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Blackwood Manor

Série : Torchwood
Création : 29.09.2010 à 22h17
Auteur : Rhea01 
Statut : Terminée

« Univers Alternatif, toute l'équipe de Torchwood au grand complet au temps de la Reine Victoria. Ou les aventures de Lord Harkness et Ianto Jones, précepteur et bibliothécaire. » Rhea01 

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- Évidemment, ce n'est pas tout, reprit Owen, après une pause pendant laquelle il reprit du thé et une cigarette. Il les proposa à nouveau à Jones, mais celui-ci refusa une nouvelle fois.

" Suzie nous a accompagnée également lorsque nous sommes repartis en Angleterre. Elle apparaissait comme une créature affable devant la bonne société, mais pour nous qui l'avions vu sous son véritable jour, elle n'avait aucun scrupule à nous dévoiler son mépris ou sa haine. Jack fit tout ce qui était en son pouvoir pour divorcer. Il fit préparer les papiers par son fondé de pouvoir, Maître Davidson, que vous avez déjà rencontré. Tout était prêt, il ne restait plus qu'à lui faire signer les actes qui rendraient sa liberté à Jack. Mais cela ne se passa pas comme nous l'escomptions."

- ce ne fut pas si simple, dit Jones en plissant des yeux, subjugué par l'histoire ahurissante que lui contait Owen Harper.

- Oh non, ce ne fut pas si simple, je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Nous étions dans la maison de Durham street, à Londres, dans le bureau de Jack. Celui-ci était impatient de signer ces papiers qui signifiaient tant pour lui. Nous nous attendions à tout de la part de Suzie mais certainement pas à ce qu'elle agisse comme elle le fit. Au moment où elle se pencha pour signer les documents, elle tira de son ample vêtement une arme dont elle se servit contre Jack. Sans les réflexes aiguisés par des années de service au sein de l'armée, il n'aurait jamais pu échapper au coup de feu. Il réussit à désarmer la jeune femme qui devint folle en voyant son piège déjoué. Elle avait joué son dernier atout, celui sur lequel elle avait fondé ses derniers espoirs. Jack réussit à la faire parler, à lui faire avouer ce qu'elle avait manigancé au Bangalore. Elle avait engagé des hommes pour le capturer et le faire disparaître. Elle avait payé pour cela et il n'aurait jamais dû s'en sortir vivant. Comment il a réussi ? Nous l'ignorons, Jack n'a jamais voulu nous éclairer sur ce qu'il a vécu en captivité. Le Colonel McNeil nous a simplement dit qu'il avait supporté sa captivité pour nous revenir. Je ne crois pas cependant que c'était sa seule motivation. Il a pu lui faire dire tout ce qu'elle lui reprochait. A savoir être encore en vie. Elle avait véritablement un plan pour son avenir, se marier, avoir un enfant et l'utiliser pour avoir la main sur une des plus grandes fortunes de l'empire Britannique. Jack était au bon endroit, au bon moment. Elle lui a avoué qu'elle s'était largement amusée à ses dépens à lui faire croire à ses sentiments. Jack était dans tous ses états, se découvrir la proie de cette aventurière l'a grandement choqué, qu'elle est tenté de le supprimer de ses propres mains après tout ce qu'elle lui avait dit, cela lui a ôté toutes ses illusions sur la bonté du genre humain. Il est devenu beaucoup plus méfiant depuis cela.

- il ne m'en a pas donné l'impression, fit Jones en se frottant le cou, sans y penser.

- pourtant, il veille, et nous aussi, à ce que pareille erreur ne se répète pas.

- je comprends, dit Jones, mais qu'est devenu Lady Suzie ?

- après sa nouvelle tentative de meurtre, Jack a dû prendre des précautions. Il a fait interner Suzie, son comportement n'était pas à proprement parler très sain. Il a fait jouer ses relations pour qu'elle entre dans un établissement qui pourra l'aider à reprendre pied. Mais selon moi, cela est totalement impossible, cette femme est complètement insane. Elle souffre vraiment d'un déséquilibre et nous ne savons pas où elle se trouve.

- comment, demanda Jones, vous venez de dire qu'elle était entrée dans un établissement spécialisé !

- elle a utilisé ses charmes pour suborner un de ses infirmiers et s'est échappée. L'homme a été retrouvé mort dans un fossé avec une note disant qu'elle se vengerait de Lord Harkness.

- vous pensez que c'est elle qui est derrière l'attaque du Lord ? demanda Jones en pensant ses mots.

- c'est une hypothèse tout de même plus sérieuse que celle où vous êtes l'instigateur de cet attentat.

- je comprends mieux les soupçons de Lord Jack à mon encontre, dit sérieusement le jeune homme en croisant les bras, cette femme est vraiment terrifiante.

- à qui le dites vous ? Je n'imaginais pas en la rencontrant la première fois qu'elle nous apporterait autant d'ennuis.

- Ennuis ? Vous êtes sûrs d'utiliser les bons termes pour parler de ce qu'elle vous a fait ?

- vous êtes moqueur, Monsieur Jones, fit Harper en éclatant de rire. Mais vous marquez un point, nous essayons d'agir comme si nous n'avions pas ce problème à gérer, alors que nous y pensons régulièrement. Voire continuellement. Jack a lancé plusieurs enquêteurs sur ses traces mais elle semble savoir se cacher de manière efficace. Ce serait le moindre de ses talents.

- Elle a juré de se venger ?

- oui, dit Harper en se levant et croyez-moi, une femme qui a tout perdu est plus dangereuse qu'un homme qui a tout perdu. Venez, allons voir comment Lord Harkness s'en sort avec le Constable. Ce n'est pas quelqu'un de facile et il n'aime pas le Lord. Et il ne croit pas à la thèse d'une femme qui veuille le tuer. Pour lui, les femmes sont des créatures faibles et sans défense qui ne peuvent faire preuve d'esprit. Autant te dire que Toshiko le méprise.

- Docteur Harper, je vous suis. Cependant, j'ai une question, Steven est-il au courant de tout ceci ?

- Non, absolument pas, il ne connaît rien au secret de sa naissance et je vous demande de ne rien lui révéler.

- Evidemment, je suis professionnel, fit le jeune homme en le suivant. Ce n'est pas mon rôle, mais plutôt celui de son tuteur, à défaut de son père.

- Exactement, dit Owen en hochant la tête, c'est exactement ce que j'attends de votre part.

- Bien, et quand arrivera-t-il exactement ? Il va falloir que je prépare des ouvrages pour lui et pour les enfants auxquels Lord Harkness souhaite offrir une éducation supérieure.

- Cette idée n'a pas l'air de vous déranger, fit Owen en lui ouvrant la porte.

- Non, effectivement, je trouve que c'est une excellente idée.

- Attendez encore un peu, vous n'avez pas encore vu les élèves de votre classe. Vous n'aurez sans doute pas la même opinion dans quelques mois...

- Peut-être, mais c'est ce qui me fait aimer mon métier. Ce ne serait pas aussi intéressant si tous les élèves étaient excellents. Il peut être plus édifiant d'arriver à intéresser un élève au savoir. Il n'y a rien de plus magnifique que de le voir prendre goût aux études, à la lecture, à apprendre.

- Vous êtes quelqu'un de passionné finalement, dit Owen avec un regard appréciateur. On ne le dirait pas avec un tel costume. C'est réalisé par un tailleur de talent ?

- mon père, fit Jones en baissant la tête pour regarder son vêtement, il est tailleur à Londres. J'imagine qu'il a fait de son mieux pour son fils.

- En tout cas, c'est très réussi, malgré la couleur qui vous donne l'air d'être un pasteur épuisé. Vous devriez dormir la nuit, cela ne vous ferez pas de mal.

- Je veillerai à fermer ma porte à double tour désormais, cela évitera au Lord de venir me rendre visite au cœur de la nuit.

- Faites-le, dit Owen en riant, cela évitera bien des situations embarrassantes.

Jones sourit faiblement, il réfléchissait encore à la conversation qu'ils venaient d'avoir. Il n'imaginait pas une telle situation en prenant ce poste auprès du Lord. Il comprenait mieux les soupçons que Jack Harkness avait eus à son sujet. Il comprenait également que vivre avec une telle menace jour après jour pouvait être difficile pour les membres de cette maisonnée. Il se demanda si tout le monde ici était au courant de l'histoire du Lord et de son épouse. Son interrogation se lut sur son visage car Owen Harper reprit la parole, tout en le guidant vers les escaliers monumentaux du manoir.


Rhea01  (11.10.2010 à 20:19)

- Gwen Williams et son époux Rhys sont au courant de toute l'histoire. Les autres domestiques ont été embauchés ici. Certains doivent se douter de quelque chose ou autre mais le secret de la naissance de Steven est resté secret. Pour tout le monde, il s'agit d'un enfant recueilli par Jack, tout comme Toshiko l'a été.

- Votre fiancée a été adoptée par Lord Harkness, c'est cela ? demanda Jones, en soutenant son regard.

- Oui, il l'a pris sous sa protection à l'âge de 8 ans. Elle est la fille d'une des plus grandes familles japonaises, associée à la famille impériale.

- Quelle ascendance ! fit Jones en le jaugeant, et vous allez vous marier avec elle !

- Oui, j'ai de la chance, fit Owen en souriant, c'est une femme exceptionnelle, ma famille n'est pas aussi intéressante, elle se réduit même à ma seule présence mais je pense et j'espère que je serais à la hauteur de ses sentiments.

- Sentiments qu'elle semble tout à fait partager.

- Nous nous connaissons depuis des années, fit le docteur s'arrêtant dans le hall encombré pour le regarder dans les yeux, lorsque je l'ai rencontré, elle n'avait que 15 ans, et moi 20 ans, Jack n'en avait que 28 mais il était déjà Lord. Savez-vous qu'il a fait partie de la Garde d'Honneur de la Reine malgré son jeune âge ? Jack avait toujours brillé dans la carrière des armes et a bénéficié de soutiens qui lui ont permis de grimper rapidement les échelons à chaque fait d'arme.

- Des soutiens ? dit Jones en levant un sourcil.

- Des soutiens très haut placés, des amis fidèles. Ce n'est pas ce que vous pensez. Je connais Jack depuis plus de 10 années. Et jamais il n'a utilisé son apparence ou son corps pour avoir tel ou tel poste. Il a toujours mérité les situations qu'il a occupées. Cependant, je ne sais pas exactement d'où vient Jack, il ne nous a jamais parlé de son enfance, de son adolescence, je sais seulement qu'il a beaucoup voyage dans sa jeunesse. Je pense qu'il est comme vous un enfant de la petite bourgeoisie qui s'est élevé au-dessus de la condition de ses parents. Jamais il ne parle de sa famille, il nous parle parfois d'Estelle qu'il me semble avoir aimé et qui lui a appris tout ce qu'il sait aujourd'hui. Nous ne pouvons avoir que des conjectures à propos de Jack. J'espère que vous ne lui poserez pas de question à propos de son passé, il ne le supporte pas, il ne vous répondra pas de tout manière.

- Merci de me prévenir, fit Jones en hochant la tête, bien qu'il ne soit pas dans mes habitudes d'interroger mon employeur sur sa vie personnelle. Je n'aurais d'autres relations avec lui que celle strictement lié à mon poste d'enseignant ou de bibliothécaires.

- Vous oubliez un peu vite, que vous serez également son secrétaire particulier. Vous aurez certainement des questions à propos de sa vie. Promettez-moi de garder alors le silence ou de venir me les poser. J'essayerai de vous éclairer à ce moment-là.

- Ce ne sera pas si compliqué à respecter, fit Jones, je garderais mes questions pour moi même.

- Très bien. Venez avec moi, je vais vous présenter au constable Crift.

- Vous pensez que c'est une bonne idée ? demanda Jones d'un ton inquiet.

- Certainement, car vous aurez affaire avec lui, en tant que secrétaire.

- Très bien, puisque c'est important pour vous, dit le jeune homme en abandonnant l'argument.

Il trouvait étrange de passer aussi rapidement au statut d'homme de confiance. Il n'avait jamais occupé une telle situation. Il se redressa, il fallait qu'il fasse bonne impression. Owen le jugea d'un œil approbateur. Ce jeune homme lui paraissait d'un bon bois, finalement. Il ne s'était pas déparé de son calme en écoutant l'histoire de Jack et de Suzie. Il lui semblait être un homme auquel il pouvait faire confiance. Ils étaient rares, les personnes auprès desquelles il se sentait en pleine sécurité. Il était d'un naturel méfiant et avait vu trop de monde défiler auprès de Jack pour accorder sa confiance aussi rapidement. Mais quelque chose en lui lui plaisait, comme une pièce d'un puzzle qui concordait parfaitement. Il lui sourit et ouvrit la porte du bureau de Jack.

C'était une pièce qui contrairement à la bibliothèque était relativement bien rangée, on sentait que cette pièce était couramment utilisée. Des tas de papiers à signer encombraient l'énorme bureau de bois exotique. Deux grandes fenêtres s'ouvraient sur le parc arboré et laissaient entrer la lumière de la fin de l'après-midi à flot. Jack était dans son fauteuil de cuir, derrière son bureau, jouant d'un air énervé avec des bibelots cachés sous la paperasse. Deux grandes armoires vitrées et vides encadraient le bureau. Randall Crift était un homme replet, habillé de gris, un veston croisé serrait sa bedaine et une chaine de montre dépassait de la poche. Il la sortit en voyant entrer les deux jeunes hommes.

- Bien, très bien, vos chiens de garde sont arrivés, en retard, comme toujours, Docteur Harper.

- Comme vous le dites, je suis médecin, pas chien de garde.

- Très bien, maintenant que tout le monde est arrivé, nous allons pouvoir parler, fit le Lord, Ewen vous a averti que j'ai été victime d'une agression hier soir.

- Bien sûr, j'ai reçu le jeune garçon et j'ai aussitôt enquêté.

- Très bien, fit Harper en plissant des yeux, pour une fois, vous avez fait vite.

- Bah, c'est normal, fit le constable d'un ton patelin, lorsqu'un tel accident arrive sur ma juridiction, je me dois d'enquêter.

- Évidemment, fit le lord en levant la main, et quelles sont vos conclusions ?

- Un accident de chasse, tout simplement, dit le constable en haussant les épaules, cela me semble évident.

- A la sortie du village ? Comme c'est curieux, je pensais que la chasse était interdite auprès des habitations, fit Owen avec malice.

- Le coup a dû partir tout seul, reprit le constable. Quelqu'un devait certainement nettoyer son arme et voilà tout.

- Mais bien sûr, dit le Lord en se relevant en grimaçant sous la douleur, c'est une explication toute naturelle. Avez-vous recherché l'homme avec lequel je me suis battu ?

- Oui, ce fut même aisé, il a passé la nuit dans une cellule pour tapage nocturne et ivrognerie caractérisée. Non, c'était un accident de chasse.

- Je vois une autre explication beaucoup plus intéressante, fit le Lord en joignant ses doigts sous son menton.

- Oh non, pas encore votre histoire d'épouse folle, je la connais déjà et vous savez ce que j'en pense. Il est inutile de s'inquiéter à son sujet.

- Vous l'auriez épousé, vous seriez inquiet vous aussi, dit Owen.

- Voyons, nous en avons déjà parlé, répondit le Lord, les sourcils froncés, posant ses mains sur le bureau en une attitude concentré, vous connaissez parfaitement l'histoire qui me lie à Lady Suzie. Je peux vous montrer à nouveau la lettre qu'elle a laissée à mon attention sur le corps du pauvre homme qu'elle a tué.

- Inutile, fit le constable, d'un air méprisant, vous savez, des épouses infidèles, qui souhaitent la mort de leur mari, j'en connais plus d'une dizaine, rien que dans la petite ville de Abergaveny.

- Et des épouses qui ont déjà du sang sur les mains, vous en connaissez beaucoup, jappa Owen, d'une voix sèche, vous devriez vous poser un peu plus de questions sur ce tir ou bien ...

- Ou bien, fit le constable en plissant des yeux, relevant la menace à peine voilée.

- Eh bien, nous ferons appel à des personnes qui seront plus aptes à enquêter à ce sujet.

- Scotland Yard, dit-il, bien sûr, mais je me demande pourquoi vous n'avez pas encore fait appel à eux.

- Nous n'avons pas fait appel à eux, à Blackwood, vous êtes l'autorité la plus compétente dans ce comté, fit Harkness en retenant son exaspération, nous n'avions pas envie de générer un conflit entre vous et Scotland Yard.

- Je n'ai pas besoin d'être materné, Lord Harkness, siffla le constable, si vous désirez que Scotland Yard prenne la relève, qu'ils viennent mais ils vous diront la même chose que moi, que votre histoire d'épouse qui cherche à se venger est proprement inepte. Aucun enquêteur sérieux ne souhaiterait avoir son nom affiché en même temps que le votre, savez-vous. Nous savons trop bien qui vous êtes, cracha le constable en se levant brutalement. Je prends congé, messieurs.

- Attendez, qui sont ces nous ? demanda sourdement Harkness, blessé.

- La société, les gens de bonne famille, à laquelle vous n'appartiendrez jamais. Personne n'aura envie d'enquêter sur ce cas. Vous devrez vous occuper de votre épouse seul monsieur.

- Il n'est pas seul, jeta Owen en se levant à son tour et se rapprochant dangereusement de la personne du constable. Malgré tout l'autorité que vous représentez, vous devez le respect au Lord. Quoique vous pensiez de lui.

- Je crois que nous n'avons plus rien à nous dire, je vous ai fait part de mes conclusions, je souhaite bon courage à Scotland Yard. Messieurs.

Le constable sortit, alors qu'Harper grinçait des dents et serrait les poings, se retenant de sauter à la gorge de l'homme qui venait d'insulter son ami. Celui-ci se rejeta sur sa chaise, avec un air épuisé.

- Owen, ce n'est rien, ne t'inquiète pas, je suis habitué à cette attitude. En vérité, je préfère cette haine franche et brutale, à l'hypocrisie des salons. Je les méprise autant qu'ils me méprisent. Tu le sais.

- Ils n'ont jamais cherché à te connaître, ils te jugent sans te savoir qui tu es.

- bien sûr, c'est la chose la plus facile à faire, juger ce qui est étranger, différent comme dangereux. Regarde, un peu comme moi et ce jeune homme. A peine rencontré, j'ai pensé qu'il était un ennemi. Mais en apprenant à mieux le connaître, je suis sûr qu'il mérite mon respect.

- Vaudrez mieux pour toi, dit Owen Harper, étant donné qu'il va être ton secrétaire particulier, ton professeur, et ton bibliothécaire.

- C'est une charge de travail vraiment importante que vous aurez là, jeune homme, j'espère que vous aimerez ce travail.

- Je l'espère également, fit le jeune homme, avec une nouvelle lueur dans le regard qui n'échappa pas au Lord.

Il comprit qu'Owen avait obéi à ses ordres et tout dévoilé de son passé avec Suzie. Il haussa les épaules intérieurement. Il avait eu raison, le jeune homme allait certainement avoir le nez dans ses affaires très rapidement. De toute manière, il lui avait demandé de l'éclairer sur Steven, on ne pouvait pas parler du jeune garçon sans parler de ses relations difficiles avec son épouse. Difficile, le mot était faible.

Il reporta son attention sur le jeune homme. Il avait un visage ouvert, fin, des traits juvéniles et le plus adorable nez qu'il lui eut été donné d'admirer. Il le détailla avec plus d'attention, à la grande gêne de Jones et au grand amusement d'Owen. Le corps pris dans un costume sombre, de très bonne facture, il était mince, sans doute un peu trop. Les attaches de ses mains étaient fines, presque graciles, signe qu'il atteignait tout juste l'âge d'homme. Il était élégant, sans affectation, discret et l'air terriblement intimidé par sa revue de détail. Jack se dit qu'il mériterait de s'étoffer un peu plus, cela le rendrait certainement que plus attirant à ses yeux.

- Bien, fit le Lord, cette entrevue était totalement inutile. Mais nous le savions déjà, Randall ne veut absolument pas prêter crédit à cette affaire. Très bien, il nous force donc à faire appel à des professionnels pour éclaircir cette affaire.

- Je t'avais dit que nous aurions dû le faire depuis le début. Tu as été beaucoup trop sentimental.

- C'est tout de même mon épouse, rétorqua Jack, et je l'ai fait interner.

- Elle mériterait plus la prison qu'un établissement de santé.

- Je le sais, dit Jack d'un ton ferme, mais à qui pourrions-nous confié confier cette mission ? Randall a raison, aucun inspecteur de Scotland Yard ne viendra enquêter.

- D'autant que leur juridiction ne va pas jusqu'au Pays de Galles, dit Jones discrètement, attirant les regards des deux hommes sur lui.

- Il n'a pas tort, dit Owen. Et puis à Londres, ils n'ont pas pris en compte ta plainte lorsqu'elle s'est échappée de l'asile. Personne n'a enquêté sur la mort de cet infirmier.

- Auriez-vous une idée, cher nouveau secrétaire ? demanda le Lord en scrutant attentivement le jeune homme.

L'opale de ses yeux clairs mit mal à l'aise Jones qui lutta contre une rougeur subite. Il n'aimait pas particulièrement se trouver sous le feu de l'attention, surtout d'un homme aussi ouvertement séducteur. Owen renifla amusé.

- Peut-être, commença-t-il, j'ai travaillé en tant que professeur dans une famille à Londres qui avait eu des soucis avec ... un jeune cousin. Il avait disparu dans un quartier malfamé de Londres. Pour sauvegarder la réputation de la famille, un enquêteur privé a été engagé et a pu ramener le jeune homme à la maison.

- un Sherlock Holmes ou un Pinkerton ? fit Owen en faisant référence au célèbre détective qui avait créé une agence aux Etats-Unis qui faisait les gros titres pour son intervention malheureuse contre des syndicats.

- Plutôt dans le style de Pinkerton, il ne lésine pas du tout sur les moyens et arrive toujours à ses fins.

- Et vous connaissez son nom ? demanda le Lord, s'il est réputé, sans doute pourra-t-il s'occuper de notre affaire ?

- Adam Smith, il a crée l'agence Worthsmith, près de Whitechapel. Il paraît qu'il s'est attaché à découvrir qui est Jack l'éventreur, comme la moitié des gens du quartier.

- très bien, Mr Jones, vous allez commencer votre travail de secrétaire particulier en contactant cet homme. Je vous charge de le lancer aux trousses de Suzie, de découvrir qui elle est, où elle est, ce qu'elle manigance contre moi.

- A vos ordres, Sir, dit Jones en inclinant le haut du buste.

Jack éclata de rire, son visage souriant grimaça soudainement. Sa blessure qu'il avait trop longtemps négligée se rappelait à son bon souvenir.

- très bien, Jack, dit Owen, il est l'heure d'aller enfin se reposer, tu seras bien plus en forme pour le dîner. Monsieur Jones, vous vous joindrez à nous évidemment.

Le docteur sortit en entraînant son patient quelque peu récalcitrant. Jones resta dans le bureau à secouer la tête. Il allait encore dîner avec eux, mais cette maison était décidément bien étrange pour inviter à sa table un employé, étranger de surcroit. Mais il repensa à ce que le Docteur Harper venait de lui apprendre. Il était désormais dans le secret des dieux, encore qu'il ignorait ce qui lui valait une telle confiance.

Il prépara un courrier à envoyer à l'agence Worthsmith, inutile de laisser cette affaire plus longtemps sans s'en occuper. Il demanda simplement à Adam Smith un rendez-vous en lui expliquant la situation à mots couverts. Il se rappela à son bon souvenir et le priait instamment de venir à Blackwood Manor. L'homme avait enquêté sur toute la famille du Lord Manfred Williamson, ainsi que sur les employés. Il était d'une nature assez particulière, mais il faisait du bon travail, s'engageant totalement dans sa mission. Il était un peu dérangeant, cet homme avait la réputation de lire dans les pensées. Un émule de Conan Doyle, à ne pas en douter. Ils n'étaient pas forcément d'accord sur la manière dont il trouvait ses informations mais il était efficace. Son prix était à l'aune de son talent, aussi tout le monde n'avait pas les moyens de s'offrir ses services. Il ne doutait pas cependant que le Lord puisse se le permettre.

Il laissa la lettre sur la pile de courrier à traiter que Jack compulsait il y a peu, pour qu'il la relise et la signe. Il poussa un sourire. Il commençait tout doucement à comprendre les préventions dont le fondé de pouvoir, Davidson, l'avait abreuvé. Ce n'était pas contre le lord, pensa-t-il, mais plutôt vis à vis de la vie complexe qu'il menait. Et nul doute que celle-ci allait lui réserver encore bien des surprises.

Il lui restait tant de choses à découvrir sur Blackwood Manor et son propriétaire.

Fin de la première partie.


Rhea01  (11.10.2010 à 20:31)

Partie Deux

Chapitre un : où un étranger peut aider à révéler certaines vérités...

 

Jones s'habituait peu à peu à son nouvel environnement, ses journées s'organisaient entre l'agencement de la salle d'étude et le rangement - enfin le commencement de cette mise en ordre qui allait lui nécessiter des semaines entières - de la bibliothèque.

Celle-ci avait vraiment besoin de soin, de classement et surtout de tri. En effet, il y avait autant de livres anciens que d'ouvrages modernes. Il avait effectué un premier tri en récupérant des livres correspondant à l'âge de Steven, des atlas, des livres d'histoire, mais aussi des contes, des légendes, des histoires pour enfant. Il avait trouvé tout ce dont il avait besoin, autant pour le travail de la raison que pour le délassement de l'esprit.

Lord Jack Harkness s'était remis assez rapidement de sa blessure, à la grande surprise de Jones. Et depuis quelques semaines, il le croisait de loin en loin, surtout pour son travail de secrétariat. Il avait remisé loin dans son esprit la façon dont il avait pénétré dans sa chambre. Il fermait à clé la porte de sa chambre chaque soir,  comme le lui avait conseillé Harper, voilà tout.

Petit à petit, il s'était habitué à sa nouvelle vie, appréciant la compagnie de Miss Sato. Sa douceur et son intelligence lui plaisaient, leurs relations se teintaient d'amitié, chose qu'il n'avait jamais réellement connue. Ils parlaient chaque jour de différents sujets de la politique actuelle de l'empire jusqu'aux faits divers qui agitaient alors la société. Jack l'éventreur avait disparu des journaux depuis plusieurs années, on n'entendait plus parler de ces horribles crimes qui avaient secoués alors toute l'Angleterre. Les rumeurs les plus folles continuaient cependant de courir au sujet de ce monstre.

Certains affirmaient que la fureur de Dieu était tombée sur l'impie et l'avait effacé de la surface du monde. D'autres affirmaient qu'il hantait maintenant Bedlam. A vrai dire, tout le monde ignorait ce que Jack l'éventreur avait bien pu devenir, les spéculations étaient toutes aussi diverses que ses motivations. La peur qu'il inspirait s'était grandement éteinte. Jones avait suivi cette affaire avec angoisse, tout comme de nombreux londoniens. Le fait que ce fût des femmes de petite vertu qui avaient succombées à ses coups féroces, soulageaient bon nombre de conscience. Jones au contraire, plaignaient ces femmes qui n'avaient eu d'autre choix que de vendre leur corps pour survivre dans un monde qui les rejetait. Miss Sato partageait son avis sur ce point comme sur de nombreux autres.

Elle travaillait chaque jour avec lui, autant pour s'absorber à une tâche que pour être utile. Jones avait compris que cette jeune femme au caractère discret détestait rester sans rien faire. Chaque jour, elle trouvait une occupation. Piano, peinture, lecture, dessin remplissaient ses journées avant que Jones n'arrive. Depuis qu'il était présent, elle recherchait sa compagnie, ils étaient proches en âge et en caractère. Ils s'entendaient très bien pour organiser le travail - énorme- du jeune homme. La bibliothèque, la future école et le classement des documents de Jack Harkness, une véritable tâche de Sisyphe.

Après deux mois, le jeune homme connaissait toute la maisonnée et grâce à Gwen Williams connaissait toutes les habitudes des uns et des autres. Elle était une source précieuse d'informations sur tout et tous, depuis la réalisation réussie d'une tourte à la viande jusqu'à la dernière folie du Lord, une voiture à moteur. Elle détestait cependant cet engin qui faisait un bruit d'enfer. Il l'avait ramené de Londres et on entendait son moteur pétarader dans le chemin qui menait à Blackwood Manor.

Jones l'avait croisé plusieurs fois au volant de son engin, la tête couverte d'un casque et de lunettes, le corps engoncé dans un manteau de cuir couleur tabac. L'immense sourire qu'il arborait alors laissait entendre à tous qu'il ne regrettait absolument pas sa folie. Il s'était rapidement remis de sa blessure, plus légère qu'elle ne l'avait paru au premier abord. Harper se félicitait de ses soins et Harkness de sa solide constitution. Jones remerciait plutôt la nature qui lui avait permis de récupérer.

Un jour, où il avait passé le plus clair de son temps parmi les documents personnels du Lord à classer les titres de propriétés dans ce bureau dont il commençait à connaître tous les coins et recoins, Jack Harkness entra comme un coup de vent printanier. Jones releva la tête surpris, du livre dans lequel il répertoriait à la main les titres de propriété et les loyers que lui payaient les métayers.

Jack avait encore la tête prise dans son couvre-chef et les lunettes qui protégeaient ses yeux du vent de la course étaient relevées au-dessus de son front. Des traces noires maculaient son visage hilare, rougi par le vent. Il riait, ses yeux semblaient jeter des étincelles joyeuses. Il était accompagné par une jeune femme, vêtue de drap bleu, qui ne paraissait pas goûter autant que lui l'automobile.

- Ah Jones, je parlais de vous justement. Je vous présente Mrs Rose Tyler, veuillez lui dire que vous êtes prêt à vous occuper de notre jeune Steven.

- bonjour, Monsieur Jones, dit la jeune femme en lui souriant chaleureusement.

Jones la salua poliment, surpris de la trouver si jeune. En entendant parler d'une nourrice, il s'était imaginé une femme plus âgée. Elle ne paraissait guère plus âgée d'une trentaine d'années. Ses cheveux blonds, dérangés par le vent, étaient serrés dans un lourd chignon, dont les mèches qui s'en échappaient encadraient un visage triangulaire, frais et ouvert. Elle semblait patiente, maternelle et très familière avec le Baron Harkness.

- Mrs Tyler, dit-il poliment, j'ai terminé hier l'organisation de la salle d'étude, ainsi que les préparatifs de sa chambre. Je pense que l'enfant sera très bien ici.

- Lord Harkness m'a parlé de son idée de le mêler à des enfants de différents âges. Pensez-vous vraiment que cela lui sera profitable ?

- Certainement, Madame, je pense que cela lui apportera beaucoup. Est-il déjà au contact avec d'autres enfants ?

- Bien sûr, mais ils sont plus jeunes que lui. C'est la première fois, d'ailleurs que je garde auprès de moi un enfant de plus de quatre ans. J'espère que vous ne le trouverez pas trop enfantin pour son âge.

- Nous verrons cela, dit Harkness, de toute manière, vivre avec des enfants plus vieux que lui le fera mûrir.

- Comment est Steven ? Je veux dire quel est son caractère ?

- Steven est un enfant très confiant, adorable avec les plus jeunes, toujours prêt à jouer avec eux. Il est très sociable. Je lui ai appris à lire et à compter. Malgré son jeune âge, il m'a été d'une grande aide lorsque des petits ont été atteints par la fièvre enfantine. Il les a souvent calmés la nuit et s'est occupé d'eux.

- Hé bien, c'est le portrait d'un enfant idéal que tu nous fais là, dit le lord d'un ton sec, mais penses-tu vraiment qu'il s'adaptera bien ici ?

- Tout ce qui lui manque, c'est une figure paternelle, dit la jeune femme en le regardant droit dans les yeux. Et puis, c'est ton fils, il saura s'adapter.

- Ce n'est pas mon fils, dit-il d'un ton las.

- Tu ne le sais pas, tu as toujours refusé de poser les yeux sur lui. Il te ressemble, sais-tu ?

- Impossible pas avec sa mère...

- Certes, il est plus mat et plus brun que toi, mais on reconnait très bien ton visage. Il est à ton image, c'est ton vivant portrait.

 


Rhea01  (17.10.2010 à 23:07)

Le Lord se durcit visiblement, il le savait qu'il refusait de voir l'enfant. C'étaient ses propres ordres. Il pouvait tout autant être son fils que celui de McNeil. Il ne supportait plus cette idée qui le rongeait depuis la naissance de Steven. Et si ce n'était pas son fils ? Ce serait donc l'enfant de McNeil. Et il ne pourrait lui donner son nom car il ne pouvait s'arroger le droit de retirer l'enfant à sa famille naturelle. Il avait d'ailleurs à plusieurs reprises écrit à la mère de McNeil pour régler le problème du jeune garçon.

S'il était son fils, son cœur le lui dirait, les liens invisibles de l'âme l'avertiraient qu'il faisait une erreur. Cependant il ne pouvait poser les yeux sur le jeune enfant. Même durant le voyage où il venait de ramener Mrs Tyler et Steven au manoir, il n'avait pas pu le regarder vraiment, par peur de voir s'éclaircir ses doutes. McNeil et lui se ressemblaient beaucoup tous les deux, comme deux frères, l'enfant leur ressemblait forcément. Il ne parvenait pas à trouver la force d'écarter ses doutes et déterminer ce qu'il devait faire de l'enfant.

McNeil...

Il laissa Mrs Tyler et Jones discuter à propos des qualités du jeune garçon et de son idée de créer une sorte d'école. Son esprit, à la seule évocation du nom de McNeil venait de s'envoler vers les brumes des montagnes Bengalies. Cet homme l'avait impressionné durablement, passionnément, il garderait son souvenir en lui toute sa vie.

En se rendant en mission de l'autre côté de la montagne, il s'était arrêté à la garnison de la petite ville de Bijni, dans la province d'Assam, avant de continuer son voyage. Il avait demandé à être présenté au colonel de la garnison, chose habituelle dans cette région et à cette époque chaotique. Les bandits étaient actifs depuis des années dans cette région montagneuse.

Un bref "entrez" quand le planton l'avait conduit au bureau du colonel. Celui-ci s'était effacé pour le laisser entrer dans la pièce, au mobilier restreint et utilitaire, une armoire réglementaire, un bureau en bois noir, avec un fauteuil dans lequel un homme écrivait sur un carnet de cuir. Il releva la tête et Jack eut un choc. Il fut comme transpercé par des yeux bleus sombre, comme une nuit étoilée, frappé par des lapis-lazuli dans un écrin de cils brun, longs qui surmontait un nez fin et altier. Il avait un visage extraordinaire taillé au couteau, fin et racé, tanné par le soleil hindou, dans lequel sa bouche gourmande rouge comme mordue semblait appeler les baisers. Un véritable chat birman, élégant, fier.

L'impression générale favorable s'accentua lorsqu'il ouvrit la bouche et l'accueillit. Il avait la voix basse et rauque, prête au feulement. Jack se rappelait du choc dans sa poitrine, de ce pincement au cœur chaque fois que leurs yeux se rencontraient. Ils se ressemblaient, il lui parut être fait du même bois que lui, de la même matière, celle des hommes de caractère.

Jack se souvint de lui avoir souri, d'un sourire enjôleur, qu'il savait lui apporter la sympathie de tous, voire plus encore. Le colonel lui avait souri en retour, un sourire éblouissant avec une pointe de malice retorse qui suggérait qu'il n'était pas aussi corseté par sa mission que ses bottes bien astiquées le laissait entendre.

- Lord Harkness, je présume Colonel McNeil, je suis en charge de cette garnison.

La sécheresse de la conversation était démentie par la douceur de la voix qui sembla caresser les nerfs mis à mal de Jack. Il avait alors tout oublié de sa mission, de son mariage catastrophique, auquel il avait tenté d'échapper en acceptant cette mission - nouer une relation diplomatique avec des dignitaires mongols de l'autre coté de la montagne.

Ses longues mains sèches, brunies par les longs exercices au soleil l'hypnotisaient, alors qu'il songeait à la partition qu'il accepterait volontiers qu'il joue sur sa chair et ses nerfs tendus comme des cordes de guitare. Il ne l'entendait plus. Un raclement de gorge l'avait rappelé à l'ordre et replongé dans les transes de ce regard profond.

- C'est la mousson dans quelques jours, je ne peux pas vous laisser partir dans les montagnes. Vous seriez en danger.

- Vous projetez de me garder, Colonel ? Il n'avait pas pu s'empêcher de rajouter de la gouaille dans sa voix qui avait dérapé en une invite sensuelle auquel McNeil avait daigné répondre d'une manière exceptionnelle.

Jack se rappellerait toujours cette mousson, avec un sentiment d'urgence qui faisait battre son coeur diablement. Il avait vécu 40 jours dans son lit. Une passion fulgurante, dévorante, enivrante, qui les avaient consumés tous les deux dans des étreintes mémorables. Une mémoire chérie, malheureusement teintée de trahison. D'un seul mot, Suzie son épouse avait ébranlé ce fragile phantasme.

Il se rappelait les mots fatals qu'elle lui avait assénés. McNeil, amant de sa femme, père probable de l'enfant dont elle avait accouché. A seulement imaginer l'un et l'autre consumant leur faute, il avait les larmes aux yeux. L'expérience de cette trahison lui arrachait le cœur. Elle le lui avait rendu odieux ce visage, si semblable au sien, ses yeux, si profonds dans lesquels il s'était si souvent plongé, miroir de son âme magnifique.

Malgré tout, il n'avait pu empêcher son cœur de l'aimer, de le chérir profondément et de souffrir de son absence. Il ressentait comme gravé dans sa chair les mots que son épouse lui avait jeté, la sentence qu'elle avait prononcé, Elle le haïssait, son fils n'était pas de son corps. Il avait rejeté l'un et l'autre et tenté d'oublier cette trahison, cette passion. Cela le hantait encore comme une douleur jamais guérie, sans cesse prête à se rouvrir. L'air de mortelle angoisse quand il lui avait parlé, lui avait fait douté qu'il se soit joué de lui, qu'il ait joué avec la passion flamboyante qui les avait saisi tous les deux. L'unique Alec, son double, le seul qu'il ait rencontré dans sa vie déjà bien remplie en d'amoureuses rencontres.

Alec qui ne connaîtra jamais Steven, les horreurs de la guerre l'avait ravi à son affection et son ressentiment. De plus depuis qu'il avait appris sa mort, il éprouvait ces sentiments ambigus entre haine et amour, entre souffrance et amertume. Il aurait aimé encore une fois lui parler, comprendre ce qu'il n'avait pu entendre à cette époque. Il l'avait aimé, il n'avait pu l'oublier aussi facilement qu'il l'aurait voulu.

Il ferma les yeux, comme sous le coup de cette douleur si coutumière malgré les six années qui le séparaient de ces sinistres évènements. Il chancela, aussitôt Jones se tourna vers lui, prêt à le soutenir. Il l'avait observé durant son entretien avec Miss Tyler. Il lui avait semblé le voir pâlir, être singulièrement ailleurs. Quand il avait fermé les yeux, il l'avait cru pris d'un malaise.

 


Rhea01  (17.10.2010 à 23:13)

- tout va bien, Jones, juste un peu de fatigue, rien qui ne requiert vos talents de garde-malade. Je n'ai pas arrêté aujourd'hui.

- vous devriez encore vous reposer Monsieur, après votre...

- insomnie, l'interrompit Jack en roulant des yeux, chassant une larme. Je souffre d'insomnie, depuis que j'ai embauché ce jeune homme, il hante mes rêves de façon incongrue.

Jones leva les yeux au ciel, cachant son embarras derrière une grimace comique.

- vraiment, Monsieur, je croyais que c'était vous qui m'empêchiez de dormir, répondit-il narquoisement, se rappelant de sa première nuit au château.

- vous m'ôtez les mots de la bouche, cher Jones.

Jones eut l'air déconfit, il avait oublié le caractère moqueur et prompt à la réplique du Lord. D'autant que ce genre de réponse était parfois trop ambigu pour lui. Cependant, il commençait à se faire à l'esprit si particulier de son employeur. Tout le monde l'avait prévenu envers le lord, il était flirteur, autant envers le beau sexe et son pendant. Pourtant, il commençait à s'habituer à cet esprit fort libertin. Il préféra mettre de coté la réponse dans laquelle il sentait une question sous-jacente pour se concentrer sur son travail.

Cette attitude tout à son honneur n'avait pourtant qu'un seul résultat, celui d'amuser le lord qui continuait ainsi ses tentatives de subornation. Et Jones avait désormais toutes les peines du monde à ne pas découvrir un sens caché à caractère osé dans chacune des phrases. S'en suivait un jeu qui pouvait durer longtemps, Jones n'ayant pas la moindre envie de figurer sur son tableau de chasse.

Heureux d'avoir troublé ce jeune homme aux yeux de faïence qui lui fournissait un si joli divertissement à ses pensées moroses, il entraîna Rose hors de son bureau. Jones l'entendit parler une dernière fois avant que la porte ne se referme.

- Il a des yeux dans lequel je me noierais volontiers.

- Tu as toujours aussi bon goût, Jack, lui répondit en riant la jeune femme.

Jones leva à nouveau les yeux au ciel. Il ne savait que trop ce que le Lord souhaitait. Pourtant il ne voulait pas s'impliquer dans une telle relation avec son maître. Cela était toujours malvenu et pouvait compromettre ses rêves, partir visiter l'Italie ou la Grèce. Avec les gages mirobolants qu'il lui versait, il était sûr de pouvoir partir là-bas un certain temps, un mois entier sans doute.

Il se reprit alors qu'il commençait à rêver à ce qu'il ferait là-bas, dans les pas de ses philosophes tant chéris. Le Lord lui avait annoncé qu'il rencontrerait Steven aujourd'hui. Avait-il ramené l'enfant dans son automobile ? Pauvre enfant, se dit-il, il sera traumatisé... avec le bruit de ce véhicule incongru.

Il courut à la suite du couple qui s'éloignait en discutant.

Ils se connaissaient visiblement depuis des années et s'appréciaient toujours autant. Jones se rappela ce que Gwen lui avait raconté sur la jeune femme. Jack avait été très proche d'elle à une certaine époque et manqué de l'épouser. Mais cette jeune femme au caractère bien trempé était amoureuse d'un homme, d'un Docteur qui avait disparu du jour au lendemain et elle ne s'en était jamais vraiment remise. Depuis elle travaillait comme nourrice sèche. En compagnie de sa mère Mrs Tyler, elle s'occupait d'enfants à partir de l'âge de six mois jusqu'à l'âge de quatre ans, en dehors de Steven. A cet âge, habituellement les familles qui la payaient pour ce service, venaient reprendre leur rejeton afin de l'éduquer dans les voies de sa famille. Elle avait toujours entre sept et dix enfants qui vivaient chez elle.

Jack aimait cette femme comme sa sœur, ils n'étaient pas toujours d'accord, notamment à propos de Steven. Mais ils se respectaient suffisamment pour passer outre leur différence de point de vue. Harkness lui avait fait parvenir une lettre lui priant de préparer le jeune garçon. Il lui avait expliqué qu'il avait embauché un précepteur et qu'il était prêt à accueillir le garçonnet dans sa nouvelle demeure. Elle avait été surprise autant que ravie de son revirement. Elle lui avait demandé de venir le chercher le 1er Avril. Il était arrivé au volant de sa nouvelle automobile et les avait embarqués tous les deux en direction de Blackwood.

En voyant le garçon, Jack avait frémi, elle s'en été aperçu, l'enfant aussi. Elle lui avait alors proposé de les accompagner afin de permettre à l'enfant auquel elle s'était attachée, de s'habituer à son nouvel environnement. Jack lui avait été reconnaissant car il ne savait pas comment se comporter vis à vis du jeune garçon qu'il avait laissé aux bons soins de Gwen et de Toshiko dès leur arrivée. Elles l'avaient connu nourrisson et lui avaient rendu visite pour le lord avec plaisir.

L'enfant les adorait autant qu'elles l'aimaient. Il était charmant, comme le disait Miss Tyler, un petit visage rond avec un petit nez retroussé, une cascade de boucles brunes cachaient un front pur et des yeux vert clair. Il releva la tête en voyant arriver le trio.

Jack ne posa pas les yeux sur l'enfant qui pourtant lui souriait d'un air timide. Son sourire se figea sur son visage en voyant que l'homme n'osait pas le regarder. Il se tourna vers Rose et lui tendit les bras, comme pour se faire cajoler. Jones, Gwen et Toshiko regardaient la petite scène avec des sentiments mélangés, où la commisération se disputait à la colère. Rose embrassa l'enfant qui se serrait contre elle. Elle fusilla du regard Jack qui durcit son propre visage. Steven ne pouvait pas être son fils, et il se sentait incapable de le regarder.

- Sir, avec tout le respect que je vous dois, fit Gwen d'une voix sifflante, vous pourriez au moins embrasser Steven pour l'accueillir.

- Gwen, dit-il d'une voix menaçante, nous en avons déjà suffisamment parlé.

- je ne le pense pas, répondit la galloise décidément têtue, il...

- Gwen, n'oublie pas à qui tu t'adresse ! Jeta-t-il d'un ton courroucé.

- je ne l'oublie pas, je ne risque pas... vous êtes obtus, voire borné quand vous vous y mettez, mais là, vous vous y allez un peu fort.

- Gwen !

Jones regarda l'enfant qui serrait convulsivement la robe de sa nourrice. Il avait peur, cela se voyait. Ses grands yeux se remplissaient de larmes, qu'il refusait de laisser couler. Mais ce n'était qu'un enfant de six ans, qui arrivait dans une maison inconnue, auprès d'un homme glacial qui visiblement ne souhaitait pas sa présence. Jones sentit son cœur se serrer. A ses yeux, malgré le secret de sa naissance, il lui semblait qu'il ne méritait pas cette froideur. Certes, le Lord n'avait pas le cœur de le reconnaître, mais cela n'était pas une raison pour le faire souffrir de cette manière. Il n'avait pas à supporter cette querelle qui débutait entre Gwen et son maître.

Il s'approcha du jeune garçon qui se cachait dans les bras de Rose, cherchant les caresses, la suppliant de la ramener dans sa maison, auprès de ses petits amis. Il retenait ses pleurs, fièrement, mais sa force nerveuse s'épuisait rapidement en continuant d'entendre les adultes discuter de lui, comme s'il n'existait pas.

Jones s'approcha donc de Rose et Steven et les entraîna dans le petit salon. Les éclats de voix s'entendaient nettement moins dans cette pièce, il les fit assoir sur les coussins moelleux du canapé qui faisait face à la fenêtre donnant sur le parc à l'arrière de la maison.

Malgré la relative fraîcheur de cette première journée d'avril, il ouvrit la fenêtre afin de laisser entrer l'air printanier, le soleil gai et le chant apaisant des oiseaux. Steven se pelotonna contre Rose, retenant de lourds sanglots. Jones se présenta à lui d'un ton doux et pourtant plein d'autorité. L'enfant leva enfin les yeux sur lui et lui sourit faiblement à travers ses larmes. Jones fut étonné de la profondeur de ses yeux verts clairs, tirant sur le gris. Il commença à parler avec lui afin d'évaluer son niveau scolaire en quelques phrases. Rose n'avait pas menti, le jeune garçon paraissait docile, agréable, sans doute un peu nerveux, mais qui ne le serait pas dans une telle situation ?

L'enfant renifla et planta son regard vert d'eau dans les siens. "Incroyable, pensa-t-il, la ressemblance est tout bonnement effarante. Comment le Lord ne s'est-il rendu compte de rien ?" C'est vrai qu'il refusait de le regarder. Cela signifiait qu'il n'avait jamais osé détailler ce regard. Il pensa que cet homme était aussi dur avec lui-même qu'avec cet enfant. Il fallait que cela cesse.

- Steven, veux-tu visiter ta chambre ?

Le garçonnet frémit et se raccrocha à la jeune femme qui lui caressait doucement les cheveux.

- Miss Rose, Pouvez-vous l'accompagner ? Je vais demander à Ewen de vous conduire là-bas ?

- Bien, Mr Jones, puis-je vous demander ce que vous allez faire ?

" Je vais tenter d'ouvrir les yeux à un homme aveuglé par sa propre volonté. Souhaitez-moi bonne chance, voulait-il dire au lieu de cela, il lui répondit.

- je dois parler au Lord, vous m'excusez une minute ?

- bien volontiers.

Il sortit et rejoignit le hall, il heurta Ewen qui à moitié caché dans l'entrée surveillait la querelle qui continuait de s'envenimer entre Gwen, Toshiko et le Lord.

- Ils continuent de se disputer, constata-t-il devant le jeune adolescent longiligne.

- oui, c'est toujours la même chose, fit Ewen, toujours les mêmes reproches... toujours la même histoire.

- tu n'as pas honte d'écouter aux portes, dit-il sévèrement, ses yeux moqueurs démentaient la sévérité du ton. Peux-tu me rendre un service ? Je ne dirais rien à propos de ta proportion à surveiller aux portes.

- oui, m'sieur, dit le gamin monté en graine, sa voix dérapa dans les aigus sous le soulagement.

- emmène Miss Tyler et Master Steven à son appartement. Fais en sorte de le mettre à l'aise. Il est assez impressionné d'être ici.

- surtout s'il entend les horreurs qu'ils se racontent, je ne savais pas que Mrs Gwen pouvait utiliser un tel langage.

- ne t'avise pas de répéter ce que tu as entendu ici, compris ? dit Jones plus menaçant. L'adolescent baissa les yeux et murmura "oui".

- bien, va retrouver Miss Tyler, je te prie. Je vais essayer de les calmer.

 


Rhea01  (17.10.2010 à 23:22)

Il vit Ewen partir en courant et respira lentement. Il fallait qu'il soit calme. Mais l'injustice que vivait Steven l'ulcérait. Le lord avait certes tout pouvoir sur sa maison mais il devait mettre un terme à cette dramatique erreur. Steven était vraiment le fils du Lord, ses yeux ne mentaient pas, une couleur si caractéristique, entre gris et jade, bordés de longs cils fins et longs comme ceux d'une fille. L'enfant semblait timide, timoré même, mais avoir vécu seulement avec des enfants et des femmes depuis sa tendre enfance expliquait sûrement ce trait de caractère.

Cela lui fera sûrement du bien d'avoir une influence masculine plus présente. Il sera certainement plus assuré une fois que son père aura pris conscience de ses devoirs. Cependant la partie ne lui semblait pas si simple. Il fallait que le Lord examine l'enfant. Il comprendrait alors comme tout le monde l'avait compris et voulait le persuader depuis déjà si longtemps.

Comment, lui, le nouvel employé, de cet homme orgueilleux et visiblement mal embouché à entendre la manière dont il remettait en place Gwen, allait-il pouvoir se faire écouter ?

Il l'ignorait, il s'arma de courage et bondit dans l'arène qui présentement occupait le cadre agréable de la salle de bal, où toutes les fenêtres étaient ouvertes pour laisser l'air rafraîchir l'atmosphère sans succès.

Son arrivée brutale mit un frein à la diatribe enflammée de Jack, il s'arrêta et se tourna vers son bibliothécaire qui venait de surgir à ses cotés comme si quelques chose de grave venait d'arriver. A sa grande surprise, il le vit lui dédier un large sourire. Cela était si rare qu'il sentit son propre visage se détendre. Il était incapable de résister à la chaleur de ce sourire, surtout sur un visage qu'il trouvait si avenant.

- Oui, Jones, que se passe-t-il ? demanda-t-il calmement, alors que Gwen et Toshiko restaient surprises par son intrusion dans la violente dispute qui les opposait durement à Jack. Elles tentaient de défendre l'intérêt du jeune garçon, elles se demandaient vraiment ce qu'il venait faire ici. Ce qu'il dit les étonna, puis les ravit.

- je crois que j'ai la solution, dit-il,

- la solution à quel problème ?

- à votre querelle, dit-il en dardant son regard saphir dans le celui de jade étincelant de Jack, lequel resta sans voix, le laissant continuer, si j'ai bien compris la situation, dit-il en se rapprochant de Toshiko et Gwen, vous refusez de regarder si l'enfant est votre fils.

- Steven n'est pas mon fils, je pensais qu'Owen vous l'avait expliqué clairement, fit Jack, s'énervant à nouveau, son visage rougissant sous la colère qu'il peinait à contenir. Il avait horreur de se faire contredire.

- je crains le contraire, je suis désolé, fit le jeune homme en baissant la tête, malheureusement il possède des caractéristiques physiques telles qu'il ne peut qu'être que votre fils.

- allons son père me ressemble comme un frère, vous ne le savait pas, vous ne l'avez pas connu. Mais Gwen et Toshiko le savent bien... il se passa la main sur le visage. Bien qu'elles souhaitent que je reconnaisse cet enfant, il ne serait pour moi que l'incarnation de la trahison de cet homme et de mon épouse.

- je crains que non, Sir, cet enfant est le vôtre, je n'ai pas eu l'honneur de vous connaître à un âge aussi tendre, mais ses yeux, eux ne peuvent pas mentir. Il a exactement les mêmes yeux que vous, cette couleur si particulière. Vous ne pouvez plus vous cacher derrière sa prétendue affiliation pour ne pas le reconnaître, pour vous venger de sa mère. Je suis désolé Monsieur, mais vous êtes son père et il le sait. Il souffre de votre froideur envers lui. Même à six ans, on est capable de voir le mépris chez les gens. Il le sait et je vous adjure de ne pas attendre qu'il ait 21 ans pour vous en découvrir le père. C'est aujourd'hui que vous devez assumer votre paternité. Je sais combien cela vous coûte, ajouta-t-il rapidement alors que le lord le regardait avec des yeux blessés, comme si son chien préféré venait de lui mordre la main, je vous assure vous devriez, rien qu'une fois, déterminer ce que vous devez faire avec lui. Vous ne pouvez pas continuer ainsi, le faire élever ici sans accepter de le voir. Lui refuser tout ce qu'un enfant de cet âge a le droit, l'affection d'un père.

- c'est une bien jolie défense, murmura Jack, mais malheureusement, elle est inutile. J'ai décidé qu'il n'était pas mon fils et ce n'est pas vous qui changerez mon avis.

- certes, certes, fit le jeune homme conciliant, cependant, j'ai lu vos demandes, les requêtes que vous avez envoyé à la famille McNeil. Elle ne souhaite pas non plus reconnaître cet enfant. Désirez-vous réellement qu'il grandisse sans famille ? C'est un sort peu enviable. Tout ce que je vous demande, c'est de penser à cet enfant, pas à sa mère, ni au Colonel McNeil.

- ne prononcez pas son nom, je vous prie, murmura Jack sidéré par la plaidoirie passionnée du jeune homme.

Ses lèvres prononçant le nom de cet homme non moins passionné le troublait plus que de raison, soufflant sa colère comme on mouche une bougie.

- Monsieur, je vous prie de repenser à sa situation, quelle sera sa vie s'il ne peut pas prendre pour modèle son propre père ! Je vous prie, regardez-le et osez lui dire dans les yeux qu'il est le fils d'un autre homme. Vous le lui devez et plus vous attendrez et plus cela deviendra difficile. Je vous l'assure.

Les deux femmes restaient silencieuses tout comme le lord qui regardait ce jeune homme qui osait l'affronter, qui osait aller contre ses ordres, non pour lui même, mais pour l'enfant, sans même le connaitre. Il en conçut un nouveau respect, teinté de colère car il refusait qu'on le contredise. Il le regarda longuement, se perdant dans ses pensées.

- bien ! dit-il enfin, après avoir relâché le jeune homme essoufflé par sa longue diatribe, de l'emprise de son regard glacial.

Il n'ajouta rien d'autre, il partit sans un mot, le visage fermé. Il passa les portes de son manoir et se dirigea vers les écuries, alors qu'ils restaient silencieux. Ils l'entendirent bientôt sortir à cheval, les sabots de Moqueur, son étalon crissèrent sur les graviers de l'allée. Il partit aussitôt au galop en direction de la ville. Gwen osa un soupir, repris par Toshiko. Elles échangèrent un sourire complice. Jones avait l'air complètement dévasté. Il avait parlé avec son cœur, pensant que le lord y aurait été sensible. De toute évidence, cela n'avait rien changé, au contraire cela l'avait poussé à s'enfuir.

Mais qu'espérait-il enfin ? Que le Lord cesse son attitude enfantine et butée pour se jeter dans les bras de Steven ? Et lui un simple employé, pourquoi avait-il ainsi pris la défense du jeune garçon, sans prendre garde à ce qu'il risquait ? Il se mit à trembler rétrospectivement. Le lord aurait parfaitement le droit de le renvoyer après lui avoir dit ce genre de choses.

Gwen se rendit compte de l'état d'esprit dans lequel il se trouvait. Elle le prit par le bras et l'entraîna vers le perron pour qu'il prenne l'air. Il sentit le printemps lui caresser le visage, une caresse bienfaisante qui lui éclaircit l'esprit.

- vous avez eu raison, lui dit Toshiko en lui prenant l'autre bras, c'était très courageux de votre part, d'avoir pris la défense de Steven. Mais vous savez, cela fait six ans que nous argumentons avec Jack et jamais il n'a cédé. Un étranger n'aura pas cette chance, encore que je le regrette.

- je vous ai entendu vous quereller, j'ai cru qu'il fallait que cela cesse, pour le bien-être de Steven. Il ne mérite pas cela.

- je suis d'accord, fit Gwen en lui tapotant l'épaule, il n'a pas à payer pour les erreurs de ses parents quelles qu'elles soient.

- vous savez, c'est vraiment son fils, ils ont les mêmes yeux...

- certes, dit Toshiko, mais tant qu'il refusera de lui prêter attention, il ne le remarquera jamais. Depuis sa maladie, il croit tout ce que lui a dit Suzie. C'est un tort, une erreur mais si profondément ancrée en lui qu'elle a force de loi. Personne n'a pu changer cela. Je suis désolé, il faudra s'habituer. C'est un crève-cœur mais on ne peut rien faire.

- si on pouvait l'attacher sur une chaise, et l'obliger à ouvrir les yeux, dit Gwen, d'un ton songeur, peut-être que...

- ce serait sans doute traumatisant pour les deux, murmura Jones.

- mais ô combien efficace ! C'est comme ça que j'ai eu Rhys.

- Effectivement, dit Jones, d'un ton dubitatif, c'est bien dommage. Mais j'essayerai encore et encore. Vous n'avez jamais baissé les bras, malgré son désaccord, je ferais de même.

- il vous faudra être courageux, mon petit jeune homme, luit dit cavalièrement Gwen, il est plus entêté qu'une mule dans tous les domaines.

- où est-il parti, demanda Jones rêveusement.

- Abergavenny, c'est la ville la plus proche. Il sait qu'il trouvera une compagnie plus docile, qui ne contestera pas ses choix. Cela le réconfortera, croyez-moi.

Jones ne répondit rien, il sentit son cœur se serrer inexplicablement. Il était si seul qu'il cherchait le réconfort dans les tavernes de la petite cité encore une fois. Ce n'était pas la première fois qu'il le voyait partir ainsi et revenir parfois dans un état indescriptible. Il le plaignit sincèrement alors que ses yeux se perdaient dans la contemplation des murs de Blackwood, si ancien et si riche d'histoire. Le vert des champs qui disparaissaient vers les collines, la beauté d'un après-midi printanier à peine souillé par cette vive discussion l'apaisa quelque peu.

Et dire qu'il faudrait sûrement d'autres de ces pénibles discussions pour qu'il se rende compte de sa paternité. Le pauvre, se dit-il en rentrant, suivant les deux femmes qui le trouvaient bien pensif. Il devait sûrement réfléchir à un nouveau moyen d'infléchir la volonté du Lord, moins violente que la solution de Gwen et plus constructive qu'une simple discussion. Les mots ne peuvent pas tout faire, parfois les actes sont nécessaires pour clore une si difficile situation.


Rhea01  (17.10.2010 à 23:27)

Partie deux

Chapitre deux : conversations au coin du feu...

Onze coups avaient sonné depuis longtemps à l'horloge de l'église de Combe-Reine lorsque Lord Harkness revint, ou plutôt lorsque son cheval le ramena au bercail. Il était saoul et comptait bien faire partager cette nouvelle à tous en entonnant un répertoire musical peu digne d'un homme de son rang. On sentait cependant l'influence toute militaire de ses chants. En quelques minutes, la maisonnée fut éveillée. Gwen s'occupa de renvoyer les domestiques trop curieux dans leurs chambres en criant et imposant son autorité. Ils occupaient les logements dans les communs au-dessus de la cuisine, chauffage garanti toute l'année. Rhys descendit avec Owen Harper, tirés de son sommeil par les chansons paillardes que Jack braillait dans la cour intérieure.

- Owen, mon Owen, que je suis content de te voir, l'accueillit Jack avec un grand sourire et une haleine chargée de relents d'alcool.

- Tu es encore dans un de ces états, mon ami, qu'est-ce qui t'a pris ?

- Je suis rentré, je suis gentil, non ? Je ne me suis pas endormi chez Letty.

- Pourtant tu aurais pu, elle a des chambres toujours libres. Tu aurais pu te reposer en charmante compagnie.

- Non ! Non, balbutia le lord en posant un doigt sur sa bouche, geste qui compromit son équilibre instable. Il bascula de sa selle, et tomba dans les bras d'Owen qui s'y attendait.

Il grimaça sous son poids et l'aida à se remettre debout.

- Merci ! lui dit-il, faut que je parle à Jones !

- Dans ton état ?

- Ben oui, pourquoi ? bafouilla-t-il.

- tu ne crains pas que ton prestige en prenne un coup en hurlant ainsi devant le manoir.

- ben, non, fit le lord en ricanant comme un ivrogne et tendant les rênes à Rhys qui cachait mal son rire.

Il entraîna le pauvre Moqueur qui semblait avoir souffert sous la direction d'Harkness. Il marchait la tête basse, épuisé. Jack avait dû lui casser les oreilles pendant tout le trajet de retour.

- Jack, permets-moi de te demander, pourquoi veux-tu voir Jones ? A cette heure, il doit sûrement être couché, réveillé certainement avec le concert que tu viens de donner. Et puis, ce n'est pas l'heure de rendre visite.

- Déjà fait, éructa Jack, ça ne devrait pas l'étonner, crois-moi.

- tu ne pourrais pas être un peu plus discret, lui adjura Owen, tout le monde le sait que tu le trouves à ton gout. A commencer par lui. Mais cela ne t'as jamais effleuré l'esprit qu'il pouvait ne pas partager tes... goûts.

- je le sais, dit-il d'un ton doux, presque triste, mais il m'amuse avec cet air qu'il affecte quand je le taquine. Certes, je suis saoul mais pas au point où la raison bascule. Je souhaiterais le voir pour une toute autre raison.

- ah, voilà ce qui est étrange te connaissant.

- non, je veux lui apprendre le respect. Les propos qu'il m'a tenu tout à l'heure, cela est...

- très peu différent que ceux que nous te tenons depuis des années.

- Bien sûr, mais vous avez acquis ce droit en restant avec moi, malgré les épreuves.

- sauf que tu lui as toi-même octroyé ce droit en me faisant raconter toute ton histoire avec Suzie.

- J'avais peut-être tort finalement, dit le Lord en collant sa tête contre celle d'Owen qui grimaça de dégout, l'odeur de sueur, de vin et de parfums bon marché qui lui collait à la peau le répugnait. Je ne sais pas quoi faire, tout le monde me conjure de revenir sur ma décision. Que dois-je faire ?

- Jack, je suis ton ami et tu sais ce que j'en pense depuis six ans, qu'importe pour moi, si Steven est ton fils ou non. L'important est de le reconnaître, McNeil a disparu depuis un an maintenant. Tu le sais comme moi, Steven a le droit d'avoir une famille et un nom. Tu ne crois pas ?

- Bien tiens, vous vous êtes tous ligués et vous avez même retourné Jones contre moi. Je le croyais honnête !

- Non, il a eu le courage de te donner son opinion, nous ne lui avons rien dicté du tout.

- humm, peut-être, il faut que je réfléchisse à cela. J'évite de le faire depuis si longtemps que c'est comme devenu une seconde nature.

- je le sais, Jack, dit Owen, je t'y encouragerais bien, mais pour l'heure, tu es bien trop pris par l'alcool pour penser droitement. Regarde, tu ne marches même pas droit.

- ça, c'est pour mieux te sentir contre moi, mon enfant.

Il claqua le postérieur d'Owen en ricanant bêtement.

- arrête ça immédiatement, Harkness ! claqua la voix d'Harper en réponse.

- pff, tu n'es pas amusant du tout !

- Évidemment, allez, Sir, se moqua Owen, en s'écartant légèrement de lui, il est temps d'aller au lit.

- Tu vas me border, fit Jack d'une voix enfantine.

- et oui, pour la quatorzième ou quinzième fois de l'année.

Owen soupira tout en l'entraînant vers le perron.

- je suis une véritable plaie pour toi.

- mais non, tu es mon ami, viens...


Rhea01  (19.10.2010 à 00:00)

Jones referma la fenêtre qu'il avait laissée ouverte pour avoir de l'air pendant la nuit. Il s'était couché mais n'avait pas pu s'endormir. Une inquiétude sourde l'avait irrité tout la journée et l'avait tenu en éveil à son coucher. Il se demandait pourquoi il pensait ainsi au Lord. Ses pensées n'arrivaient pas à le quitter, il retournait dans sa tête les paroles qu'il lui avait tenu, jugeant son action terriblement ambitieuse sinon insolente. Il lui semblait avoir outrepassé la confiance que le lord lui avait accordée. Et il venait d'apprendre que cela l'avait vraiment mis en colère qu'il s'oppose à lui. Il se sentait mal à l'aise vis à vis de cette conversation, d'autant qu'il savait qu'il se devrait à nouveau prendre la défense de l'enfant. Il soupira et se recoucha dans son lit douillet, cherchant le sommeil en vain.

Il entendit dans le couloir le remue-ménage que faisaient Jack et Owen. De toute évidence, le Lord n'avait pas la moindre envie d'aller se coucher, même s'il était fatigué et enivré. Jones rabattit ses couvertures au-dessus de lui pour ne pas les entendre. Peine perdue ! Lord Harkness venait de s'arrêter devant sa porte et sa voix entrait librement dans la pièce, retentissante.

- Owen, Owen, laisse-moi lui parler, il a eu raison, je dois lui parler... il faut...

- Demain, Jack, demain, il sera bien temps, pour l'heure tu dois dormir.

- Dr Harper, fit une voix féminine que Jones identifia comme celle de Mrs Tyler, que se passe-t-il ? Oh Jack ! Sa voix devint un peu plus cassante, pas encore !

- Hum, encore, toujours encore, c'est une solution pour oublier !

- Non, Jack, ce n'est pas une solution que de s'enivrer autant.

- Je ne parlais pas de l'alcool, fit Jack d'une voix amusé, je parle du joli couple qui s'est occupé de moi tout à l'heure. Autant de soins, cela permet vraiment de se oxygéner l'esprit. Mon médecin me l'a toujours dit...

- Oh, murmura Tyler.

- Non, je t'enjoins à prendre de l'air et de l'exercice. Mrs Tyler, je vous prie de rejoindre votre chambre, je crains que Jack ne soit pas de très bonne compagnie en ce moment.

- Je comprends, je le connais bien, vous savez.

- Pourtant cela sonne exactement de la même manière pour moi, continua Jack avec un rire hoquetant. J'essayerai bien de convaincre Jones de se joindre à moi... Il gratta à la porte.

- Jack, cesse d'importuner Jones, il dort.

- Avec le vacarme que je fais, j'en doute fortement.

- Allez, Casanova, il faut laisser les honnêtes gens se reposer.

- Qui a dit qu'il était honnête ?

- Toi-même, rétorqua Owen, et puis je l'aime bien celui-ci, ne va pas nous le faire fuir avec tes excentricités habituelles.

- Moi?! mais non, je serais gentil avec lui, je te le promets.

- Je me méfie de tes promesses, Harkness, souvent elles se retournent contre moi. Ce n'est pas toi qui m'as certifié que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ?

- Je ne suis pas assez saoul pour ne pas me rappeler de ce que je t'ai dit.

- Très bien, tu n'auras pas mal à la tête demain, dans ce cas. Cela m'évitera d'avoir à te sédater.

- Pourtant, j'aime tes drogues, elles adoucissent la vie. C'est parfois tellement difficile d'être ... seul

- Voyons, Jack, te voilà sentimental, c'est le signe qu'il faut que tu te reposes. Viens.

Ils s'éloignèrent de la porte de Jones qui entendit bientôt la porte de la chambre de Jack se refermer derrière les deux amis.

Il n'avait pas compris tout ce qu'ils s'étaient dit, sauf qu'il était seul. Quoi, cet homme si séducteur et si riche se plaignait de sa solitude, que devrait-il dire, lui qui se trouvait isolé dans une nouvelle maison, loin de toute famille, fiancée ou amitié. Il n'avait rien, que lui-même pour subvenir à ses besoins quelques qu'ils puissent être. Au moins ce Lord avait sa position, sa fortune, ses amis. Jones se tourna contre le mur et s'endormit sur ces pensées, un peu moroses.


Rhea01  (19.10.2010 à 00:03)

La nuit redevint calme, la maison aussi. Les petits bruits de la nuit reprirent leur empire sur la demeure, oublieuse du retour du lord en ses murs. Jones dormait si bien qu'il crut un rêve en entendant un grattement à sa porte. Il rêvait qu'un animal le poursuivait, une bête énorme, noire, sombre qui le pistait, le poussait à fuir. Il ne savait pas comment s'en sortir, il était apeuré, angoissé et dans son sommeil, ce grattement prenait la dimension d'un bruit énorme, un grattement de bête féroce. Il lui semblait être poursuivi par des créatures qui avaient juré sa mort. Et qui s'amusaient de sa peur. Il percevait dans ce cauchemar une voix qui murmurait « Jones, Ianto Jones, Ianto, viens... laisse-moi te toucher, laisse-moi t'approcher ! »

La bête énorme s'approcha encore de lui de plus en plus proche. Il vit des mains sortir de cette noirceur, de ces ténèbres, des mains longues, fines qui voulaient le toucher. Il hurla, repoussant ces mains qui l'enserraient. Il hurla en se réveillant. Il se sortit de son nid de couvertures qui l'avaient pris au piège. Il tremblait, son corps était couvert de sueurs froides. Il se terra contre le mur, incapable de bouger.

Il avait encore peur, il se sentait souillé par ce cauchemar qui ne lui était pas inconnu. Il écouta le silence de la nuit, son cri ne semblait avoir réveillé personne. Aucun bruit ne troublait la tiédeur nocturne. Il s'apaisa petit à petit, ses mains tremblaient encore et caressaient le bois de son lit pour se calmer. Il suivait les lignes du bois tout en respirant calmement.

Il se calma définitivement en sortant de son lit, il avait les jambes qui s'amollissaient pourtant sous son poids. Il se sentait si faible de subir encore ce cauchemar après toutes ces années. Il se passa de l'eau sur le visage, le nettoyant de cette sueur malsaine. La fraicheur de l'eau lui fit du bien, il but doucement, apaisant sa gorge sèche et douloureuse.

Il posa le front contre la vitre de la fenêtre pour rafraichir ses joues encore brûlantes. Il était encore tôt, la lune n'était pas encore couchée, mais elle atteignait l'est qui commençait seulement à s'éclaircir. Un silence de plomb engluait la maison. Il respira doucement pour chasser une dernière fois l'angoisse qui lui étreignait encore le cœur.

Il se prépara à se recoucher et bondit lorsqu'il entendit à nouveau le grattement qui avait hanté ses rêves. Il se tendit comme un arc. Ce bruit venait de sa porte, comme si quelqu'un cherchait à entrer. Il courut à sa porte et vérifia qu'il avait bien fermé à clé. Sa main tremblait à nouveau, alors qu'il posait sa main sur le panneau de bois. Le grattement s'accentua.

- Qui... Qui est là ? Il tenta de raffermir sa voix, sans succès.

- Votre maître, chantonna la voix d'Harkness derrière la porte, ouvrez-moi.

Jones resta silencieux, il ne souhaitait pas ouvrir, la dernière fois qu'ils s'étaient retrouvé dans cette pièce, cela s'était mal passé pour lui.

- Monsieur, il n'est pas l'heure de rendre des visites.

- Jones, il faut que je vous parle !

- Monsieur, vu l'état dans lequel vous êtes rentré, il y a quelques heures, je doute que ce que vous ayez à me dire soit proprement correct.

Il entendit doucement le rire de Jack Harkness.

- Promis, je resterais correct.

- Vous êtes capable de tenir cette promesse ? fit Jones en souriant malgré lui.

- Ouvrez et vous verrez bien.

- Hum, cela me semble un peu léger.

- Sérieusement Jones, vous allez me laisser ainsi dans le couloir ? Je commence à avoir froid.

- Je comprends, mais vous avez un lit qui vous attend à ce que je sais et ses couvertures vous tiendront bien chaud.

- Je vous ai entendu crier, fit le lord d'une voix concerné, est-ce que tout va bien ?

Ianto ferma les yeux, marri que Jack Harkness l'ait entendu être aux prises avec son cauchemar récurrent. Il posa la main sur le bouton de porte, dont le froid calma le tremblement de ses doigts. Il arriva à répondre fermement.

- Oui, ne vous inquiétez pas, c'était un mauvais rêve.

- Jones, ouvrez, je veux m'assurer que vous allez bien. C'est ma responsabilité !

Jones hésita, l'homme voulait lui parler, il avait une voix si douce, si inquiète pour son sort, qu'il céda. Il ouvrit la porte.

Jack Harkness était en vêtement de nuit, tout comme lui, mais il lui paraissait que ce genre de vêtement lui seyait mieux qu'à lui. Sa longue chemise de nuit flottait autour de son corps musclé. Il était pied nu et semblait frigorifié. Il le fit entrer, il rejoignit l'âtre qu'il ravivât autant pour se donner une contenance que de la chaleur.

Celui-ci détaillait le jeune homme, sa mince silhouette sous la fine étoffe alluma un feu malicieux dans son regard. La lumière de la bougie dessinait des ombres incongrues autour de lui. Jack réprima un sourire en découvrant des formes qu'il trouvait proprement alléchantes. Il était content qu'il lui ait ouvert. Il souhaitait lui parler, lui dire tout ce à quoi il avait pensé au cours de cette journée, tout ce que ses paroles avaient pu déclencher dans son esprit.

Mais le découvrir ainsi en tenue de nuit lui faisait oublier les paroles qu'il avait pourtant bien préparées.

Le jeune homme avait l'air fatigué, hanté, éprouvé par son cauchemar. Ses yeux étaient grand ouverts, avec un zeste d'appréhension qu'il ne pouvait ignorer. Il s'élança vers lui dans un mouvement incontrôlable et lui caressa la joue. Jones se détourna de lui en toute hâte. Il ne voulait pas qu'il le touche. Cela lui rappelait trop son cauchemar. Il se fustigea, c'était une très mauvaise idée de l'avoir laissé entrer dans sa chambre. Il allait recommencer, essayer à nouveau de le suborner. Il paniqua.

Harkness le lut dans son regard, il en conçut un amer désappointement. Le jeune homme lui plaisait assurément, mais il n'avait pas pour habitude de prendre de force ce qu'on lui offrait habituellement de grand cœur. Il lui fallait tout d'abord qu'il lui fasse confiance, qu'il apprenne à pouvoir compter sur lui. Il voulait vraiment que le jeune homme s'attache à lui avant de penser à aller plus loin.

- Excusez-moi, dit-il en prenant place dans le fauteuil de Jones, c'était déplacé et je vous ai promis de me conduire correctement.

Il lui fit signe de s'assoir sur le lit. Il fallait qu'il soit loin de lui, le voir dans cette tenue lui affolait les sens. Cela lui donnait une telle impression de fragilité, qu'il voulait l'aider. Il se mordit les doigts d'avoir exigé d'entrer. L'attrait du jeune homme avait un effet dangereux sur ses sens. Jones se rendit compte qu'il le regardait avec une lueur particulière dans le regard, une lueur qu'il n'aimait pas du tout pour tout ce qu'elle lui rappelait. Il s'assit sur son lit et attrapa la couverture, dont il se couvrit. Harkness sourit en le regardant faire.

- Vous vouliez me parler ? Vous avez insisté pour cela.

- Oui, j'ai réfléchi à ce que vous m'avez dit ce matin à propos de Steven.

- Avant que vous ne partiez pour la ville à fond de train.

- Oui, avant qu'aller chercher un certain réconfort, dit Jack accentuant son sourire qui brilla jusqu'à Jones, éblouissant de blancheur, exsudant sa séduction jusqu'à lui.

Le jeune homme se renfrogna et s'assit en tailleur dans son lit, se recouvrant presque entièrement de sa couverture. Jack soupira et prit la parole.

 


Rhea01  (19.10.2010 à 00:10)

- bien, j'ai réfléchi, vous avez sans doute trouvé les mots justes, ou bien à force d'entendre les arguments de mes amis, une faille s'est ouverte dans mon cœur. Vous avez tous raison. Steven n'est peut-être pas mon fils, mais je ne peux pas laisser cet enfant grandir sans père. Alec... Il marqua une pause, tandis que son regard se perdait dans la contemplation du feu. Il y a autant de chance qu'il soit son fils comme le mien. Je peux lui donner mon nom, cela lui permettra d'avoir une position dans la société.

- qui est Alec pour vous ? Je veux dire, il doit être une personne importante pour vous pour refuser avec cette force de donner votre nom à cet enfant.

- oui. Alec était une personne très importante pour moi.

Jack regarda encore le feu, il lui semblait que le visage de son ancien amant dansait dans les flammes ravivées.

- Était ? murmura Jones, pressentant un malheur.

Jack reporta son attention sur lui, l'air grave.

- oui, était... nous nous sommes connus aux Indes, j'ai vécu auprès de lui des choses extraordinaires. Ce n'était pas un homme ordinaire.

- Oui, Owen m'a raconté ce qu'il a fait pour vous en quelques mots, mais il ne m'a pas dit où il se trouvait maintenant.

- Il est mort, asséna brutalement Lord Harkness, il a disparu dans le golfe d'Aden alors qu'il revenait en Angleterre. Son bateau a été arraisonné par des pirates qui l'ont jeté par le fond. Je me raconte qu'il a dû certainement se battre comme un lion, emporté de nombreux ennemis avec lui, avant de succomber.

- Mon dieu !

- J'ai appris la nouvelle, il y a un an à peine. Je ne l'avais pas revu depuis 6 ans, mais je suis capable de me rappeler le moindre jour de notre relation.

Il étouffa un sourire contrit, se rappelant effectivement les bras d'Alec, sa ferveur dans l'amour, sa violence parfois répondant à la sienne, sa douceur après l'acte quand ils se reposaient ensemble dans la moiteur odorante de ce coin perdu de l'Inde. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait sûrement vécu là les meilleurs moments de son existence, jusqu'aujourd'hui.

Jones le regardait avec de grands yeux lui confesser ainsi sa relation avec un autre homme. Il en conçut un curieux désarroi. Deux hommes pouvaient-ils s'aimer ainsi ? Son imagination s'enflamma sous l'effet d'images indistinctes de l'Inde et de ses fantasmagories.

Il avait très chaud sous son nid de couverture, ses pommettes rougissaient sous la chaleur, cela lui ajoutait une séduction supplémentaire aux yeux de lord Harkness qui abandonna son cher souvenir pour se concentrer sur sa prochaine proie. Car il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour le faire le désirer. Ce serait sans doute un jeu bien plus édifiant que toutes ses précédentes conquêtes qui sous l'effet de sa seule présence tombaient pieds et poings liés dans son lit.

Il aimait qu'on lui résiste finalement, qu'on résiste à ce charme qui était parfois une malédiction. Et pour être résistant, ce gallois était plutôt obtus, il semblait redouter toute tentative de rapprochement au grand dam du Lord et finalement à son grand amusement.

Il allait certainement beaucoup s'amuser à cette chasse. Il se promit de savourer l'hallali comme il se devrait. Mais pour l'heure, Jones le regardait vraiment comme un faon qui aurait perdu père et mère, désemparé, seul et compatissant malgré tout. Il y avait dans son regard comme des étoiles - des larmes ?- son histoire l'avait-il ému à ce point ou bien l'énorme bâillement qu'il tentait de maîtriser en était-il seul la cause ?

Jones reprit la parole, relançant la conversation sur Steven. Il trouvait que le jeune garçon était très docile et sans doute encore un peu trop enfantin.

- Cela lui fera du bien de savoir que vous l'acceptez dans votre famille, je vous prie, dès demain accueillez-le, regardez-le et vous comprendrez tout ce que nous avons tenté de vous dire jusqu'ici.

- Nous verrons cela au petit déjeuner, je l'embrasserais pour lui souhaiter la bienvenue. Cela vous convient-il ?

- Oui, même si je ne devrais rien avoir à vous dire.

- Je sais, vous me l'avez déjà dit, parce que vous êtes un employé. Très bien, je m'inquiète pour vous, à mon tour. Pourquoi hurliez-vous ?

- J'ai fait simplement un mauvais rêve, dit-il embarrassé.

- Un mauvais rêve qui vous arrive souvent, murmura le Lord doucement, Jones baissa la tête tristement. Il avait fait l'expérience de ce rêve trop souvent pour mentir.

- Voulez-vous me le raconter, demanda-t-il d'une voix douce à laquelle le jeune homme ne résista pas. Il restait encore choqué de ce qu'il avait entendu, bouleversé par son cauchemar. Il n'avait jamais eu personne pour en parler, pour raconter ce rêve qui le hantait trop souvent à son goût.

- Je suis dans une forêt sombre, un bois peut-être, et je cours, je fuis. Je sais que je suis poursuivi par quelque chose, un monstre, une bête monstrueuse qui halète derrière moi. Je ne peux me cacher nulle part, elle me traque, je ne sais où aller et elle finit toujours par me rattraper.

Il tremblait en prononçant ces mots qu'il n'avait jamais dit à personne. Le Lord fronça les sourcils mais ne dit rien, ni n'esquissa un geste pour le réconforter. Jones lui en fut reconnaissant.

- je cours, je m'enfuis, j'ai froid, et elle me rattrape, une mare de ténèbres cache la bête que je sens derrière moi. Quand enfin, je lui fais face, elle a des mains qui cherchent à m'entraîner vers elle, à me faire embrasser sa noirceur. Je me réveille souvent à ce moment-là.

 


Rhea01  (19.10.2010 à 00:18)

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