Épisode L'homme flouté S01E10 - The Twilight Zone (2018) Saison 1

Pas mal comme épisode, ça chamboule le scénario, une bonne idée. 

Au départ, tout commence de façon classique un homme (Seth Rogen), un écrivain assis à sa table de travail vit une véritable crise artistique. Il bloque complètement sur son histoire, se plaint de ceux qui cherchent à contrôler son art, quelle tournure donner à son récit ? Son esprit torturé par un véritable blocage, il démarre alors un monologue où il se met à disséquer sur ce qu'est au fond un écrivain. Est-ce que le fait d'écrire de la fiction, de récréer par le biais de l'écrit un monde fait de nous des fraudeurs ? C'est alors que l'horreur se produit, imaginer un monde détruit par un champignon atomique ne se contente plus d'être inscrit sur une feuille, il ouvre les rideaux et découvre que son propre univers est dévasté. Arrive Jordan Peele et son habituel et cynique narration : quelle est la responsabilité d'un artiste face à l'univers qui l'entoure et ... attendez un peu ! Cela ne sonne t-il pas comme une fin d'épisode, ça ?

L'histoire commence à peine et nous voilà déjà dans la dernière ligne droite ? Que se passe t-il, la mécanique habituelle d'un épisode type est bouleversé et ce n'est plus l'acteur ou l'actrice principale de l'histoire qui se retrouve plongé dans la Twilight Zone, mais le spectateur. Plongé dans une mise en abyme.

Jordan Peele n'est plus le narrateur, le voilà qu'il réendosse à la scène suivante son rôle de dirigeant, nous observons en direct son comportement off-screen, demandant à sa scénariste de réécrire son texte, il n'est pas satisfait de la conclusion donnée à cette histoire autour de l'écrivain joué par Seth Rogen et sa narration doit être complètement revue. La cible passe donc de Seth Rogen, au spectateur et va finalement bifurquer vers une victime non-programmée  : Sophie (Zazie Beetz) la scénariste. Le spectateur est chamboulé, cette situation plutôt inédite va nous conduire vers quoi ? 

La malédiction de la Twilight Zone est si puissante, qu'elle aurait la capacité de se détacher du carquant des auteurs même qui l'exploitent depuis des décennies et s'apprête-t-elle à agir librement ? C'est destabilisant, angoissant, mais surtout excitant. Pour une saison qui va tirer sa révérence, cette idée est plutôt ingénieuse.

Sophie était une fan de la Twilight Zone, son amour pour cette série est né de l'épisode "Time Enough at Last" (épisode 8, saison 1), les récits de cette fiction ne se contentaient pas d'être de la science-fiction, ou des légendes urbaines que l'on contait autour d'un feu de camp, la frontière était mince entre vérité et fantaisie, une ligne en pointillée portant sur ses épaules un message à l'attention du spectateur. Ces messages avaient un impact important dans nos esprits et ont nourri un respect à l'égard du créateur suprême Rod Serling. Ici, nous nous immergeons dans les coulisses du Revival qui veut rendre hommage à l'oeuvre originelle et nous observons au travers de cet échange entre Jordan et Sophie, mais aussi durant la scène où elle peine sur son ordinateur à réécrire le dialogue, qu'ils ont également des doutes et des difficultés parfois à être à la hauteur de la première série ; et que pendant que l'ombre de Rod plane au-dessus d'eux, les scénaristes (sous la direction ferme de Jordan) stressent à en faire aussi LEUR série.

Le message fondamental de cet épisode pourrait être celui indiqué dans mon précédent paragraphe. Mais ça n'aurait rien d'angoissant, n'est-ce pas ?

Si Sophie est la cible, donnez-nous un indice. Jordan reprend son rôle, la caméra recommence à tourner, il doit déclamer son texte et il est clair que son monologue n'a tout à coup plus rien à voir avec l'écrivain et son monde post-apocalytique, le texte désigne un "flou"qui s'installe et doit la conduire vers son destin. Ce flou ou silhouette masculine floue, devient un personnage terrifiant à part entière, puisqu'il s'incrusterait dans la série, en arrière-plan, depuis le premier épisode d'après ce que nous indique celle qui est responsable du montage des scènes (oh God, ça mérite de revoir les épisodes pour vérifier ce fait !!). Mais que veut-il, la tuer ? On peut le supposer face à toutes ces scènes de poursuites entre elle et lui à travers les décors de la série. Mais poursuite ou fuite au final, car lorsqu'elle se décide enfin à l'affronter de front, cette silhouette menaçante était Rod Serling lui-même. J'en suis tombée de ma chaise. Il hantait depuis le début tel un spectre le Revival de SA création. Voulait-il s'assurer que l'on respectait bien sa création ou veut-il récupérer son bien ? Non, il vient chambouler la vie de Sophie, changer sa perception et la conduire vers son destin où la réalité plonge dans la spirale de la fiction pour ne faire plus qu'un. Je laisserai donc le mot de la fin à Rod Lui-même :

"Que faisons-nous lorsque notre monde est chamboulé ? Quand tout ce que nous pensions être vrai est arraché, et que nous sommes forcés d'affronter une nouvelle réalité ? Sophie Gelson vient de comprendre que lorsque nous nous écartons des choses enfantines, nous fermons peut-être les yeux au lieu de les ouvrir. Et que notre seul espoir et d'affronter toute la réalité, une multitude de vérités, sans se cacher derrière ce X vital, arrogant, fatal, dominant, au-delà de toute imagination, mais de l'embrasser. S'ouvrir à l'inconnu, non pas à la fin de l'histoire mais à un nouveau départ...pour la Twilight Zone."