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Blackwood Manor

Série : Torchwood
Création : 29.09.2010 à 22h17
Auteur : Rhea01 
Statut : Terminée

« Univers Alternatif, toute l'équipe de Torchwood au grand complet au temps de la Reine Victoria. Ou les aventures de Lord Harkness et Ianto Jones, précepteur et bibliothécaire. » Rhea01 

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Jack laissa échapper un rire faible. Le Gallois lui plaisait, intimidé certes, mais il faisait preuve de répondant. Il sentit que la fièvre reprenait son chant infernal, l'affaiblissant et le retournant en tout sens. Il la laissa faire, après tout, il ne pouvait rien faire d'autre que subir, il s'endormit peu à peu, rêvant à des yeux bleus qui le fixaient et veillaient sur son sommeil.

Jones s'installa de son mieux sur la bergère qui faisait face au feu, chauffant ses pieds sur les brandons mourants. Il tenta de s'endormir à son tour, sous une robe de chambre mais la respiration pénible le gênait. Il n'avait pas l'habitude de dormir avec quelqu'un dans la même pièce que lui.

Il n'en revenait pas de l'outrecuidance de ce Lord. Il arrivait ainsi dans sa chambre plein de menaces et de soupçons pour finalement s'endormir dans son lit. Il avait même demandé à ce qu'il vienne le réchauffer. Il lui revint en mémoire les avertissements qu'il avait entendus à Londres en prenant des renseignements sur lui.

Le Lord était vu comme un homme de moralité plus que douteuse, riche parvenu, ennobli par la reine, mais auquel il manquait un vernis de bonne société. Il avait noté que sa domesticité l'adorait, plus qu'aucun serviteur n'aimerait jamais son maître. Il y avait vu des rapports plus d'amitié que de servitude. Il se rappelait ce que ses sources lui avaient appris. C'était un homme qui était sorti du rang, quelques années auparavant, un homme du peuple, dont on ne connaissait pas l'origine. Certains le disaient français, d'autres des anciennes colonies américaines, son accent étrange à l'oreille le faisait pencher pour cette hypothèse.

Une chose revenait invariablement, c'était son caractère volage, sa réputation de Casanova, qui privilégiait tout autant le sexe fort et faible. Il était connu pour courir le jupon tout autant que le caleçon sans perdre en aucune façon son charme et sa détermination. Il avait derrière lui des armées de cœurs brisés et de corps exaltés. Cependant, il cachait derrière cette façade de débauché un esprit retors et fier, lui avait assuré Andy Davidson, son fondé de pouvoir. Il était intelligent et jouait de cette façade – qu'il adorait –pour jouir tranquillement de sa vie de rentier et de Baron de la Reine.

Jones observa ce qu'il voyait de son visage, les traits tirés par la maladie étaient fiers, droits et purs. Il avait un nez franc qui donnait à son visage une distinction patricienne et une mâchoire carrée, assurée qui donnait confiance. Ses cils ombraient ses pommettes, et cachaient des yeux qu'il aurait trouvés fascinants chez une jeune femme, beaucoup plus gênants chez un homme par leur expressivité. Il détourna le regard, troublé de s'être ainsi trouvé rêveur devant lui. C'était un bel homme qui attirait les regards par sa ressemblance avec les canons antiques. Et dieu sait qu'il avait étudié la stature antique. Il se rencogna dans le fauteuil, incapable de trouver le sommeil qui le fuyait et le laissait avec ses pensées errantes.


Rhea01  (05.10.2010 à 21:33)

oOoOo

Il entendit un gémissement qui venait de son lit. Le lord trahissait dans son sommeil une douleur certaine. Cela le tira de ses pensées, dans lesquelles il dérivait depuis plusieurs heures. Il ne s'était pas rendormi après l'entrée fracassante du Lord dans sa chambre. Le soleil filtrait à travers les persiennes tirées et il éclairait le visage endormi de son hôte. Jones se leva, il se sentait tout courbaturé d'avoir passé autant de temps dans la bergère, siège confortable pour s'asseoir, non pour dormir.

Son corps le faisait souffrir, il sentait les meurtrissures dont l'avaient couvert le Lord se rappeler à son bon souvenir. Il grimaça en s'étirant et s'habilla en hâte, sans oser faire sa toilette. Le Lord pouvait s'éveiller à n'importe quel moment et il ne souhaitait pas qu'il le découvre occupé à se laver.

Il s'approcha à pas feutrés et glacés, le feu en mourant avait jeté ses dernières flammes, il y avait longtemps déjà. Il alla observer le Lord, son visage paraissait moins rouge, plus apaisé. La crise semblait passée. Il entendit la maison doucement se mettre en branle. Les milles petits bruits des domestiques affectés à leurs tâches quotidiennes se faisaient entendre jusque dans la chambre silencieuse. Il les imaginait très bien, nettoyer les âtres, préparer les petits déjeuners, commencer la journée dans les écuries, s'occuper des chiens qu'il écouta japper avec joie. Il avait découvert la veille les molosses de Blackwood et les avait trouvés finalement amicaux. Il se promit d'aller leur rendre visite, c'étaient des animaux qu'il trouvait véritablement intéressant.

Il entendit le pas léger de quelqu'un qui s'arrêtait au pied de sa porte, un choc sourd, quand il déposa un objet lourd, puis le même bruit se répéta plus loin.

Certainement l'eau pour les ablutions matinales, se dit-il. Il errait dans sa chambre, incapable de décider ce qu'il devait faire, sortir, prévenir quelqu'un que le Lord se trouvait dans sa chambre, ou bien sortir, descendre déjeuner sans y prêter attention. De toute manière, il fallait qu'il sorte de sa chambre, il ne pouvait pas rester enfermé ici toute la journée à attendre que Jack Harkness sorte de son sommeil. Cet aspect inhabituel le mettait dans un état d'angoisse indescriptible. Il ne savait que faire. Un cri d'appel le décida soudain, le docteur Harper appelait au-dehors.

- Le Lord, Jack ! Où est-il ? l'entendit-il demander à la personne qui s'occupait dans le couloir.

- Je ne sais pas, Maître, je ne l'ai pas vu sortir, répondit cette personne, Ewen, crut-il se rappeler.

- J'imagine, Ewen, si une vache se trouvait dans ce couloir, tu n'arriverais même pas à la voir.

- Oui, Maître Harper, répondit le jeune homme, calmement, d'un ton clairement habitué aux remontrances de Harper.

Jones ne put rester plus longtemps. Il ouvrit sa porte et invita Harper à entrer.

- bonjour, Jones, fit Harper, surpris de le voir habillé comme la veille, les cheveux emmêlés et les yeux bouffis de mauvais sommeil. Vous avez besoin de quelque chose ? Vous semblez encore plus fatigué que la veille.

- Sans doute, mais voici plutôt la raison de mon absence de repos.

Il montra le lord qui dormait toujours dans son lit, les bras serrant son oreiller comme pour occulter la lueur du jour.

- Jack, mais que fait-il ici ? demanda Harper étonné.

- Il avait décidé cette nuit de se venger, déclara Jones, bras croisé devant le Lord endormi.

- Oh, veuillez l'excuser, il avait cette idée en tête, hier soir, mais je ne l'imaginais pas vous rejoindre jusque dans votre chambre.

- Il était réellement persuadé que je m'étais acoquiné avec la personne responsable de son état. Mais nous avons parlé et j'ai pu le raisonner.

- Et il est resté ici ? Dans votre chambre ?

 


Rhea01  (05.10.2010 à 21:36)

 

Harper le regardait par en-dessous, le détaillant avec attention, notant le désordre de sa mise, les marques bleuâtres sur la peau de son cou, Jones lutta pour ne pas rougir sous les soupçons graveleux que charriaient ses yeux. La situation si délicate, tendancieuse même lui sauta aux yeux. Il recula, se retourna vers ses affaires qu'il rangea fébrilement, malgré leur absence de désordre. Il tentait de masquer son embarras à l'homme qui s'amusait visiblement de la situation. Celui-ci lui adressa un large sourire, auquel il ne répondit pas.

- Ne vous inquiétez pas, dit-il, jugeant qu'il l'avait suffisamment mis mal à l'aise, avec Lord Harkness, il faut s'attendre à tout. Il peut faire des choses complètement imbéciles, vous savez. Si je vous racontais la moitié de ses aventures, vous me traiteriez de menteur.

- Peut-être, mais il était dans un état indescriptible hier soir, il a tenté de me tuer.

- Allons professeur ! Ce n'était pas contre vous… n'y voyez rien de personnel, je vous en prie.

- Si vous le dites, fit Jones, en continuant de ranger ses affaires, il attrapa sa veste qu'il remonta jusqu'à son col et se couvrit d'une écharpe. J'ai vraiment cru qu'il allait me tuer cette nuit.

- Mais non, fit une voix ensommeillée derrière lui, j'ai eu seulement envie de ne pas passer ma nuit seul. Heureusement pour votre vertu que j'avais la fièvre cette nuit.

Ils se retournèrent vers lui d'un seul mouvement surpris. Le lord les regarda rieur, s'étirant sous les couvertures, ravi de leurs attentions. Il grimaça lorsque sa blessure se rappela à son bon souvenir.

- Ouah, s'écria-t-il, Owen, mon bandage a certainement besoin d'être changé. La fièvre l'a complètement trempé.

- Ne bouges pas, Jack, je vais t'ausculter, c'est vrai que tu es moins fébrile. La fièvre est tombée pendant la nuit de toute évidence.

- Oui, grâce aux bons soins de mon garde-malade improvisé, qui n'a cessé de m'humecter le front.

- En attendant, tu as empêché de dormir ce pauvre jeune homme. Pourtant, il avait besoin de sommeil.

- Bah, cela m'a donné l'occasion de mieux connaître ce nouveau bibliothécaire, encore que nous n'avons pas parlé exactement de ses attributions. C'est dommage, mais nous aurons tout le temps de reprendre cette conversation à un autre moment.

Le jeune homme tenta de dissimuler une grimace désabusée derrière une façade neutre, tandis qu'Owen souriait d'un air amusé. Celui-ci aida le lord à se relever et l'entraîna vers ses propres appartements. Ils saluèrent le jeune professeur et le quittèrent. Jones ferma la porte derrière eux en soupirant. Il posa son front sur le bois froid de la porte et prit une grande inspiration. Il entendit trois chocs assurés à la porte. Il rouvrit en s'assurant de la neutralité de son visage.

- Jones, dit le Lord, d'un ton enjoué, il faudra que nous nous voyons cet après-midi afin de discuter de ce que vous ferez pour moi.

- Maître Davidson et Miss Sato m'ont déjà éclairé sur mes attributions, sir, rétorqua Jones, surpris.

- Très bien, ce sera plus facile, à cet après-midi.

- Jack, tu dois te reposer, fit Owen en le soutenant, plus par habitude, que par nécessité.

- Tout à fait, Owen, je te promets de me reposer, autant qu'il me sera possible, murmura-t-il en plongeant ses yeux dans le regard étonné de Jones. Viens, Owen, reprit-il plus haut, laissons ce jeune homme prendre ses marques au manoir. Le petit déjeuner l'attend.

Ils le saluèrent à nouveau. Lord Harkness s'appuya sur son ami et s'éloigna vers sa chambre, laissant un Jones, désespéré à l'idée de discuter à nouveau avec cet homme décidément impossible. Il avait pensé que vivre à Blackwood aurait été une sinécure, face aux postes parfois débilitants qu'il avait occupés. Mais cela était sans compter avec son propriétaire, dont l'outrecuidance dépassait les mesures. Il l'avait empêché de se reposer en le réveillant en pleine nuit pour lui faire avouer une tentative de meurtre sur sa personne. Son cou lui était douloureux, il écarta l'écharpe devant le miroir qui lui faisait face et blêmit devant les meurtrissures qui maculaient sa peau.

Pourquoi n'avait-il rien dit au Docteur Harper ? Il l'ignorait. Après tout, il n'était qu'un pauvre professeur sans droit ni fortune. Il prit sur lui, remit de l'ordre dans sa tenue avant de descendre déjeuner. Il fallait qu'il s'habitue aux coutumes de ce manoir, si différentes des autres familles où il avait servi. Vivre à Blackwood allait être bien différent de tout ce qu'il avait connu.


Rhea01  (05.10.2010 à 21:37)

Chapitre cinq : où l'on en apprend un peu plus sur le Lord

 

Blackwood Manor était situé en dehors des habituelles routes de diligences mais le village de Combe-Reine n'était éloigné que de quelques milles. Les champs soigneusement cultivés par les métayers du château, jouxtaient le parc au sud, à l'ouest, la lande étirait sa maigre végétation, à l'est le manoir dominait la vallée et la large rivière qui se jetait dans la mer à des lieues d'ici. Au nord, les bois sombres de Brecon Beacons, dont le manoir tirait son nom, obscurcissaient l'horizon. Seul le lord y avait le droit de chasse. Mais cela n'empêchait pas certains d'y braconner allègrement. Tant qu'ils n'abîmaient pas les bois, ni ne gênaient les chasses que pouvaient y organiser le Lord, celui-ci n'y voyait pas d'inconvénient à ce braconnage. C'était une attitude fort conciliante pour un homme installé depuis peu dans le pays.

Pour l'heure, il se contentait de prélever les habituelles taxes sur le transport des marchandises. Il n'avait pas vocation à être libéral, mais il laissait les habitants de ses terres vivre comme ils l'entendaient. Ils n'étaient plus, après tout, sous un joug féodal. Les métayers qui travaillaient ses terres ne se plaignaient pas, ils ne le voyaient que peu, il avait pourtant toujours un mot pour eux. Il ne leur était pas sympathique, c'était l'un d'entre eux, sous-entendu de la Haute société, des personnes qu'ils n'approchaient pour ainsi dire jamais. Mais à discuter avec d'autres fermiers, ils se rendaient bien compte qu'ils auraient plus mal tomber.

Miss Sato et Lord Harkness vivaient depuis trois ans à Blackwood, que la Reine lui avait offert il y a plus de quinze ans pour service rendu avec la baronnie afférente. Dès leur arrivée, les réparations du manoir avaient alimentés les conversations. Il y avait les partisans pour tout démolir. Après tout le vieux château avait vécu et était inhabitable en l'état. D'autres étaient persuadés qu'il fallait sauver les ruines, qui avaient connues les compagnons d'armes de Guillaume le Conquérant. Les deux camps avaient été surpris par les choix du Lord, reconstruire un manoir entièrement à neuf en intégrant les éléments les mieux conservés de la construction originale. Il avait insisté pour réutiliser les moellons des bâtiments qu'il ne conserverait pas.

Cela donnait une habitation d'un caractère original, exceptionnel. Dans une cour carrée, entourée de murs, s'articulait le donjon conservé, un bâtiment neuf, très victorien dans l'esprit et une aile ancienne dont les fenêtres de granit sculptées ornées de vitraux donnaient des airs d'église.

Une des fenêtres ouvertes laissait échapper de la musique, du piano. Miss Sato s'exerçait sur une étude pour piano du défunt Litz. Jones était auprès d'elle dans la bibliothèque, où il consultait les ouvrages qui couvraient les murs de cette pièce de plus de vingt pieds de long. La pièce avait beau être des mêmes dimensions que la salle de bal du rez-de-chaussée, elle paraissait minuscule, toute encombrée par les étagères remplies de livres, rangés dans le plus grand désordre.

Seules les fenêtres ouvraient des espaces entre les rangées de livres et les armoires qui croulaient sous le poids des ouvrages disséminés au gré de la fantaisie du Lord. Jones se demandait quel travail avait bien pu réaliser les précédents bibliothécaires. Il n'y avait aucun ordre et aucune mesure dans ce chaos. Une tempête aurait certainement eu plus de goût dans le rangement.

Tout cela concourrait à créer un labyrinthe dans lequel Jones avait eu la surprise de découvrir un petit salon de lecture, créé là plus par l'habitude que par choix volontaire. Il y avait le piano de Miss Sato et trois fauteuils confortables, associés à une table sur lesquels traînaient des ouvrages ouverts et non rangés. Une cheminée où ronflait un feu joyeux rendait malgré tout l'ensemble confortable. Cela semblait être un des endroits favoris de la jeune femme.

Celle-ci l'avait entraîné dans la visite du château, peu après le petit-déjeuner qu'il avait expédié, sa rencontre du matin l'ayant mis en retard. Elle lui avait fait les honneurs de la maison, lui montrant la salle d'étude qui lui était réservée ainsi que les pièces dont il aurait l'usage. Le déjeuner fut pris dans le salon, où elle avait continué à lui parler du manoir, avant de l'emmener dans ce capharnaüm, où il savait qu'il passerait bon nombre de ses heures.

Il avait vite acquis l'opinion que la construction et les réparations n'étaient pas encore tout à fait terminées mais qu'elles en prenaient le chemin. Toshiko lui avait fait l'article du château, lui racontant son origine normande, sa construction par un compagnon du roi qui avait unifié l'Angleterre. Ce château était le dernier d'un ouvrage de défense qui surveillait les terres royales. Il l'imaginait au temps de sa splendeur dominer la rivière et interdire le passage des pillards venus de la mer.

Son imagination s'enflammait en pensant aux temps glorieux qu'il avait dû connaître, les fêtes, les tournois, les guerres au pied de ses remparts et fossés aujourd'hui disparus. Il sentait encore dans ses murs vibrer les âges, la gloire, les conquêtes qui aujourd'hui avaient sombré dans l'oubli. Miss Sato continuait de lui raconter l'origine du nom du manoir, qui tenait autant à la noirceur des bois qui l'entouraient qu'aux légendes sinistres qui courraient encore sur ce lieu.

- les gens d'ici racontent qu'il y a longtemps, des voleurs avaient élus domicile dans ces bois et attaquaient chaque voyageur pour les détrousser. Ils profitaient du couvert des bois pour se dissimuler et échapper à la justice.

- Redistribuaient-ils aux paysans ce qu'ils volaient ? demanda-t-il avec légèreté, ouvrant sur ses genoux un des ouvrages laissés à l'abandon.

- Non, ils pillaient sans distinction de fortune et malheur à ceux qui souhaitaient les en empêcher. Ils étaient féroces et ces bois ont souvent été le théâtre de drames.

Elle montrait la forêt qui à la lisière du parc paraissait menaçante sous le ciel chargé d'orage de ce début d'après-midi.

- Je vois, fit Jones, en grimaçant légèrement, les meurtrissures le lançaient et le gênaient dans le moindre de ses mouvements. Pourquoi avoir appelé ainsi le manoir ?

- Les ruines ont été le refuge de ces bandits avant d'être rasé par la garde sous Élisabeth. La forêt venait jusqu'ici autrefois. Le manoir a été rattaché à la couronne à ce moment-là.

- je comprends mieux, dit-il, en se relevant et tirant d'une étagère un ouvrage rongé par le temps. Tiens un inventaire des livres.

- Il n'est certainement pas à jour, dit-elle, en reprenant son étude, Jack a hérité de nombreux ouvrages de son amie, Estelle Winstam, c'est elle qui lui a tout appris.

- Qui l'a élevé ? demanda Jones qui souhaitait plus de précision.

- Non, elle lui a appris comment se comporter en société, personne ne sait où il a été élevé, ni ce qu'il a fait durant ses jeunes années. Il reste si secret à ce propos. Moi-même, je ne le connais que depuis 12 ans. Estelle lui fut la plus agréable des professeurs jusqu'à son décès il y a trois ans. Il a hérité d'elle un petit cottage non loin de Cardiff et de toute sa collection de livres anciens. Il a été inconsolable à sa mort, il parlait lui aussi de disparaître. J'ai toujours cru qu'il avait eu un amour fou pour cette femme, elle n'était plus si jeune lorsqu'ils se sont rencontrés, mais c'était comme si deux âme s'étaient trouvées, malgré les années qui les séparaient. Il éprouve toujours tant d'émotions quand il l'évoque. Elle lui a tout appris, à vivre en société, tous les us et coutumes.

- Elle a cependant dû manquer quelques leçons. Car il a fait montre d'une attitude fort cavalière cette nuit en s'introduisant dans ma chambre.

- Bah, dit-elle en chassant l'argument comme on chasse une guêpe, il ne pensait pas à mal. Il vous a fait une farce, une épreuve de passage.

- Sans doute, fit sombrement le jeune homme en baissant la tête. Ce faisant, son écharpe glissa involontairement, dévoilant les marques bleuâtres de son cou.

Il savait qu'il n'avait pas à se plaindre du Lord, il n'était rien qu'un simple employé face à lui. Et quand bien même il avait des questions en pagaille sur lui, il n'oserait récriminer contre le Lord. Personne ne mettrait sa parole en doute, la sienne ne valait rien face à celle d'un homme de sa qualité.

- Owen m'a raconté que vous lui avez servi de garde-malade, c'est bien aimable de votre part, dit la jeune femme en se tournant vers lui, j'espère qu'il ne fut pas un si mauvais patient. Mais qu'est-ce que cela, demanda Miss Sato en remarquant ses meurtrissures en écarquillant les yeux. Ce sont des marques de coups ? Son attitude a-t-elle été incorrecte avec vous ?

- J'espère simplement que cela ne va pas se répéter, dit Jones en rougissant, remettant en ordre l'écharpe qui l'avait trahi, je tiens tout de même à mon sommeil.

- Ah, vous n'avez pas vocation à rester mon garde-malade, fit Lord Harkness en pénétrant dans ce coin douillet de la bibliothèque.

- Non, monsieur, répondit Jones, laconique, évitant son regard.

Il le mettait mal à l'aise par sa simple présence. Le lord le soupesa du regard, nota la lourde écharpe qu'il triturait maladroitement. Avait-il si froid pour se couvrir de la sorte ?

- Jack, tu es déjà debout ? s'écria la jeune femme abandonnant son piano pour embrasser son tuteur, avec ta blessure, ce n'est pas sérieux.

- Tu sais aussi bien que moi, qu'il m'est impossible de conserver la chambre sans douce compagnie. Et comme ce jeune homme ne semble pas disposé à continuer ses services auprès de son vieux maître, je ne vois pas pourquoi je resterais au lit par une si belle journée.

Il darda une œillade aguichante vers Jones, qui se rembrunit instantanément. Pourquoi cela tombait-il sur lui. Il n'aspirait qu'à une seule chose, faire son métier de son mieux, continuer ses chères études sur les anciens philosophes, économiser suffisamment pour visiter Paris, Rome, Florence. Puisqu'une vie heureuse avec la femme qu'il aimait était impossible, autant caresser un rêve plus accessible. Pour cela, il avait déjà subi tant d'avanies) de désillusions, d'espoir déçus et d'amitiés trahies. Il n'avait pas la moindre envie de servir de giton à ce maître, il n'aspirait qu'au calme et une vie dénuée de passion. La passion faisait toujours souffrir, les sentiments les plus ardents, les plus violents étaient toujours suivis de désillusions si profondes qu'il ne voulait plus éprouver pour quiconque une once de ce qu'il éprouvait encore pour Lisa. Il avait réussi à surmonter l'amertume de cet amour déçu, mais il lui fallait encore guérir et comme ce manoir, se reconstruire à partir des ruines de son âme.


Rhea01  (07.10.2010 à 19:10)

Il demanda la permission de continuer la visite de la bibliothèque afin de les laisser parler ensemble. La présence du Lord le troublait, il avait peur de lui, peur qu'il recommence à le bousculer. Il s'éloigna sous les yeux interloqués de la jeune femme. Lord Jack le regarda s'en aller sans montrer d'émotion.

- Te rappelles-tu de la nuit dernière, lui demanda-t-elle, j'ai le sentiment qu'il n'a pas tout dit. Vous êtes-vous battus ?

- Battus ? Non, je m'en rappellerais, surtout avec un si charmant jeune homme. Ses yeux sont tout simplement magnifiques, merveilleusement expressifs.

Il s'assit à la place que Jones avait abandonnée et joua avec les ouvrages épars.

- Il te fusillait surtout du regard, à mon avis, fit Toshiko, je suis sûre qu'il y a quelque chose d'autre. Tu as remarqué toi aussi l'écharpe qu'il portait au cou, ce n'est pas simplement une affectation, il cache des ecchymoses. De plus, il semble avoir des difficultés à se mouvoir. Tu lui as fait quelque chose, j'en suis certaine.

- Non, pourquoi me soupçonnes-tu ?

- Parce que nous t'avons entendu la veille, tu menaçais d'aller le faire parler. Tu étais persuadé qu'il était acoquiné avec le tireur.

- Hum, oui, j'ai un vague souvenir, j'ai eu la fièvre cette nuit. Mais tout ce dont je me rappelle, c'est d'avoir été soigné par Jones, il a les mains les plus douces que j'ai connues. Il m'a passé de l'eau sur le front et cela m'a été plus salvateur que toutes les mixtures d'Owen.

- Ne critique pas les préparations d'Owen, elles ont eu le mérite de te tirer d'affaire, trop régulièrement.

- Je n'en doute pas, mais penses-tu réellement que je l'ai molesté ?

- Je ne sais pas ce que tu lui as fait exactement, mais je crains qu'il ne soit de ton devoir de t'excuser.

- M'excuser, mais de quoi exactement ? renchérit le lord en la regardant avec stupéfaction. Je n'ai rien fait de mal, sans doute l'ais-je un peu bousculé, mais pas aussi violemment que tu ne le penses.

- Jack, tu n'as certainement pas mesuré ta force en le "bousculant", dit-elle avec reproche, inutile de te rappeler combien il est difficile d'embaucher un professeur, en ce moment.

- Je sais, à cause de ma désastreuse réputation. Cependant je n'ai pas tenté de le tuer, se justifia le lord d'un ton outré. J'ai dû errer dans les couloirs comme cela m'arrive parfois et tomber sur lui. Jamais je ne serais entré chez lui sans sa permission.

- je crains que tu n'es outrepassé sa permission. C'est grave, Jack. Tu sais que nous avons déjà eu toutes les difficultés du monde à éviter le scandale la dernière fois avec la dernière gouvernante. Et n'oublie pas la difficulté à trouver quelqu'un qui veuille bien travailler pour toi. Stevens va bientôt arriver et il lui faut un professeur.

Jack s'assombrit, il ne pensait pas avoir été violent la nuit dernière. Ses souvenirs étaient un peu confus, il ne se rappelait pas comment il était entré dans la chambre de Jones et ni comment il était arrivé dans son lit. Il se rappela les mots de Jones à Owen à son réveil "j'ai vraiment cru qu'il allait me tuer cette nuit", la fièvre lui aurait-elle joué un mauvais tour, lui faisant oublier ce qu'il avait bien pu lui faire ? Cela expliquait mieux l'attitude méfiante du jeune homme à son égard.

- je ferais attention, mais j'étais sûr hier soir qu'il avait maille à faire avec la personne qui a tiré. Je l'ai sans doute un peu chahuté mais pas au point de le blesser. Je l'ai sans doute effrayé pourtant il n'a pas fui sa chambre et est resté à me veiller toute la nuit.

- et il ne t'est pas venu à l'esprit qu'il avait peut-être eu peur de toi, après un réveil aussi brutal. De plus il ne connait personne dans cette maison. Il pense sans doute que c'est quelque chose de normal de se faire molester par son maître.

Le Lord secoua la tête, il ne semblait réellement ne pas garder de souvenirs de son agression. Le choc de s'être fait tiré dessus, sans doute, la fièvre qui en avait suivi, sûrement, se dit Toshiko, pourtant elle avait bel et bien vu les marques bleuâtres qui marbraient le cou mince du jeune homme. Il lui avait semblé si réticent, il ne voulait visiblement pas parler de cela lorsqu'elle avait commencé à l'interroger. Il lui avait semblé marcher avec difficulté, elle avait mis cela sur le compte du voyage. Mais si Jack l'avait battu, elle comprenait mieux pourquoi il avait été si pâle et si froid ce matin au petit déjeuner. Il n'avait pas voulu parler, ni répondre aux piques d'Owen, qui pourtant tentait de le mettre à l'aise. Elle s'était promis de l'interroger, une fois tous les deux plus au calme. Et Jack était arrivé, l'empêchant de connaître le fin mot de cette histoire.

- Je ne me souviens que de mon réveil dit Jack en s'étirant avec délicatesse, il était en train de parler avec Owen, apparemment il m'a veillé toute la nuit, je suis désolé si je lui ai fait du mal, Toshiko, crois-moi.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut t'excuser. Il s'agit du professeur de Steven, il faudra que vous vous parliez un jour. De toute manière, inutile que je parle de la difficulté à trouver un bon employé, surtout pour toi.

- je le sais, souffla Jack avec indolence, c'est le cinquième employé pour ce poste en moins de 2 ans.

- et chacun d'eux ont eu des raisons de nous quitter. L'un parce qu'il considérait que ton mode de vie n'était pas compatible avec le sien et celui d'un enfant.

- il est devenu pasteur et s'occupe de prendre soin d'une cinquantaine d'enfants du coté de Milton. Je crois que je lui ai envoyé de l'argent pour contribuer à la création de son orphelinat.

- École pour enfants nécessiteux, rectifia Toshiko avec un sourire, mais effectivement, tu fais partie des généreux donateurs. Le second est parti car il estimait qu'il n'était pas suffisamment payé pour supporter tes frasques et le chantier qui régnait ici.

- Nous étions en plein travaux et j'avoue que j'avais eu le coup de cœur pour la jolie Juliette, son épouse. Quel idée aussi d'être marié à un barbon pareil ! Inutile de te raconter tout ce que nous avons fait dans son dos.

- inutile en effet, le troisième nous a quitté car...

- il est tombé amoureux de ma femme et n'a pas supporté que je veuille divorcer. Il s'était érigé comme son défenseur, et m'a provoqué en duel. Je crois qu'il est devenu fou suite à sa disparition. Malade de chagrin, il est à Bedlam, c'est cela ?

- oui, tu lui as accordé une rente, afin qu'on s'occupe de lui.

- Je ne devrais pas, on va croire que je suis coupable de l'avoir poussé à bout.

- Ce qui est vrai, n'est ce pas ?

- Seulement un peu, je l'avoue, mais l'avoir battu en duel lui a embrouillé l'esprit. Je crains qu'il ne se soit cru l'époux de Mrs Harkness, répondit le Lord, cela aurait sans doute été plus aisé pour elle, si elle avait été sa femme.

- Sans doute, fit Jack, mais il n'eut pas cette malchance, fit Toshiko avec un regard compréhensif, le lord s'était légèrement assombri à l'évocation de son épouse.

- Et enfin, la dernière, fit-il un peu plus joyeusement, nous avons dû la renvoyer, car c'était elle qui avait des vues sur moi.

- Avoue qu'elle n'était pas suffisamment à ton goût, fit Toshiko d'un air narquois, auquel répondit le Lord d'un sourire éclatant.

- J'avoue tout ce que tu veux. Par contre, ce nouveau bibliothécaire, c'est un régal pour les yeux. Ce visage, ces yeux un peu perdus, cela donne envie de le protéger.

- Pour quelqu'un que tu as envie de protéger, tu lui fais réellement peur. J'ai cru qu'il allait se mettre à trembler lorsque tu es entré dans le salon.

- C'est vrai ? demanda Jack, surpris, je m'excuse une nouvelle fois, la fièvre m'a vraiment fait faire n'importe quoi. Enfin, je ne suis jamais aussi agressif, habituellement. Je m'excuse Toshiko.

- Encore une fois, ce n'est pas à moi que tu dois des excuses, Jack, mais à ce jeune homme qui a souffert de ton comportement.

- Très bien, je vais devoir aller lui parler, fit Lord Jack en se levant.

Toshiko le suivit des yeux alors qu'il se dirigeait vers le labyrinthe de la bibliothèque. Elle sentait qu'il était sincère lorsqu'il disait ne pas se rappeler de son agression de la veille. Cela lui arrivait parfois, la fièvre jaune dont il avait été atteint aux Indes refaisait surface de temps en temps. Owen disait que cela s'arrangerait avec le temps, mais parfois ils retrouvaient Jack dans des situations assez embarrassantes. Une crise pouvait lui faire oublier où il se trouvait et ils avaient toutes les peines du monde à lui faire rejoindre la réalité. Mais cela se faisait de plus en plus rare. La blessure dont il souffrait avait certainement réveillé la maladie.

Le pauvre jeune homme avait dû avoir la frayeur de sa vie à voir apparaître le Lord dans sa chambre et s'en prendre à lui. Elle pria pour que le jeune homme lui pardonne. Il serait tellement difficile de recommencer à rechercher une personne ayant son expérience et ses capacités, sans parler de la réputation du Lord. Celle-ci, bien souvent avait empêché des personnes de valeur de venir travailler pour lui. Pourtant Jack n'était ni pire ni meilleur que d'autres, au contraire, il était sans doute bien moins hypocrite sur ses habitudes de vie que beaucoup d'autres. Elle avait assisté à la sournoiserie de certains membres de la Haute société, prêt à pourfendre l'immoralité tout en s'adonnant à leurs vices dans le secret. Cela bien évidemment avait le don de la mettre en colère. Jack au moins avait le mérite d'assumer chacun de ses actes, les pires comme les meilleurs.

Mais malgré son titre, sa fortune et ses propriétés, la bonne société ne l'acceptait qu'à contrecœur, il était trop libre, si peu emprunt des diktats du grand monde que celui-ci le méprisait. Seule sa fortune et son amitié avec la reine le sauvait à leurs yeux, toujours prompts à juger. Les rumeurs sur son mariage malheureux courraient toujours et amusaient sous cape certains membres de l'élite.

Toshiko se remémora cette période, elle n'avait jamais aimé cette femme, elle la haïssait maintenant pour ce qu'elle avait fait à Jack. Ils étaient aux Indes à ce moment-là, et ils avaient fait connaissance chez le Vice-Gouverneur des Indes. Une américaine, Suzie Costello, qui avait fait tourner de nombreuses têtes parmi la petite société rassemblée à cet endroit. Jack était tombé amoureux, d'autant qu'elle usait d'armes de séduction extraordinaires, percutantes. Jack s'était très vite attachée à elle, à tel point qu'elle fut enceinte quelques semaines seulement après leur rencontre. Malgré les avertissements de ses amis, Jack l'avait épousée très rapidement, afin que l'enfant naisse auprès de son père.

Il était aveuglé par ses sentiments, jusqu'à repousser ses amis, cependant la passion s'était vite étiolée lorsqu'il avait découvert la noirceur de l'âme de cette femme. Dès le premier trimestre de sa grossesse, elle avait montré son vrai visage, avide de richesse, âpre au gain, impatiente d'user de sa fortune. C'était une période qui avait été difficile pour Toshiko, tellement dure qu'elle avait presque coupé les ponts avec son tuteur et s'était rapproché du Docteur Harper.

Il était passé du statut d'ami intime à celui de fiancé, il n'y avait que quelques mois, mais leur union aujourd'hui leur paraissait aussi naturelle qu'équilibrée. Elle savait qu'elle serait plus heureuse en ménage avec Harper, que Jack avec Suzie. Elle le plaignait fortement, mais elle savait qu'il y avait toujours un espoir pour lui de trouver l'amour, même au seuil de l'âge mûr. Elle se promit de l'aider de son mieux pour cela, quitte à faire son bonheur malgré lui. Ses noces lui permettraient sans doute de rencontrer une femme à qui il sera enchanté de confier les clés de son cœur et de son cher manoir. Elle ne désespérait pas qu'un jour elle le vit sincèrement heureux.


Rhea01  (07.10.2010 à 19:12)

Chapitre six : où parfois il est nécessaire de repartir à zéro...

 

Lord Harkness ne se souvenait peut-être pas de la nuit dernière, mais le jeune Jones en avait un souvenir cuisant, extrêmement précis.

Il se remémorait la terreur qui l'avait saisi lorsque l'homme s'était attaqué à lui, alors que ses mains brûlantes serraient son cou et que les coups pleuvaient. Il les sentait encore sur lui, comme le marquant au fer rouge. Il avait riposté et frappé le maître des lieux, misère, gémit-il intérieurement. S'il s'en rappelait, il le jetterait dehors sans s'émouvoir. Il en avait le droit et le pouvoir.

Jones ne se voyait pas retourner au logis de ses parents. C'en serait fini de ses rêves et de sa volonté de vivre libre. Son père lui ferait chèrement payer sa volonté de s'instruire et de s'élever au-dessus de sa propre condition. Il ne lui pardonnerait jamais cela, pour lui un fils de tailleur devait rester tailleur, un fils de Lord remplaçait son père. De plus se faire renvoyer de deux maisons successivement l'empêcherait de retrouver une nouvelle place. Il ne pourrait plus jamais exercer. Il se sentait si mal.

Il errait dans les rayons désordonnés de la grande bibliothèque, s'éloignant du couple qui murmurait près de la fenêtre, pour ne pas entendre leur conversation. Il se morigéna, jamais il n'aurait jamais dû parler à Miss Sato de l'intrusion du Lord dans sa chambre. Heureusement, se dit-il en frottant machinalement son cou que je n'ai pas parlé des meurtrissures qu'il m'a faites. Bien que la jeune femme lui ait paru aussi bonne que ses yeux lui laissaient comprendre, nul doute qu'elle se rangerait du côté de son tuteur dans un cas pareil. Ils feraient de lui ce qu'ils voudraient, de toute manière, il n'avait pas les moyens de se défendre.

Il soupira, posa la tête contre le bois frais d'un rayonnage, respirant doucement l'odeur qui montait des ouvrages entassés qu'Estelle Winstam avait légués au Lord. Ah, quelle tristesse ce sera d'abandonner ces trésors à peine découverts ! Des incunables d'une valeur inestimable dataient du douzième ou du treizième siècle, les couleurs qui illuminaient ses textes étaient d'une telle richesse que son cœur battait plus fort. Cet emploi était un véritable rêve, un fantasme de professeur. Il laissa ses doigts s'attarder sur un manuscrit de vélin savourant la finesse du grain de la peau, si semblable à la peau humaine, tremblant intérieurement de devoir bientôt l'abandonner.

Partout où son regard se portait, il ne voyait que des ouvrages de toutes les époques et de tous les genres, depuis cette très précieuse édition qu'il feuilletait avec précaution, jusqu'à des ouvrages sortis depuis deux mois seulement des presses londoniennes. Il savait qu'il aurait de la peine à quitter ce domaine qui lui paraissait le Graal pour un homme de lettre tel que lui. Ce Lord avait de la chance de vivre dans un tel environnement pour lequel il donnerait son âme pour en devenir le gardien.

Mais dans l'état actuel des choses, il leur disait adieu, se préparant à partir à peine arrivé. Le Lord ne lui pardonnerait certainement jamais de lui avoir rendu les coups qu'il lui avait portés. Un inférieur n'a pas à porter la main sur son maître, fût-il inconscient du nom de la personne qui le molestait. Il aurait dû se laisser faire, le laisser agir, ou hurler pour attirer du monde.

Il s'admonesta vertement, il aurait jamais dû garder cela secret. Mais la peur qu'il avait eu lui si violemment rappelé les attaques dont il avait été la cible au collège. Personne ne l'avait protégé, personne n'avait jamais entendu ses cris, ses appels au secours. Il avait dû subir et ne rien dire, apprendre à se taire et cacher ses maux à ses professeurs, sous peine d'un traitement plus odieux.

Il avait été soulagé d'achever l'école avec un métier entre les mains, d'autant que cela avait sonné l'heure de la fin de ses misères, de ces moments où il servait d'exutoire à certains de ses camarades de classe, tous plus fortunés et plus titrés que lui. Il n'était pas facile pour un fils de tailleur d'intégrer de telles classes et certains lui avaient fait payer chèrement ses capacités et ses résultats scolaires extraordinaires. Cela lui avait attiré des ennuis, dont jamais il n'avait osé parler à ses professeurs. Le déshonneur et la honte lui avait lié la langue aussi sûrement qu'une promesse. Pourtant, il n'avait jamais rien promis à ses agresseurs, ceux-ci savaient trop bien qu'ils ne risquaient rien de s'en prendre à Gueule d'Ange, comme ils avaient surnommé Jones en ce temps-là. Celui-ci n'aurait jamais osé rapporter ce qu'ils lui faisaient dans le secret des dortoirs ou des douches. Il en allait de son honneur. Il n'avait jamais rien dit, il avait toujours gardé le secret et s'estimait heureux de ne pas avoir eu à travailler pour un de ses jeunes tourmenteurs. Cette attaque, la nuit dernière avait ravivé de mauvais souvenirs qu'il avait tout fait pour rejeter dans la nuit profonde de sa mémoire.

Il ne lui restait plus qu'à faire ses adieux à cette maison et aux trésors qu'il avait eu le plaisir de découvrir. Il soupira à nouveau, laissant ses doigts fins courir sur la couverture d'un livre qu'il avait toujours rêver de lire dans son édition originale « l'Enfer » de Dante. Il tenait entre ses mains un ouvrage exceptionnel, digne de la bibliothèque des plus grands et qui correspondait malheureusement à l'état d'esprit dans lequel il se trouvait.


Rhea01  (08.10.2010 à 17:34)

Sa rêverie avait eu un observateur, qui, à l'abri d'un rayonnage, se demandait bien comment il allait s'excuser auprès du jeune homme à propos de son comportement de la nuit dernière. Il ne comprenait plus vraiment ce qui lui était passé par la tête à ce moment-là. Il se rappelait de la présence du jeune professeur pendant l'extraction de la balle et avait été surpris de se réveiller dans son lit durant la nuit. Il n'en avait rien montré, bien sûr n'était-il pas un Lord ?

Mais il était resté abasourdi, il l'avait observé les yeux mi-clos, affectant le sommeil, sentant que le jeune homme le jaugeait. La fièvre lui jouait des tours, il ne se rappelait pas comment il avait pu échouer dans son lit. Il subodorait qu'il avait tenté de le séduire et que épuisé par la fièvre, il s'était endormi, là, sans passer à l'acte. L'inquiétude qu'il avait lu sur son visage lui avait semblé correspondre à cette explication. Il n'avait pas tenté de chercher plus loin les raisons de cette mine assombrie. Il avait sauté sur la plus facile des explications, celle qu'il l'avait accueilli dans son lit sans pour autant en garder souvenir.

Cet homme avait mal dormi, voire pas du tout et cela se voyait encore alors qu'il manipulait ses livres avec douceur mais fermeté. Il semblait réfléchir rêveusement, un pli s'était formé entre ses sourcils, un pli d'inquiétude, et de désarroi lui semblait-il. Cela lui donna envie de l'égayer, de le protéger et pourquoi pas s'en rapprocher. Il toussota pour l'avertir de sa présence.

L'homme se raidit, Harkness le vit distinctement serrer les dents et bander ses muscles à travers le fin tissu de son costume noir. Fallait-il réellement qu'il lui ait fait peur pour susciter une telle réaction ? Il plaqua son plus charmant sourire, celui qu'il réservait aux vieilles duègnes et leurs ravissantes pupilles et s'approcha de lui, félin dans le moindre de ses mouvements.

- Monsieur Jones, je suis bien aise de vous voir. Je dois m'entretenir avec vous des futures occupations que vous aurez dans ma demeure.

Il nota que Jones répugnait à le regarder. Était-ce par humilité, par respect ou bien par peur ?

- Miss Sato m'a déjà éclairé sur ce point, s'entendit-il répondre, mais…

- Mais, releva Jack d'un ton courtois, dardant la flamme verte de ses pupilles sur le jeune homme qui n'en demandait pas tant.

- je pensais qu'au vu de notre entretien de la nuit passée, vous voudriez que je parte.

- pourquoi ? demanda Jack, retenant son exclamation d'étonnement.

- Parce que, le jeune homme hésitait, choisissait ses mots avec soin, parce qu'hier soir, nous avons eu des divergences d'opinion.

- Vous appelez cela comme ça ? dit Jack d'un ton vif, je vous ai battu, me semble-t-il, je crois que je dirais que votre maître a temporairement perdu la raison.

- La raison, Monsieur ?

- Oui, mon jugement a été aboli par la fièvre et ma blessure et je ne sais pas exactement de quoi nous avons bien pu nous entretenir. Je ne me souviens pas des coups que j'ai pu vous porter. Je me rends compte que ce n'est pas une excuse, mais je vous prie cependant de bien vouloir me pardonner.

- Monsieur, il n'est pas juste que vous me présentiez des excuses à nouveau. Vous vous êtes excusés la nuit dernière, monsieur, reprit doucement Jones, en écartant les pans de l'écharpe qui lui tenait si chaud.

Harkness frémit en voyant les marques que ses doigts avaient fait sur la peau tendre du cou. Jones soutint son regard avec vaillance, malgré la panique que le Lord lisait encore dans ses yeux. Le jeune homme avait peur de lui, c'était un effet auquel il n'était guère accoutumé. Il avait l'habitude du charme, de l'ensorcèlement, de la convoitise, l'appétit, le mépris ou la surprise mais la peur, jamais, sauf dans les yeux de ses ennemis. Il vit cependant que Jones reprenait courage. Le Lord s'appuya contre le bois de l'étagère la plus proche, les bras croisés sur son habit bleu ciel qui lui seyait magnifiquement.

- Ah ? émit-il en soulevant un sourcil.

- Oui, lorsque je vous ai soigné, - il hésita avant de poursuivre gauchement - après vous avoir frappé moi aussi.

- Tiens donc, on ne m'a pas parlé de cela, dit Lord Jack.

- Cette nuit, fit Jones en détournant les yeux de son visage, un peu trop souriant, vous avez eu une crise, la fièvre jaune, m'avez-vous dit – le Lord se rejeta en arrière surpris, incapable cette fois de cacher sa surprise- Monsieur, qu'avez-vous, s'inquiéta le jeune homme.

- Personne ne sait que j'ai souffert de la fièvre jaune, à l'exception de Miss Sato et Dr Harper qui m'ont soigné. Ce sont des personnes qui savent conserver un secret.

- Pourtant, vous m'avez donné vous-même cette explication, dit le jeune homme troublé.

- Je comprends mieux pourquoi j'ai tout oublié ce matin. Cette fièvre ne veut pas me lâcher et parfois resurgit, provoquant des troubles. Que vous ais-je fais exactement et ne me mentez pas pour adoucir mon désarroi.

Jones rit, sans savoir pourquoi, Lord Harkness sourit, il avait réussi à déridé ce front si soucieux. La chaleur de son rire lui faisait plaisir, il était réellement magnifique, ce jeune homme qui était venu s'égarer jusqu'ici. Il se redressa prêt à l'écouter.

- Vous êtes venus cette nuit pour me tuer, vous avez tenté de m'étrangler et j'ai dû me défendre. Je suis désolé de vous avoir fait du mal, Sir.

- C'est moi qui vous ait frappé en premier et c'est vous qui vous excusez. Cela est tout à fait curieux, dit-il les yeux étincelants.

- Je ne suis qu'un serviteur, Monsieur, c'est à moi de m'excuser pour le désagrément. Je …

- Écoutez, Jones, fit Harkness, en posant une main sur son épaule, notant le léger frémissement qui avait saisi le jeune homme, si on commençait par ne plus en parler.

Il lui tendit la main en une offre de paix.

- J'avoue que je ne me souviens ni des mes faits et gestes, ni de mes paroles de la nuit dernière. J'en conclue que j'ai associé dans mon délire votre arrivée et ma tentative d'assassinat. Vous êtes tombé au mauvais moment.

- D'accord, dit le jeune homme en lui serrant la main.

- D'accord pour quoi, demanda Lord Jack en souriant, appréciant la fermeté de la main du jeune homme.

- Pour oublier cette première rencontre déplorable.


Rhea01  (08.10.2010 à 17:39)

- Très bien, je me présente Lord Jack Harkness, Baron de Blackwood, seigneur de toutes ces terres.

- Enchanté, Ianto Jones, professeur, licencié en latin, grec, allemand et français pour vous servir.

- Ianto ? fit le Lord d'un air malicieux, c'est un prénom peu commun, un diminutif gallois, je présume.

- Oui, répondit Jones, c'est le choix de ma mère, elle trouvait le choix initial d'Anthony trop dur pour son seul fils. Cela m'est resté.

- C'est charmant, chaleureux, fit le Lord qui ouvrit un ouvrage au hasard et commença à le feuilleter. Alors que pensez-vous de Blackwood ?

- Du manoir ou de votre Seigneurie, demanda Jones d'un ton léger, la présence du Lord lui tendait encore un peu les nerfs, mais ce, pendant qu'il lui parlait avec douceur et amabilité, il avait moins peur de lui. Lord Harkness s'en rendit compte et l'entraîna vers le salon de lecture.

- Du manoir, évidemment, nous ne sommes pas suffisamment intime pour que je vous demande comment vous me trouvez ?

- Encore que j'imagine, cela soit un de vos sujets préférés, dit le jeune homme d'un ton un peu mordant, il cachait sa timidité naturelle derrière une apparence désinvolte.

- Tout à fait, dit le Lord en souriant, mais en l'occurrence, je souhaitais parler du manoir.

- Il est impressionnant, répondit Jones, c'est un sacré travail que vous avez entrepris dans l'aménagement de votre demeure.

- En effet, fit le Lord, lorsque j'ai reçu ce manoir avec la charge de Baron, depuis presque quinze ans, j'avais le choix entre diverses demeures, mais aucune ne correspondait réellement à mes goûts. Elles étaient bien trop surchargées en bibelots inutiles ou assez peu modernes en réalité. J'ai choisi de remettre en état ce château qui avait grand besoin de réfection et de l'arranger à mon goût.

- Ainsi que celui de Miss Toshiko, à ce que j'ai compris.

- Oui, elle a eu sa chambre japonaise. Nous avons d'ailleurs prévu de réaliser les chambres selon les pays où j'ai résidé.

- Vous avez visité beaucoup de pays ? demanda Jones d'un ton intéressé.

- J'ai vécu au Japon, en Inde et au Moyen-Orient, et j'en ai visité beaucoup d'autres dans ma jeunesse sauvage.

- En effet, vous pouvez avoir de l'inspiration avec tous ces pays.

- Et le mobilier qui va avec, cela m'encombre encore un peu, mais d'ici juillet, nous aurons tout terminé.

- Vous avez fait beaucoup de modifications dans ce manoir ? demanda le jeune homme, rangeant un in-quartum qui était tombé au sol.

Il en caressa amoureusement la couverture de cuir tanné, damé à la main « les Amours de Ronsard ». Il se promit d'y jeter un coup d'œil sur cette œuvre plus tard. Harkness nota la lueur de désir qui s'était allumé dans son regard en touchant l'ouvrage. Andy avait fait du bon travail en choisissant cet homme comme bibliothécaire. Il semblait tout à fait convenir à ce genre de travail, alliant amour du livre et goût pour la lecture. Il l'avait observé quelque peu avant de lui parler et il avait remarqué qu'il examinait certaines œuvres Il n'avait pu s'empêcher de regarder quel type de lectures lui plaisait. Il dénotait chez lui un goût éclectique qui dénonçait un esprit ouvert, curieux pour lequel il se sentait étrangement soulagé.

Le jeune homme continuait de marcher auprès du Lord, il veillait à régler son pas sur le sien, tout en laissant dériver son regard sur les livres qui s'offraient à sa vue. Il tourna ses yeux vers le Lord, attendant visiblement une réponse à sa question.

- Hum, pour cela, il serait plus simple que je vous fasse visiter le manoir.

- Monsieur, cela ne sera pas nécessaire, se récria Jones embarrassé.

Malgré ce qu'ils avaient convenu, il ne parvenait pas à oublier la manière dont ils s'étaient rencontrés, lorsque le Docteur Harper avait retiré la balle de son épaule. Sa poigne sur son bras, le sang sur sa peau, cette douleur qu'il n'avait supportée lui voir subir qu'à grand-peine, tout cela l'avait considérablement secoué, mais le fait de se faire assaillir dans sa chambre l'avait bouleversé. Cela ajouté à la nuit écourtée, il ne se sentait suffisamment serein pour visiter le château avec le Lord.

- Pourquoi, demanda Jack, souriant jusqu'aux oreilles. Jones rougit. Était-il au courant de ce qu'il pensait, lisait-il dans les pensées, se murmura Jones, frémissant à ce sourire qu'il trouvait embarrassant par sa note séductrice.

- Monsieur, vous êtes blessé, répondit-il enfin, je ne voudrais pas que vous vous fatiguiez à me faire visiter l'ensemble du manoir. Miss Sato m'a déjà montré les salles dont j'aurais l'usage. Nous pourrions très bien continuer cette conversation dans le salon de lecture.

- Je me sens très bien, bougonna le Lord, perdant immédiatement ce sourire diabolique qui donnait des suées au pauvre Jones.

- Sans doute, Monsieur, mais vous devriez tout de même vous ménager. Vous ne croyez pas ? Qu'en pense votre médecin ?

- Ce qu'il ignore ne peut lui faire du mal.

- Tu crois cela, Harkness ! s'exclama le médecin venu à leur rencontre et attiré par leur voix dans ce labyrinthe. J'en étais sûr, tu m'avais promis de te reposer. Tu devrais garder le lit encore plusieurs jours.

- Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, rétorqua sentencieusement son ami, avec un large sourire, auquel Owen répondit par un regard amer. Viens mon ami, je vais demander à ce qu'on nous serve le thé. Le constable devrait arriver, j'ai demandé à Ewen d'aller le quérir pour lui demander de faire une enquête à propos du tireur. Bien que nous connaissions déjà son commanditaire.

Owen jeta un coup d'œil à Jones qui ne savait de quoi ils parlaient tout les deux, mais il restait toute ouïe, incertain de savoir si le Lord souhaitait sa présence pour parler de son accident. Owen haussa les épaules et les accompagna dans le petit salon de lecture. Toshiko avait rangé son piano et l'étude sur laquelle elle avait travaillé durant l'après-midi. Jones fut surpris de s'apercevoir qu'il était déjà l'heure du thé. Le Lord sonna et demanda à ce qu'on leur apporte la collation à cet endroit.


Rhea01  (08.10.2010 à 17:45)

Ils s'installèrent confortablement et entamèrent une conversation sur les auteurs favoris de Jones. Il disait adorer littéralement les auteurs antiques, mais il affichait un goût pour Conan Doyle, goût que partageait Owen avec enthousiasme. Lord Harkness, quant à lui défendait les auteurs fantastiques qu'étaient Hoffman, Poe et Shelley. Visiblement Jones connaissait bien ces auteurs et renchérit en citant Bram Stoker qui relançait alors le mythe du vampire avec un style épistolaire, ce qui renforçait selon lui l'ambiguïté du personnage. Jack l'écoutait avec plaisir discuter de ses auteurs préférés et trouvait un attrait supplémentaire à ce jeune homme dans son intelligence.

Owen tenta de convaincre son capricieux patient de prendre un livre et d'aller se reposer. Il se fit vertement répondre qu'il prenait du repos en ce moment même mais que les remontrances lui gâchaient son calme plaisir. Owen n'essaya plus de le contraindre au repos. Jack avait d'autres sujets en tête et dans ces moments-là, il savait qu'il n'écoutait absolument personne.

Elena, la sœur d'Ewen, arriva avec le thé et des petits gâteaux que Gwen venait de confectionner. Ils la laissèrent les servir. Jones la remercia gentiment, la  jeune fille lui décocha un sourire radieux.

- Maître Jones, je vous présente  Elena, la sœur jumelle d'Ewen, vous donnerez également des cours à ces enfants et quelques uns du village de Combe-Reine.

- C'est une idée que tu viens juste d'avoir, n'est-ce pas ? demanda Owen, partageant la surprise de Jones.

- Ce serait intéressant pour les enfants qui voudraient poursuivre leur éducation. L'école n'est obligatoire que jusqu'à 10 ans, ils auront ainsi la possibilité de s'instruire.

- Bien sûr, répondit Owen, d'un air sombre, et qu'envisages-tu pour eux, une fois que Steven partira au collège ? Tu les laisseras tomber ?

- Non, ils feront ce qu'ils voudront, ils pourront choisir leurs voies, je les aiderais en ce sens.

- C'est très généreux de ta part, Jack, fit le médecin avec une grimace, mais mesures-tu vraiment ce dont il s'agit ? Ces enfants seront rejetés s'ils désirent faire des études réservés à d'autres classes de la société. Car ils ne sont que des enfants de domestiques et de fermiers. Jamais ils ne pourront s'intégrer à la bonne société.

- Je ne vois pas pourquoi, rétorqua Jack, en défendant son idée, ce n'est pas parce que leurs parents sont paysans qu'ils doivent obligatoirement le devenir. Je veux qu'ils puissent choisir leur profession par goût, pas seulement parce qu'il faut reprendre celui de leur père.

- Mais cela a toujours été, Jack, fit Owen en plissant des yeux, c'est ainsi.

- Oui, c'est la tradition, mais parfois il est bon d'évoluer, de faire bouger les traditions. Cela évite aux sociétés de se scléroser. Et puis, ce n'est pas parce que quelques jeunes gens vont avoir la possibilité d'aller plus longtemps à l'école que cela va métamorphoser le monde tout de suite. N'aie crainte pour tes privilèges !

- Ce n'est pas cela Jack, je pense à eux, pas à mes privilèges comme tu dis si bien. Ce n'est pas facile d'être écartelé entre deux mondes.

- Tu oublies un peu vite qui je suis, s'exclama Jack, les pommettes rosies par la contrariété.

- Tout le monde n'a pas ton parcours. Combien d'hommes issus du rang, peuvent s'enorgueillir d'être anobli par la Reine ? Un seul jusqu'ici…

- L'armée est un moyen de s'élever pourtant, répondit Jack, continuant de s'échauffer sur la conversation, tout comme l'éducation, en leur donnant les moyens de s'instruire, ils auront la possibilité de choisir ce qu'ils veulent comme vie.

- Franchement, Jack, malgré tout le bien que je pense de toi, je suis sûr que c'est une aventure vouée à l'échec.

- Quant bien même, cela vaut la peine d'essayer. D'ailleurs, qu'en pensez-vous, Monsieur Jones ? demanda Jack en se tournant vers son professeur resté silencieux.

- Je pense que c'est une bonne idée, répondit Jones en pesant ses mots, sous le regard enflammé de Lord Harkness et les sourcils froncés du Dr Harper, en France l'école est obligatoire jusqu'à 14 ans et les élèves les plus prometteurs sont envoyés dans les lycées d'État crées par Napoléon. Il voulait créer une élite d'effort en créant ces écoles qui permettent à des enfants issus des classes populaires de réussir et de briller. Il semblerait que cette politique leur ait réussi lorsqu'on voit les réalisations actuelles du gouvernement français. Je sais qu'ils préparent la prochaine Exposition Universelle et elle promet d'être phénoménale. Je ne vois pas pourquoi un enfant issu du peuple ne pourrait pas s'élever et faire ce qu'il veut de sa vie, sans cela, nous passerions à côté de bien des génies.

- C'est un choix que vous avez fait vous-même, dit Owen, quelqu'un a payé pour vos études, n'est-ce pas ?

- J'ai passez trois ans à Eton et cing ans à Oxford, rétorqua Jones, j'avais le statut d'étudiant servant, c'est-à-dire que je fus astreint aux corvées pour mes camarades.

- Quel supplice servir des futurs Lords, bah, cela vous aura armé pour votre vie actuelle.

Jones ne répondit pas à la pique du Docteur, mais lui décocha un regard sombre que Harkness ne manqua pas.

- Que pourriez-vous nous raconter de vos années de servant ? demanda-t-il d'un air gourmand.

- Pas grand'chose, je le déplore, fit Jones un peu troublé par l'insistance du Lord à l'entendre raconter ces années où il avait certes travaillé dur, mais où il avait plus de dix fois eu la tentation de renoncer.

Il n'avait pas été heureux dans ces hauts lieux de savoir, contrairement à certains. Il voyait Owen qui le regardait d'un œil nouveau, légèrement surpris. Les étudiants-servants étaient relativement rares dans ces établissements, qui prônaient l'excellente qualité des familles qui y plaçaient ses enfants. Quelqu'un avait dû intervenir en faveur du jeune homme et payer les frais de sa scolarité. Cinq ans, il n'avait aucun souvenir de quelqu'un ayant réussi à tenir si longtemps comme servant. Les étudiants avaient à cœur de faire un enfer de la vie de leurs camarades moins chanceux et nombreux étaient ceux qui abandonnaient avant la fin de leurs études. Il comprenait la grimace qui accompagnait ses paroles. Il conçut un nouveau respect pour le jeune homme, il fallait être courageux pour subir cela et s'en sortir aussi bien.

- C'est dommage, entendit-il Jack reprendre, j'aurais apprécié vous entendre parler des habitudes honteuses de tels ou tels personnes siégeant désormais au Parlement. Cela m'aurait vraiment motivé lorsque je devrais siéger à mon tour.

- Je n'ai pas de souvenir particulier à vous faire partager, mentit Jones, frémissant, le sujet le gênait visiblement, Owen préféra changer de sujet avec délicatesse.

- Donc, Jack, tu tiens à ce que Stevens reçoive une éducation avec des fils de fermiers, c'est tout de même une idée saugrenue même pour toi. Comment pourra-t-il comprendre les différences entre les classes si tu mêles dans la même étude les enfants privilégiés et les enfants du peuple ?

- Justement c'est la beauté de la chose, dit Jack exalté, d'ailleurs, je vous demande instamment de ne pas favoriser Steven plus que les autres afin de lui apprendre dès maintenant le goût de l'effort et du travail.

- Jack, tu as cependant oublié de lui demander si cette idée lui plaisait, c'est lui qui aura la responsabilité d'une classe d'enfants.

- C'est vrai, il faut que je répare cette erreur. Monsieur Ianto Jones que pensez-vous de cette idée ?

- Je n'ai rien à penser, Sir, ce que vous voulez organiser, je me dois de l'exécuter.

- Ce n'est pas tout à fait ce que je vous demandais, Monsieur Jones, préférez-vous enseigner à plusieurs enfants ou bien à un seul que la solitude privera d'amitiés et deviendra trop gâté ?

- Je crois que tu exagères, Jack, fit Owen en souriant à la demande curieusement formulée de son ami.

- Non, pas du tout… j'offre simplement un choix à Monsieur Jones.

- Que pourrais-je y faire, dit celui-ci, vous semblez avoir déjà opéré ce choix pour moi.

- Non, je voudrais réellement connaître votre avis.

- C'est une bonne idée de permettre à des enfants d'acquérir un savoir, à la condition qu'ils le désirent vraiment. Pour ma part, je puis enseigner à des enfants de tous âges. Cependant, je ne puis vous garantir que Steven sera ou ne sera pas un enfant difficile ou gâté. Je ne le connais pas, pourriez-vous m'en dire plus sur ce futur élève ?

- Je ne pense pas que Jack pourra vous éclairer à ce sujet, fit Owen, d'un air pincé l'enfant est resté auprès de sa nourrice depuis son plus jeune âge et ne l'a jamais quitté. La pauvre femme, il doit être son hôte le plus âgé. Tu concurrences les familles qui ne se préoccupent des enfants uniquement pour perpétuer le nom.

- Tu sais pertinemment que Steven ne porte pas mon nom !

- Je le sais, dit Owen en renâclant, visiblement peu en accord avec son futur beau-père, je sais que tu as tout fait pour ne pas avoir à rencontrer l'enfant.

- Je ne le peux pas ! s'écria le Lord, à la surprise de Jones.

Il avait remarqué que l'homme ne parlait que peu de l'enfant, mais son comportement l'étonna au plus haut point. Steven était sans doute un enfant naturel, cependant il croyait se rappeler que Miss Sato avait dit pendant la visite du manoir que sa mère était Lady Harkness. L'incompréhension se lut sur son visage.

- L'enfant n'a pas à payer les erreurs de sa mère, dit Jack Harkness en se levant, il sera élevé ici, et pourra bénéficier de mon aide autant qu'elle lui sera nécessaire, mais je ne puis souffrir de le voir. Vous serez bien avisé, Maître Jones de veiller à ce que Steven comprenne cela. Owen, tu as mon autorisation pour lui expliquer mes raisons. Messieurs, je dois vous laisser, le constable vient d'arriver.

Il les salua et les quitta sans plus de cérémonie. Jones se précipita à la fenêtre et constata par lui-même qu'un attelage venait de s'arrêter devant le manoir.

- Comment fait-il cela ? demanda-t-il au Docteur Harper qui haussa les épaules.

- Il a une bonne ouïe et surtout désirait échapper à la conversation.

- Il a donc sauté sur l'occasion.

Owen Harper s'esclaffa et répondit que cela lui arrivait très souvent, qu'il s'agissait sans doute d'un des traits de caractère les plus acérés. Il alla se servir une cigarette dans la boîte ouvragée qui trônait sur la cheminée, il en proposa une à Jones qui refusa. Owen alluma la sienne et s'affala à nouveau dans son fauteuil.

- J'imagine que vous devez nous trouver curieux de nous chercher querelle à propos de votre futur élève.

- J'ai déjà connu pareille situation, répondit Jones, mais vous pourriez m'expliquer le nœud du problème afin que je ne commette plus d'impair.

- Vous n'en avez commis aucun, je vous assure, enfin, il est vrai que si je vous raconte l'histoire de Lord et Lady Harkness, vous comprendrez un peu mieux de quoi il retourne exactement.

- Je vous en prie, je vous écoute, fit Jones s'installant pour mieux entendre ce qu'il allait lui dire.


Rhea01  (08.10.2010 à 17:58)

Chapitre sept: les mystères de l'Inde ...

 

Owen s'installa confortablement avant de commencer à raconter l'histoire de son ami et la naissance de son fils.

" Lord Harkness a longtemps vécu sous des cieux étrangers, c'est même ainsi que nous nous sommes rencontrés. Nous sommes amis depuis très longtemps, je suis sans doute la personne qui le connaît depuis le plus longtemps à part Miss Tyler. Pourtant il y a encore bien des choses que j'ignore sur le Lord. Il était aux Indes, dans la région du Bengali, en tant qu'ambassadeur de sa Majesté Impériale, lorsqu'il a rencontré Miss Costello, Toshiko qui accompagnait Jack l'appelait l'aventurière. Inutile de vous dire qu'elle ne porte pas cette femme dans son cœur. A l'époque déjà, elle avait senti que celle-ci n'était pas franche avec tous ceux qui l'approchaient.

Elle avait été présentée à Jack à une fête organisée par le Vice-Gouverneur des Indes. Au premier regard, Jack a été subjugué par son esprit, sa beauté et sa prestance. Il n'a visiblement pas été le seul à tomber dans les filets de l'aventurière. Elle était tout aussi séductrice que Jack, imaginez un peu! Elle avait une kyrielle de soupirants à ses pieds, mais elle avait jeté son dévolu sur notre Lord. Elle fit tant et si bien… qu'il céda, de bon cœur. Après quelques semaines à peine, elle lui annonça qu'elle était enceinte. Je lui ai pourtant fait part de mes interrogations, de mes doutes au sujet de cette femme que je trouvais très intéressée par sa fortune, ses titres et tout ce qu'elle pourrait tirer de lui. Jack ne m'a pas cru, ou plutôt il semblait n'en avoir cure. Il était si heureux d'avoir un enfant qu'il passait outre les défauts de la mère.

Suzie n'était pas une femme facile, ni de tout repos, c'est certainement cela qui l'avait attiré chez elle, sa vindicte, son indépendance, sa liberté de propos. Il s'était presque coupé de tous ses amis en s'installant avec elle dans sa maison au Bangalore. Je ne sais pas s'ils furent heureux, nous étions restés à Dehli, Toshiko et moi. La jeune fille ne souhaitait pas vivre auprès de cette femme. Quelques mois seulement, après leur mariage célébré sans ban ni grande pompe, on a vu réapparaître Lady Harkness à Dehli. Elle était enceinte de presque six mois mais continuait à attirer les regards et l'attention.

Une lettre de Jack m'éclaira un peu plus sur les relations tendues qu'ils entretenaient. La passion était morte entre eux, le caractère puissant de ces deux individus n'avait pu supporter la cohabitation du mariage. Il parlait de divorce dans cette lettre, à moins qu'elle ne change, qu'elle s'adoucisse. Il me suppliait alors de m'occuper de la fin de sa grossesse et de l'enfant. Il devait assurer une mission à la frontière du pays, alors tenu par des bandits, avec le colonel McNeil. A la teneur de cette lettre, je compris que les sentiments de Jack s'étaient reportés sur cette personne plutôt que sa propre épouse. Je ne connaissais pas McNeil à cette époque, Jack venait seulement de faire sa rencontre dans les montagnes bengalies.

Je dus me conformer au vœu de mon ami et chaque jour, je visitais Lady Harkness, elle aurait aimé me faire chasser par les domestiques, pour tout vous dire. Mais Gwen et Rhys qui travaillaient déjà pour Jack me secondèrent dans ma tâche. J'assistais bien malgré moi à des scènes édifiantes. La jeune femme utilisait tout ce qu'elle pouvait pour son bénéfice personnel. J'eus bientôt peur pour la fortune de Jack. Une peur qui ne cessait de grandir. Enfin, alors qu'elle entrait dans les derniers mois de sa grossesse, Lady Suzie fut prise d'une envie subite de retourner vivre sur les terres coloniales de son mari, Sungula. Toshiko et moi-même nous sommes joints à elle pour ce long voyage, à sa grande désapprobation. Elle n'avait pu se départir de Gwen et de Rhys, qui ne reçoivent d'ordres que de Jack. Mais elle avait pourtant engagé des serviteurs, plus louches les uns que les autres dont elle tolérait la compagnie et qui l'accompagnèrent.

Bref, inutile de vous dire que ce voyage ne fut pas une partie de plaisir. Lorsque nous arrivâmes au domaine de Jack, nous avons eu la surprise de constater qu'il n'était pas réapparu depuis trois mois. Trois long mois durant lesquels personne n'avait eu de ses nouvelles. La dernière personne a avoir eu affaire avec lui était Alec McNeil. Il était en garnison dans la petite ville de Bijni, dans la province d'Assam. Evidemment, j'ai demandé à le rencontrer, soupçonnant une collusion entre Lady Suzie et cet homme dont j'ignorais tout.

Lors de notre rencontre, j'ai compris ce que Jack lui trouvait, c'était son exact pendant. On dit que parfois dans une vie on rencontre son semblable mais à ce point, je ne l'imaginais pas. Fier, altier, d'une beauté à couper le souffle, le colonel me fit une impression agréable qui fut confirmé par l'alarme dans laquelle l'absence de Jack le jeta. Il semblait avoir pour lui des sentiments profonds. Ils s'étaient quittés deux mois auparavant, Jack devait traverser la frontière pour rencontrer des dignitaires mongols, tandis que lui devait rester à son poste, auprès de ses hommes pour protéger cette ville. C'était un homme de devoir, se pliant à sa tâche, aussi cruel cela lui avait-il paru de le quitter, de le laisser accomplir sa mission. Il demanda un congé exceptionnel à son supérieur, congé qui lui fut donné à contrecœur mais l'angoisse de perdre son ami lui avait donné les mots suffisants pour persuader même le plus dur des adjudants. Le général ne fut pas indifférent et lui donna des hommes pour partir à la recherche de Lord Harkness.

Le colonel McNeil m'accompagna jusqu'à Sungula, la propriété de Jack et nous trouvâmes la baronne installée aux commandes du domaine, telle une hyène sur un nid d'ordures. Elle refusa tout net qu'on parte à la recherche de son époux, arguant qu'il avait dû se perdre dans un lupanar chinois et oublier jusqu'à notre existence. Elle espérait même sa mort pour hériter au plus tôt de ses biens et de sa fortune. Je remarquais alors une chose curieuse, l'intimité avec laquelle elle s'adressait à Alec et la stupeur dans laquelle il se trouva en découvrant Jack marié à une telle femme. On aurait dit qu'un cataclysme l'avait ravagé intérieurement. Il était dans tous ses états quand elle annonça qu'elle ne souhaitait pas qu'il le recherche. Je sentis qu'il se maîtrisait pour ne pas exploser. Toshiko a eu le même sentiment, elle l'autorisa à partir, en dépit de l'avis de Suzie. On l'entendit hurler ce jour-là, agonir d'injures ma pauvre fiancée. Mais nous n'en avions cure, notre avis sur cette femme était décidemment bien ancré.

Alec McNeil partit le soir même accompagné de dix de ses hommes et je dus donner un calmant à la furie que Jack avait engrossée. Sa colère l'avait mis dans un tel état que j'eus peur pour l'enfant. Je dus également calmer Toshiko qui tremblait, Suzie parmi ses insultes, lui avait jeté au visage que l'enfant n'était pas celui de Jack, mais celui d'Alec qu'elle avait connu plus tôt. Ma fiancée était désolée, pleine de ressentiment pour cette créature qui avait trahi son tuteur. Je lui jurais de tirer cela au clair, une fois Jack retrouvé. Commença alors une attente interminable.

Ce ne fut pas facile d'attendre dans ces conditions, et nous restâmes dix jours sans aucune nouvelle. Puis un soir alors que le soleil se couchait, nous vîmes arriver une colonne de soldats, les hommes de McNeil, tous fourbus et accompagnant Jack et leur colonel. Mon ami était dans un sale état, la blessure d'hier soir n'était rien face à tout ce qu'il avait subi durant sa captivité.

Il avait été fait otage par des bandits panshirs et avait vécu les deux derniers mois dans une grotte sans aucun soin. Il souffrait d'une mauvaise fracture à la jambe que j'ai dû briser à nouveau pour le soigner ainsi que de malaria à laquelle il n'arrive toujours pas à se séparer. Il était couvert d'ecchymoses diverses, plus ou moins guéries qui dénonçaient le traitement atroce qu'il avait subi. Il avait été battu tout au long de sa séquestration et sa convalescence allait durer de longs mois.

Suzie ne montra aucune joie au retour de son cher époux, comme vous pouvez vous en douter, elle se contenta de s'enfermer dans ses appartements et refuser toute aide.

Je me précipitais au chevet de Jack, pour le soigner. Alec refusa de le quitter malgré son propre état de faiblesse et ses blessures. Cet homme s'est battu comme un lion pour arracher Harkness à ces bandits, l'attaque héroïque du sahib, disaient ses hommes, qui avait sauvé l'ambassadeur de la Reine armé de son seul courage.

Je n'ai pas eu d'autres choix que de soigner ses blessures et de le laisser s'installer au chevet de Jack. Il a attendu trois jours que son état s'améliore, avant d'accepter de prendre du repos. Je ne sais clairement les relations qu'ils avaient entretenus mais les yeux ne peuvent mentir. Il l'aimait, plus profondément que Suzie qui n'avait même pas demandé des nouvelles de son mari, durant tout le temps où il resta inconscient. Pas une seule fois ! Mais cela s'expliqua peu après son accouchement.

Jack venait à peine de reprendre connaissance et le moment de la délivrance arriva. Elle refusa tout d'abord que je lui vienne en aide, puis la douleur et les cris me firent enfoncer la porte et lui porter secours. L'enfant arriva après un long travail et Gwen s'en occupa dès ce jour. Suzie ne voulut s'en laisser approcher. Elle le repoussa à chaque fois que nous avons essayé de l'en approcher. Nous dûmes alors prendre une nourrice indienne pour s'occuper de lui. Le pauvret, à peine né, il n'avait aucune place dans ce monde.

Sa mère n'arrêta pas là son œuvre diabolique, car elle tient du démon. Quand je vous aurais raconté ce qu'elle lui a dit, vous serez certainement d'accord avec moi.

Une fois que Jack fut en meilleure santé, elle lui tint une conversation, dont la teneur faillit lui ravager l'esprit. Elle lui avoua qu'elle avait partagé, elle aussi le lit d'Alec McNeil et qu'elle ignorait si l'enfant était le sien ou celui d'Alec.

J'assistais à cette scène dramatique et je vous jure que je la voyais jubiler. Etait-elle au courant de la volonté de Jack de divorcer ? Savait-elle qu'il se méfiait d'elle plus que toute autre personne ? Trouvait-elle du plaisir à gâcher la vie de mon ami ? Toujours est-il qu'elle confirma tous nos soupçons sur son caractère et ses motivations ce jour-là. Elle n'était pas une simple femme qui avait désiré se mettre à l'abri du besoin en épousant un homme qui la respecterait. J'en ai tellement vu agir de la sorte, que cela m'étonne encore d'avoir rencontrer l'amour dans la personne de Toshiko. Quoiqu'il en soit, Suzie l'a complément détruit en lui jetant au visage ses doutes concernant sa paternité. Il désirait tant être père que cela lui provoqua un transport au cerveau. J'ai dû la faire sortir alors qu'elle exprimait toute sa haine dans un langage que n'aurait pas déplu à un marin en bordée.

J'ai pu stabiliser l'état de Jack en utilisant des plantes qu'on ne trouve que là-bas, mais il a mis du temps à revenir vers nous. A peine s'est-il remis, qu'il exigea la présence d'Alec auprès de lui. Il exigea également que Toshiko ou moi disparaissions de la pièce le temps qu'ils se parlent. Je n'ai jamais su ce qu'ils se sont dit pendant toute cette heure où ils ont été enfermés ensemble. Cependant lorsque le colonel sortit de la chambre, jamais je n'avais vu quelqu'un d'aussi défait. Il était entré plein d'espoir et de sentiments pour se faire arracher le cœur. Cela se voyait qu'il était blessé, blessé à mort, qu'il ne savait comment cacher ses larmes. Nous l'avons laissé faire ce qu'il voulait. Il semblait avoir besoin de solitude. Il est parti le soir même, accompagné de ses hommes qui le suivraient jusqu'en enfer et l'enfer, il me sembla qu'il le vivait à ce moment-là.

Lorsque Jack a enfin daigné nous parler, quelques semaines après son départ, ce fut pour nous dire qu'il refusait de reconnaître l'enfant car il ne pouvait savoir si celui-ci était son fils ou celui de McNeil. La seule chose assurée, c'est qu'il était le fils de sa mère. Il refusa de le voir et laissa Gwen s'occuper de lui trouver une nourrice aux Indes, puis en Angleterre après notre retour.

Le silence retentit encore de l'histoire que le docteur Harper venait de raconter. Jones réfléchissait à l'implication de ces malheureux événements, une mère qui ne voulait pas voir son nourrisson, un père qui ne souhaitait pas reconnaître son fils. Le pauvre enfant, il se retrouvait sans personne pour le conduire à travers la vie.


Rhea01  (11.10.2010 à 19:50)

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