effet.

- Donc, vous êtes gallois ? Vous êtes d'où ? Où vous avez étudié, vous allez voir, vous allez vous plaire ici.

- Gwen, laisse-lui le temps de répondre, enfin...

- Ianto Jones, je viens de Londres, du quartier Canary Warf, près des docks. Mes parents sont gallois mais ma sœur et moi sommes nés à Londres. Je parle un peu français, si vous aimez, même si je suis plus doué avec les langues mortes.

- Bah, personne ne risque de critiquer votre accent dans ce cas, hein ? dit Rhys en lui bourrant les côtes d'un amical coup de coude qui le fit grimacer.

- Vous allez bien ? Vous êtes bien pâle, reprit l'accorte gouvernante, Rhys va chercher une chaise, Gwladys, apporte encore du thé et un sandwich, il meurt de faim ce petit.

Le mot le fit sourire, elle était à peine plus âgée que lui, à peine trente ans, mais les cheveux longs, roulés en un lourd chignon strict et la robe noire, rehaussée d'un tablier blanc la vieillissait un peu. Elle le regarda maternelle et secoua la tête.

- Je me demande bien où vous avez bien pu aller pour être aussi crotté.

- J'ai rencontré Lord Harkness et il m'a culbuté.

Le choix irréfléchi de ces mots fit réagir tout le monde, car tous les regards convergèrent brusquement vers lui. Il rougit, il n'aimait guère être le centre de cette soudaine attention. Les aides échangèrent des rires amusés et des murmures étouffés. Il ne comprit pas la moitié des mots mais le sens général lui était très clair. "Il ne perd vraiment pas de temps, celui-là. Vraiment si vite ?"

Il roula des yeux, atterré par sa sortie, il rencontra les yeux écarquillés de Dame Gwen qui semblaient lui demander plus de détails, surtout croustillants de toute évidence. Rhys se tenait les côtes, éclatant d'un rire profond. Il vit qu'il avait blessé le jeune homme et tenta de se contrôler, mais il le trouvait tout simplement hilarant.

- je veux dire, reprit Jones, laborieusement, désireux d'expliquer ce malentendu, j'ai rencontré deux cavaliers qui venaient du domaine. Ils m'ont renversé et je suis tombé dans le fossé, je crois qu'ils ne m'ont pas vu. Je suppose qu'il s'agissait du Lord, mais…

- ah, d'accord, je comprends mieux pourquoi vous avez l'air aussi dépenaillé. On va essayer d'arranger ça avant que Lord Harkness arrive, on ne voudrait pas que vous lui fassiez mauvaise impression, vous m'êtes sympathique, ajouta Gwen en souriant, tendant la main pour qu'il lui donnât sa veste, ce dont il se débarrassa bien volontiers.

Elle confia ses affaires à un dénommé Ewen pour qu'il les brosse et les nettoie de son mieux. Elle continua à interroger le pauvre professeur sur ses goûts et dégoûts alimentaires, ce qu'il ne supportait pas, ce qu'il préférait par-dessus tout. Jones la trouva particulièrement difficile à suivre. Elle parlait avec le débit d'une pie, aussi sautillante d'un sujet à l'autre que l'oiseau bavard. Rhys la contemplait avec amour, le jeune homme voyait que ces deux-là aussi dissemblables qu'ils paraissaient pourtant, étaient solidement liés l'un à l'autre. Il étouffa un soupir, lui-même aurait pû être heureux si le père de Lisa n'avait pas jugé sa condition trop modeste pour épouser sa fille.

Il l'aimait tellement, sa présence lui manquait, ses mots doux, sa douceur, son caractère enjoué et moqueur qui le ravissait par sa fraîcheur. Elle avait illuminé son monde, sa vie et lui avait été arrachée à ses bras par la bienséance. Il n'était ni suffisamment riche, ni suffisamment bien né pour pouvoir épouser une femme de sa qualité. Il fallait qu'il se fasse une raison, même si cela lui arrachait le cœur.

Rhys vit son regard changer, la douleur qui émanait de ce pauvre jeune homme le toucha. Il tenta de l'égayer par des blagues qui firent s'esclaffer son épouse et la moitié des travailleurs qui mettaient la dernière main à la confection du repas. Il réussit à chasser ce nuage du visage avenant de Jones. Celui-ci se montrait un hôte agréable, d'une conversation intéressante. Tout comme sa femme, le sieur Williams éprouvait une sympathie immédiate et toute naturelle pour cet homme pourtant encore inconnu.


Rhea01  (30.09.2010 à 23:59)

Les cuisines exhalaient des parfums inédits, mélange de cuisines typiquement anglaises et de parfums d'orient. Un mélange curieux, étonnant qui ravissaient les sens du jeune homme qui se réchauffait agréablement au feu ronflant.

Les discussions devenaient de plus en plus légères, signe que le travail s'achevait et que Gwen devait remettre de l'ordre dans ses troupes. Ce fut à ce moment qu'ils entendirent un appel du dehors, des cris qui réclamaient de l'aide. Un gamin entra en hurlant dans la cuisine.

- Le maître, le maître est de retour, en calèche...

Jones vit l'atmosphère changer du tout au tout. Cette annonce les alarmait de toute évidence. Rhys remonta son habit et fila en direction de l'appel, suivi de Gwen qui ordonna à ses aides de continuer leur travail. Après un instant d'hésitation, Jones suivit, il ne savait pas ce qu'il se passait, mais l'inquiétude de ses hôtes l'intriguait. Il se précipita à la suite de Rhys qui en dépit de sa corpulence se déplaçait très vite. Les autres serviteurs se regardèrent et finalement leur emboita le pas, ignorant les ordres de la gouvernante.

- Rhys, Gwen, hurla une voix depuis le hall, une voix un peu éraillée visiblement inquiète, Ned ? Ok, va me chercher des brancards, rapporte des linges. Gwen, il me faut de l'eau, mes instruments et de la place, ordonna-t-il en voyant la jeune femme arriver près de lui.

- Mon dieu, Dr Harper, vous êtes couverts de sang.

- ah, pas le mien, dépêchez-vous, tous !

L'homme mince, d'allure nerveuse, était ressorti aussi vite qu'il était entré. Son costume de cavalier était tâché de sang, ses cheveux bruns étaient emmêlés, l'inquiétude marquait son visage d'une ombre grave. Il pénétra d'un bond dans la calèche pour sortir un homme qui gisait sur une banquette.

Rhys vint l'aider, tandis que Gwen renvoyait ses ouailles préparer la salle, prévenir Miss Sato, préparer la chambre et tout ce dont pouvait avoir besoin le docteur. Celui-ci avec l'aide de Rhys parvinrent à sortir l'homme blessé et le supportèrent avec douceur. Ned arriva en courant, la civière à bout de bras. Ils installèrent l'homme sur celle-ci pour l'emmener à l'intérieur. Le docteur avait des gestes doux en s'occupant de l'autre homme, que Jones, qui observait la scène, présuma être le Lord. Il se demanda ce qui avait bien pu leur arriver pour revenir en voiture.

Leurs chevaux renâclaient derrière l'habitacle, impatient d'aller à l'écurie qu'ils sentaient toute proche. Jones était dans l'entrée, poussé sur le perron par les serviteurs, impatient de découvrir la raison de ce remue-ménage.

Ned souleva avec Rhys l'homme allongé sur la civière. Il marchait à reculons, faisant des petits pas pour ne pas secouer outre mesure son maître, malheureusement il manqua une marche en montant le perron. Il chuta sur son postérieur, lâchant sa charge. Jones, non loin, eut un réflexe instinctif. Il rattrapa les brancards avant qu'ils ne heurtent le sol. L'homme gémit sous le mouvement un peu brusque et Jones le regarda. Sa poitrine était couverte de sang, sombre, rouge sur son costume bleu royal. Il se figea sur ce spectacle malheureux. L'homme respirait faiblement avec un râle âpre. Il ouvrit de grands yeux, d'un vert clair, pâli, cernés par la douleur.

- Oh, l'étranger, il faut entrer, il ne faut pas rester figé, ce n'est vraiment pas le moment, fit le médecin en le pressant d'un ton urgent.

Jones sortit de sa transe et recula portant le corps blessé de son futur employeur en compagnie de Rhys. Le médecin passa devant eux et les guida vers la salle à manger, où le feu avait été ravivé, des lampes à gaz plus lumineuses avaient été apportées, baignant la salle d'un éclat vif. Ils posèrent la civière à même la table débarrassée. Le médecin posa sa valise qu'Ewen venait de lui rapporter, il la déboucla en quelques secondes. Il farfouilla à l'intérieur et sortit tout ce dont il avait besoin : scalpel, ciseau, bandages, pansements divers.

Jones allait s'écarter lorsque le Lord dans un sursaut le saisit brutalement. Sa main broya son poignet, glissante, poisseuse de sang mais d'une force telle que Jones ne put se dégager. Ses ongles s'enfoncèrent dans sa chair. Les yeux d'Harkness s'ouvrirent à nouveau et harponnèrent le regard de Jones. Il y lut une telle souffrance, une douleur intense dans ses prunelles palpitantes. Cela le figea.

- Bien, tenez-le, vous, puisque vous êtes là, fit le Docteur Harper en les regardant.

Il retira un linge qui comprimait la blessure et découpa rapidement l'habit maculé de sang du Lord. Un trou béait juste en-dessous de l'épaule et du sang sourdait de la blessure. Jones blêmit mais maintint fermement l'homme qui luttait vaillamment contre la douleur.

Gwen arriva accompagnée d'une jeune femme asiatique. Elles apportaient une bassine d'eau bouillante et des linges qui se trouvèrent très vite ensanglantés. Le docteur fouilla la plaie, tandis que le lord serrait le bras de Jones, son regard vrillant celui du jeune homme, comme à la recherche de forces, de soutien. Il retenait visiblement ses cris, mordant ses lèvres jusqu'au sang.

- Oh, viens là, beauté ! fit le médecin entre ses dents.

Il extirpa finalement un morceau de métal, aplati, déformé dont l'éclat mat avait celui de la mort. Le Lord eut un sursaut quand la balle quitta son corps et il sembla perdre conscience. Sa prise sur le jeune homme se relâcha, ses yeux papillonnèrent.

- Monsieur, monsieur, dit Jones d'une voix inquiète, ne perdez pas conscience !

- Jack, tu ne vas pas t'évanouir maintenant, tu as subi le plus dur ! Toshiko, fais-lui respirer des sels, je te prie. Qui êtes-vous, jeune homme ? demanda-t-il à Jones qui regardait avec angoisse l'homme qui venait de s'évanouir. Il ne parvenait pas à parler, il luttait contre la nausée. Le sang lui faisait toujours cet effet, il avait cela en horreur et découvrir son nouveau maître dans un état pareil.

- C'est le nouveau bibliothécaire, docteur, répondit Gwen, en apportant de la charpie, il est arrivé tout à l'heure.

Elle venait à son secours, notant sa pâleur.

- Vous ne seriez pas le jeune homme que nous avons renversé cet après-midi, demanda Owen avec un zeste d'humour. J'espère que vous n'avez pas eu trop de mal, je suis désolé, nous étions assez pressés.

- C'est moi-même, monsieur, je suis désolé d'avoir effrayé vos montures, dit-il avec humeur, j'en ai subi immédiatement les conséquences.

Harper le jaugea et sourit largement. L'aspect général du jeune homme lui plaisait beaucoup, malgré cet émoi devant le sang.

- Bienvenue à Blackwood ! dit-il en lui tendant la main, une main couverte de sang.

Jones n'osa la prendre, il resta les mains ballantes, observant la jeune asiatique s'approcher de Lord Harkness. Le docteur se renfrogna et s'essuya les mains à l'aide de la chemise en fine batiste du lord, surveillant les gestes de la jeune femme. Elle ouvrit une petite fiole sous le nez de l'homme évanoui. Jack releva la tête alors que les sels agissaient sur son organisme, le tirant de son évanouissement. Cela lui fouetta le sang, son regard brilla, il semblait reprendre pleinement conscience. Il sourit faiblement à Miss Toshiko puis se focalisa sur Jones qui se tenait toujours près de lui, ses sourcils se froncèrent et ses yeux lancèrent des éclairs. Son médecin particulier souffla bruyamment de soulagement puis lui fit boire un flacon rempli d'un liquide sombre.

Le Lord se redressa faiblement, s'accrochant au costume de Jones, il interrogea Owen du regard. Jones tenta de se dégager, gêné par le feu qui venait de s'allumer dans ses prunelles vertes. Cela ne lui disait rien qui vaille. Il avait une poigne solide malgré sa blessure et la faiblesse consécutive à ses soins. Il se sentait mal à l'aise, ce n'était pas seulement dû au fait que l'homme le serrait de trop près, il sentait sa chaleur corporelle passer à travers sa fine chemise et l'odeur du sang lui retournait le cœur.

- C'est bon Jack, reprit le médecin, d'une voix professionnelle, j'ai extrait la balle qui s'était logée sous ton épaule. Elle a ricoché sur l'os. Ce n'est pas grave, mais tu as perdu beaucoup de sang, il te faut du repos.

- Qui ?

- Je ne sais pas qui a tiré, mais tu as eu de la chance d'être dans cette calèche, crois-moi ! Tu aurais été à cheval, ou bien à pied, il aurait certainement pu mieux assurer son tir. Et tu ne serais pas là pour poser des questions.

- Non, lui, qui est-il ? dit Jack en regardant Jones, les yeux sévères. Il n'appartient pas à ma maison.

- En fait si. C'est le bibliothécaire. Apparemment Maître Davidson a trouvé quelqu'un pour s'occuper de tes livres.

- Ah ! fit Jack laconique, il se redressa tout à fait, s'asseyant sur son séant.

Il embrassa du regard les personnes qui étaient rassemblées autour de lui et sourit faiblement. Owen lui prit le pouls et le trouva beaucoup trop rapide.

- Allons, nous allons te coucher, tu iras beaucoup mieux demain.

- Qu'il m'accompagne, j'ai des questions pour lui, ordonna Harkness, d'un ton sans appel. Nous avons à parler !

- Jack, tu es trop faible pour le moment, je préfèrerais que tu prennes du repos d'abord ! Il sera toujours temps de lui parler demain.

- Soit, obtempéra le lord de mauvaise volonté, mais soyez assuré que vous répondrez à toutes mes questions, Monsieur ... Monsieur, Owen, j'ai quand même le droit de connaître son nom ?

Le médecin soupira et Jones répondit faiblement, l'agitation associée à l'odeur du sang, lui retournait le cœur. Il n'avait pas failli durant l'opération, qu'il avait suivi d'un peu trop près à son goût. Mais à présent, il sentait ses genoux disparaître sous lui, fondre littéralement. Heureusement, Gwen Williams vint à sa rescousse. Il l'aurait embrassée, s'il avait osé.

- Venez, jeune homme, Dr Harper et Rhys vont s'occuper de Lord Jack, Miss Toshiko, il faudrait me dire si je dois servir le diner.

- Oui, bien sûr, Monsieur Jones va se joindre à Owen et moi.

 


Rhea01  (01.10.2010 à 00:02)

La gouvernante avait vite repris le contrôle de la demeure et entraîna Miss Sato et Jones, encore stupéfait à sa suite.

- Venez, mon jeune monsieur, je vais vous donner quelque chose qui va vous remettre, dit Gwen en l'entraînant par le coude.

Il restait figé à la vue du sang qui maculait ses mains, comme hébété par sa couleur, sa nature, son étrangeté sur sa peau. Gwen le secoua, les gens des villes parfois, pensa-t-elle, ils sont plus sensibles que nos gars de la campagne. Un peu de sang, ça les chavire. Le visage pâle, il luttait d'un effort surhumain pour ne pas trembler de tout son corps. Gwen eut pitié de lui et l'entraîna avec elle vers le petit salon tandis que Owen terminait le bandage du lord, qui surveillait leur départ d'un œil sombre.

oOoOo

Owen Harper ordonna le transport du Lord dans sa chambre. Il le fit asseoir sur son lit, il voyait ses traits tirés, il avait perdu beaucoup de sang et commençait à en ressentir les effets. Le docteur vérifia le bandage qui avait un peu bougé pendant le déplacement.

- Bon, la charpie va permettre à la blessure de cesser de saigner. Mais il te faut vraiment du repos. Ne compte pas sur moi pour t'autoriser à te lever demain, ni même après-demain.

- Moi qui avais prévu d'organiser un bal pour tes fiançailles, dit Jack d'un ton moqueur, il faudra s'en passer.

- Quel soulagement ! rétorqua Owen, tu sais très bien que Toshiko et moi ne voulons pas de ce genre de fêtes.

- Je le sais bien, cependant, j'aime à rencontrer des têtes différentes, des gens nouveaux à bien des égards. Et puis avec une telle blessure, j'aurais été assuré d'être la coqueluche de la fête.

- Hors de question, tu n'es pas en état de danser ou de faire quoique ce soit d'autre que dormir et te reposer.

- J'ai dit que j'annulais.

- Dis plutôt, que sachant très bien que nous refuserions, tu n'as rien organisé.

- Oui... ne pourrais-tu pas me donner quelque chose pour calmer la douleur ? Je souffre le martyre. Je me demande pourquoi on m'a tiré dessus, s'interrogeant-il à mi-voix. J'espère que ce n'est pas elle.

- Je fais prévenir le constable ce soir, pour qu'il mène l'enquête. Mais ne t'attends pas à un grand résultat. C'est sans doute lié à ta bagarre dans la taverne avec cet homme. Tu l'as humilié en public, il a très bien pu vouloir se venger ensuite. Elle ne peut pas être derrière tout ce qui t'arrive, ne lui donne pas ce pouvoir sur toi, je t'en prie, Jack.

- Bien sûr, tu as raison... Enfin, que pouvais-je bien faire ? Rester à le regarder molester une si belle femme.

- Ah j'oubliais la femme, dit Owen en préparant son soin, une prostituée de bas étage qui probablement a dû en connaître des pires que lui.

- Sans doute, mais c'est mon honneur de réagir. Et puis leur compagnie est délassante, dit-il en s'abandonnant aux mains expertes de son ami.

- Et c'est pour cela que tu es si gentil avec les prostituées, si généreux en temps et en argent.

- Oh, pas tant que cela, dit le Lord en grimaçant, alors qu'Owen serrait trop fort le bandage. Mais ces femmes qu'on ne daigne regarder que lorsque naît un besoin de s'épancher, me semble d'une meilleure compagnie que toute les baronnes et leurs filles. Je devrais compter le nombre de descendance que j'ai éconduit.

- Tu deviens poète quand tu parles d'elles. Serais-tu amoureux des femmes de mauvaise vie ?

- et des hommes de mauvaise vie, tu les oublies trop vite.

- Pour mon bien... dit Owen en fermant les yeux, pour mon bien, je n'ose imaginer ce que tu y trouve.

- Ne vas rien imaginer, je peux tout te raconter, si tu le désire !

- Non, je te remercie, j'aimerais encore garder le peu d'innocence qui me reste.

Jack renifla bruyamment en dévisageant le visage franc de son médecin. Celui-ci le connaissait mieux que quiconque, son seul et véritable ami, un presque frère. Il ferma la bouche, se contentant de grogner lorsqu'il lui posa le bras dans une écharpe et l'aida à s'habiller. Il était habile, il se mordit les lèvres afin de ne pas le lui faire remarquer. Jack se rappela avec humeur que si le jeune médecin avait développé une telle habileté à le déshabiller, c'était parce que ce n'était pas la première fois.

- Combien de fois as-tu fait ses gestes, demanda Jack, finalement, ne résistant pas à l'envie de pérorer malgré la fatigue et la douleur qui pourtant s'estompait sous l'action bienfaisante de la potion d'Owen.

- En une année ou depuis que je te connais ?

Jack grimaça pour seule réponse. Owen sourit brièvement, dévoilant une rangée de dents blanches et acérées.

- C'est la 13ème fois depuis le début de l'année, répondit-il enfin, et nous sommes en mars.

- Tant que cela, je ne l'imaginais pas.

- Et parfois je te laisse coucher là où tu veux bien tomber ou avec qui veut bien se soucier de toi.

- Je le sais et je me réveille tout courbaturé. Mieux vaut dormir dans son lit, crois-moi ! Je te remercie de me ramener alors que je sais que je peux me montrer difficile.

- C'est la moindre des choses, dit Owen, mais je ne comprends pas pourquoi tu ne t'installes pas tes... jouets à demeure, tu éviterais de mauvaises rencontres tout de même.

- C'est une question de respect pour toi, Tosh et les jeunes gens qui habitent ici.

- Tiens, d'ailleurs, j'ai remarqué que jamais tu ne touchais à la valetaille.

- En effet, dit Jack, d'un ton songeur, c'est parce qu'on m'a toujours appris à séparer le confort matériel et l'appel de la chair.

- En gros ne baise pas là où tu manges !

- Exactement, même si parfois j'ai eu de petits écarts. D'ailleurs, ces derniers m'ont confirmé l'exigence, le bien-fondé de cette règle personnelle.

- L'écart, c'est Gwen, n'est-ce pas ? Je sais qu'elle est à ton service depuis presque 10 ans, elle t'a accompagné partout où tu as été, même au Japon, aux Indes et en Europe. Elle ne t'a jamais quitté. Serait-ce à cause de cela ? Des sentiments qu'elle a pour toi ?

- Tu le sais bien qu'elle m'aime, comme tout ceux qui vivent ici, d'ailleurs. Cela tient sûrement à ma nature aimable et bienveillante de boute en train. Oh, que je suis fatigué, dit-il en baillant.

Il n'avait plus envie de s'épancher. Il se sentait la tête lourde à présent que le médicament amer qu'Owen lui avait donné à boire agissait. Le jeune médecin rit en le voyant lutter pour garder les yeux ouverts encore un peu. Il fallait qu'il se repose. Son état de santé, fragilisé par une maladie durant l'hiver, allait être perturbé durablement par la perte de sang et la blessure. Il soupira, elle avait été plus légère que l'effusion de sang ne lui avait laissé penser, heureusement. Il s'en remettrait sûrement rapidement, son ami était robuste et vindicatif. Il sourit au lord une dernière fois et sortit de la chambre.

Jack ferma les yeux en voyant partir son médecin, en repensant à cette journée. Sans cette blessure, elle aurait été idéale. Une balade au grand air avec son ami, un repas dans un bon restaurant d'Abergavenny, suivi de pintes de bière, nombreuses, à la taverne. Vraiment une belle journée, dommage qu'une des filles de l'auberge eut été gênée dans son travail par un drôle de personnage, tout de noir vêtu qui l'avait menacée de la tuer si elle ne montait pas avec lui pour "affaire".

La fille s'était rebellée et lui avait répondu vertement, mais l'homme s'était fâché et avait sorti un couteau. A son habitude, Jack avait foncé, n'écoutant que son courage et avait jeté l'homme à terre. Heureusement que Maître Elliot leur avait prêté une calèche pour revenir, ils avaient fêté la déroute du malotru trop joyeusement pour qu'il puisse remonter à cheval. Sans cela, il aurait été plus grièvement blessé.

L'homme qu'il avait sorti de la taverne de manière musclée avait très bien pu monter une embuscade pour se venger de l'humiliation. Il espérait que ce soit cela, car l'autre hypothèse, il ne voulait pas y penser. Il sentait son corps devenir de plus en plus lourd, le médicament d'Owen faisait effet. Et dire qu'il fallait qu'il soit blessé pour que le médecin lui donne ce laudanum, dont il ferait bien excès. Il dérivait entre rêve et réalité, repensant à sa journée, à sa soirée et tout ce qui l'avait amené ici à reposer blessé dans ce lit. Il se promit d'interroger ce Jones, son arrivée en plein drame était plutôt étrange, presque louche. Il pouvait ne pas être étranger à sa blessure. Dommage, pensa-t-il au moment où il sombrait dans les bras amicaux d'un Morphée aux yeux bleus et aux cheveux noirs, il est plutôt séduisant dans son genre. Il laissa les brumes médicamenteuse de la drogue apaiser les douleurs de son corps et s'endormit brusquement.


Rhea01  (01.10.2010 à 00:03)

Chapitre Trois : les si nombreuses attributions du bibliothécaire

Jones était assis à présent devant une tasse fumante de thé, corsée par une généreuse rasade de rhum des Îles qui lui allégeait la tête. Il en oubliait le contact visqueux du sang sur sa peau. Il avait éprouvé de l'horreur à cette sensation, il n'avait pas tourné de l'œil, bien sûr, mais c'était tout proche. Gwen l'avait bien remarqué. Elle l'avait entraîné dans le salon, où flambait à présent un feu vigoureux avant de lui offrir de l'eau et des linges pour se nettoyer.

La jeune femme que le docteur avait appelé Toshiko se tenait en face de lui, plongée dans la contemplation des volutes de vapeur qui dansaient au-dessus de sa tasse. Elle paraissait songeuse. Elle était visiblement asiatique, japonaise peut-être, il en avait rencontré à Londres et aimé leur distinction naturelle. Elle ne lui avait toujours pas adressé la parole et il l'en remerciait. Il n'aurait pas eu les nerfs nécessaires pour entretenir une conversation futile après ce drame.

Encore qu'il paraissait être le seul à voir cela comme un drame, les autres habitants du manoir ne semblaient pas avoir été aussi ébranlés que lui. Étrange, se dit-il leur maître était blessé, il était arrivé tout saignant sur le parvis du manoir et ils ne réagissaient pas plus que si c'était une piqûre de taon. Douloureuse, certes, mais non dangereuse.

Bon sang, Lord Harkness avait saigné dans ses bras. Il n'avait pas pour habitude de s'occuper des blessures de ses maîtres, peut-être revenait-il d'un duel qui avait mal tourné ? Non, le jeune médecin avait parlé d'un tir. Il se demanda qui pouvait vouloir du mal à ce lord et pourquoi cela ne jetait pas plus dans l'alarme les membres de sa suite. Il trouvait que leur flegme était considérable, étrange. A moins que cela ne soit fréquent ? Il releva les yeux et rencontra le regard calme de la jeune asiatique qui l'observait.

- Oui, cela est fréquent, dit-elle lisant sa question des ses yeux, Lord Jack est un homme qui ne sait pas rester indifférent aux malheurs de ce monde et parfois il se retrouve dans de piteuses situations.

- Mais il est blessé, dit Jones en frissonnant en repensant à la sensation poisseuse du sang sur sa peau, pensée dérangeante au possible.

- Cela lui arrive parfois, ce n'est pas la plus grave qu'il ait eu, loin de là. Mais je suis un peu inquiète, pour tout vous avouer, il se relève d'une maladie et sa santé laisse encore à désirer.

- D'où la présence d'un médecin lors de ses sorties dans les bars, dit Jones avec humour, cela peut être un avantage en cas de malaise.

- Évidemment, répondit la jeune femme en souriant, d'autant qu'Owen est son meilleur ami. Et mon futur époux.

- J'avais cru comprendre, dit le jeune homme en prenant une gorgée de son thé, Maître Davidson m'en avait parlé ainsi que votre gouvernante.

- Je peux faire confiance à Gwen pour faire les bans et l'arrière-ban de manière plus rapide que la gazette de Abergavenny.

- C'est vrai qu'elle n'a pas la langue dans sa poche.

- Ni ses yeux, ajouta Miss Sato, elle a bien vu que vous ne vous sentiez pas bien.

Le jeune homme se sentit blessé de voir que ses sentiments avaient été aussi clairs pour les deux jeunes femmes.

- N'en ayez pas honte, reprit Toshiko d'une voix douce, c'est sans doute la première fois que vous voyez du sang ou un blessé, on s'endurcit à force de le voir revenir dans des états indescriptibles, finit-elle avec un léger sourire.

Jones le lui rendit, faiblement, le cœur serré. Elle ne pouvait pas savoir que ce n'était pas la première fois qu'il voyait du sang, ni que cela l'avait replongé dans des souvenirs qu'il aurait préféré laisser dans les limbes de sa mémoire. Il se ressaisit, se raccrocha à la voix douce de la jeune femme.

- Bien, en l'absence de Lord Harkness, il est de mon devoir de vous accueillir. Enfin, dans ces circonstances, nous ne pouvons pas faire autrement.

La jeune femme souffla sur son thé. Jones se raidit sur son siège. Il était recru de fatigue, d'émotion et il lui fallait à nouveau passer un entretien pour son embauche. Il n'en pouvait plus, mais son regard ne montra que froide détermination et calme de bon aloi.

Miss Sato émit un petit rire.

- Je vois bien votre fatigue, dit-elle, je me doute que votre voyage ne fut pas de tout repos. Cependant, je préfère dès maintenant vous entretenir à propos de Jack.

- Lord Harkness ?

- oui, Lord Harkness, je suis sa pupille, ajouta-elle comme pour expliquer l'usage de son prénom. Enfin, Davidson vous a certainement expliqué que vous vous chargerez de l'éducation de Stevens, vous vous occuperez de ses loisirs et de son éducation en vue de l'intégration de l'école où le Lord choisira de l'envoyer dans quelques années.

- Oui, cela me fut expliqué par Maître Davidson, encore que cela ne justifie pas les émoluments généreux dont vous gratifiez ce poste de professeur.

- En réalité, cette fonction recouvre différentes missions, l'éducation de ce garçon, ainsi que la gestion de la bibliothèque de Jack et nos papiers personnels.

- Cette dernière mission avait été mentionnée par Davidson, je préfère vous avouer dès aujourd'hui que c'est la première fois que j'occuperais un poste de ce type. C'est un peu différent de mes attributions habituelles.

- A cause de mon mariage, vous aurez beaucoup de travail. Jusque lors, je m'occupais cette place auprès de mon tuteur, mais le mariage approchant, j'ai des difficultés à répondre à toutes les personnes qui m'envoient leurs vœux ou sollicitent une place à l'église. Comme nous avons décidé de faire un mariage simple, il nous faut décliner ce genre de demande. Vous serez vraiment utile à cette tâche.

- d'accord, dit simplement le jeune homme en prenant une nouvelle gorgée de thé, j'espère seulement que je serais à la hauteur.

Maître Davidson n'en avait pas parlé mais cela lui convenait. Après tout, il lui fallait un travail, c'était cela ou retourner doubler des vestes chez son père. Rien que la pensée le fit frissonner.

- j'imagine, vous étiez professeur, Maître Davidson nous a écrit à votre propos. Il se réjouissait d'avoir trouvé la perle rare, recommandé par Maître Hallet. Ce qui est encore plus rare, celui-ci n'est pas réputé pour ses compliments.

- sauf quand il désire se séparer de quelqu'un sans scandale, se dit Jones, mais cela avait été un échec.

Cependant la jeune femme ne paraissait pas au courant de cette histoire. Il jugea plus prudent de ne pas lui raconter. Il avait déjà fait une désastreuse impression en manquant de s'évanouir sous le poids du lord. Il planta son regard dans celui de la jeune femme. Il avait encore des questions sur les attributions qui lui incombaient.

- Maître Davidson a également parlé de rédiger les mémoires du Lord, qu'en est-il réellement ?

- C'est un projet que Jack a dû lancer en l'air, il ne cesse de raconter des histoires, vous savez, il ne faut pas croire la moitié de ce qu'il dit et se méfier de l'autre partie. Mais cela pourrait être intéressant, Lord Harkness a eu une vie très captivante.

Jones comprenait maintenant mieux les émoluments plus intéressants que la plupart. Cela ne tenait pas seulement à la désastreuse réputation du Lord, finalement. Il s'était quelque peu renseigné avant de partir si vite de la capitale britannique. Harkness paraissait être un homme régi par ses instincts, toujours en conquête et vivant selon son bon plaisir. Il n'était pas particulièrement apprécié à la capitale, où il faisait figure d'excentrique, protégé par la Reine ce qui lui garantissait invitations et hypocrisie des flagorneurs qui pullulaient dans les salons de Londres. Il avait entendu tellement d'anecdotes sur lui qu'il lui semblait avoir rencontré une légende. Il resta pensif.


Rhea01  (02.10.2010 à 18:35)

Le docteur arriva à ce moment-là. Il embrassa sa fiancée sur le front. Gwen arriva sur ces entrefaites et annonça que le repas allait être servi.

- c'est vrai, rien de tel qu'un repas pour apprendre qui est ce jeune homme.

- Comment va Jack, demanda Toshiko,

- il va bien, il doit se reposer maintenant.

- pourquoi lui a-t-on tiré dessus ?

- je l'ignore, mais il va falloir avertir le constable pour qu'il ouvre une enquête. On lui a tiré dessus comme un lapin à la sortie de la ville. Je n'ai pas pu voir le tireur, mais j'ai repéré d'où le tir pouvait venir.

- pensez-vous qu'il s'agisse d'un guet-apens ? demanda Gwen les yeux écarquillés de peur, en servant le repas.

- je l'ignore, mais une chose est certaine, si Jack n'avait pas été trop saoul pour rentrer à cheval, il serait mort. Je suis sûr que la portière a dévié le tir. Rhys, tu pourras examiner la calèche avant de la remettre en état ? Il faudra que je pense à remercier Maître Elliot de m'avoir permis d'utiliser son véhicule. La moindre des choses, c'est qu'on s'occupe des réparations.

- Qui est le constable en ce moment ?

- Randall Crift.

- Aie, dit Gwen, s'attirant un regard complice de Toshiko.

- Oui, il n'est pas un grand ami du lord, nous allons avoir des difficultés avec lui. Tout ce que j'espère, c'est qu'il ne fasse pas passer son animosité avant la justice.

- Humm, fit songeuse Toshiko, je l'espère aussi.

- Bon, alors jeune homme, vous semblez reprendre des couleurs.

- Non, cela est dû à l'alcool, fit Jones, ce thé est très fort.

- Monsieur Jones, avez-vous mangé aujourd'hui ? demanda Owen, retrouvant ses réflexes de médecin en voyant les pommettes enflammés et l'œil brillant de Jones.

- Oui, ce matin en compagnie de Maître Andy, avant de partir pour Blackwood.

- Gwen, veux-tu bien le servir, il faut qu'il mange. De l'alcool sur un estomac vide après une si forte émotion, il risque de tourner de l'œil. Nous avons déjà suffisamment à faire avec Jack. Je ne sais combien de temps sa blessure va le tenir alité, nous verrons cela à son réveil demain matin. Dînons et j'irais voir comment il va avant d'aller me coucher.

- Bien, monsieur Jones, joignez-vous à nous. Cela va nous permettre de nous présenter les uns aux autres. Voici le Dr Harper, attaché à la personne du Lord. Je suis la pupille de lord Harkness. Gwen et Rhys gèrent le domaine en notre absence, avec l'aide ponctuelle de Maître Davidson.

- Vous avez été embauché pour vous occuper de Steven, demanda Owen en laissant Ewen le servir, c'est cela ?

- Oui, dit le jeune homme, Maître Davidson avait demandé une personne qui peut s'occuper d'un jeune enfant et des bibliothèques du lord. Il avait envoyé une annonce à la Gazette et j'ai eu la chance d'être pris.

- Hum, la chance n'a certainement rien à voir là dedans. Lord Harkness ne bénéficie pas d'une bonne réputation, même parmi les gens de sa classe sociale. Vous êtes sûrement la seule personne sérieuse à y avoir répondu favorablement.

- Il faut dire qu'il y en a eu des professeurs ou des gouvernantes ici mais aucun n'a pu rester bien longtemps. J'espère que vous trouverez la force de rester ici.

- Enfin, ne vous attendez pas à ce que je m'attache à vous pour le moment, dit Owen en commençant à manger, ne m'en veuillez pas.

- Oui, Owen ne s'attache pas, sauf à de rares personnes, dit Tosh en lui souriant.

Il lui prit la main et l'embrassa.

- Je suis attaché à toi, mon amour, c'est le principal.

- Evidemment ! Nous allons nous marier, après tout. Je suis désolée de vous imposer cet étalage de sentiments, Monsieur Jones, alors que nous ne connaissons à peine.

- Ce n'est pas grave, dit Jones, affichant un air détaché qu'il n'éprouvait pas du tout, il n'avait pas l'habitude de voir des sentiments aussi clairement exposés.

Il se sentait de plus en plus gêné par sa présence à la table des maîtres. Il n'avait pas l'habitude de cela, même après avoir vécu dans différentes familles. Il avait toujours été considéré comme un domestique, un peu plus doué ou intelligent que les autres, mais seulement un serviteur. Et les serviteurs ne mangent pas à la table des maîtres.

Blackwood était vraiment différent, il voyait que les relations entre les différentes personnes étaient plus amicales que serviles, qu'il y avait vraiment une intimité entre les uns et les autres. C'était vraiment quelque chose de différent de vivre ici, il avait l'impression d'arriver dans un endroit familier. Il n'arrivait pas à expliquer d'où venait ce sentiment, mais il sentait que cela risquait d'être son poste le plus intéressant. Cela le changeait agréablement des emplois qu'il avait précédemment occupé. Il avait l'étrange sensation que les domestiques en ce lieu faisaient partie de la famille. Ils ne paraissaient pas être des formes sans nom et sans visage, aisément interchangeables.

- Quand pourrais-je rencontrer le jeune garçon ? demanda-t-il en s'interrogeant sur l'absence de Master Steven à la table du souper.

- Il n'est pas encore arrivé ici. Il réside pour le moment auprès de sa nourrice, Dame Tyler à cause des travaux. Nous devons préparer ses appartements avant qu'il n'arrive.

- Je comprends, j'avais remarqué les travaux autour du manoir, que s'est-il passé ?

- Eh bien, lorsque Jack a été anobli par la reine, il a eu le droit de posséder ce morceau de terre. Mais il ne s'attendait pas à tomber sur une telle ruine. Il faut dire que le manoir n'a pas été occupé durant presque 50 ans, les travaux sont énormes et occupent tout notre temps. Mais cela est intéressant, fit Toshiko, car nous pouvons en faire ce que nous voulons.

- Ce qu'elle veut dire ici, c'est qu'elle a fait réaliser une chambre japonaise. Il faudra qu'elle vous montre cela, c'est autrement plus impressionnant que le cabinet de curiosité que Jack a l'intention de faire avec ses souvenirs de voyage.

- Effectivement, dit Jones, j'ai eu un petit aperçu.

- Et encore, vous n'avez pas vu sa demeure à Londres, il a entassé ses souvenirs sur 3 étages, un vrai musée, mais il trouve que cela donne un air exotique à la vieille demeure.

- Vous devriez goûter les airelles, Gwen a un véritable don pour les cuisiner, fit Toshiko pour changer de sujet.

- Allez-y mangez, fit Harper en agitant sa fourchette, cela va devenir froid.

La conversation prit un tour différent, discutant du vin, de la qualité de la table, et des mets proposés. Jones eut le sentiment bizarre que la conversation lui échappait. Il commençait à subir les effets de son long voyage conjugués à l'effet de l'alcool sur un estomac vide et aux fortes émotions. Il sentait son attention baisser et il ne portait plus vraiment attention à la conversation, qui lui semblait prendre place dans un lieu lointain. Il repensa au lord qui souffrait dans sa chambre. Il espérait qu'il aille bien, il ne supportait pas la souffrance d'autrui, même celle d'un animal. Le docteur Harper s'aperçut de son inattention et reporta la conversation vers lui.

- Vous allez vous plaire ici, j'en suis certain, enfin tant que vous vous plierez aux habitudes de la maison, vous savez certainement que Lord Jack a son caractère …

- C'est le moins qu'on puisse dire, fit Gwen en entrant dans la pièce, d'ailleurs, il est réveillé et il souhaite vous voir, Dr Harper.

- Bien, mon travail reprend, je dois vous laisser, je dois aller prendre soin de mon patient. Et le connaissant, cela ne risque pas d'être une partie de plaisir.

- Courage mon amour, un jour tu seras récompensé pour tous tes sacrifices, répondit Miss Sato, Jones détourna les yeux en entendant ces mots synonymes d'une certaine intimité entre les deux êtres.

- Je me marie bientôt avec toi, cela vaut bien tout les sacrifices, mon rayon de soleil.

Il lui baisa la joue et sortit sans plus attendre. La jeune femme rougissante sous l'expression de leur affection, sous les yeux de témoins encore étrangers à la maisonnée, reprit la parole après un petit moment.

- bien, Monsieur Jones, je vais vous conduire à la chambre que je vous ai réservée. Elle est plutôt petite mais c'est une des rares à être en état d'accueillir du monde dans l'aile ouest. Vous comprendrez que nous avons encore fort à faire dans les autres parties du manoir.

- Evidement, dit Jones, qui avait compris que le manoir était en pleine reconstruction et souffrait encore du manque de place.

Ils sortirent de table, laissant la pièce à la célérité des aides de cuisine qui débarrassèrent la table sous l'égide de Dame Gwen.


Rhea01  (05.10.2010 à 21:26)

Miss Toshiko le ramena dans le gigantesque hall et lui fit prendre l'escalier monumental. Il était neuf et brillait sous une telle couche de cire qu'il avait dû être nettoyé le jour même. Arrivé au palier, elle lui montra sa gauche, indiquant les chambres qu'Owen et elle-même occupaient. Elle lui désigna les appartements de Jack qui s'ouvraient au fond sur la droite, occupant la plus grande partie du couloir. Elle l'entraina dans ce couloir et passa deux portes sur la gauche avant de s'arrêter devant une porte de bois sombre, garnie d'un bouton de porte en émail blanc.

- Vous savez, nous avons décidé d'installer ici des chambres d'amis, nous avons commencé d'ailleurs par celle que vous allez occuper. Je m'excuse par avance de sa petitesse, si elle ne vous convenait pas, nous pourrons vous déplacer en face de la chambre d'Owen. Pour le moment, elle n'est pas terminée, mais elle offrira un volume plus important.

- ne vous inquiétez pas pour cela, la taille n'a aucune importance.

Lui même ne s'inquiétait pas, il avait déjà tout connu, depuis une chambre partagée avec ses parents jusqu'à l'âge de 14 ans, jusqu'au dortoir de son école avant d'avoir eu le droit à une chambre seul, refuge de ses nuits d'étude, en dernière année. Dans sa vie professionnelle, il avait de même tout expérimenté de la chambre immense destinée au professeur à une petite mansarde insalubre trop chaude l'été et trop froide l'hiver dans laquelle il avait vécu tant de mois chez les Hallet. Il pouvait dire qu'il avait déjà connu le pire et le meilleur en matière de chambre. Il avait appris à s'en détacher, à ne trouver qu'un seul endroit correspondant à ses aspirations, la pièce qu'il imaginait dans sa tête. Une idée, une chambre, une pièce tout à lui, qui lui permettrait de vivre tranquillement dans son esprit.

Jones entra dans la pièce que lui ouvrait la jeune femme et il découvrit l'exacte chambre qu'il s'était toujours imaginé, le fantasme absolu, une chambre de rêve. Il s'attendait à tout, sauf à cela, c'était une pièce simple, assez petite, dotée d'une grande fenêtre qui s'ouvrait sur le parc obscur. Une cheminée où brûlait un feu vif réchauffait l'atmosphère sans l'enfumer et permettait de remarquer l'agencement simple mais de bon goût de cette pièce. Il y avait un lit-cage, du type de ceux dont on se servait au siècle dernier, il avait tout d'une armoire mais les portes grandes ouvertes laissaient apparaître la couche préparée pour lui. Un bureau ancien patiné par les âges et un usage intensif de cire d'abeille se trouvait sous la fenêtre, un lieu idéal pour l'écriture et l'observation, sur lequel un bouquet de fleurs fraîches achevait de rendre la pièce accueillante. Les murs blanchis à la chaux tout simplement portaient quelques peintures dont le charme ancien réjouissait l'œil. Il se sentit instantanément bien, apaisé, dans cette pièce qui allait devenir son sanctuaire. Toshiko Sato émit un petit rire, elle l'observait et avait remarqué le plaisir qu'il avait de découvrir ce lieu.

- Vous avez l'armoire, ici pour vos effets personnels et cette bibliothèque est encore vide pour le moment, vous y choisirez vous même les livre dont vous voudrez la compagnie.

- Merci, dit simplement le jeune homme, ébahi par cette chambre étincelante par sa simplicité et sa beauté.

- Au Japon, on nomme cela Wabi, dit encore la jeune femme.

- Quoi donc, demanda-t-il.

- Le fait que quelque chose de simple et fonctionnel soit beau.

- Vous avez préparé vous même cette chambre, s'enquit-il avec trouble, je vous remercie.

- Non, c'est Gwen qui s'en est chargée, vous auriez eu plus d'estampes ou de paravents si cela avait été moi, dit-elle en se moquant légèrement d'elle-même, mais j'aime ce qu'elle a fait ici. Bien. Je vais vous laisser vous reposer, demain, nous vous montrerons la bibliothèque, et les différents lieux dont vous pourrez avoir l'usage. D'ailleurs, vous avez le cabinet de toilette et d'aisance tout au fond.

- bien, très bien, dit-il encore étourdi... il regardait encore autour de lui avec bonheur, cette chambre ressemblait à son idéal de pièce et n'en revenait toujours pas que quelqu'un d'autre put partager son goût pour la simplicité. Il sentait que la vie dans ce manoir allait être parfaite à ses yeux. Il raccompagna la jeune femme à l'entrée et lui souhaita le bonsoir, fatigué par son long trajet.

- non, c'est un espion, ce Jones je te dis, il faut que je l'interroge, il faut que je sache qui l'a amené ici, ce qu'il veut exactement. Peut-être qu'il m'a tiré dessus, peut-être est-ce lui qui m'a tiré dessus ?

Jones eut un sursaut en entendant la voix de Jack tonner de sa chambre, située plus loin vers le fond. Il parlait de lui avec une haine certaine dans la voix. Il entendit la voix d'Harper s'élever à son tour. La porte du Lord devait être ouverte pour laisser échapper ainsi le bruit de leur conversation très animée.

- calme toi, Jack, il n'y est pour rien, c'est Andy Davidson qui nous l'a envoyé, tu le sais bien, tu l'avais chargé de te trouver un bibliothécaire pour le legs de ton amie Estelle et un professeur pour Stevens.

Il prenait une voix lénifiante comme pour bercer l'ombrageux Lord qui menaçait de se lever pour vérifier cela par lui même.

- Demain, dit Harper, demain, tu le feras venir à ton chevet et tu lui poseras toutes les questions que tu désires. Mais en attendant, je veux que tu te reposes, tu es blessé et tu as la fièvre, cela ne servira à rien de rouvrir ta blessure et d'empêcher tout le monde de dormir par une crise du plus mauvais goût.

- Qui t'a dit que j'avais très bon goût ? riposta le lord, d'une voix plus forte, Je suis sûr que c'est lui qui m'a blessé. J'en suis certain !

- Écoute, comment aurait-il pu faire cela alors que nous l'avons renversé cette après-midi en nous rendant en ville ? Il ne pouvait pas être à deux endroits au même moment. Réfléchis, voyons. Ce n'est pas possible.

- Il peut avoir des complices, ils peuvent très bien avoir pu me tirer dessus.

- Tu nages en plein délire, lui répondit Harper fermement, je vois, tu as de la fièvre. Montre-moi ta blessure... allez, grand Lord, il faut que tu te reposes. Interdiction de se lever, ordre du médecin.

La porte claqua, le docteur semblait avoir pu entraîner son patient rétif loin de la sortie. Le silence retentit inconfortablement dans le couloir entre les deux jeunes gens. La conversation entre les deux hommes se poursuivit à l'intérieur des appartements sur un mode indistinct.

- Bien, reprit Miss Sato, je suis désolé pour cela, le Dr Harper va s'occuper de lui, ne vous inquiétez pas pour lui, je vous prie.

- Il va mieux, à ce que je peux entendre, fit Jones, d'une voix tendue par les soupçons du Lord envers lui.

- Il a tout de même besoin de se reposer, dit Miss Toshiko, ne soyez pas blessé par ses paroles, je vous en prie, il ne sait pas ce qu'il dit en ce moment. Demain, il ira certainement mieux.

Jones acquiesça et lui souhaita bonsoir. Il ferma la porte de sa chambre soigneusement et contempla son nouveau domaine qu'il trouvait si accueillant. Il se déshabilla rapidement, ses habitudes économes le poussaient à faire attention à l'huile de sa lampe. Il posa chacun de ses vêtements sur un valet, objet nécessaire dans une chambre. Puis, il fourragea dans son sac à la recherche de son nécessaire de toilette qu'il posa auprès de la fenêtre, prêt pour demain matin. Il y trouva un broc et une cuvette remplie d'eau chaude. Un délice, avec laquelle il exécuta promptement sa toilette avant d'aller se coucher.

Il n'en revenait pas d'être tombé dans une maison qui accorde autant d'importance à un simple professeur. Cela était réconfortant pour la suite de son séjour ici. Il enfila sa chemise de nuit et se glissa dans le lit clos. Après avoir soufflé la lampe, il ferma les yeux en essayant de ne plus penser aux paroles du lord. Il semblait avoir focalisé ses soupçons sur lui. Il était souvent plus facile de soupçonner l'étranger, celui qui n'appartenait pas sa maison.

Il posa confortablement sa tête sur l'oreiller moelleux qui exhalait une odeur de lavande. Il posa les mains sous sa nuque et réfléchit à son arrivée dans ce manoir en attendant que le sommeil vienne le prendre. Il y avait tant de choses à découvrir, tant de choses à se rappeler. Il laissa ses pensées dériver, non sans revoir les yeux étranges d'Harkness, une étrange nuance de gris et de vert, avec une pointe de jaune comme une mer traversée par un ouragan sauvage. Il y avait du fauve chez cet homme. Il avait senti de la sauvagerie et de la solitude. Il était lui même seul, si solitaire parfois qu'il sentait les personnes partageant cet état, cette particularité, sans même parler.

Il s'endormit enfin, après avoir manipulé dans son esprit les raisons pour lesquelles le lord pouvait bien être si solitaire au milieu d'une maisonnée qui semblait l'adorer résolument. Il cessa de penser à cet homme blessé pour sombrer dans un sommeil profond à peine agité par des pensées peu communes. La nuit qui s'éclaircissait à l'ouest étendait son empire sur le parc et la maison qui dormait paisiblement.


Rhea01  (05.10.2010 à 21:28)

Chapitre quatre : n'ouvrez pas la porte au loup en colère

 

Jones dormait depuis plusieurs heures et les oiseaux débutaient seulement leur récital du petit matin, lorsqu'il s'éveilla, pris d'un sentiment bizarre, l'impression étrange que quelqu'un l'observait pendant son sommeil. Il s'extirpa péniblement des bras de Morphée qui tentait de le retenir en voyant les volets de son lit-cage ouvert. Il était pourtant sûr de les avoir bel et bien fermés la veille avant de s'endormir dans la quiétude molle de ce lit. L'angoisse subitement vint lui serrer le cœur. Il avait le sentiment urgent que quelque chose n'allait pas.

Il rejeta ses couvertures violemment, mais avant qu'il n'ait le temps de se lever, une main ferme se posa sur sa gorge et le repoussa sur son oreiller. Il reçut un coup à l'estomac qui le fit gémir et le rejeta sur le matelas. Il tenta de lutter, mais au sortir des rêves, il avait bien des difficultés à repousser son agresseur qui le rouait de coups. Un corps lourd se plaqua contre lui et deux mains vinrent s'enrouler contre son cou. Il sentit que ce visiteur impromptu l'étranglait résolument. Il commença à ne plus pouvoir respirer, des voiles sombres entachaient sa vision. La peur de mourir le poussa à se montrer plus vindicatif.

Il s'arcbouta contre le corps qui le pressait si durement. Il parvint à dégager un bras avec lequel il repoussa brutalement le visage de son étrangleur. Surpris par cette manœuvre, son attaquant le relâcha en étouffant un râle de douleur. Il en profita pour échapper de la poigne qui s'affaiblissait. Il inversa les rôles en roulant par-dessus son agresseur. Il le maintint contre l'oreiller des deux mains, prêt à riposter à coup de tête, si l'homme faisait mine de bouger.

Il tremblait de peur et de dégoût, une sueur froide lui coulait le long du dos, trempant sa chemise. Cela lui rappelait trop intensément les années d'internat, où il n'avait dormi que d'un œil afin d'éviter de déplaisantes attaques nocturnes. Il s'était juré de ne plus jamais se faire surprendre. Le calme et la façon amicale avec laquelle il avait été accueilli lui avaient fait perdre de sa prudence acquise de si haute lutte. Il se pencha sur l'homme qui haletait sur le lit sous lui, montrant les dents.

Il vit un éclair de souffrance passer dans les yeux de son assaillant, la lumière de la lampe allumée n'éclairait pas suffisamment l'intérieur de son lit. Il lui sembla pourtant reconnaître le visage du Lord. Il le relâcha et s'échappa du lit pour ne pas affronter son regard. Il tomba dans le fauteuil et se prit la tête entre les mains.

Je viens de me battre avec mon nouveau maître, se dit-il avec effroi. Et celui-ci était blessé, de surcroît. Il l'entendit réprimer une plainte, qui siffla entre ses dents. Mon dieu, j'ai aggravé son état, continua-t-il, la peur rongeant ses pensées qui le forçaient à imaginer ce qui allait se passer. Il serait certainement renvoyé, obligé de repartir travailler avec son père, obligé de terminer sa vie dans la petite échoppe de tailleur à laquelle il avait tout sacrifié pour échapper, obligé d'abandonner tous ses rêves. Puis il se ressaisit en se rappelant que c'était le Lord qui venait de l'attaquer et qu'il continuait de gémir sur le lit.

Il se releva et se rapprocha avec circonspection, la peur au ventre. L'homme restait allongé, sans bouger, les yeux clos sur ses tourments. Sa respiration était laborieuse, difficile à entendre, il souffrait visiblement. Jones prit la lampe et l'approcha, comme si la douce lumière pouvait le réconforter. Il découvrit Lord Jack qui luttait contre la douleur, dents et poings serrés, comme s'il s'agissait d'un ennemi à abattre. Pris de pitié, Jones s'approcha puis recula. Il ne supportait pas de le voir souffrir. Son cœur cognait si vite dans sa poitrine, il avait peur de lui, il l'avait attaqué sans raison, mais il ne pouvait pas le laisser endurer sans l'aider. Il lui toucha doucement le front, et le trouva brûlant.

- Vous ne pouvez pas rester ainsi… je vais chercher Dr Harper.

- Non, râla Jack, non, je … qu'est-ce que je fais ici ?

Jones alla chercher une serviette et son broc d'eau devenue froide et lui baigna les tempes.

- Je crois que vous êtes venu me tuer. Enfin, vous avez tenté de m'étrangler.

- Je... vraiment ? fit l'homme en relevant légèrement, le regardant droit dans les yeux. Jones frémit en voyant la lueur d'égarement qui y vacillait.

- Oui, vraiment, c'est ainsi que vous accueillez les étrangers ici ? Cela ne devrait pas vous étonner de ne pas avoir plus souvent de visiteurs.

Il passa la serviette sur le front brûlant, s'étonnant de ne pas voir de la vapeur s'en élever. Jack Harkness attrapa son poignet et l'entraîna plus près de lui, il sentit son souffle enflammé frôler son cou et les battements affolés de son cœur emplir ses oreilles, la panique rugissait dans ses veines. Il était beaucoup trop près de lui.

- Je n'ai pas pour habitude d'accueillir sous mon toit celui qui attente à ma vie, murmura Harkness à son oreille, Jones se rejeta en arrière, choqué.

- Pour ma part, je n'ai pas l'habitude d'être traité comme un criminel, se défendit-il aussitôt, je n'ai rien à voir dans votre agression. Je ne sais même pas manier une arme. D'autre part, vous avez failli me tuer, vous-même, en me renversant à cheval sur le chemin menant à votre manoir.

Le Lord fronça des sourcils, c'était ce que Owen lui avait raconté, il avait tellement de mal à réfléchir, il se sentait si fiévreux, si malade, sa blessure ne lui laissait aucun répit, la fièvre l'embrasait. Il reprit d'une voix mal assurée.

- Elle vous aura aidé, Suzie, elle vous a certainement emmené ici pour vous nicher près de moi comme un serpent. Vous avez sans doute comploté contre moi !

- qui ? demanda Jones d'une voix totalement surprise, son ton étonna le Lord qui le regarda avec des yeux ronds. Je ne connais pas de Suzie, je ne sais pas de qui vous parlez, Lord Harkness. Non, reprit-il d'un ton doux, propre à calmer les enfants les plus récalcitrants, expliquez-moi comment j'ai pu faire le trajet jusqu'à la ville, vous tirer dessus et revenir à pied jusqu'ici, pour arriver avant vous.

Il tentait de le raisonner, il s'approcha à nouveau de lui pour lui tamponner le front. Harkness hésita et plongea dans son regard saphir.

- Je ne sais pas… vous avez des ailes et vous volez comme les anges, auxquels vous avez emprunté ces yeux-là.

- Non, admettez que c'est impossible.

- C'est impossible, fit le lord en s'asseyant sur le bord du lit. Vous avez raison. Veuillez m'excuser, c'est la fièvre qui me fait croire de drôles de choses. Et le fait d'avoir frôler la mort hier m'a certainement joué des tours. Je suis désolé de vous avoir attaqué.

Il posa une main sur son front, étonné de le voir aussi trempé de sueur, alors qu'il gelait sur place. Il tenta de se lever, mais ses membres lui étaient trop faibles pour le soutenir. Il s'arma de son plus beau sourire et fit signe à Jones, qui l'observait d'un air inquiet.

- Puis-je rester, demanda-t-il d'un ton léger, j'ai si froid. Le feu dans ma chambre doit être éteint et je ne veux rester seul.

- Sir, je..., Jones hésita avant de pouvoir lui répondre. Je peux vous accompagner dans votre chambre et ranimer les braises, si vous le désirez. Je peux aussi faire quérir le Docteur Harper. Il pourra prendre soin de vous.

- Non, le froid dans le couloir me sera trop rude. Et inutile de déranger Harper. Il a besoin de se reposer lui aussi.

Jones abasourdi, ne put rien dire, le Lord s'installa dans son lit, dans la chaleur de ses draps et le moelleux de ses oreillers. Il eut un vague sentiment de jalousie, lui-même était fatigué et aurait tellement aimé continuer sa nuit. Harkness ne semblait ne vouloir aller nulle part ailleurs, il tremblait de froid et s'engonça dans la chaude courtepointe. Jones soupira et alla raviver les flammes de l'âtre et remettre un peu de bois. Il grimaça en bougeant, les coups que Harkness lui avait portés étaient douloureux. La pièce devint vite étouffante, mais il entendait encore Harkness claquer des dents.

- Je vais aller chercher le Docteur Harper, répéta-t-il, il va vous donner quelque chose pour cette fièvre.

- Non, restez ici, racontez-moi ce que vous voulez, restez….

Seuls ses yeux brillants de fièvre sortaient du nid de couverture dans lequel il s'était entortillé. Jones soupira.

- je n'ai aucune compétence comme médecin ou garde-malade, mais il me semble qu'un homme de l'art vous serait plus profitable que mon lit ou ma présence.

- Vous oseriez mettre à la porte de votre chambre, un homme malade et blessé, vous êtes sans cœur, Jones.

- Non, je dis simplement que je ne vous serais d'aucune aide.

- Ce n'est rien, c'est un reste de fièvre jaune, dit le lord, j'ai déjà été malade ainsi, il y a quelques semaines. Ce n'est rien, c'est impressionnant. Cela va et vient, de la chaleur, cela aide vraiment. Pourquoi ne pas venir vous allonger près de moi ? Vous seriez mieux que de rester debout, pieds nus sur le carrelage froid.

- Sir, vous vous moquez de moi, vous m'empruntez mon lit et vous voulez que je me couche près de vous ?

- Promis, je ne tenterais rien, je suis trop malade pour cela.

- Vous passez bien trop rapidement de la tentative d'étranglement à l'intimité, Sir. Vous ne me connaissez pas et il y a à peine quelques minutes, vous m'accusiez encore d'être un assassin et d'avoir comploté contre vous.

- Je n'y peux rien si vous avez un visage qui respire l'honnêteté et la franchise. Vos yeux m'attirent et me donnent confiance. Que voulez-vous ? Venez !

Il ouvrit le nid de couverture, laissant voir son torse couvert de sueur.

- Non, je vais rester dans ce fauteuil pour terminer ma nuit, ne vous inquiétez pas pour moi.

- Bah, c'était un ordre, si vous commencez à me contredire, vous n'allez pas faire de vieux os ici, rétorqua le Lord, d'un air bougon.

- Je m'en voudrais de profiter de votre état de faiblesse, Sir.


Rhea01  (05.10.2010 à 21:32)

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Lundi 13 mai à 22:00
2.96m / 18.9% (Part)

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Actualités
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HypnoRooms

Locksley, 14.05.2024 à 19:42

Avalanche de news sur la citadelle en ce moment, merci aux différents rédacteurs ! N'hésitez pas à commenter toutes ces actus. Bonne soirée !

sossodu42, Hier à 15:17

Des thèmes vous attendent pour être choisi pour le futur design de HPI. Merci pour vos votes

ShanInXYZ, Hier à 16:31

Nouveau sondage sur les Guests de la nouvelle saison de Doctor Who, passez voir le Docteur pour voter

mamynicky, Hier à 20:13

Hello la citadelle ! La 3ème saison des Bridgerton est enfin arrivée sur Netflix ! Venez nous parler des épisodes que vous avez vu.

mamynicky, Hier à 20:16

Quant à moi je vais patienter jusqu'en juin j'ai horreur d'attendre entre les épisodes. Bon visionnage !

Viens chatter !

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