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La magie de Merlin

Série : Merlin (2008)
Création : 08.01.2013 à 12h15
Auteur : Vivenef 
Statut : Terminée

« C'est la suite de l'Aube d'Albion et du Choix de Morgane. Arthur acceptera-t-il la magie de Merlin ? » Vivenef 

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 LA MAGIE DE MERLIN

 

 Disclaimer : Merlin n'est pas à moi mais à la BBC

Contexte : post saison 4. C'est le troisième volet de ma saison 5 alternative, après l'Aube d'Albion et le Choix de Morgane.

Résumé::

Après avoir chassé Merlin de Camelot dans un mouvement de rage, Arthur n'arrive pas à se ressaisir.

Persuadé que son plus fidèle ami a essayé de le tuer, malheureux et démoralisé, il semble n'avoir plus de goût pour rien... au point de se désintéresser des affaires du royaume et de l'unification d'Albion.

Guenièvre s'efforce de tenir la barre pour deux mais sent que la situation ne pourra pas s'éterniser.

Elle va tout mettre en œuvre pour tenter de réconcilier Arthur et Merlin...

Réussira-t-elle à convaincre le Roi de se mettre en quête du jeune magicien dans l'espoir qu'ils puissent enfin se réconcilier tous les deux ?

Merlin trouvera-t-il le moyen de convaincre Arthur que la magie est un don et non une malédiction ?

Merci: à tous ceux qui m'ont apporté leur soutien sur cet épisode... et à Choup, grande prêtresse des EV !

 

CHAPITRE 1

 

C'était arrivé en pleine salle du conseil, alors qu'Arthur était assis à la Table Ronde, entouré de tous ses chevaliers.

Jamais le Roi n'aurait pu imaginer ce qui l'attendait ce matin-là.

Jamais il n'aurait cru que ce jour, qui jusque là avait ressemblé à n'importe quel autre, deviendrait soudain celui où le monde s'effondrerait sous ses pieds.

Pourtant, il avait suffi d'un instant pour que tout bascule, irrémédiablement.

Et Arthur n'avait rien vu venir – à aucun moment. Il avait été aveugle, encore une fois.

 

Merlin avait une mine affreuse depuis l'aube, bien sûr. Mais cela n'avait rien d'étonnant. Comment Arthur aurait-il pu imaginer que la triste figure de son serviteur ait quoi que ce soit à voir avec d'obscurs projets d'assassinat qu'il fomentait en secret à son encontre ?

Gaïus venait tout juste de mourir, après tout !

Arthur savait que Merlin considérait Gaïus comme son père et il éprouvait une profonde sympathie pour son ami dans le deuil qui l'affligeait. Il ne se souvenait que trop bien du sentiment de perte qu'il avait ressenti quand son propre père était mort, un an auparavant...

Bien sûr, les circonstances étaient différentes : Uther était décédé des suites des blessures que lui avait infligées un assassin, et des maudits enchantements d'un vieux sorcier fourbe.

Il avait eu une mort terrible.

Gaïus, lui, était parti en paix, pendant son sommeil, ce qui était pour Arthur une grande consolation.

 

Mais le résultat était le même : comme Arthur avant lui, Merlin se sentait maintenant orphelin – privé de la présence rassurante de son mentor et de ses conseils avisés. Et Arthur ne pouvait s'empêcher de sentir son cœur se serrer pour son ami. Il aurait voulu pouvoir trouver les mots pour le réconforter, comme Guenièvre savait si bien le faire, ou, si ce n'était les mots, tout au moins la bonne attitude, comme Gauvain qui semblait avoir l'art et la manière de partager un grand chagrin en s'épanchant dans l'alcool plutôt que dans le verbe.

Mais il avait toujours eu du mal à exprimer ses sentiments, et, une fois de plus, il s'était retrouvé bien ennuyé quand il avait fallu passer à l'action. Il n'avait été capable de donner à Merlin qu'une tape sur l'épaule pour lui faire savoir qu'il partageait sa peine, s'agaçant lui-même de ses piètres talents en matière de communication.

 

 

Pour être honnête, Arthur était plus préoccupé par la perte de Gaïus, et la tristesse de Merlin, que par ce qui se disait au Conseil, au moment où c'était arrivé – même s'il n'en laissait rien paraître parce qu'il avait appris depuis qu'il était Roi à avoir toujours l'air profondément absorbé par ce que lui disaient ses conseillers quand il était en assemblée avec eux.

 

Léon était en train de parler de Bayard, et de la manière dont il réagissait aux négociations concernant la fondation d'Albion, et Arthur l'écoutait d'une oreille distraite; voilà ce dont il se souvenait plus ou moins.

Puis, son univers avait basculé.

Il avait basculé quand Merlin – le serviteur le plus fidèle, le compagnon le plus indispensable qu'il ait jamais eu, son ami de toujours, SON Merlin – avait bondi au-devant de lui la main tendue, en hurlant dans une langue ancienne et effrayante, les yeux changés en brasier ardent, un masque de détermination plaqué sur son visage habituellement inoffensif.

Arthur n'avait pas eu le temps de comprendre quoi que ce soit à ce qui se passait.

Il avait vu l'épée magique voler tout droit vers son cœur, et vaguement compris qu'il était déjà trop tard pour réagir, mais il était plus absorbé par l'or éclatant qui brillait dans les yeux de Merlin que par le danger qui fondait droit sur lui, parce que cet or-là – cet or-là était magique, et Merlin n'était pas un sorcier, n'est-ce pas ?

Arthur avait frôlé la mort de très près.

Mais l'épée meurtrière s'était plantée dans le mur, juste à côté de lui, au lieu d'atteindre son but – alors il avait retrouvé ses esprits, et il avait réalisé pleinement ce qui venait tout juste de se produire.

Merlin l'avait trahi.

Merlin.

Arthur avait senti son esprit se détraquer à cette pensée.

Quelque chose en lui avait rugi : Non, non, pas Merlin.

C'était tout ce qu'il arrivait à se dire en regardant l'expression ahurie de son serviteur bien-aimé qui venait d'essayer de le tuer au vu et au su de tous les chevaliers de Camelot - parce que, des trahisons, il en avait connues – d'innombrables trahisons, Morgane, Guenièvre, Lancelot, Agravain, tous ces êtres qu'il aimait et qui lui avaient planté des couteaux dans le dos, mais à chaque détour du destin, à chaque moment de douleur, à chaque réalisation brutale, Merlin avait été là, là pour le réconforter, pour le secouer, pour l'obliger à regarder vers l'avenir, là pour lui dire qu'il n'était pas qu'un imbécile et qu'il valait quand même quelque chose même s'il était parfois aveugle, là pour se tenir à ses côtés avec ses remarques inutiles et ses plaisanteries même pas drôles, là pour le ramasser à la petite cuiller quand il avait besoin de l'être, pour le nourrir de force quand il refusait de manger et pour voir le meilleur en lui, là, tout simplement, comme seul le meilleur des amis pouvait être là.

Et voilà que Merlin venait d'essayer de le tuer.

Pourquoi ? Qu'avait-il fait pour que Merlin le haïsse au point de vouloir l'embrocher ? Et surtout – depuis quand projetait-il son coup ?

-Sire, dit Merlin, bouleversé, en faisant un pas en avant.

Et il semblait si attentif, si préoccupé ; si Merlin en disant cela, que pour un peu, Arthur aurait presque pu croire qu'il venait de rêver toute la scène : les mots anciens, les yeux dorés, la main tendue, l'épée meurtrière.

Mais il n'était pas aveugle à ce point-là.

Mensonge, pensa-t-il, le cœur brisé de rage et de douleur, en se souvenant des ravissants sourires que Morgane faisait à Uther juste avant de le renverser. Pourquoi les plus talentueux menteurs étaient-ils toujours les plus adorables ? Pourquoi vous donnaient-ils à ce point envie de les croire, à ce point envie de tout leur pardonner ?

Merlin regardait les chevaliers à présent, vaguement indigné, l'expression faussement innocente.

-Non, je n'ai pas... ce n'est pas moi qui... mais enfin, jamais je ne voudrais faire de mal au Roi vous le savez !

Arthur sentit son cœur se fermer sur ces paroles, et ce fut avec un humour sans joie qu'il se dit : n'ai-je pas toujours pensé que tu serais incapable de trouver ton propre arrière-train même si ta vie en dépendait ? Je devrais être satisfait que tu soies aussi peu dégourdi. C'est sans doute à cause de ça que tu n'as pas su me tuer correctement non plus.

-Idiot, cracha-t-il, d'une voix glaciale. Tu as raté ton coup.

Merlin lui adressa un regard meurtri – comme si c'était lui qui était en faute.

Et ce fut à cet instant – à cet instant précis, qu'Arthur décida d'arracher cette fausse innocence de ses traits de menteur pour qu'il montre son vrai visage. Il voulait voir à qui il avait fait confiance, durant toutes ces années, il voulait savoir à quel point il avait été sot et aveugle. Il brandit son épée et il cessa de réfléchir. La rage et la douleur le rendaient à moitié fou. Il pensa : finissons-en puisque c'est ce que tu veux.

Il était certain que Merlin l'attaquerait et il était certain que son épée ne vaudrait pas grand chose contre une incantation, mais pour être honnête, il se moquait de mourir. Il avait l'impression qu'une très grande part de lui-même était déjà morte quelques instants plus tôt – sans doute, la meilleure moitié.

Il arma son bras guerrier et l'abattit de toutes ses forces, remarquant à peine que Merlin n'avait pas bougé d'un pouce et le dévisageait de ses grands yeux bleus – des yeux de biche effrayée, des yeux d'ami malheureux, des yeux de sorcier mensonger. Lorsqu'il s'en aperçut, il sentit sa fureur augmenter d'autant plus; qu'espérait-il donc prouver ? Qu'après avoir été capable d'essayer de le tuer stupidement, il était capable de se laisser tuer tout aussi stupidement ?

Eh bien très bien, puisque c'était ce qu'il voulait !

Mai ensuite, Arthur entendit la voix perçante et terrifiée de Guenièvre et elle jaillit de nulle part pour s'interposer entre lui et sa cible. Il réussit de justesse à éviter de la pourfendre avant de comprendre ce qu'elle fabriquait.

Elle osait protéger Merlin ! Il n'arrivait pas à le croire. N'avait-elle pas vu ce qui s'était passé ?

-Pousse-toi, Guenièvre ! ordonna-t-il d'une voix pleine de rage.

Mais à sa grande surprise, elle lui répondit :

-Non !

Et elle resta où elle était, face à lui, prête à le défier. Elle avait son expression obstinée – celle qui promettait qu'elle ne risquait pas de changer d'avis sur la question, et Arthur ne put s'empêcher de se sentir spolié.

Ses boucles étaient en désordre, les larmes roulaient sur son visage, sa poitrine se soulevait trop rapidement dans son corsage, mais ses yeux étincelaient et sa main agrippait convulsivement celle de Merlin.

Arthur n'arrivait pas à croire, qu'elle soit prête à risquer sa vie pour un assassin doublé d'un imbécile. Et il était clairement outragé de la voir se mettre dans un état pareil pour Merlin. On aurait dit qu'elle cherchait à nouveau à défendre Lancelot ! Elle était sa Reine ! C'était pour lui qu'elle était censée s'inquiéter, crier, pleurer, après qu'il soit passé à deux doigts de la mort !

-C'est un sorcier, hurla-t-il. C'est un sorcier, c'est un menteur, c'est un traître, c'est un idiot, c'est le plus pitoyable assassin de toute l'histoire de Camelot et je vais le tuer sur-place !

-Arthur non ! cria Guenièvre, refusant de le laisser passer.

Il la bouscula pour la dépasser, mais elle s'accrocha à son bras ; il voulut la repousser en arrière, mais il ne voulait pas lui faire mal et il retint ses forces, tandis qu'elle se mit à lutter de toute son énergie pour lui arracher Excalibur. Elle criait : «C'est Merlin, Arthur ! C'est Merlin !» comme si cela voulait encore dire quoi que ce soit. Arthur hurla en retour : «Il vient d'essayer de me tuer !». Mais Guenièvre était diablement plus forte qu'il n'aurait pu l'imaginer et elle réussit à lui arracher son épée, qui tomba sur le sol dans un cliquetis métallique.

Il lui lança un regard brûlant.

Il se sentait plus mortifié qu'il ne l'avait jamais été et il était furieux contre elle.

Sa femme venait de l'humilier devant tous ses chevaliers par deux fois, prouvant que non seulement elle ne s'inquiétait pas de lui, que non seulement, elle n'en faisait qu'à sa tête, mais qu'en prime, elle était prête à se battre avec lui physiquement si nécessaire. Quel sorte de respect était-ce là ?

Elle dut percevoir la colère incontrôlable qui se saisissait de lui, parce qu'elle recula d'un pas, hors d'haleine.

-Ce n'était pas lui, s'exclama-t-elle, d'une toute petite voix., en joignant les mains. Ce n'était pas lui, Arthur, ce n'était pas -

Il se détourna d'elle, délaissant Excalibur, la laissant parler comme bon lui semblait. Peu lui importait; ils règleraient cette question-là ensemble plus tard, sur l'oreiller, si toutefois il était disposé à jamais recommencer à partager son oreiller avec elle. Et il lui expliquerait alors comment il convenait qu'une femme traite son mari, et qu'une Reine traite son Roi.

Il se retourna vers Merlin, reportant sur lui toute sa rage, et il gronda : « traître ! ».

Merlin lui adressa son regard de chien battu et protesta :

-Arthur, je vous jure que -

Arthur lui envoya son poing dans la figure, et ça lui fit du bien.

-Faisons ça à la loyale, si vraiment tu veux te débarrasser de moi, rugit-il. Sois un homme pour une fois Merlin ! Utilise tes poings  !

Il frappa une seconde, puis, une troisième fois. Trahi, trahi, trahi, répétait la petite voix sourde qui pulsait en lui. Il voulait que Merlin se batte. Il voulait sentir ses poings, éprouver physiquement la morsure de sa haine. Tout plutôt que le mensonge de cette innocence à laquelle il ne croyait plus. Bas les masques. Que la vérité éclate.

-Qu'attends-tu pour répliquer, Merlin? Vas-y ! Fais ce que tu projettes de faire depuis... combien de temps maintenant ? Un mois, un an, dix ans ? Utilise un autre de tes maudits sortilèges pour en finir avec moi, et ne me rate pas, cette fois, espèce d'idiot ! Tue-moi ! Tue-moi puisque c'est ce que tu veux, comme tous les autres sorciers ! Te débarrasser du Roi de Camelot, du Roi des imbéciles, qui prend ses ennemis pour ses amis  !

Arthur cognait, de toutes ses forces, pour faire jaillir la vérité. Il ne voyait plus rien ; ses yeux étaient embués. Il avait mal aux poings, il avait mal au cœur. Il ne comprenait pas pourquoi il n'était pas encore mort. Et puis, soudain, il sentit des rondeurs et des courbes sous ses poings serrés à la place des angles osseux du corps de Merlin et il se figea, sous le choc. Il venait de frapper Guenièvre. Elle s'était encore interposée. Il n'arrivait pas à le croire. Elle était en larmes, mais elle tendit les mains pour le faire reculer, et il s'écarta, envahi par la honte.

Il avait honte d'avoir levé la main sur elle. Il avait honte de l'avoir fait pleurer. Mais aussi, pourquoi fallait-il qu'elle vienne se mêler de ce qui ne la regardait pas ?

-Arthur ! appela-t-elle, implorante.

Il essaya de l'écarter, à nouveau, sans la blesser, mais elle ne se laissa pas faire.

-Il y a une explication, il y a forcément une explication. Je ne peux pas vous laisser tuer Merlin. Arthur, je vous en prie. Ce n'était pas lui. Il n'a pas essayé de vous tuer, il n'aurait jamais fait ça, il vous aime beaucoup trop.

Elle essaya de le toucher, avec délicatesse, mais il recula, parce qu'il avait l'impression que sa douceur le brûlait. Il regarda Merlin, qui était à terre, haletant, le visage en sang, le regard défait.

Ses grands yeux bleus étaient trempés et des larmes brûlantes roulaient sur ses joues meurtries.

Et l'espace d'un instant, Arthur sentit son cœur chavirer à la pensée qu'il venait de battre son Merlin, ce garçon toujours gentil, enthousiaste et maladroit qui avait en lui une confiance inébranlable et qui l'aurait suivi jusqu'au bout du monde. Sauf quue – ce Merlin-là n'existait pas, n'existait plus. Ce Merlin-là était un mensonge et le véritable Merlin était, non seulement un sorcier, mais un assassin.

-Tout le monde l'a vu !

-Non, ce n'était pas lui ! s'écria farouchement Guenièvre.

-C'est un sorcier et un menteur, rugit Arthur.

Il ne s'attendait pas à voir Gauvain se placer aux côtés de Guenièvre, entre lui et Merlin, avec une expression incertaine sur le visage. Merlin avait-il donc tant d'amis à la Cour de Camelot, et lui, si peu, alors qu'il en était le Roi ?

-La Reine a raison, Arthur ; il doit forcément y avoir une explication, dit le chevalier d'un ton hésitant.

Arthur regarda son traître de serviteur, qui malgré sa forfaiture réussissait à lui voler l'allégeance de sa femme et de l'un de ses meilleurs chevaliers. Il essayait de parler, mais sa bouche était pleine de sang. Quand il réussit à trouver sa voix, elle ne filtra qu'à grand peine à travers ses lèvres tuméfiées.

-Pardonnez-moi, Sire, dit-il. J'aurais voulu, je voulais, j'essayais de... vous auriez dû l'apprendre autrement mais je n'ai pas trouvé le moment de...

Il admet.

Arthur crut qu'il allait perdre la tête. Il sentit, que si Merlin restait là, ne serait-ce qu'une seconde de plus, il le tuerait vraiment. Peut-être qu'une part de lui ne pouvait pas s'y résoudre. Peut-être fut-ce pourquoi il hurla :

-Hors de ma vue.

-Je ne veux pas vous quitter, protesta Merlin, d'une voix pitoyable. Quoique vous puissiez croire... je suis toujours votre serviteur.

-Depuis combien de temps me mens-tu, depuis combien de temps joues-tu les idiots en attendant l'heure de me poignarder dans le dos avec ta magie comme l'a fait Morgane ? Quand je pense... que je te faisais confiance ! Hors de ma vue et de mon royaume à jamais ou je te tuerai !

Arthur joignit le geste à la parole, et se retrouva devant Gauvain, qui lui barrait la route. Son chevalier le contint en l'entourant avec ses bras, comme s'il était un enfant qui risquait de se blesser lui-même, décuplant sa rage. Il lutta furieusement mais Gauvain était déterminé à l'empêcher d'arriver jusqu'à Merlin.

Arthur entendit Guenièvre crier :

-Va-t'en, Merlin ! Va-t'en ! Cours !

Et à son grand soulagement, Merlin, sortant de sa torpeur, finit par lui obéir, disparaissant enfin de sa vue, emportant avec lui l'envie de tuer qui tenaillait Arthur.

Au moment où son serviteur en fuite passait la porte de la salle, le Roi terrassé sentit ses jambes le lâcher, la douleur le submerger, et ses propres larmes, inonder son visage, si brutalement que ce fut comme si c'était lui qui venait tout juste d'être roué de coups. En pensée, il revoyait tous les souvenirs où Merlin était présent, et il se rendait compte que Merlin faisait partie de tous ses souvenirs. Le vide qu'il ressentait à la place qu'avait prise dans son cœur cet ami toujours présent était insupportable. Il savait qu'il ne se relèverait pas de la morsure de cette trahison-là.

Il sentit les bras aimants de Guenièvre se refermer sur lui pour le sauver, et il enfouit son visage contre son épaule pour cacher ses sanglots. Elle le recouvrit des boucles de ses cheveux, et elle le serra, fort, comme il avait besoin de l'être, dans une étreinte farouche et protectrice.

Mais au-dessus de sa tête, il l'entendit s'exclamer :

-Laissez-le quitter Camelot en paix ! Si vous le touchez, vous aurez à en répondre devant moi !

Et il sut que même maintenant, alors qu'elle le voyait à terre, elle se souciait encore de Merlin plus que de lui.

Ensuite il n'entendit plus rien, parce qu'il était assourdi par le son de ses propres pleurs.

Ses larmes coulaient parce qu'il savait que le monde avait basculé, et que tout était changé pour toujours...

 

 


Vivenef  (08.01.2013 à 12:30)

CHAPITRE 2

 

Arthur détestait se donner en spectacle. Il avait appris à contrôler ses sentiments, pas à les étaler publiquement. Toute sa vie, il s'était répété qu'il devait savoir faire preuve de dignité et de sang froid dans toutes les situations. Et pourtant, il venait de s'effondrer en larmes dans les bras de sa femme sous les yeux de tous ses chevaliers comme s'il était un enfant – et non le Roi de Camelot.

Quand il s'aperçut de l'image qu'il devait offrir, la honte le terrassa. Il se raidit, se dégagea brutalement de l'étreinte de Guenièvre, et se redressa pour s'apercevoir que ses hommes formaient autour de lui un cercle étroit et protecteur.

Il vit la compassion et l'incrédulité dans leurs regards et il se sentit incapable d'affronter leur sympathie. Il n'avait qu'une seule envie : quitter la salle du conseil et partir s'enfermer dans ses appartements.

Une petite voix, en lui, lui soufflait qu'il s'agissait là d'une réaction puérile, mais se traîner jusqu'à son lit pour se laisser aller à la douleur qui le brisait loin de tout témoin indésirable était la seule chose à laquelle il pouvait aspirer dans la situation présente.

Qu'on me laisse en paix.

-Sire, dit Léon, en faisant un pas vers lui. Que voulez-vous que nous fassions ? Devons-nous rattraper Merlin et le mettre aux arrêts ?

Arthur cligna des yeux face au plus ancien de ses chevaliers qui le dévisageait, dans l'expectative, puis, son regard glissa instinctivement vers Guenièvre, dont les grands yeux noirs l'imploraient en silence : non. Gauvain se tenait aux côtés de la Reine, une expression alarmée sur ses traits, les poings légèrement serrés.

Tous les autres chevaliers – dont Elyan, Perceval, et Solel – semblaient attendre qu'il donne confirmation de cette décision comme si c'était la seule à prendre.

Arthur savait qu'il aurait dû donner cet ordre. C'était ce que son père aurait fait. C'était ce que n'importe quel Roi digne de ce nom aurait fait. C'était ce qu'il était logique de faire.

Merlin était un assassin et un sorcier et il ne méritait pas d'autre sort.

Mais si Arthur aurait pu étrangler Merlin à mains nues, l'embrocher vivant ou le tuer à force de coups sur la tête dans la rage qui s'était saisie de lui tout à l'heure - alors qu'il était bouleversé et hors de lui-même – il était incapable d'imaginer Merlin – son Merlin - pourchassé, arrêté et brûlé, même en sachant qu'il était un traître et un imposteur.

Il ne pouvait pas ordonner la mort de Melin de sang froid parce que la simple pensée de Merlin lié sur le bûcher le rendait malade.

Il aurait été tout autant incapable de souhaiter une telle fin à Morgane, malgré tout le mal qu'elle avait pu faire, et cela faisait peut-être de lui un Roi faible, mais, ainsi soit-il – il ne pouvait pas.

Il regarda Léon, et il dit d'une voix qu'il espérait ferme :

-Merlin est un traître. Il est banni de Camelot sous peine de mort et je ne veux plus jamais entendre prononcer son nom.

Puis, il sortit du cercle de ses hommes, et se dirigea vers la porte comme un somnambule.

Guenièvre eut la décence de ne pas le suivre, mais Solel lui emboîta le pas en l'appelant :

-Sire ?

Arthur se retourna vers lui et s'aperçut que d'autres chevaliers l'avaient suivi ; parmi lesquels Léon, Elyan, et Perceval. Ils le couvaient d'un regard inquiet comme s'ils avaient la ferme intention de rester avec lui.

-Je souhaite me retirer seul, les informa-t-il.

Puis il ajouta :

-Le conseil n'est pas encore terminé.

-Il peut être reporté, Sire, protesta Léon. Etant donné la situation...

-Non, répondit Arthur. Certaines choses ne peuvent attendre. Des décisions doivent être prises.

-Sans vous ?

Léon avait une expression incrédule sur le visage.

-Que la Reine s'en charge, lâcha-t-il.

Il vit Guenièvre lui adresser un regard heurté, mais il fuit le contact visuel avec elle. Si elle avait assez de caractère pour s'opposer à lui comme elle l'avait fait tout à l'heure, elle était certainement capable, aussi, de le remplacer à la tête du conseil. Et Albion était le projet de Guenièvre autant que le sien. Qu'elle reste – et qu'elle décide.

Arthur passa la porte, et rejoignit ses appartements à l'aveugle.

Arrivé à l'intérieur, il verrouilla la porte à double tour, et s'étendit sur son lit.

Ensuite, il resta là, la tête vide, à fixer le plafond pendant des heures.

 

*

Le jour céda la place à la nuit.

Guenièvre tambourina à sa porte en le suppliant d'ouvrir, mais il ne lui répondit pas.

Un serviteur tambourina à sa porte, en le suppliant de prendre son dîner, mais il l'ignora tout autant, parce qu'il n'avait pas faim.

Guenièvre se présenta à nouveau, bien sûr – elle n'allait pas renoncer si facilement. Elle commença par insister pour qu'il mange, puis, elle lui demanda où elle était censée dormir s'il refusait de la laisser entrer dans leur chambre.

Mais ce n'était pas précisément comme si le château manquait de chambres libres, n'est-ce pas ?

Et il ne pouvait pas lui faire face, pas maintenant – il n'en avait pas la force.

Guenièvre finit par renoncer, et Arthur se laissa engloutir par l'obscurité, ses yeux grands ouverts fixés sur le plafond.

Il resta sans bouger ni dormir jusqu'au moment où un nouveau jour se leva.

Le serviteur chargé de lui porter son petit déjeuner frappa à la porte.

Arthur le congédia en lui criant de laisser le plateau dans le couloir : il n'avait envie de voir personne, encore moins un intrus.

Quand les pas du domestique se furent éloignés, le Roi se traîna jusqu'à la porte, ramassa le plateau-repas sous les yeux médusés de ses gardes qui n'étaient certes pas habitués à le voir si mal coiffé au réveil puis se renferma aussitôt dans ses appartements à double tour.

Il mangea sans appétit, en se rappelant de tous ces innombrables matins où il s'était réveillé au son de la voix de Merlin.

Leur rituel matinal était un des moments préférés d'Arthur et un repère qu'il n'aurait jamais pensé voir disparaître.

Merlin ouvrait les rideaux en claironnant : «Debout les morts !», Arthur enfouissait sa tête sous l'oreiller pour fuir la cruelle lumière du jour. Merlin grimpait sur le lit pour le tirer de son nid de draps douillets, Arthur luttait pour s'accrocher au lit. Merlin réussissait à l'entraîner de force loin de sa couette, Arthur finissait par-terre, sur les dalles trop froides, qui le décidaient finalement à se lever.

Arthur lançait à Merlin un déluge de reproches et de noms d'oiseaux pour se venger de ses méthodes expéditives. Merlin lui répondait du tac au tac avec sa vivacité d'esprit et son humour habituels et le jeu des répliques commençait. Quelque part au milieu du ballet de leur joute verbale, du petit déjeuner toujours mal préparé et des investigations furieuses de Merlin dans l'armoire, Arthur se détendait en s'exerçant au tir sur cible mobile mais ratait systématiquement son coup parce que Merlin était très doué pour éviter les projectiles.

Et voilà comment, en moins de dix minutes, Arthur se sentait armé pour revêtir ses fonctions de Roi et entamer sa journée avec entrain.

Merlin était la seule personne au monde à pouvoir accomplir un tel miracle avec lui. Merlin qui était un sorcier et qui avait essayé de le tuer.

Arthur n'avait plus envie de rien, et certainement pas de se lever pour affronter une autre journée en tant que Roi.

Lorsque Guenièvre vint lui parler à la porte, il ferma ses oreilles et mit les draps sur sa tête.

 

 

*

 

Trois jours plus tard, les plateaux repas s'accumulaient sur la table d'Arthur, ses vêtements traînaient en vrac partout dans sa chambre et des moutons de poussière s'accrochaient à tous ses placards.

Guenièvre, Léon, et Jean-Charles (c'était le nom qui venait spontanément à l'esprit d'Arthur pour évoquer le remplaçant de Merlin) continuaient à se présenter régulièrement à sa porte à tour de rôle, mais il n'était pas le moins du monde prêt à ouvrir à qui que ce soit.

Il fit une tentative avec Jean-Charles, à un moment donné, parce que l'état de sa chambre devenait franchement désastreux; mais rien que la vue du valet l'exaspéra à tel point qu'il regretta presque aussitôt de l'avoir fait entrer, et ensuite, les choses dégénérèrent.

Jean-Charles l'agressa avec une tasse de tisane si chaude qu'elle lui brûla la langue, ce qui lui rappela que son précédent serviteur avait lui aussi essayé de le tuer.

Arthur perdit toute emprise sur lui-même et menaça de le faire passer par la fenêtre, joignant aussitôt le geste à la parole.

Mais à l'un ou l'autre moment, Jean-Charles réussit à lui glisser entre les doigts et à fuir à toutes jambes.

Arthur le poursuivit jusqu'à la porte, mais il n'escomptait pas continuer sa course au-delà.

Au moment où il atteignait le seuil, il vit Guenièvre, qui avait dû être alertée par les cris, arriver vers lui en courant, l'air déterminée à saisir enfin l'occasion de lui parler.

Il eut à peine le temps de claquer la porte et de fermer le verrou.

S'il avait eu de moins bons réflexes, elle aurait eu le temps de glisser son pied dans l'interstice pour l'empêcher de se calfeutrer dans son antre et il aurait été obligé d'affronter une vraie discussion.

Cette expérience effrayante le persuada de ne plus laisser entrer le moindre serviteur dans ses appartements, quand bien même ils prétexteraient être venus pour faire le ménage.

N'arrivant pas à croire au désastre qu'il venait tout juste d'éviter, Arthur Pendragon, Roi de Camelot, se laissa tomber sur son lit et revint à ce qui l'absorbait précédemment : contempler, avec les lignes du plafond, le désastre qu'était devenu sa vie, et tenter de comprendre les raisons pour lesquelles son serviteur, son compagnon, son Merlin, avait un beau jour décidé de se changer en sorcier maléfique et d'utiliser la magie pour l'assassiner.

 

 


Vivenef  (15.01.2013 à 01:43)

 

CHAPITRE 3

 

Cela faisait cinq jours. Cinq jours interminables. Cinq jours de torture pour Gwen qui n'en pouvait plus d'être ignorée par Arthur et de se faire du souci pour Merlin qui n'avait pas donné la moindre nouvelle.

Ce matin, son mari lui avait claqué la porte au nez après avoir menacé de faire passer ce pauvre Georges par la fenêtre.

Elle avait eu l'impression d'être une lamia sous sa forme la plus tentaculaire, et non son épouse bien-aimée, à en juger par la manière dont il l'avait regardée juste avant de se jeter sur cette fichue porte pour se barricader à l'intérieur de sa chambre.

C'était la première fois que Gwen voyait le visage d'Arthur depuis cet affreux incident dans la salle du conseil, et il n'avait pas daigné lui adresser la parole une seule fois.

Merlin ne valait pas beaucoup mieux : Gwen n'avait pas entendu parler de lui depuis qu'il avait fui à toutes jambes.

En désespoir de cause, elle lui avait écrit une lettre, qu'elle avait laissée dans les appartements de Gaïus, dans l'espoir qu'il y reviendrait sous couvert de sa magie.

Mais la dernière fois qu'elle y était déscendue, sa lettre n'avait pas bougé et rien n'indiquait qu'elle ait été lue.

Merlin allait-il jamais revenir ?

Allait-elle jamais le revoir ?

Elle s'inquiétait tellement pour lui qu'elle était incapable d'en trouver le sommeil.

La dernière fois qu'elle l'avait vu, il avait le visage en sang et l'air d'être sur le point de tomber en morceaux. Elle se souvenait des larmes brûlantes qui coulaient sur ses joues et elle sentait son estomac se retourner.

Elle aurait été dans le même état si Arthur l'avait passée à tabac avant de la chasser pour toujours. Elle ne se souvenait que trop bien de l'état dans lequel elle était après qu'Arthur l'ait chassée pour toujours. C'était tout juste si elle arrivait à aligner deux pas, alors qu'il n'avait pas une seule fois levé la main sur elle. Comment se serait-elle sentie s'il l'avait rouée de coups avant de lui dire de disparaître ?

Pauvre Merlin.

Gwen en était malade.

Elle en était malade parce qu'elle savait parfaitement - bien que Merlin ne soit pas une fille – qu'il avait le cœur au moins aussi sensible que celui de n'importe quelle fille, d'autant plus lorsqu'il s'agissait d'Arthur, qu'il aimait aveuglément et pour qui il s'inquiétait constamment.

Gwen avait partagé, au cours de ces trois derniers mois, son grand secret et son angoisse, quasi viscérale, qu'Arthur soit incapable de l'accepter avec sa magie.

Il avait tellement peur d'être rejeté s'il disait la vérité !

Elle avait fait tout ce qu'elle pouvait pour le rassurer, pour lui donner du courage. Pour le pousser à sortir de son silence et à parler. Elle se souvenait d'avoir passé des nuits blanches à lui répéter :

-Merlin, Arthur doit apprendre la vérité, de ta bouche, et il doit l'apprendre maintenant. Plus tu attendras et plus il sera difficile pour toi de lui parler...

-Mais je ne peux pas, Gwen, venait la réponse plaintive. Je ne sais vraiment pas comment faire.

Merlin, bien sûr, ne lui avait pas tout dit concernant ses pouvoirs ; mais Gwen pensait à part elle que, bien qu'il ait toujours cherché à faire de son mieux avec sa magie, il devait parfois avoir commis des erreurs, qui pesaient sur sa conscience, et qui rendaient son grand aveu encore plus difficile.

Elle lui avait souvent dit qu'elle n'avait pas besoin de tout savoir ; mais il semblait que, quand il envisageait de parler à Arthur, il ne se voyait pas faire autrement que de tout lui raconter tout dans les plus détails.

Elle avait eu beau lui répéter le vieil adage : l'erreur est humaine, il n'avait rien voulu écouter.

-Ca prendrait des heures, gémissait-il, en prenant sa tête entre ses mains. Je ne saurais même pas par où commencer !

Elle avait abandonné bien des fois ce long débat en plein milieu.

Le plus souvent, elle interrompait la discussion quand ils commençaient à tourner en rond... en demandant à Merlin d'utiliser sa magie pour elle, parce qu'elle savait bien que c'était la seule chose qui le réconforterait.

Elle le sollicitait fréquemment pour le bien-être du peuple Camelot, parce qu'elle savait qu'il aimait utiliser ses dons pour rendre service. Elle ne voyait pas pourquoi elle se serait privée de ses services en tant que Reine, quand ils étaient à ce point utiles. Ils avaient accompli de très bonnes choses ensemble. Notamment, améliorer la logistique, résoudre des problèmes de santé publique et réparer des dégâts matériels. C'était positif pour le royaume.

Et puis, c'était sa manière à elle de montrer à Merlin qu'elle l'acceptait pleinement tel qu'il était.

Après qu'ils aient travaillé ensemble, il la regardait toujours avec gratitude.

C'était sa manière à lui de lui montrer qu'il lui était reconnaissant de l'accepter.

Leurs activités secrètes les avaient beaucoup rapprochés.

Et lorsque Gaïus était mort, Gwen s'était inquiétée pour Merlin, parce qu'elle savait combien il aimait Gaïus.

Et ensuite...

Ensuite, s'était produite cette horrible scène où elle avait cru perdre Merlin pour toujours - et perdre aussi Arthur dans la foulée, quoique différemment. Elle n'aurait jamais pensé devoir se battre un jour contre son mari pour éviter qu'il ne pourfende leur ami le plus proche. Elle ne savait même pas comment elle avait trouvé la force de lui arracher cette maudite épée.

Et maintenant, Arthur ne lui adressait plus la parole, et Merlin était... Dieu seul savait où.

Et probablement dans le même état qu'elle après qu'elle ait été exilée pour son aventure avec Lancelot.

Pour la troisième fois de la soirée, Gwen déscendit dans les appartements de Gaïus pour vérifier que sa lettre n'avait pas été manipulée, s'éclairant à la lumière d'une chandelle.

Elle avait le cœur en vrac et les mains moites.

Elle alla directement au grimoire, et trouva la lettre coincée à l'intérieur.

La déception l'envahit, amère et brûlante.

Puis, en y regardant de plus près, elle constata, le cœur battant, que la lettre qui se trouvait là était écrite sur un morceau de parchemin bien plus grossier que celui qu'elle avait utilisé.

Ce fut alors qu'elle réalisa que ce n'était pas sa lettre.

Merlin lui avait répondu.

Elle se jeta sur la missive, le cœur battant, et ses yeux s'embuèrent avant même qu'elle ne commence à lire.

 

Gwen,

 

Je vous ai enchantés, toi et Arthur, pour que vous soyiez protégés de toutes les attaques magiques directes à votre encontre, de cette manière, le sorcier qui a essayé d'attenter à sa vie ne pourra vous faire aucun mal.

Je n'ai pas réussi à découvrir de qui il s'agissait, j'ai été pris au dépourvu et je n'ai pas senti d'où venait l'attaque.

Je reste en alerte pour surveiller Camelot et ses alentours et tu peux compter sur moi pour veiller sur vous tous à distance.

 

Ne te fâche pas avec Arthur à cause de moi, ça ne servirait à rien, et je sais qu'il a vraiment besoin de toi à ses côtés en ce moment.

Je ne veux pas que tu lui dises que tu étais au courant pour ma magie, et je préfère que tu ne communiques plus avec moi sauf en cas d'urgence, car s'il venait à l'apprendre, c'est toi qui aurais des problèmes.

Néanmoins, si tu devais vraiment me faire passer un message, prononce trois fois mon nom et dépose ta lettre ici, je t'entendrai et je viendrai la chercher.

 

Occupe-toi d'Arthur comme tu peux en attendant qu'il décide de reconsidérer son opinion à mon sujet, s'il le fait jamais.

Et surtout n'oublie pas : il aime prendre deux sucres dans sa tisane, son huile de bain préférée est parfumée à la lavande, et il se gave de pâtés en croûte quand il est déprimé ,mais il faut essayer de le rationner parce qu'il ne sera pas content s'il commence à grossir.

 

PS : s'il devient trop insupportable, la meilleure méthode pour l'adoucir est de lui rappeler qu'il se comporte comme un crétin.

 

PPS : s'il te plaît explique à Gauvain ce qui s'est passé dans la salle du conseil et dis-lui que je vais bien. Je ne veux surtout pas qu'il parte à ma recherche ni qu'il se fasse du souci pour moi.

 

PPSS : merci de ne pas avoir douté de moi une seule seconde, je ne sais pas ce qui serait arrivé si tu n'avais pas été là.

 

Et s'il te plaît, brûle cette lettre dès que tu auras terminé de la lire,

M.

 

Gwen prit un moment à sécher ses larmes après avoir lu la dernière ligne.

Elle pleurait, en grande partie, à cause des pâtés en croûte.

Non pas qu'ils soient affligeants en eux-mêmes, Gwen appréciait beaucoup d'en manger. Mais il n'y avait bien que Merlin pour penser au plat préféré d'Arthur ou à son régime même après que celui-ci ait failli le tuer en le rouant de coups, et c'était cette prévenance naturelle qui la faisait pleurer. Merlin les aimait. Arthur, elle, les habitants de Camelot – Gauvain...

Et Merlin – leur manquait – manquait à Arthur, à Camelot, lui manquait.

Je veux qu'il revienne, pensa-t-elle, avec obstination, ses larmes rajoutant sur le papier de nouvelles tâches à celles que son ami avait faites tandis qu'il écrivait.

Quand Merlin n'était pas là, tout se détraquait: le Roi n'était plus le Roi, son mari n'était plus son mari et les choses... la vie... était moins... lumineuse.

Si seulement Arthur n'avait pas eu ce caractère de cochon, si seulement il n'avait pas refusé de lui parler.

Combien de temps comptait-il encore rester terré dans sa tanière à lécher ses plaies ?

Gwen prit une profonde inspiration.

Elle avait envie de répondre, mais Merlin lui avait demandé de ne pas le faire.

Elle comprenait pourquoi. Elle savait qu'il ne voulait pas se mettre entre Arthur et elle. Mais bon sang, il y était – même lorsqu'il était absent – parce que c'était ainsi que les choses fonctionnaient entre eux trois. C'était leur manière d'être, leur équilibre.

Quel bien croyait-il faire en s'effaçant ainsi ?

Elle considéra ses options, essayant de garder la tête froide.

Très bien, elle ne répondrait pas à cette fichue lettre.

Mais du diable si elle entendait la brûler.

Elle la plia soigneusement et la rangea dans son porte-monnaie – un porte-monnaie qui datait de l'époque où elle n'était encore que Gwen, la fille du forgeron, et non la Reine Guenièvre.

Ceci étant fait, elle partit à la recherche de Gauvain.

Le rassurer était bien la moindre des choses qu'elle puisse faire pour Merlin, celui-ci le lui ayant demandé.

 

*

 

 

Elle ne fut pas longue à découvrir que Gauvain n'était pas au château, et elle dirigea ses pas vers la cité.

Elle avait enfilé une robe ordinaire aujourd'hui ; sans couronne ni soieries elle était moins voyante qu'en tenue officielle et peu de gens se retournaient sur son passage.

Non pas qu'ils ne la reconnaissent pas.

Elle ne cherchait pas à se promener de manière anonyme.

Mais elle se rendait souvent en ville et elle supposait que les citoyens de Camelot étaient habitués à ses déplacements.

Elle se rendit à la taverne préférée de Gauvain, étant sûre qu'elle le trouverait là-bas, et, comme elle s'en doutait, elle le trouva attablé à boire.

Chacun gérait son chagrin à sa manière, semblait-il : Arthur s'enfermait dans sa chambre en refusant d'articuler le moindre mot intelligible, Gauvain s'enivrait jusqu'à rouler sous la table pour ne pas trop penser.

Les hommes, pensa Gwen, se comportaient souvent comme de grands enfants.

Gauvain ne la regarda pas quand elle entra mais elle entendit plusieurs «Majesté» la saluer.

Elle hocha la tête à l'intention des gens qui l'avaient reconnue puis avança jusqu'à la table où se tenait le chevalier.

-Sire Gauvain, dit-elle d'un ton formel.

Il leva les yeux vers elle, surpris.

-Vous ne devriez pas être ici, ma Dame, dit-il, d'une voix sombre. C'est... une taverne.

-A ce qu'il semble, répondit-elle, amusée. Et c'est apparemment là que l'on peut vous trouver. J'ai à vous parler, Sire Chevalier. Veuillez me suivre.

Gauvain se leva. Il titubait légèrement sur ses jambes. Gwen le laissa gérer son mal de crâne sans sourciller, faisant demi-tour et se dirigeant d'un pas altier vers la porte – non sans avoir salué au passage la tenancière et les clients qui opinèrent respectueusement en retour.

Gwen avait vécu au milieu des gens de la cité pendant des années en tant que l'une des leurs, et elle ne serait jamais le genre de personne qui oublierait ses origines sous prétexte qu'elle avait gagné en rang social.

Ses relations avec les habitants de Camelot étaient ainsi : respectueuses, mais cordiales.

Ils n'étaient pas choqués de la voir se promener au marché pour prendre des nouvelles de ce qui se passait en ville.

Elle n'avait pas besoin d'une couronne quand elle s'adressait à eux.

Elle avait, bien sûr, gagné en autorité depuis l'époque où elle n'était qu'une simple servante, et elle devait faire attention à la manière dont elle se comportait – mais seulement jusqu'à un certain point.

Au-delà duquel elle tenait à sa liberté.

Gauvain la suivit jusqu'à l'intérieur du château.

Gwen le conduisit à l'intérieur des appartements de Gaïus, où ils pourraient parler sans être dérangés.

Lorsqu'elle eut refermé la porte derrière eux, Gauvain, qui était décidément ivre, laissa échapper un petit sifflement amusé et dit :

-Enfermée avec moi, hein ? Vous me surprendrez toujours, ma Reine.

-Gauvain, dit sèchement Gwen, pour le rappeler à l'ordre.

Le chevalier eut la décence de se souvenir à qui il parlait et de paraître embarrassé ; il sembla se dégriser un peu.

-Qu'y a-t-il ? demanda-t-il.

-C'est à propos de Merlin, affirma Gwen.

Gauvain plissa les yeux.

-Si vous commencez aussi à clamer qu'il est un traître, je ne sais pas ce que je...

-Taisez-vous, vous ne faites que dire des bêtises quand vous êtes soûl, dit Gwen, d'un ton posé.

Elle se radoucit en lui annonçant ;

-Il m'a envoyé un message. Il va bien. Il ne veut pas que vous vous fassiez du souci pour lui, ni que vous partiez à sa recherche.Et... il n'est définitivement pas possédé par un esprit malin, au cas où vous vous poseriez la question.

Gauvain poussa un soupir de soulagement, puis, passa une main dans ses cheveux avec un air profondément confus.

-Que s'est-il passé dans ce cas ? Parce que cette épée...

-Un sorcier hostile a attaqué Arthur, et Merlin a utilisé sa magie pour le sauver ; mais toutes les apparences étaient contre lui et il n'a pas eu le temps de s'expliquer sur les faits, alors il est parti se cacher dans la forêt. Le véritable auteur de cette tentative de meurtre n'a pas encore été identifié, malheureusement, résuma Gwen.

-Merlin... Merlin est... un sorcier, dit Gauvain, abasourdi.

-Il préfère le terme de magicien, rectifia Gwen.

Elle regarda l'expression embrouillée de Gauvain tandis qu'il essayait de se figurer un Merlin doté de magie.

Pendant ce temps, Gauvain réfléchissait à toute vitesse et pensait : j'aurais dû m'en douter.

Il y avait eu plusieurs... incidents, comme lors de cette bataille factice qu'il avait organisée avec Arthur lorsqu'ils étaient prisonniers du marchand d'esclave, où le lustre avait pris feu, inopinément... qui auraient dû lui mettre la puce à l'oreille.

Mais il se souvenait surtout du petit homme sur le pont, lorsqu'ils étaient partis à la recherche d'Arthur pour le soutenir dans sa quête du Trident d'Or, qui avait parlé de Courage, Force et Magie. Gauvain avait beau être caché dans un buisson, il avait tout entendu. Arthur était Courage, il était Force, et pour ce qui était de Magie... il ne restait plus que Merlin, n'est-ce pas ?

Mais à l'époque, il avait vite chassé cette idée de ses pensées, parce que Merlin – toujours si plein d'humour et de bonne humeur, toujours à courir derrière Arthur pour veiller sur lui comme une mère poule – ne correspondait pas vraiment à l'idée que la plupart des gens se faisaient d'un sorcier, il fallait bien le dire.

Il soupira.

-Evidemment, murmura-t-il, fâché contre lui-même. J'aurais dû m'en douter... depuis bien longtemps.

Il ne ressentait ni peur, ni rancoeur ; il se sentait juste... vaguement vexé que Merlin n'ait pas eu assez confiance en lui pour lui parler de son secret.

-C'est ce que je me suis dit aussi le jour où je l'ai finalement découvert, acquiesça Gwen, solennellement.

-Vous saviez, dit Gauvain, en comprenant tout subitement. C'est pourquoi vous l'avez défendu si ardemment le jour où cet incident s'est produit. Vous saviez qu'il avait la magie et vous saviez qu'il n'avait pas essayé de tuer Arthur.

Gwen acquiesça.

-En effet, dit-elle, avec une expression légèrement amusée sur ses traits.

-Depuis... combien de temps ? demanda encore Gauvain, stupéfait.

-Je l'ai découvert lors du voyage qu'Arthur a fait pour demander de l'aide à la Princesse Mithian juste après notre mariage, répondit Gwen.

-Comment...

-Merlin s'en est servi pour me sauver des sbires d'Ular qui étaient venus pour m'assassiner, répondit-elle sans même qu'il ait besoin de formuler sa question. Il a détruit la chambre ce jour-là et il m'a fait la peur de ma vie. Mais ensuite, il a tout remis en ordre. Et c'est en grande partie grâce à lui si Camelot a pu être reconstruite aussi vite.

-Vous l'avez encouragé à l'utiliser ? s'étonna Gauvain, incrédule.

-Oui ; bien sûr, dans l'intérêt de Camelot, acquiesça Gwen, un léger défi dans le regard.

Le chevalier siffla entre ses dents.

-Vous êtes une femme surprenante, si vous me permettez. Je le savais déjà, bien sûr – mais là, vous m'en bouchez un coin.

Gwen considéra l'expression admirative de Gauvain et haussa un sourcil.

-Ne jouez pas les séducteurs avec moi, Sire Gauvain. Je sais que c'est une seconde nature pour vous, mais au cas où vous l'auriez oublié, je suis déjà mariée. Et j'ai le pouvoir de vous envoyer au cachot dans un claquement de doigts.

-Vous voulez m'envoyer au cachot pour séduction ? dit Gauvain, avec un immense sourire.

-Je suis heureuse de vous voir redevenir vous-même, répondit Gwen. Vous ressembliez davantage à un fantôme qu'à un homme tout à l'heure à la taverne.

Gauvain soupira.

-Comment allez-vous le réconcilier avec Arthur ? demanda-t-il, plein d'espoir.
-Je ne vais rien faire du tout, répondit fermement Gwen. Merlin ne souhaite pas que j'intervienne, et je comprends pourquoi. Si Arthur n'est pas capable de se rendre compte de lui-même qu'il a commis une erreur de jugement, il ne mérite pas de réconciliation.

Gauvain s'assombrit, mais Gwen lui adressa un regard réconfortant.

-Ne vous inquiétez pas ; il est déjà en train de s'en rendre compte, il suffit de voir dans quel état il est. Maintenant, il faut juste qu'il commence à utiliser sa cervelle... et qu'il accepte d'admettre devant tout le monde qu'il a eu tort. Mais je suppose, vu à quel point Merlin lui manque, qu'il ne tiendra pas bien longtemps avant de partir à sa recherche pour s'expliquer avec lui. Je lui donne deux semaines – un mois, tout au plus.

 

*

 

Gauvain aida Gwen à retrouver un peu de sa bonne humeur en la divertissant avec ses histoires de taverne.

Elle savait qu'elle aurait dû être affairée à autre chose qu'à l'écouter parler devant une pinte de bière, mais les appartements de Gaïus étaient un refuge confortable, et il fallait avouer qu'elle était un peu découragée d'essayer de tirer en vain Arthur du marasme où il se morfondait.

Le chevalier le plus gredin de tout Camelot était de très bonne compagnie maintenant qu'il était moins inquiet pour son ami Merlin, et qu'il avait cessé de jouer les séducteurs avec elle.

Il lui raconta des histoires dont elle n'avait jamais entendu parler, comme la fois où Merlin et Arthur étaient entrés dans une taverne incognito et s'étaient retrouvés pris dans une bagarre qui aurait dégénéré sans l'intervention de Gauvain (c'était apparemment ainsi qu'ils s'étaient rencontrés tous les trois).

Il y avait aussi eu la fois où Merlin était venu chercher Gauvain pour qu'ils assistent Arthur dans la quête initiatique qu'il était censé accomplir seul en tant que Prince.Ils s'étaient retrouvés à combattre des vouivres sur le territoire désolé qui appartenait au Roi Pêcheur, et Arthur était furieux parce que les deux compères étaient venus à son aide, mais finalement, tout s'était bien terminé, puisqu'ils avaient retrouvé le trident ensemble.

Sauf qu'ensuite Arthur avait fait croire à tout le monde qu'il avait accompli sa quête tout seul, ce qui amusait Gauvain, et qui fit bien rire Gwen.

Un jour, les trois compagnons d'aventures s'étaient aussi retrouvés ensemble aux mains des marchands d'esclaves, et Gauvain avait fait semblant de se battre avec Arthur pour créer une diversion. En fin de compte, c'était Merlin qui les avait sortis d'affaire, en mettant le feu au lustre, et ils s'étaient échappés en courant, sans cesser de se disputer comme des chiffonniers.

Evidemment, à l'époque, Gauvain ne savait pas que c'était Merlin qui avait provoqué l'incendie avec ses pouvoirs, mais rétrospectivement, c'était l'évidence même.

Gwen aimait ce genre d'histoires, qui parlaient de bravoure, d'aventures et de combats, parce qu'elles exaltaient toutes les vertus qu'elle aimait en Arthur : le courage, l'intrépidité, le dépassement de soi.

Elles lui permettaient aussi de toucher du doigt l'amitié profonde qu'il partageait avec Merlin et la camaraderie qui l'unissait à ses chevaliers.

En écoutant parler Gauvain, elle se surprit à rêver de ce que ç'aurait été de naître homme, et d'avoir la chance de connaître toutes ces cavalcades, toutes ces nuits au coin du feu et tous ces moments d'émulation aventureuse entre guerriers qui essaimaient une bonne quête.

Bien sûr, si elle était née homme, elle n'aurait pas pu épouser Arthur.

Mais elle était presque certaine que la vie de chevalier lui aurait plu.

-Merlin me manque, conclut Gauvain, d'une voix plaintive. Tout est tellement plus drôle lorsqu'il est là. Surtout Sa Hauteur.

-C'est vrai, acquiesça Gwen, en prenant une gorgée de bière. C'est comme si Merlin faisait ressortir en Arthur ce qu'il y a de meilleur. Il joue en permanence avec ses nerfs et ils sont comme deux gamins ensemble... mais Merlin a cette manière, de toujours pousser Arthur aux bonnes conclusions... sans jamais oublier de le faire rire... et ça change les choses.

-Cela ne vous arrive-t-il jamais d'être jalouse ? demanda Gauvain en la regardant par-dessus sa chope.

-De Merlin ? dit-elle, en riant.

-Une autre femme pourrait l'être, nota-t-il.

Elle soupira.

-Merlin et Arthur sont comme... les deux faces d'une même pièce, répondit-elle pensivement. Lorsqu'ils sont ensemble, chacun d'eux est plus complet. Lorsqu'ils sont séparés... quelque chose manque aux deux. J'aime l'Arthur que Merlin a le don de révéler. C'est l'Arthur que j'ai épousé. Avant de connaître Merlin, pour tout dire, Arthur était un jeune homme assez insupportable.

-J'aurais beaucoup aimé voir ça, dit Gauvain avec un vaste sourire.

-C'était une petite terreur, dit Gwen en plissant les yeux.

Et ce fut à son tour de raconter des histoires qui firent bien rire Gauvain, sur l'Arthur d'avant Merlin, vu par les yeux de Gwen-la-servante.

Quand elle se tut enfin, leurs chopes à tous deux étaient vides, et il était grand temps qu'ils regagnent leurs lits respectifs.

-Je suis content que vous soyiez venu me trouver pour m'apprendre ces bonnes nouvelles à propos de Merlin, dit solennellement Gauvain. J'étais vraiment inquiet pour lui ; au point de penser que je devrais peut-être partir à sa recherche pour vérifier qu'il ne lui soit rien arrivé. Vous savez ; il a été le premier à me voir autrement que comme un ivrogne ou comme un trouble-fête. Il m'a offert son amitié quand personne d'autre n'aurait eu l'idée de le faire. Et c'est grâce à lui si je suis un chevalier de Camelot aujourd'hui. J'ai beau aimer Arthur, savoir Merlin livré à lui-même... Dieu seul sait où... et peut-être possédé par un esprit malin... c'était plus que je n'en pouvais supporter.

-Rassurez-vous, dit Gwen en secouant la tête. Si Merlin devait avoir des problèmes, il saurait comment nous contacter pour que nous lui venions en aide. Mais à mon humble opinion, nous avons sans doute bien plus besoin de son aide que lui de la nôtre, quoiqu'il décide de faire.

-Ce n'est pas faux, dit Gauvain, avec un léger sourire. Quand je pense qu'il est magicien !

-Et un magicien des plus talentueux, acquiesça Gwen.

-Vous avez été très courageuse le jour où Arthur l'a chassé, nota Gauvain. J'étais trop choqué pour réagir, mais vous vous êtes interposée sans hésiter. Vous êtes une meilleure amie pour lui que je ne le suis, moi.

-Ne dites pas cela, dit Gwen en secouant la tête. Vous vous êtes tenu à mes côtés ce jour-là. Et heureusement, nous avons réussi à éviter le pire.

-Même si Merlin n'avait sans doute pas besoin que nous intervenions pour lui, nota pensivement Gauvain.

-Il en avait besoin cette fois-ci, répondit sérieusement Gwen. Il serait incapable d'utiliser sa magie contre Arthur. Même pour se défendre. Il m'a raconté un jour... que cela lui était déjà arrivé une fois, et qu'il en avait conçu tant de douleur qu'il s'est juré de ne plus jamais recommencer. Il l'aurait laissé le tuer, vous savez. Je l'ai vu dans ses yeux.

Gauvain secoua la tête.

Gwen frissonna et murmura :

-Je n'ose pas imaginer dans quel état nous aurions retrouvé Arthur si nous l'avions laissé faire ça. Il est déjà si mal de l'avoir banni. Sans parler du fait que nous aurions  perdu Merlin pour toujours... nous n'aurions sans doute jamais plus revu l'Arthur que nous aimons tant.

Ils examinèrent cette idée de plus près, puis dirent ensemble :

-Inimaginable.

Après quoi, constatant l'heure tardive, ils se dirent bonne nuit, et chacun d'eux repartit vers ses appartements, le cœur un peu plus léger d'avoir partagé ces pensées.


Vivenef  (22.01.2013 à 03:56)

CHAPITRE 4

 

 

 

 

Pendant qu'Arthur était enfermé dans sa chambre, il réfléchissait intensément.

Au début, submergé par la douleur de la trahison, il pensa qu'au fond, il ne savait pas qui était Merlin.

Il se dit qu'il s'était toujours trompé sur son compte et qu'il ne pouvait faire confiance à aucun des souvenirs qu'il avait de lui parce que tous ces souvenirs reposaient sur des mensonges et sur des tromperies.

Il songea que Merlin lui mentait sans doute depuis des mois, voire même, depuis des années, sur sa personnalité et sur ses intentions autant que sur ses pouvoirs.

Il se força à envisager la possibilité que le garçon un peu gauche à la langue trop bien pendue qu'il considérait comme son plus cher ami n'avait jamais réellement existé.

Ce Merlin-là n'était certainement qu'un déguisement, qu'une couverture, qu'une autre fourberie de sorcier à laquelle il s'était laissé prendre.

 

A ce stade de ses réflexions, cependant, Arthur comprit que cette vision des choses (la pire des visions possibles) ne cadrait pas du tout avec la réalité et qu'il ne pouvait pas y adhérer vraiment, si fort qu'il cherche à s'en convaincre.

Merlin n'avait pas toujours été un traître.

Pendant longtemps, il lui avait même été incroyablement loyal. Il avait démontré en maintes occasions qu'il était prêt à mourir pour lui. Il venait à peine d'entrer à son service quand il avait bu une coupe empoisonnée lors d'une rencontre avec Bayard pour éviter à son prince de périr stupidement. Lorsqu'il avait fallu sortir affronter le dragon,il avait accompagné Arthur sans hésiter alors qu'il ne portait pas même une cotte de mailles (Arthur s'en voulait toujours de ne pas avoir songé à lui en proposer une; où avait-il donc la tête à ce moment-là?). Et quand ils s'étaient retrouvés face aux Dorochas, Merlin s'était littéralement jeté au-devant des esprits pour qu'ils l'emportent plutôt qu'Arthur, dans un élan de bravoure et dans un esprit de sacrifice qui avait laissé le prince pantois d'admiration, de tendresse et de fureur.

Arthur était peut-être mauvais juge en matière de personnes (un défaut dont il avait cruellement conscience depuis quelques mois), mais il n'arrivait pas non plus à imaginer que le Merlin qui avait été à ses côtés lors de la dernière attaque de Morgane ait pu être autre chose que l'ami le plus dévoué et le plus sincère.

Même lorsqu'Arthur était au plus bas, Merlin avait continué à le soutenir – il avait été le seul à le soutenir. Il avait parlé avec lui à la lumière du feu, il avait continué de croire en lui quand tous les autres l'avaient abandonné. Il l'avait défendu face aux attaques de Tristan, il lui avait remonté le moral avec ses histoires d'Albion. Il l'avait amené à l'épée, bon sang. Et il avait réussi à faire en sorte que toute la population de Camelot qui s'était réfugiée dans les bois assiste au moment épique où il l'avait retirée de la pierre !

Non - si Merlin était devenu un traître – cela s'était forcément produit après ces évènements..

Parce que s'il avait voulu se débarrasser de lui avant, il aurait très facilement pu profiter de la disgrâce d'Arthur pour le faire sans difficulté à l'époque où ils fuyaient à travers la forêt sans escorte ni protection. 

Donc, Merlin avait changé après.

Après son mariage avec Guenièvre, après qu'Arthur ait commencé à travailler à l'unification d'Albion, après qu'il soit devenu (dumoins, à ce qu'il croyait jusqu'à présent) un bon Roi pour Camelot.

Pourquoi Merlin avait-il choisi ce moment-là entre tous pour se retourner contre lui ? Arthur avait fait des efforts pour s'améliorer dans tous les domaines depuis quelques mois, et il écoutait les avis de Merlin plus que jamais.

Bien sûr, il avait toujours son caractère, mais certainement, depuis le temps que Merlin et lui se connaissaient, celui-ci ne lui en tenait pas rigueur ?

Et si ce n'était pas à cause de ça, de quoi d'autre pouvait-il s'agir ?

De jalousie, parce qu'Arthur avait moins de temps à lui consacrer ? De déception, parce qu'il espérait peut-être obtenir, après tant de loyauté, une meilleure position que celle de serviteur ?

Arthur n'arrivait pas à croire que ce soit ça l'explication.

Il avait déjà discuté avec Merlin de sa position, et Merlin l'avait interrompu avant même qu'il ne puisse lui faire la moindre proposition de promotion.

-Je veux être votre serviteur, avait dit Merlin, d'un air particulièrement obstiné. N'allez surtout pas vous mettre en tête de me donner un autre emploi que celui-là, je le refuserais de toutes façons.

Arthur n'avait pas été vraiment étonné ; en tant que son serviteur, Merlin était admis dans son intimité sans que cela pose question à quiconque ; le garder à cette place leur garantissait à tous deux de pouvoir passer du temps ensemble et de partager les préoccupations du quotidien, ce qui ne serait plus possible si Merlin devenait son conseiller.

Merlin avait-il fini par changer d'avis sur cette question ? Mais si c'était le cas – pourquoi ne lui en avait-il pas parlé ? Il savait qu'Arthur était ouvert sur la question.

Et si Merlin avait été en manque d'attention ou de reconnaissance ; il ne se serait pas privé de le lui faire savoir, n'est-ce pas ? Merlin avait toujours eu l'art et la manière de lui dire ses quatre vérités sans prendre la peine de le ménager. Une telle sincérité était le privilège d'une réelle amitié.

Ou dumoins, c'était ce qu'Arthur avait pensé, pendant très longtemps.

Il n'arrivait pas à croire qu'il s'était trompé.

 

*

 

Alors qu'il était en train de réfléchir furieusement, Arthur entendit frapper à sa porte – encore.

Il était sur le point de crier une réponse bien sentie : qu'il s'agisse de Guenièvre, de Léon ou de Jean-Charles, il ne voulait pas les voir – quand il entendit la voix de Solel de l'autre côté de la porte.

-Sire ? Voilà des jours que vous n'avez pas quitté vos appartements... Que diriez-vous de venir chevaucher avec moi ?

Arthur sentit une vague étincelle d'intérêt naître dans son cœur. Il aimait Solel, sincèrement. Le jeune homme portait bien son nom : il avait autour de lui une aura lumineuse qu'il était impossible de ne pas remarquer... C'était encore un tout jeune chevalier, mais il était droit et dévoué et il avait un énorme potentiel en tant que combattant. A deux reprises, déjà, il avait réussi à vaincre Arthur à l'entraînement, exploit que même Gauvain ne réussissait à accomplir qu'à grand peine...

Et Arthur passait toujours de bons moments quand il était en sa compagnie. Depuis que Solel lui avait sauvé la vie, il le considérait un peu comme le petit frère qu'il n'avait jamais eu. Le fait que le jeune homme soit orphelin les avait beaucoup rapprochés...

La perspective de sortir à l'air libre en sa compagnie souriait particulièrement à Arthur.

Mais il ne pouvait pas faire ça sans se heurter à certaines rencontres qu'il tenait absolument à éviter.

Il s'approcha de la porte et répondit :

-Je ne peux pas.

-Pourquoi pas ? lui demanda Solel, d'une voix intriguée.

-Parce que... si je sors d'ici, tout le monde sera sur moi en moins de dix secondes, et... je ne suis pas encore prêt pour ça, Solel. J'ai... besoin de temps pour penser.

-Je comprends, Sire. Mais je vous ai apporté un manteau, et... si vous l'enfilez, je pense être capable de vous faire sortir sans que personne ne vous remarque.

Arthur colla son oreille à la porte.

-Qu'as-tu fait des gardes ?

-Je les ai renvoyés, répondit Solel, un sourire dans la voix.

Arthur ouvrit la porte, et le jeune chevalier apparut devant lui. Il souriait de toutes ses dents blanches, une expression malicieuse dans ses yeux bleus, très clairs.

Par certains côtés, Solel rappelait un peu Merlin à Arthur; en un peu plus chevaleresque; en un peu plus jeune; et en plus musclé... Il avait les mêmes cheveux noirs, épais, ondulés, le même teint clair, les mêmes lèvres pleines. Et le même charme irrésistible lorsqu'il souriait – le même je ne sais quoi sur lequel il était impossible de mettre un nom.

Mais il était plus sûr de lui que Merlin ne l'avait jamais été, il ne commettait jamais de maladresses, et quand il marchait, il donnait l'impression d'être sur le point de conquérir le monde – pas d'être à deux doigts de trébucher.

Aujourd'hui, il portait une tunique bleu pâle qui semblait faire ressortir ses yeux, et, sans armure ni cotte de mailles, il ressemblait presque à un adolescent.

Il tendit le manteau qu'il avait apporté à Arthur avec un regard complice, et Arthur l'enfila aussitôt.

Le Roi referma la porte de sa chambre à clé derrière lui et il suivit son chevalier à travers les couloirs du château en priant pour que personne ne remarque qui il était.

Fort heureusement, le manteau que lui avait apporté Solel était tout sauf royal et le capuchon était assez ample pour dissimuler complètement son visage.

Ils parvinrent sans encombre jusqu'aux écuries, où deux chevaux sellés les attendaient, et ils enfourchèrent aussitôt leurs montures pour partir au galop vers les portes de la cité.

Une fois dépassées les portes, Arthur commença enfin à se détendre, soulagé de n'avoir pas été intercepté. Il avait grand besoin d'exercice et il n'était pas fâché du galop endiablé que lui imposait Solel.

Ils passèrent une bonne heure à se pourchasser l'un l'autre entre les troncs avant de s'arrêter au bord d'un ruisseau .

Arthur entreprit de se rafraîchir et Solel le regarda faire en silence, nonchalamment assis sur la rive couverte de pervenches.

Lorsqu'Arthur eut terminé de se laver le visage, il se sentit mieux qu'il ne l'avait été depuis des jours.

Solel se leva et lui demanda aimablement :

-Que diriez-vous d'un combat, Sire ? L'entraînement quotidien doit grandement vous manquer.

-Une semaine de pause ne suffit pas au Roi pour être rouillé, fit remarquer Arthur, avec amusement.

-Vraiment ? le provoqua Solel, avec un léger sourire.

Il lui lança l'une des deux épées qu'il avait emportées, et Arthur constata que la lame en était tranchante.

-Nous ne pouvons pas nous battre avec ça sans armure ni cotte de maille, signala-t-il. Je ne voudrais surtout pas te blesser.

-Ne vous inquiétez pas pour moi, Sire, dit Solel, avec un sourire énigmatique. J'ai beaucoup amélioré ma technique ces jours-ci.

-Gauvain serait-il ton instructeur ? plaisanta Arthur.

-Gauvain a du style, reconnut Solel. Mais je suis plus talentueux que lui. Je suis même plus talentueux que vous, ajouta-t-il, d'un ton provocant.

-C'est ce que nous allons voir, dit Arthur, amusé.

Il se mit en garde, et Solel fit de même. Puis, sans attendre, Solel l'attaqua. Il n'avait pas menti : il avait amélioré sa technique. Arthur était stupéfait par la manière dont il se battait : elle lui rappelait le style qu'il avait eu lorsqu'il était jeune homme, et qu'il se croyait invincible. Il se retrouva rapidement en difficulté sous les puissants assauts de Solel, qui était aussi acharné à l'attaque qu'il était doué à l'esquive. Et malgré toute l'énergie qu'il mit au combat, il finit par être désarmé.

Solel se dressa au-dessus de lui, son épée étincelante, pointée en direction de la gorge d'Arthur.

Et l'espace d'un instant, lorsque le soleil joua dans ses yeux clairs, Arthur y vit passer une ombre qui le fit frissonner...

Mais celle-ci disparut presque aussitôt alors que Solel demandait :

-Déclarez-vous forfait ?

-Il semble que je sois battu, reconnut Arthur. A rien ne sert de s'acharner.

Solel hocha la tête et lui tendit la main pour l'aider à se redresser.

-Tout ce que je sais, dit-il avec admiration, c'est de vous que je l'ai appris, Sire. Vous êtes le plus grand des chevaliers de Camelot.

-Cela ne m'empêche pas de me terrer dans ma chambre pour éviter d'affronter mes hommes et ma propre épouse, nota Arthur, avec ironie.

-Vous avez vos raisons pour agir ainsi, répondit Solel.

Et Arthur lui fut reconnaissant de ne pas lui avoir posé la moindre question depuis qu'il était venu le chercher.

-La trahison de Merlin a dû vous causer beaucoup de douleur, reprit le jeune homme. Vos chevaliers le comprennent aisément. Ils savent tous à quel point vous étiez proche de votre serviteur.

-Etait-ce donc... si évident ? demanda Arthur en frissonnant. Le fait que je sois proche de Merlin.

Solel hocha la tête.

-C'est une chose terrible, dit-il, que d'être trahi par un ami cher, surtout de cette manière-là. Que Merlin soit un sorcier est une chose... et je suis sûr que peut-être, en d'autres circonstances... vous auriez pu le lui pardonner... Mais qu'il se soit servi de la magie pour tenter de vous tuer... voilà qui est impardonnable, n'est-ce pas ?

Mais peut-être que Merlin n'a pas vraiment voulu me tuer, songea soudain Arthur, en regardant Solel.

Peut-être avait-il été séduit par une fille qui l'avait entraîné malgré lui sur une pente glissante (encore que l'idée de Merlin avec une fille paraisse quelque peu risible à Arthur. Merlin était une telle fille lui-même!)

Ou peut-être un sinistre individu lui avait-il fait du chantage, en prenant sa mère en otage, par exemple, et en l'obligeant à choisir entre elle, et Arthur..

Guenièvre semblait convaincue qu'il n'avait pas essayé de le tuer.

Mais Arthur avait vu ce qu'il avait vu.

Merlin avait ensorcelé cette maudite épée... et il était coupable, à moins...

A moins qu'il n'ait été ensorcelé lui-même.

Comme Guenièvre, quand elle avait été avec Lancelot.

Après tout – si quelqu'un voulait vraiment lui faire du mal – s'en prendre à Merlin pour le frapper était une bonne idée. Bien sûr, cela n'expliquait pas la magie. Mais cela pouvait expliquer la tentative de meurtre. Et pour ce qui était de la magie... pouvait-on forcer quelqu'un à en faire ?

Sans doute pas, s'il s'agissait d'une personne qui n'avait absolument aucun potentiel à la base.

Mais se pouvait-il qu'une personne ait du potentiel et choisisse... de ne pas utiliser ses pouvoirs ?

Se pouvait-il que Merlin ait passé toute sa vie sans employer les siens, par respect pour les lois de Camelot, pour être finalement forcé d'en faire usage par un sorcier mal intentionné pour les pires raisons possibles ?

Si c'était bien ce qui s'était passé, Merlin ne pouvait pas vraiment être tenu pour responsable, n'est-ce pas ?

Arthur tiqua à la pensée qu'il avait peut-être bien, en fin de compte, roué de coups un Merlin presque innocent avant de le chasser aux confins du royaume. Comment était-il supposé découvrir la vérité maintenant que Merlin était banni ? Comment était-il censé savoir si Merlin l'avait trahi de son plein gré, ou à son corps défendant ?

Comment était-il supposé apprendre si Merlin le détestait, ou s'il avait été sincère, lorsqu'il s'était exclamé : «je suis toujours votre serviteur ?».

-Sire ?

Solel le dévisageait d'un air pensif.

-La magie est interdite par la loi, dit Arthur, d'un ton ferme. Merlin l'a toujours su. Et Merlin... le Merlin que je connaissais, dumoins,... n'aurait jamais enfreint cette loi pour apprendre la magie. Pas en sachant tout le mal qui a découlé de la magie dans ma vie... à moins... qu'il n'ait été décidé à se venger de moi.

Arthur fronça les sourcils.

-Mais voilà, j'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je n'arrive pas vraiment à croire que Merlin ait vraiment voulu me tuer. Quelque chose ne colle pas dans cette tentative de meurtre. Merlin... Merlin aurait eu mille occasions de me tuer et il n'en a jamais saisie aucune. Au contraire, il a risqué sa vie bien des fois pour me sauver... et quand nous étions face à face, dans la salle du conseil... il n'a pas fait un seul geste pour se défendre... si vraiment ses intentions étaient si mauvaises, pourquoi ne m'a-t-il pas attaqué ?

-Vous avez bon cœur, Sire, dit Solel. Malgré la situation, vous seriez encore prêt à lui pardonner...

-Je dis juste que plus je réflléchis à la question, et plus je pense que Merlin n'a jamais voulu me tuer, répéta Arthur, l'esprit embrouillé.

-Et pourtant. Nous l'avons tous vu utiliser la magie. Ses yeux flamboyaient. L'épée s'est élevée dans les airs sur son ordre... lui rappela Solel.

-Je sais. Je sais, dit Arthur. Mais peut-être quelqu'un l'a-t-il obligé à agir ainsi ?

Solel eut un regard sceptique, mais reconnut :

-Peut-être. Mais il n'en reste pas moins que Merlin est un sorcier.

-Mais ce n'est pas forcément sa faute, reprit Arthur. Certaines personnes, paraît-il, naissent avec des pouvoirs magiques, et n'ont pas besoin d'étudier la sorcellerie pour que leurs pouvoirs se développent naturellement... ces personnes-là ne peuvent pas vraiment être tenues pour responsables de ce qu'elles sont, Solel.

-Je n'en avais jamais entendu parler, dit Solel, surpris. Comment l'avez-vous appris ?

-Je l'ai lu, reconnut Arthur.

Il soupira, puis s'expliqua :

-Il y a quelques semaines, j'ai voulu essayer de comprendre... pourquoi ma sœur, Morgane, avait tant de rancune envers moi. Il m'avait toujours semblé, que c'était elle qui s'était retournée contre sa propre famille... qui avait préféré la magie, aux liens du sang. Mais ensuite, je suis tombé sur ce livre, dans la Grande Bibliothèque, et c'est là, que j'ai lu, que certaines personnes naissent avec des pouvoirs magiques. Je me suis rappelé des cauchemars que Morgane faisait, étant plus jeune, et de tous ces incidents étranges qui sont survenus autour d'elle, comme lorsque les rideaux de sa chambre ont pris feu, inopinément... Alors, je me suis demandé : et si, en fin de compte, ce n'était pas de sa faute ? Et si, elle n'avait pas choisi la magie, et si la magie l'avait choisie, elle ? Et qu'elle se soit retrouvée contrainte de vivre dans la peur perpétuelle d'être considérée comme une sorcière... et brûlée sur le bûcher... Certainement, ça lui aurait donné une bonne raison de nous haïr... mon père, et moi.

Arthur considéra cette pensée avec tristesse.

-Peut-être que Merlin est comme Morgane. Peut-être qu'il n'a pas choisi... peut-être qu'il est victime de ses pouvoirs autant que j'ai pu l'être... et qu'il ne voulait pas vraiment me faire de mal.

Solel le dévisagea en silence.

Puis il dit :

-Puis-je vous conseiller une chose, Sire ?

Arthur hocha la tête.

-S'il devait s'avérer que Merlin ait été sous une quelconque emprise lorsqu'il vous a attaqué... s'il ne voulait pas vraiment votre mort, qu'il puisse être innocenté, et que vous décidiez de le faire revenir à Camelot. Il existe... un moyen, de vous assurer qu'il soit débarrassé de sa magie pour toujours.

-Vraiment ?

Arthur était intrigué, et intéressé.

-C'est un ancien procédé que nous avons, dans le pays d'où je viens, reprit Solel. Cette pratique permet de neutraliser les pouvoirs d'un sorcier, et ce, définitivement. S'il acceptait de se plier aux rites, vous pourriez faire revenir Merlin sans danger ni pour vous, ni pour personne d'autre à Camelot. Et s'il refusait... eh bien, cela suffirait sans doute à prouver que ses intentions envers vous n'ont rien d'innocent, n'est-ce pas ?

-Sans doute, acquiesça Arthur. Mais qui pourrait pratiquer ces rites ?

-Je connais une personne,, dit Solel. Le cas échéant, je pourrais la faire appeler.

Arthur se sentit soudain le cœur beaucoup plus léger. Si Merlin était innocent, comme l'affirmait Guenièvre, s'il n'était pas responsable d'avoir choisi la magie... s'il n'avait pas voulu le tuer... il aurait, grâce à Solel, un moyen de le faire revenir auprès de lui...

-Merci, dit-il, en serrant chaleureusement l'avant-bras de Solel dans sa main.

-Non, Sire, ne me remerciez pas, dit solennellement Solel. Je sais combien vous tenez à Merlin. Et s'il existe ne serait-ce qu'un moyen pour que vous puissiez le retrouver... je serai heureux de vous aider à le découvrir.

-En cela, dit Arthur, très sérieusement, tu as été un véritable frère pour moi aujourd'hui.

Et ceci étant dit, les deux hommes remontèrent à cheval pour rentrer à Camelot.


Vivenef  (29.01.2013 à 04:01)

CHAPITRE 5

 

 

Ce fut Gwen qui partit rencontrer la Princesse Mithian et la Reine Annis du côté de la frontière, où un rendez-vous parlementaire avait été convenu avec Arthur quelques semaines plus tôt.

Il fallait bien que quelqu'un honore cette visite, et, étant donné que le Roi de Camelot était toujours calfeutré dans sa chambre, et qu'il refusait toujours de parler à sa femme, elle fut forcée de prendre les devants.

Le point de rendez-vous se trouvait à mi-chemin entre les trois royaumes, à la limite du territoire de Camelot.

Gwen avait organisé que le pavillon des discussions soit dressé avant son arrivée, les chaises, proprement installées en-dessous, et le buffet, convenablement organisé pour une réception digne de ce nom.

Elle avait choisi elle-même les victuailles qu'elle avait faites apporter sur-place, parmi lesquelles se trouvaient quantité de pâtés en croûte (une part secrète d'elle-même espérait certainement attirer Arthur hors de son antre grâce à ce vil stratagème).

Elle avait envoyé Sire Léon en avant pour qu'il accueille officiellement leurs hôtes sur-place avec la garde d'honneur des chevaliers de Camelot et mis un contingent de serviteurs à l'ouvrage pour que ses nobles hôtes puissent se restaurer et se rafraîchir dès leur arrivée.

Elle avait un peu tardé à les rejoindre, espérant convaincre Arthur de sortir de sa cachette pour l'accompagner, avant de renoncer, de peur de finir par manquer le rendez-vous elle-même.

Elle avait pris le départ avec son frère Elyan, le grand Perceval, et une escorte réduite des chevaliers les plus fidèles d'Arthur pour rejoindre le point de rencontre.

Ce n'était pas la première fois qu'elle voyait Mithian et Annis, et elle savait parfaitement quels traités étaient en cours de négociation avec leurs royaumes, et sur quoi ils portaient.

Elle connaissait aussi les hésitations des unes et des autres et les différents points d'achoppement de la discussion.

Mais jusqu'ici, elle avait laissé Arthur mener la conversation lors des rencontres, se contentant d'observer à qui elle avait affaire.

Annis lui avait fait l'effet d'une femme à la poigne de fer.

Elle avait été impressionnée par l'intelligence de Mithian, qui avait de l'esprit et de l'humour à revendre sous son visage parfait et défendait les intérêts de son peuple avec une finesse brillante.

Elle était sans cesse étonnée qu'Arthur ait refusé de l'épouser par préférence pour elle.

Etonnée, et soulagée.

Si Arthur avait épousé Mithian, Gwen aurait certainement fini par vouloir l'assassiner de jalousie (même si ce n'était pas très beau à dire).

 

*

 

Le voyage fut agréable.

Gwen profita de la compagnie d'Elyan, qu'elle avait rarement l'occasion d'avoir pour elle seule.

Elle s'étonnait encore du jeune homme sérieux et responsable que son frère était devenu depuis qu'Arthur l'avait fait chevalier. De tous les membres de la compagnie d'Arthur, c'était lui qui semblait le plus posé et le plus réfléchi.

Ces qualités étaient clairement aux antipodes de celles qu'Elyan avait manifestées lorsqu'il était plus jeune, et qu'il menait une existence aventureuse et insouciante sans jamais honorer le moindre engagements.

Plus le temps passait, et plus Gwen trouvait qu'il ressemblait à leur père, ce qui la réjouissait sincèrement. En tant que sœur aînée, elle avait passé la majeure partie de son existence à s'inquiéter pour son petit frère, et elle était soulagée que cette époque soit révolue.

Elle se sentait aussi touchée par l'amitié profonde qui liait Elyan à Perceval.

Perceval était un véritable mystère à ses yeux, mais voir ce géant faire preuve de douceur et de prévenance envers Elyan, qui semblait petit et frêle en comparaison de lui, avait un côté immensément attendrissant. Ils avaient un peu le même genre de complicité que celle qui unissait Merlin à Arthur, et Gwen savait qu'elle pouvait avoir le cœur tranquille si son frère était envoyé en mission : si périlleuse l'aventure soit-elle, il aurait à sa droite un ami fidèle doublé d'un farouche combattant.

 

*

 

Lorsqu'elle arriva en vue du pavillon, Gwen constata que Mithian et Annis étaient venues avec leurs chevaliers, qui attendaient calmement de part et d'autre de la clairière où était organisé le rendez-vous.

Elle déscendit de cheval et se dirigea vers la grande tente élégante d'un pas vif.

Elle portait une tenue cavalière, et elle avait son épée au côté.

Elle avait profité de la récente prostration d'Arthur pour prendre des cours auprès de Sire Léon de sorte de pouvoir l'utiliser en cas de besoin, arguant que si elle était censée voyager dans l'intérêt du royaume, il fallait bien qu'elle soit aussi capable de se défendre en cas d'attaque.

Après quelques protestations indécises, le bras droit d'Arthur avait accepté de la prendre en charge, et elle avait amélioré considérablement ses talents de combattante sous sa tutelle patiente.

Le seul « enseignement » dont elle avait bénéficié jusque là en la matière remontait après tout à l'époque où Elyan et elle étaient adolescents, et jouaient à se battre avec les armes que leur père avait fraîchement forgées.

Gwen ne portait pas la plus élégante des tenues, mais au moins celle-ci était-elle pratique, et elle avait quand même coiffé sa couronne pour faire bonne mesure, aussi espérait-elle être présentable.

Sire Léon vint à sa rencontre pour la saluer, et s'enquérir de son voyage d'un ton formel, ce dont elle le remercia.

Puis elle s'approcha de ses invitées qui s'étaient levées pour l'accueillir et elle inclina formellement la tête devant chacune d'entre elles.

-Princesse Mithian. Reine Annis. J'espère que vous avez fait bon voyage.

-Merci, Reine Guenièvre, la salua respectueusement Annis tandis que Mithian hochait cordialement la tête à son attention. Le voyage était éprouvant mais l'accueil que vous nous avez réservé était des plus agréables. Je vois que vous êtes venue seule. Le Roi Arthur ne se présentera-t-il pas ?

-Le Roi Arthur est souffrant, répondit Gwen, d'un ton posé.

-Rien de grave, j'espère, dit la Princesse Mithian, avec compassion.

-Rien qu'un peu de bon sens ne puisse guérir, fort heureusement, répondit Gwen, avec un sourire mondain.

Mithian lui jeta un regard intrigué et Annis lui lança un coup d'oeil perçant. Visiblement, les deux femmes étaient au courant de quelque chose.

-Cela aurait-il quelque chose à voir avec le fait que son plus fidèle serviteur se soit révélé être un magicien ? demanda la Reine Annis. J'ai entendu dire qu'Arthur avait fait l'objet d'une tentative de meurtre de sa part.

-Une tentative de meurtre sur le Roi ? De la part de Merlin ? fit Mithian, incrédule. Je n'y crois pas un seul instant.

Gwen croisa le regard de Mithian et elle ne put s'empêcher d'émettre un sourire appréciateur.

-Je dois dire que même si les évidences sont contre Merlin, je n'y crois pas non plus, répondit-elle. Ceci étant dit, la situation reste à élucider, et en attendant qu'elle le soit, Arthur a exilé Merlin. Il est encore un peu bouleversé par cette histoire, et il m'a donc envoyée à sa place. Il vous demande de l'excuser.

C'était faux, bien sûr.

Arthur n'avait pas daigné lui transmettre le moindre message.

Il avait même probablement oublié qu'il avait ce rendez-vous aujourd'hui avant qu'elle le lui rappelle – et il n'avait pas pour autant daigné sortir de son lit quand elle l'avait fait.

La seule personne à qui il voulait parler ces jours-ci semblait être Solel. Et Gwen n'aimait pas particulièrement Solel. Il y avait quelque chose en lui qui sonnait faux. Peut-être était-ce tout simplement qu'il était trop... Trop jeune, trop charmant, trop spirituel, trop droit, trop noble, trop parfait. Personne ne pouvait être parfait à ce point-là. Tout le monde avait des défauts des faiblesses. C'était ce qui rendait les gens attachants,, ce qui les rendait humains.

Gwen soupira.

-Je dois dire, reprit la Reine Annis, que je ne comprends pas l'opposition farouche du Roi Artthur envers la magie. Toute magie n'est pas mauvaise; j'ai déjà travaillé avec des sorciers qui m'étaient loyaux et qui m'ont rendu de grands services.

-Certes, reconnut Gwen, mais il existe aussi des sorciers très mal intentionés, et le Roi Arthur a déjà été confronté à trop d'entre eux pour avoir une approche aussi ouverte que la vôtre sur la question.

-C'est néanmoins un sujet qu'il nous faudra évoquer dans le cadre de nos accords de paix, nota Annis. Si Albion doit devenir une même grande nation, certaines des règles qui la régissent devront être communes... Et à ce jour, Camelot est le seul Etat des Cinq Royaumes à proscrire tout usage de la magie.

-J'ai sur mes terres plusieurs communautés de druides, renchérit Mithian. Ce sont des gens pacifiques, avec lesquels j'entretiens de bons rapports, et je les considère comme faisant partie de mon peuple. Il est donc de mon devoir d'assurer leur protection... et s'ils doivent être persécutés à cause de nos futurs accords de paix, cela compromettrait clairement mon implication dans la naissance d'Albion.

-Le Roi Uther avait poussé les persécutions à l'encontre des druides à de réelles extrêmités, répondit Gwen. Mais Arthur a fait serment de respecter leur peuple, et de ne pas reproduire ces persécutions. Je ne crois pas me tromper en affirmant que vos gens n'ont rien à redouter de ces accords de paix, Princesse Mithian. Pour ce qui est du reste...

Elle prit une grande inspiration.

-Je ne peux bien évidemment pas m'engager au nom d'Arthur, mais je pense, comme vous, que la magie n'est rien d'autre qu'un outil qui peut être utilisé à bon ou à mauvais escient, et que Camelot gagnerait certainement à compter dans les rangs de ses serviteurs des magiciens qui lui soient fidèles. Cette initiative permettrait non seulement de combattre les sorciers qui sont opposés à Albion, mais de montrer à tous les enfants qui sont nés avec la magie qu'ils seront considérées comme des sujets à part entière, et non comme des parias par ceux qui les gouvernent - pour peu qu'ils choisissent de mettre leurs talents au service du bien.

Gwen n'arrivait pas à croire qu'elle venait de dire une chose pareille, en plein milieu d'une assemblée officielle. Elle pouvait sentir les regards de Léon, d'Elyan, et de Perceval sur elle, et voir qu'ils étaient clairement choqués. Elle se sentit vaguement mal à l'aise, puis, elle repoussa fermement ce sentiment.

Arthur s'était désintéressé de la fondation d'Albion pour s'enfermer dans sa chambre, et il l'avait envoyée, elle, pour discuter à sa place. Qu'était-elle donc censée faire ? Imaginer ce qu'il aurait dit s'il avait été là, comme si elle n'avait pas d'opinion propre ?

Mais elle en avait une.

Pendant trois mois, elle avait travaillé avec les pouvoirs de Merlin, s'émerveillant des possibilités que ceux-ci pouvaient offrir pour apporter bien-être et prospérité au peuple de Camelot. Se priver du secours de la magie était une erreur. Obliger des jeunes gens comme Merlin à vivre dans la honte, et dans la peur, était une erreur. Cette prise de position, elle la devait à son ami, et elle se la devait à elle-même.

Elle redressa fièrement la tête, assumant pleinement ce qu'elle venait de dire.

Mithian lui adressa un regard énigmatique, et un sourire appréciateur se dessina sur ses lèvres.

-Je trouve vos opinions des plus intéressantes, Guenièvre, dit-elle, en hochant légèrement la tête. Et je pense que la question de la magie devrait être évoquée dans les textes fondateurs d'Albion.

-Excellente idée, approuva Annis, en adressant à Mithian un regard de connivence. Nous attendrons d'entendre l'opinion de Bayard sur la question; mais s'il abonde dans notre sens, c'est Arthur qui devra changer de position, ou la fondation d'Albion pourrait bien être compromise...


Vivenef  (05.02.2013 à 02:01)

                                                             CHAPITRE 6


Arthur ne pensait pas qu'il aurait l'occasion de rencontrer le Faiseur de Rites si rapidement, mais quand Solel l'avait contacté pour lui, il s'était avéré que le vieil homme était en voyage non loin des frontières Sud de Camelot, et qu'il pouvait arriver au château en l'espace de quelques jours seulement.
Arthur avait donc accepté le rendez-vous, à titre informatif, bien sûr, avait précisé Solel en l'assurant que cet entretien ne l'engagerait à rien.
Le Roi était curieux, il devait bien l'avouer, d'en apprendre davantage sur le procédé qui permettait de transformer des sorciers dangereux en personnes ordinaires. Cette méthode présentait bien des avantages sur celles que son père avait employées du temps de son règne pour lutter contre la magie, puisqu'elle pouvait neutraliser les pouvoirs des magiciens sans s'attaquer à leurs personnes... Si elle portait ses fruits, Arthur pourrait se débarrasser de la condamnation au bûcher qui attendait tous les sorciers du temps de son père, tout en continuant efficacement à éradiquer toute forme de magie du royaume de Camelot.
Il pourrait lutter contre la source du mal au lieu de combattre des gens.


Ce compromis lui semblait des plus attractifs.


Un jour, il serait en mesure de proposer à tous ceux qui, comme Morgane ou Merlin, étaient nés avec ces dangereux pouvoirs, ou les avaient développés contre leur volonté propre, de se présenter volontairement à Camelot pour en être débarrassés et devenir, enfin, des citoyens ordinaires, susceptibles de mener des existences ordinaires au milieu de leurs semblables sans plus être traités ni comme des monstres ni comme des parias.
Quel soulagement ce serait pour tous ces magiciens, que de savoir qu'ils ne seraient pas obligés d'être exclus ou rejetés à cause de leurs dons ! Ils pourraient être guéris.
Arthur sourit à cette pensée. Oui, il guérirait Merlin... et peut-être même, Morgane. A l'idée qu'il pourrait peut-être un jour retrouver sa sœur, le cœur d'Arthur faisait des bonds dans sa poitrine...
Et tout cela serait possible grâce à Solel.
Il imaginait le visage ravi de Guenièvre lorsqu'elle apprendrait où l'avaient mené ses recherches...

*
Le Faiseur de Rites rejoignit le Roi dans ses appartements à la faveur de la nuit.
Solel s'était engagé à l'introduire à l'intérieur du château, mais il ne pouvait pas être présent lors de la rencontre, parce qu'il était de garde cette nuit-là et qu'il ne voulait pas que son absence soit remarquée...
L'entretien était secret. En-dehors d'Arthur et de Solel, personne n'était au courant.
Par chance, Guenièvre n'était pas encore rentrée de son voyage pour rencontrer la Reine Annis et la Princesse Mithian. Arthur avait donc le champ libre pour agir comme il l'entendait...
A la tombée du soir, il congédia les gardes qui étaient en faction devant sa porte, puis, il se mit à faire les cent pas en attendant son visiteur, frémissant d'impatience.
Il était plus de minuit lorsqu'il entendit enfin frapper à sa porte.
Il ouvrit et se retrouva nez à nez avec le Faiseur de Rites.
C'était un homme extrêmement âgé, avec des cheveux ondulés, d'un blanc pur, et des yeux d'un bleu très pâle. Il se tenait voûté dans sa tunique noire. Il traînait derrière lui une seconde personne, dont Arthur ne pouvait distinguer les traits puisqu'elle avait un sac sur la tête. Les poignets du prisonnier étaient liés et le vieillard le tractait derrière lui avec une force surprenante pour son grand âge en tirant sur les cordes qui l'entravaient.
-Qui est-ce,? demanda Arthur, qui ne s'attendait pas à ce que son homme soit accompagné.
-Je l'ai amenée pour les besoins de ma démonstration, Sire, répondit le Faiseur de Rites, avec un sourire.
-Oh.
Arthur avala sa salive, vaguement mal à l'aise.
-Solel m'a dit que vous souhaitiez me rencontrer, reprit le vieillard.
-Oui. Bien sûr.
Arthur le fit entrer et referma la porte derrière eux, puis, il s'assit à la table, et fit signe au vieil homme de prendre place face à lui. Celui-ci préféra rester debout, à côté de son prisonnier, dont il tenait les liens serrés.
-Je souhaiterais en apprendre davantage sur les rites qui permettent de... libérer un magicien de ses pouvoirs, dit le Roi d'un ton formel.
-Vous souhaitez «libérer» quelqu'un en particulier, Sire ? demanda le Faiseur en lui adressant un regard qui le fit frissonner.
-Je n'en sais encore rien, répondit honnêtement Arthur. Tout dépend... de la méthode employée, et de ses conséquences. J'aurais souhaité que vous m'éclairiez à ce sujet.
-Les rites sont destinés à empêcher les détenteurs de la magie d'accéder à leurs pouvoirs, expliqua le vieillard. Ils sont, eux-mêmes, tirés d'une magie ancienne et extrêmement puissante, et fonctionnent comme un sceau. Une fois le sceau en question placé sur un sorcier, sa magie se retrouvera drainée par le sceau à chaque fois qu'il tentera d'y accéder, que ce soit de manière délibérée, ou de manière involontaire. En conséquence, le sorcier en question ne pourra plus jamais lancer le moindre sortilège, pas même le plus bénin.
-Existe-t-il une manière de rompre le sceau une fois posé ? demanda Arthur, avec curiosité.
-Non, répondit le vieil homme. Il n'en existe aucune. Il s'agit d'un procédé définitif, et irréversible.
-La vie du sorcier sur lequel le sceau est posé est-elle mise en danger par le rite ? interrogea Arrhur.
-Pas le moins du monde, dit le Faiseur de Rites en secouant la tête. Les rites ne détruisent pas les pouvoirs du sorcier, procédé qui pourrait être dangereux pour certains sorciers dont la magie est si intimement liée à la vie que tenter de l'anihiler risquerait de compromettre leur existence même. En l'occurrence, les rites ne font que rendre la magie inaccessible à ceux qui la détiennent.
Le vieil homme marqua une pause.
-Ceci dit, un sorcier qui serait soumis aux rites contre sa volonté, et qui tenterait à toute force d'utiliser sa magie malgré le sceau, risquerait d'épuiser grandement ses forces s'il refusait d'apprendre ses nouvelles limites.
-Mais si ce sorcier se soumettait au rite volontairement ? demanda Arthur, inquiet.
-Il n'y aurait aucune raison pour que ses jours soient en danger, dit le vieil homme. Mais laissez-moi vous faire la démonstration du procédé, qui, je pense, sera beaucoup plus parlante que tous les discours.
D'un geste théâtral, le vieil homme ôta le sac qui se trouvait sur la tête de son prisonnier, révélant une jeune fille. Arthur ne s'attendait pas à ça, et son sentiment de malaise ne fit que se renforcer.


La demoiselle tremblait légèrement. Mais son regard était surtout teinté d'une horreur sans nom tandis qu'elle regardait le vieillard. Elle ne pouvait pas parler, parce qu'elle était baillonnée, mais le dégoût se lisait ouvertement sur son visage...
-Je ne sais pas si c'est une bonne idée, intervint Arthur.
-Bien sûr que si, répondit le Faiseur de Rites, amusé. Voyez plutôt ce dont est capable cette druidesse.
Il se retourna vers la jeune fille, et lui donna un ordre dans une langue inconnue.
Elle lui renvoya un regard courroucé, et commença à se débattre, mais elle s'arrêta rapidement, le visage déformé par la douleur.
Le vieil homme répéta son ordre, et elle secoua la tête, mais ses traits se crispèrent encore un peu plus, comme si elle souffrait réellement. Une expression de résignation s'inscrivit sur son visage, et elle finit par murmurer quelque chose en étendant la main.
Une flamme bleue apparut dans sa paume, et Arthur, de surprise, manqua de dégringoler de sa chaise.
-C'est une sorcière ! s'étouffa-t-il. Vous avez ramené une sorcière, ici !
-Pour les besoins de ma démonstration, acquiesça le vieil homme. Je vais maintenant procéder aux rites, si vous le voulez bien.
Arthur hocha la tête, sidéré. Le Faiseur se retourna vers la jeune fille, qui roula des yeux en secouant furieusement la tête. Il s'approcha d'elle, plaçant ses mains de part et d'autre de son crâne, et se mit à incanter, dans une langue inconnue. Il fait de la magie, pensa Arthur, figé sur-place. Il fait de la magie devant le Roi de Camelot, alors que la magie est interdite à Camelot. Comment diable en était-il arrivé à se retrouver dans une situation pareille ? Pourquoi donc avait-il écouté Solel en premier lieu ?


L'incantation était effrayante, et la jeune fille se balançait sur elle-même, la bouche ouverte dans un gémissement de douleur inarticulé. Arthur eut envie de crier : «arrêtez!» mais il était trop choqué par ce qu'il voyait pour arriver à articuler un seul son. Enfin – après un temps qui lui parut interminable, le vieil homme se tut. La jeune fille pantelante se redressa, et toute expression de douleur physique avait disparu de son visage. Arthur soupira, soulagé, et il demanda :
-Est-elle... guérie ?
-Elle est tout à fait incapable de magie dorénavant, acquiesça le Faiseur de Rites. Voyez plutôt.
Il retira le baillon qui réduisait la jeune fille au silence et dénoua les liens qui entravaient ses poignets. Aussitôt, elle s'écarta de lui, pantelante, horrifiée.
-Vous méritez de mourir pour ce que vous venez de faire, gronda-t-elle, à l'attention du vieil homme.
Et sous les yeux médusés d'Arthur, elle étendit la main en lançant une incantation.
Il s'attendait à ce qu'un torrent de flammes déferle sur l'ancien. Mais absolument rien ne se produisit, si ce n'est que la jeune fille chancela sur ses jambes comme si quelqu'un venait de la frapper. Elle regarda sa main avec horreur, puis, répéta la même formule, avec encore plus de conviction. Cette fois, le contrecoup fut assez fort pour la jeter à genoux. Ses yeux s'emplirent de larmes et elle se mit à crier :
-Que m'avez-vous fait ? Que m'avez-vous fait ?
L'expression de sa détresse était insupportable. Arthur s'avança vers elle pour la réconforter :
-N'aie pas peur, s'exclama-t-il. Tu es guérie, à présent.
Il posa une main sur son épaule. Mais cela ne sembla pas l'apaiser... Au lieu de cela, ses yeux s'emplirent de larmes brûlantes.
-Guérie ? dit-elle, horrifiée. Guérie ? La magie n'est pas une maladie, Arthur Pendragon ! Quand bien même vous êtes incapable de la comprendre. Elle faisait partie de moi depuis toujours et vous me l'avez retirée. Et vous croyez m'avoir fait un cadeau ? Si je vous coupais la main, ou le pied, comment réagiriez-vous, Monseigneur ? Penseriez-vous que je vous ai fait un cadeau ?
-Mais... ce n'est pas la même chose, protesta Arthur.
-Non, c'est pire.
Elle eut un rire dément.
-Vous êtes un monstre, tout comme votre père, dit-elle, en le regardant avec des yeux fous.
Puis elle se retourna vers le Faiseur de rites, le visage déformé par le dégoût, et elle dit :
-Quant à vous... Dieu ait pitié de votre âme pour ce que vous avez fait à l'une de vos semblables.
Elle se redressa, le visage inondé de pleurs, et elle jeta à Arthur un regard plein de défi en s'exclamant :
-Voyez, Arthur Pendragon, ce que je fais de votre cadeau.
Puis, sans mise en garde supplémentaire, elle se mit à courir, et se jeta par la fenêtre ouverte.
-Non ! cria Arthur, en cherchant à la retenir.
Mais elle s'écrasa en contrebas, dans la cour, et il ne put que rester là, tremblant, face à la forme de son corps désarticulé.
-Ne vous inquiétez pas d'elle, dit le Faiseur de Rites. C'était une criminelle. Avec sa magie, tôt ou tard, elle aurait fait beaucoup de mal. Et comme vous avez pu le constater, le sceau n'a aucunement mis ses jours en danger.
-Ce n'est pas exactement ce que je dirais, répondit Arthur en se retournant vers lui, furieux.
-Elle a choisi de mettre fin à ses jours, rectifia le vieil homme. C'est une chose entièrement différente.
Arthur frissonna. Si je vous coupais la main ou le pied, comment réagiriez-vous, Monseigneur ? avait dit la jeune fille. Cela ne ressemblait guère à une libération, et ses espoirs pour l'avenir s'évanouissaient comme ils étaient apparus. Comment pourrait-il soumettre Merlin à un tel traitement ? Il voyait encore le visage de la malheureuse de crisper de douleur pendant que le Faiseur de Rites incantait le sceau...
Je ne l'obligerai à rien, pensa-t-il, pour se donner du courage. Il aura le choix d'accepter, ou de refuser.
-Je vous laisse réfléchir à votre décision, dit le vieil homme, en le regardant. Quand vous serez prêt, informez-en Solel. Il saura où me trouver.
Arthur hocha la tête en silence.


Le Faiseur de Rites sortit de ses appartements.


Après qu'il se soit éloigné dans le couloir, il prononça les paroles qui permettaient d'inverser le sort de vieillesse qu'il venait d'utiliser...
Solel retira sa tunique, et, avec un sombre sourire, partit prendre son tour de garde dans la cour du château.


choup37  (12.02.2013 à 10:32)

 

 

CHAPITRE 7

 

-Merlin, j'ai besoin de ton aide.

La voix de Morgane retentit dans son esprit, par télépathie. Ils ne s'étaient pas quittés depuis si longtemps; et il était étonné qu'elle fasse déjà appel à lui. Lorsqu'elle était partie, elle lui avait très clairement fait comprendre que c'était pour une quête qu'elle avait besoin de vivre seule...

Etait-elle revenue sur sa décision ?

-Merlin ?

Le ton alarmé avec lequel elle s'adressait à lui coupa court à ses conjectures.

Il lui glaçait tout simplement les sangs.

-Où es-tu ? lui demanda-t-il.

-Non loin de la frontière du royaume de Loth. Il faut que tu viennes, vite... Il s'est passé quelque chose de très grave ici. J'ai appelé Aithusa dès que je suis arrivée sur-place. Je ne savais pas quoi faire d'autre... Elle est en route pour venir te chercher. Elle devrait te rejoindre très bientôt...

-Très bien attends-moi, j'arrive avec elle, promit-il.

-Merlin ?

-Oui ?

-Merci de répondre à mon appel.

Il ne put s'empêcher de sourire en pensée.

-Je suis heureux de t'entendre, Morgane. Même si les circonstances sont difficiles, ça me fait plaisir de constater... que tu es toujours là.

Il voulait dire, par là, qu'il était soulagé que le démon n'ait pas réussi à avoir le dessus sur elle pour l'instant... Il savait qu'elle entendrait les mots derrière les mots; il en eut confirmation quand il sentit l'effleurement de son sourire.

-A tout à l'heure, Merlin.

Il quitta la cabane qu'il avait reconstruite dans la forêt d'Acétir pour y établir ses quartiers après le départ de Morgane.

Il n'avait pas fait grand chose depuis qu'elle l'avait quitté, hormis se retenir d'aller à Camelot et se torturer en se demandant si Arthur déciderait jamais de lui pardonner et de revenir vers lui.

Il était heureux que Morgane l'appelle à l'aide. Cela lui donnait le sentiment d'être utile à nouveau...



*



Aithusa ne tarda pas à faire son apparition dans le ciel étoilé et atterrit plus rapidement qu'elle n'en avait l'habitude.

-Monte, lui ordonna-t-elle sans ambages. Nous n'avons pas de temps à perdre.

Merlin grimpa rapidement sur son dos et elle prit son essor sans tarder.

Il était habitué à voyager avec Kilgarrah, mais c'était la première fois qu'il volait avec Aithusa, et il la trouva étrangement silencieuse tandis qu'elle l'emportait dans les airs, à grands battements d'ailes.

-Que s'est-il passé au juste ? la questionna-t-il après un moment, avec inquiétude.

-Impossible de le savoir, mais c'est l'oeuvre d'un sorcier extrêmement puissant, répondit la dragonne, bouleversée.

-Dis-m'en davantage, insista Merlin, de plus en plus nerveux. Pourquoi Morgane a-t-elle besoin de mon aide ? Qu'est-il arrivé au juste ?

-Cette communauté de druides comptait trente personnes, hommes, femmes et enfants confondus. Seuls deux des enfants ont réchappé au massacre, répondit la dragonne. Ni Morgane, ni moi, ne parvenons à avoir de vision claire de ce qui s'est passé. Et les petits qui ont survécu n'ont été épargnés que parce qu'ils s'étaient cachés à bonne distance du site, donc ils n'ont pas pu voir grand chose...

Merlin avala sa salive.

-Je vois, murmura-t-il.

-Non, répondit Aithusa d'un ton sec. Tu ne vois pas encore. Attends d'être arrivé pour ça...

Lorsqu'elle se posa enfin, Merlin déscendit de son dos sans attendre. Elle avait atterri dans une clairière, au milieu de la forêt. A peine eut-il posé le pied par-terre que Morgane émergeait de sous les arbres, avançant précipitamment dans sa direction. Elle portait une robe bleu nuit qui la faisait paraître encore plus pâle qu'à l'ordinaire et les boucles dessinées de ses longs cheveux dansaient sur ses épaules. Elle tenait dans ses bras une enfant de deux ans qui se cramponnait à elle comme si sa vie en dépendait.

L'expression de son visage était absolument horrifiée.

-Merlin, dit-elle, en arrivant à sa hauteur. Merlin, je...

Sa voix se brisa d'émotion, et la gorge de Merlin se serra.

Morgane avait le cœur bien accroché. Elle avait commis bien des crimes elle-même en son temps. Pour qu'elle réagisse aussi vivement, ce qui s'était produit devait vraiment avoir été atroce...

Elle secoua la tête, et trouva la force de continuer.

-Je suis arrivée trop tard pour changer quoi que ce soit. J'ignore qui a pu faire une chose aussi affreuse... mais je suis à peu près certaine que c'est l'un des nôtres... Un magicien... s'en prenant à d'autres magiciens, délibérément.

Elle leva sur lui ses yeux verts, remplis de détresse.

-Il les a faits brûler vivants, dit-elle, d'une voix tremblante. Tous ceux qui se trouvaient là, tous sans exception... les hommes, les femmes, et aussi, les enfants... Quand je suis arrivée sur le site, les cendres étaient encore chaudes...

-Montre-moi, dit-il.

Elle hocha la tête, et elle fit demi-tour, l'entraînant dans son sillage.

Alors qu'ils arrivaient sous le couvert des arbres, Merlin remarqua les enfants...

Ils étaient sept. L'aîné était un garçon de treize ans aux cheveux mi-longs et à la tunique rapiécée. La cadette était la petite fille de deux ans que Morgane tenait dans ses bras...

Il y avait trois autres fillettes, et deux petits garçons, dont les âges semblaient aller de cinq à dix ans. Aucun d'entre eux ne semblaient apparentés. Tous avaient de grands yeux effrayés qui leur mangeaient le visage tandis qu'ils regardaient le nouveau-venu avec inquiétude.

-Je croyais qu'il n'y avait que deux survivants, dit Merlin à Morgane. Tu en as retrouvé d'autres depuis que tu m'as contacté ?

Elle secoua la tête.

-Ils ne viennent pas de ce village... Je les ai pris avec moi en cours de route parce que... parce que je n'avais pas le choix. Ils sont comme nous, Merlin. Ils sont nés avec la magie. Et... ils avaient des ennuis quand je les ai rencontrés, alors... je les ai emmenés, parce que je ne pouvais pas les laisser où ils étaient.

Merlin la dévisagea avec étonnement, et avec admiration tandis qu'elle lui faisait cet aveu.

Puis, il reporta son regard sur les enfants...

-Vous êtes un magicien, vous aussi ? lui demanda timidement l'adolescent qui était l'aîné du groupe.

-Oui, acquiesça-t-il, en lui tendant la main pour le saluer. Je m'appelle Merlin.

Le jeune homme hésita, puis prit la main de Merlin, et la serra en répondant :

-Je suis Wildor. J'étais sur le point d'être brûlé par les gens de mon village quand Dame Morgane m'a délivré. Elle m'a sauvé du bûcher...

Merlin regarda à nouveau Morgane, le cœur débordant de tendresse. Le démon était loin, beaucoup plus qu'il ne l'avait pensé. Aithusa avait eu raison... Morgane avait déjà commencé à arpenter le chemin de sa rédemption. Elle évita son regard, comme si elle était gênée par ce que Wildor venait de dire sur elle.

-Occupe-toi des autres, Wildor, pendant que j'emmène Merlin sur le site, dit-elle, en lui tendant la petite fille qu'elle tenait dans ses bras. Ne bougez pas d'ici. Aithusa reste avec vous; avec elle, vous ne courez aucun danger.

Wildor hocha solennellement la tête.

Morgane jeta un coup d'oeil à Merlin, puis, se remit à marcher. Il lui emboîta presque aussitôt le pas. Ils restèrent silencieux pendant qu'ils avançaient sous la voûte des arbres.

Merlin savait à quoi s'attendre, et il essaya de se préparer à la vision qu'il allait devoir affronter.

Pourtant, lorsqu'ils atteignirent le site cinq minutes plus tard, il eut la nausée en contemplant les décombres du village druidique.

Morgane ne s'était pas trompée. L'incendie avait été de nature magique. La violence avec laquelle il s'était déclaré et la vitesse de propagation des flammes en attestaient clairement, tout comme la délimitation très nette de la zone calcinée. Il ne restait des maisons qui s'étaient dressées là que des ruines, entre lesquelles il pouvait distinguer les corps carbonisés des malheureux qui avaient péri foudroyés sur-place...

-Quelle sorte de magicien pourrait faire une chose pareille aux siens ? murmura Morgane, d'une voix glacée par l'horreur.

-Je l'ignore, répondit Merlin. Pourquoi n'arrives-tu pas à avoir de vision de ce qui s'est produit ?

-Le sorcier qui a commis ce massacre a placé un sceau sur ces lieux pour bloquer mes dons de voyance. Il ne voulait pas que quiconque puisse assister à ses méfaits, même rétrospectivement.

Merlin frissonna.

-C'est un homme sans morale ni scrupules, murmura-t-il. Quel que soit le but qu'il poursuit, ce but fait de lui quelqu'un de très dangereux. Même les plus renégats des magiciens ont des règles. Aucun de ceux que j'ai affrontés ne se serait jamais retourné contre les druides de cette manière-là...

-Même lorsque j'étais sous l'emprise du démon, souffla Morgane, faire une telle chose à d'autres magiciens ne me serait jamais venue à l'esprit.

-Qu'ont vu les enfants que tu as trouvés sur le site ?

-La petite fille que je tenais dans mes bras tout à l'heure est l'une d'elles, et si elle a vu quelque chose, elle serait bien incapable de le décrire. Le second enfant est l'un des garçons. Il a dit... que l'homme qu'il a vu était très vieux, et qu'il est reparti avec l'une des jeunes filles du village. Il n'a pas vu grand chose d'autre. La vue des flammes l'a terrifié à tel point qu'il a fermé les yeux.

Merlin prit une profonde inspiration et se retourna vers Morgane.

-Je ne veux pas que tu restes ici, c'est bien trop dangereux. Cet homme pourrait revenir.

-Qu'il revienne, dit-elle, en redressant farouchement la tête. Je l'affronterai, et je lui ferai payer ce qu'il a fait aux druides.

-Et les enfants ? Comment les protègerais-tu, pendant que tu livrerais bataille ? lui demanda Merlin.

La résolution de Morgane flancha, et elle lui adressa un regard incertain.

-Je ne sais où les conduire pour les mettre en sécurité, confessa-t-elle. Lorsqu'ils n'étaient que deux, je pensais leur enseigner comment maîtriser leur don tout en les emmenant dans mes pérégrinations. Mais ils sont sept à présent, certains d'entre eux sont si jeunes... et je ne vois personne d'autre à qui je pourrais les confier.

Merlin la dévisagea, intensément.

-Tu t'occuperais d'eux ? demanda-t-il, ne sachant à quelle réponse s'attendre.

-N'est-ce pas le devoir d'une grande prêtresse de l'ancien culte, que d'enseigner aux enfants sorciers ? lui répondit-elle.

-Le plus sacré de tous, acquiesça-t-il.

Elle hocha la tête en silence.

-Je suis la dernière des grandes prêtresses, dit-elle farouchement. Ces enfants sont déjà sous ma garde. J'ai accepté cette responsabilité le jour où j'ai choisi de les emmener avec moi, l'un après l'autre. Ils ont besoin de moi. Je ne les abandonnerai pas, Merlin. Je ne faillirai pas à mon devoir sacré.

Il secoua la tête, et il sentit les larmes lui monter aux yeux.

-Si tu savais... comme je suis fier de toi, Morgane.

Il réussit à se ressaisir et il ajouta :

-Je crois savoir où tu pourrais les emmener pour les mettre en sécurité.

 


Vivenef  (19.02.2013 à 05:11)

CHAPITRE 8



-Comment ça, nous ne rentrons pas à Camelot ?

La réunion d'urgence qu'avait convoquée Gwen se passait sous l'un des pavillons de la clairière, à l'écart de l'endroit où Mithian et Annis se tenaient prêtes pour le départ, en présence de Léon, Elyan et Perceval. Elle promettait d'être animée. Elyan, qui avait laissé échapper cette exclamation outragée, regardait sa sœur avec une expression incrédule et furieuse, comme si elle venait vraiment de dépasser les bornes.

-Le Roi..., continua-t-il, courroucé.

-Le Roi m'a envoyée ici pour négocier en son nom et les négociations se sont avérées plus fructueuses qu'aucun d'entre nous n'aurait pu l'imaginer, coupa Gwen, tenant tête à son frère. Nous avons pratiquement finalisé les termes du traité. Bayard a répondu favorablement à la missive que nous lui avons envoyée il y a deux jours, et il a prévu de nous rejoindre, Mithian, Annis et moi-même, sur la route du Sud. Loth a accepté de nous recevoir tous les quatre pour parlementer ! C'est la première rencontre à laquelle il veut bien assister depuis que nous avons commencé à évoquer la fondation d'Albion, et Camelot doit y être représentée. Si Arthur s'était déplacé jusqu'ici, il pourrait le faire lui-même. Mais c'est moi qui suis ici, c'est donc à moi d'honorer nos engagements. Et vous...

Elle pointa son doigt sur Elyan, Léon et Perceval, qui la dévisageaient bouche bée.

-... allez m'accompagner, conclut-elle, le regard plein d'autorité.

Elle n'aurait jamais pensé être capable d'élever la voix pour se faire obéir de rien moins que trois chevaliers; mais elle n'avait pas vraiment le choix si elle voulait prouver à ses consoeurs qu'elle était capable de parler pour Camelot.

Et qu'est-ce que son frère attendait qu'elle fasse d'autre, au juste ? Rentrer au château pour demander à Arthur l'autorisation de participer à la rencontre ? S'il était toujours dans l'état où elle l'avait laissé, il lui dirait de s'en occuper elle-même, et alors, elle serait bien avancée !

L'ouverture que leur proposait le Roi Loth représentait une opportunité unique. Albion avait une véritable chance de voir le jour si les discussions aboutissaient à un accord ! Elle n'allait pas laisser passer cette occasion à cause d'un avatar de fierté masculine. C'était proprement hors de question !

Mithian ne répétait-elle pas que les femmes étaient autant capables que les hommes ?

-Et si nous refusons ? dit Elyan, en croisant ses bras sur sa poitrine dans un geste puéril.

-Si vous refusez, j'irai seule, répondit Gwen. Et je devrai trouver le moyen d'expliquer à nos futurs alliés pourquoi les courageux chevaliers de Camelot ont choisi de faire faux bond à leur Reine.

-Ma Dame, protesta Léon, en s'efforçant de rester calme (même s'il était visible qu'il bouillait intérieurement de colère). Vous avez fait assez de dégâts les jours passés, en défendant l'usage de la magie et en affirmant que Camelot viendrait certainement à en autoriser la pratique si c'était là le vœu des royaumes voisins. Lorsqu'il apprendra ce que vous avez dit, le Roi...

-Le Roi, s'exclama Gwen, excédée, n'avait qu'à se déplacer lui-même s'il voulait dire ce qu'il pensait à ce propos, Sire Léon. Qu'étais-je censée faire d'autre que tomber d'accord avec nos alliés sur cette question ? Arthur veut la paix, il l'a toujours dit. Mithian et Annis sont prêtes à l'accepter en échange de certaines concessions. Autoriser l'usage de la magie au sein des états membres d'Albion est l'une des conditions qu'elles requièrent. Mithian considère les druides qui résident sur son territoire comme ses sujets, et veut les protéger. Annis a plusieurs sorciers parmi les membres de sa cour, et n'a aucunement l'intention de les faire périr. Nous avons demandé l'avis de Bayard qui soutient la position d'Annis sur cette question. Sur cinq royaumes, cela en fait donc trois à exiger que cette clause soit respectée, ce qui représente la majorité absolue. Camelot doit s'incliner, ou renoncer à la paix. Voulez-vous vraiment retourner chez nous et annoncer à Arthur que nous sommes en guerre parce que nous n'avons pas été capables de faire évoluer nos points de vue sur la question de la magie?

La bouche d'Elyan se referma brutalement.

-S'il vous entendait, le Roi Uther se retournerait dans sa tombe, dit Léon, d'un ton furieux.

-Uther n'aurait pas non plus approuvé mon mariage avec Arthur, Sire Léon, mais Uther n'est plus. C'est Arthur qui est Roi aujourd'hui, et c'est moi sa Reine. C'est lui qui devrait être là en ce moment, je suis bien d'accord avvec vous, mais il n'y est pas, et je m'efforce de lui faire honneur. Du mieux que je peux.

Gwen soupira, découragée.
-J'ai besoin de votre soutien pour y parvenir, conclut-elle.

-Vous avez le mien, dit Perceval, en faisant un pas en avant.

-Perceval ! dit Elyan, indigné.

-Mais elle a raison, protesta-t-il. Camelot doit être représentée à cette entrevue avec le Roi Loth. Un désistement à ce stade des négociations serait catastrophique, et nous n'avons pas le temps de solliciter l'avis du Roi pour prendre cette décision.

Léon secoua la tête.

-Vous avez vu ce que la magie a fait à Camelot. Même Merlin a été corrompu par elle ! Imaginez-vous à quoi vous parlez d'ouvrir la porte ?

-Merlin n'a pas été corrompu ! s'exclama farouchement Gwen. Il a été injustement accusé d'un crime qu'il n'a pas commis et Arthur s'en rendra compte avant longtemps. Alors, il lui pardonnera, et il le fera revenir à Camelot.

-Il pardonnera... à un assassin ? dit Léon, incrédule.

-Après tout le temps que vous avez passé avec Merlin, comment pouvez-vous le croire vraiment capable de vouloir assassiner Arthur ? répondit Gwen, stupéfaite. N'en est-il pas un seul d'entre vous qui ait pensé que peut-être, Merlin avait été piégé ce jour-là, précisément pour déstabiliser Arthur au point de l'empêcher de mener à bien fondation d'Albion ?

Cette fois, ils la regardaient avec attention, tous les trois.

-Quelle que soit la personne qui a tendu ce piège à Merlin pour toucher Arthur, dit-elle, nous avons une chance de contrecarrer ses plans, et il nous faut la saisir. Mithian et Annis nous attendent.

Elle leur adressa un regard intense et insista :

-Je vous en prie.

Perceval se rangea à ses côtés sans un mot pour l'escorter, et ce fut avec soulagement que Gwen posa sa main sur son bras, se sentant déjà un peu moins seule.

-Très bien, se résigna Léon. Allons à cette rencontre avec le Roi Loth. Décommander le rendez-vous maintenant serait une sottise de toutes façons.

-Quoi qu'il se passe à compter de maintenant, dit Elyan en pointant un doigt sur sa sœur, je refuse d'être tenu pour responsable.

-Ne t'inquiète pas, Elyan, dit Gwen en lui lançant un regard dédaigneux. J'endosserai la responsabilité de tout ce qui se décidera pendant cette rencontre. Et si Arthur décide de m'exiler à mon retour pour avir osé le défier, je l'accepterai sans protester. Après tout – ce n'est pas comme si c'était la première fois que ça se produisait, et tu n'as pas été inquiété en tant que chevalier la dernière fois non plus.

Elle entendit Elyan lâcher un hoquet de stupeur et pensa : bien fait. Il était peut-être toujours prêt à se battre au coude à coude avec ses frères d'armes, mais il ferait bien d'apprendre aussi à soutenir un peu sa sœur.



*



Ils quittèrent le pavillon en formation serrée.

A l'extérieur, Mithian et Annis les attendaient, à cheval, encadrées par leurs propres gardes.

-Si Camelot est prête pour le départ, Guenièvre, s'exclama la Reine Annis. Je crois qu'il est grand temps que nous prenions la route.

Gwen enfourcha cavalièrement sa monture et vint se placer aux côtés de ses deux consoeurs en répondant :

-Camelot est prête pour le départ. Nous n'avons déjà que trop tardé. Ne faisons pas attendre davantage Leurs Majestés Bayard et et Loth.



*

Gwen, Annis et Mithian chevauchèrent côte à côte tout au long du jour, et, le soir venu, elles prirent place autour du même feu.

Elles comptaient repartir tôt le lendemain matin et plutôt que de monter les tentes encombrantes où elles avaient passé les dernières nuits elles décidèrent de dormir plus simplement à la belle étoile.

Mithian qui adorait la chasse avait abattu quelques lièvres à l'arbalète un peu plus tôt dans la journée et Gwen les avait mis à cuire en civet dans une marmite avec des pommes de terre tirées de la réserve de vivres d'Annis

Celle-ci leur raconta des histoires de ses campagnes pendant qu'elles dînaient. Elle avait collecté des centaines d'anecdotes passionnantes au cours des trente années de son règne, et elle était une grande conteuse, si bien que Mithian et Gwen restèrent longtemps suspendues à ses lèvres, à ponctuer ses récits de remarques et d'éclats de rires.

Après une semaine passée ensemble, les trois femmes avaient commencé à développer une certaine complicité, et Gwen se surprit à penser que, pour une fois, c'était elle qui se trouvait loin de Camelot à l'aventure, et Arthur qui l'attendait patiemment au château.

Elle se souvint de l'envie qu'elle avait éprouvée lorsque Gauvain lui avait raconté les quêtes qu'il avait partagées avec Arthur et Merlin, et elle se sentit amusée en pensant : «c'est mon tour».

Elle était loin de se douter, au moment où ils avaient parlé ensemble dans les appartements de Gaïus, qu'elle était sur le point de vivre une expérience en tout point similaire à celles dont Arthur avait l'habitude.

-Vous avez le visage d'une femme d'action qui se réjouit d'avoir de nouvelles aventures en perspective, nota Mithian, à mi-voix..

Elle était assise à côté de Gwen et ses yeux noisette étaient plissés dans une expression amusée.

Elle avait troqué ses vêtements d'apparat contre une tenue cavalière qui la faisait paraître plus jeune et plus masculine.

C'était la première fois que Gwen voyait une autre femme que Morgane ou qu'elle-même porter des chausses, et elle trouvait que cette mise seyait particulièrement à la princesse.

Mithian lui faisait penser à quelqu'un, et Gwen fut surprise quand elle réalisa soudain que c'était à Merlin.

Elle avait le même genre de regard espiègle et le même visage expressif.

Annis s'était assoupie non loin d'elles, et il fallait parler doucement pour ne pas la réveiller.

-Vous n'avez pas l'air mécontente de vous trouver là vous non plus, nota Gwen, en adressant à sa voisine un regard de connivence.

-Je suis fille unique, lui répondit Mithian. Je n'ai pas eu de sœurs avec lesquelles partager de longues discussions ou des éclats de rire au coin du feu, et, même si je suis proche de mes chevaliers, je ne peux entretenir avec eux le genre de camaraderie qu'ils partagent, étant à la fois une femme, et leur princesse. J'apprécie sincèrement votre compagnie, et celle d'Annis, et je trouve ce voyage plutôt exaltant je l'avoue.

-J'ai un frère, dit Gwen en souriant. Mais nous passons plus de temps à nous chamailler qu'à rire ensemble. J'avais des amies proches autrefois, mais nos rapports ont changé quand je suis devenue Reine. La compagnie des autres femmes me manque aussi. Et j'apprécie assez moi-même l'idée d'une bonne aventure.

Mithian hocha la tête, d'un air entendu.

-J'ai pu constater cela, dit-elle. Vous aimez visiblement monter à cheval, et j'ai dans l'idée que vous êtes parfaitement capable de vous servir de cette épée que vous portez.

-Mon père était forgeron, lui rappela Gwen. Et j'ai eu l'occasion de tirer l'épée deux ou trois fois dans des circonstances un peu plus sérieuses. Saviez vous que, lorsque j'étais jeune fille, je servais la sœur d'Arthur ?

-Morgane Pendragon ? dit Mithian, d'un air intéressé.

-C'était avant qu'elle ne découvre ses pouvoirs, et qu'elle ne se retourne contre lui, précisa Gwen.

-Quel genre de femme était-elle ?

-Une femme qui n'hésitait pas à enfiler des chausses et une armure, et qui était capable de rivaliser contre son frère à l'épée.

Mithian sourit.

-Elle était courageuse, reprit Gwen. Franche, obstinée, et toujours prête à défendre les intérêts des plus pauvres. J'étais très attachée à elle. Je n'aurais jamais pensé qu'elle finirait par changer à ce point-là.

-La vie nous réserve parfois d'étranges surprises, dit Mithian, en haussant un sourcil. Si l'on m'avait dit qu'à vingt-six ans, je serais toujours célibataire, je ne l'aurais jamais cru, et je suis certaine que vous ne vous attendiez pas à épouser un Prince. Je devrais vous en vouloir pour avoir choisi celui-ci, me direz-vous : Arthur est incontestablement le prince le plus séduisant des Cinq Royaumes.

-Sauf quand il boude, répondit Gwen en riant. Vous avez raison, je ne m'attendais vraiment pas à épouser Arthur, mais je suis bien contente que cela ait été possible.

-Ca n'a pas du être facile de vous imposer à ses côtés, mais je vous ai observée, et vous avez de l'autorité sur vos hommes, nota Mithian. Qui plus est, vous êtes une femme avisée, réfléchie et passionnée, ce qui fait de vous une bonne Reine, à n'en pas douter. Vous pouvez être fière de vous, Guenièvre Pendragon. Vous faites honneur aux rangs des femmes de tête d'Albion.



*



Le Roi Bayard et ses hommes rejoignirent leur compagnie le lendemain au point de rendez-vous convenu.

Il salua Annis, Mithian et Gwen avec effusion et ses chevaliers rejoignirent les rangs de ceux des trois autres royaumes, qui étaient répartis en colonnes derrière leurs dirigeantes.

Leur cohorte avait une allure impressionnante à présent; quatre des cinq royaumes étaient représentés, et les bannières des alliés présents et à venir flottaient fièrement côte à côte.

Les quatre souverains chevauchèrent ensemble, à l'avant de la colonne, en se réjouissant de leur future rencontre avec le Roi Loth qui semblait avoir révisé son opinion sur le traité dont il semblait n'avoir que faire jusqu'ici.

Ils étaient en train de traverser les derniers arpents de forêt avant la frontière, quand ils tombèrent sur un site calciné, qui avait vraisemblablement été un village avant d'être brûlé...

La destruction semblait récente, et les chevaliers furent mis à contribution pour rechercher des survivants, mais ils n'en trouvèrent aucun. Il devint rapidement évident que les habitants des lieux avaient été brûlés avec leurs maisons...

-C'était un clan de druides, dit Mithian bouleversée. Les druides sont des gens pacifiques; qui a bien pu s'en prendre à eux de cette manière-là ?

-C'est inadmissible, acquiesça Annis, les sourcils froncés. On se croirait revenus aux temps de la Grande Purge d'Uther Pendragon.

Elle se tourna vers Gwen, et poursuivit :

-La querelle de mon mari avec le Roi Uther datait du temps de la Grande Purge. Vous êtes trop jeune pour avoir connu cette époque, mais de nombreux massacres se sont produits en ce temps-là... Le fanatisme d'Uther l'a poussé plusieurs fois à enfreindre les frontières de son royaume pour persécuter les magiciens sur les terres de ses voisins, ce qui était proprement inadmissible...

Gwen ne savait pas quoi répondre, mais de manière inattendue, elle trouva soudain Elyan à ses côtés.

-Des enfants ont été noyés par dizaines, dit-il, d'un ton affligé. Des enfants qui n'avaient commis aucun crime sinon celui de naître dotés de magie. Certains de leurs esprits hantent encore les sites des massacres, cherchant à trouver le repos.

Gwen sentit la main de son frère se poser sur la sienne, et elle se sentit rassérénée par son soutien.

Ce fut avec conviction qu'elle affirma :

-C'est le vœu de Camelot que la fondation d'Albion garantisse la paix à tous les sujets des peuples des cinq royaumes. Alors, peut-être, les victimes des erreurs passées pourront enfin reposer en paix.

Ils traversèrent le site du massacre dans un silence recueilli.





*



Une heure plus tard, ils passaient la frontière des terres du Roi Loth, près de laquelle était supposée avoir lieu la prochaine rencontre. Ils s'attendaient à être reçus avec convivialité, pas à tomber dans une embuscade, mais alors que tombait le crépuscule, ils furent soudain attaqués par des cavaliers sortis de nulle part...

Cela faisait longtemps que Gwen n'avait pas tiré l'épée, mais elle saisit son arme par réflexe et se retrouva dos à dos avec Mithian et Annis, déterminée à combattre aussi courageusement que Léon le lui avait enseigné. Elle para la première attaque avec détermination malgré la violence du coup que son assaillant lui portait. Il était fort; malgré l'énergie qu'elle mit à le contrer, elle ne réussit pas à le repousser loin d'elle. L'homme était acharné et revint à l'assaut. Cette fois, l'épée de Mithian vint se joindre à la sienne pour frapper et le cavalier fut transpercé, et désarçonné. Gwen échangea un regard avec Mithian, puis, vit un autre attaquant arriver tout droit derrière elle, l'arme pointée en avant... sans réfléchir, elle saisit la dague qui se trouvait à sa ceinture et la lança. La lame se ficha dans la gorge de l'assaillant un instant avant qu'il ne puisse toucher la princesse. Gwen n'arrivait pas à croire qu'elle ait visé juste ! Un instant plus tard, Léon, Perceval et Elyan la rejoignaient pour former autour d'elle et Mithian une garde rapprochée. Un peu plus loin, Bayard et Annis combattaient au coude à coude...

Passé l'effet de surprise dont ils espéraient sans doute bénéficier, les attaquants se retrouvèrent rapidement en difficulté. Ils étaient trop peu nombreux pour pouvoir espérer l'emporter contre les forces alliées...

Ils furent impitoyablement encerclés, puis vaincus.

Les derniers à rester debout s'enfuirent à toutes jambes.

-Vous n'êtes pas blessée, Ma Dame ? demanda Léon à Gwen, d'une voix inquiète, dès que le calme fut revenu.

-Je vais bien, Sire Léon, je vous remercie, lui répondit-elle, touchée par sa sollicitude. Grâce à votre enseignement – et à la fine lame de la princesse Mithian.

Mithian eut un léger sourire et répondit :

-Pour ma part, j'ignorais que vous excelliez au tir, mais ç'a été ma chance. Nous voilà quittes, Guenièvre; j'ai sauvé votre vie, et vous avez sauvé la mienne.

-N'est-ce pas ce que sont supposés faire des alliés ? demanda Gwen, avec chaleur.

Et Mithian lui adressa un regard de connivence.

-Voilà qui augure de nobles lendemains pour Albion.

-Qu'est-ce que cette tromperie ! rugit Annis, furieuse, en déscendant de cheval. A peine passées les frontières du royaume de Loth, nous tombons dans une embuscade ! Est-ce pour nous attirer dans un piège qu'il a accepté notre proposition de pourparlers ?

-Pas de conclusions hâtives, dit Bayard, en s'agenouillant aux côtés d'un des cavaliers morts. Ces hommes ne portent pas les armoiries de Loth. Il se peut qu'il s'agisse de brigands ou de mercenaires.

-Quoiqu'il en soit, répondit Annis, je ne vois pas Loth au point de rendez-vous. S'il tarde à se présenter, cela équivaudra à une déclaration de guerre !

Gwen sentit son cœur se serrer douloureusement. Elle avait si ardemment espéré que cette rencontre aboutisse au contraire à la paix... Elle échangea avec Mithian un regard chargé d'inquiétude.

-Laissons-lui encore un peu de temps pour nous rejoindre, proposa la princesse.

-Mais préparons-nous, néanmoins, à le recevoir comme il se doit s'il ne se présente pas les mains vides, dit Annis, les yeux plissés.


Vivenef  (26.02.2013 à 02:46)

CHAPITRE 9

Arthur était hanté par le souvenir de la jeune fille que le Faiseur de Rites avait privée de ses pouvoirs.

Son regard plein d'horreur et ses reproches brûlants l'empêchaient de trouver le sommeil à chaque fois qu'il essayait de fermer les yeux...

Les questions continuaient de tourner dans sa tête, dans une valse incessante.

Merlin accepterait-il de sacrifier sa magie pour lui ?

Devait-il vraiment lui demander de faire un tel sacrifice ?

Solel en paraissait convaincu.. Mais Solel n'avait pas assisté à ce qui s'était passé dans ses appartements. Il n'avait pas vu la douleur sur les traits de la druidesse, il ne l'avait pas entendue s'écrier «voyez ce que je fais de votre cadeau» juste avant de se jeter par la fenêtre.

Et si Merlin acceptait de se soumettre aux Rites, mais découvrait ensuite qu'il préférait mourir que de vivre sans sa magie ?

Arthur ne croyait pas pouvoir supporter de le perdre pour toujours, et encore moins de cette manière-là.

Il lui était déjà assez difficile d'être resté assis sans bouger tandis que le vieillard torturait sous ses yeux cette malheureuse jeune fille, dont il ignorait jusqu'au nom...

A chaque fois qu'il imaginait Merlin à sa place, quelque chose en lui se révulsait, et il pensait : non.

Mais en tant que sorcier, Merlin ne pourrait jamais revenir à Camelot...

Arthur ne pouvait pas le permettre; pas après toutes les souffrances qu'avait endurées sa famille et son peuple à cause de la magie...

Il aurait aimé pouvoir discuter avec Guenièvre du dilemme qui le préoccupait, mais elle lui avait fait porter un message dans lequel elle lui avait écrit que la rencontre avec Mithian et Annis risquait de se prolonger.

Elles avaient réussi à convaincre Bayard de les rejoindre, et obtenu une entrevue inespérée avec le Roi Loth...

Arthur avait du mal à croire à toutes ces avancées, et il regrettait un peu de s'être calfeutré dans ses appartements au moment où il aurait dû partir sur le terrain pour s'occuper des affaires d'Albion. C'était lui qui aurait dû assister à ces pourparlers, au lieu de quoi il était là, au château, à s'interroger sur ce qu'il allait pouvoir faire avec Merlin.

Pourtant, il se sentait en partie soulagé que Guenièvre le remplace.

Parce que, si Albion était importante, Merlin l'était aussi... Et tant qu'il ne saurait pas quoi faire par rapport à lui, il serait incapable de se concentrer sur quoi que ce soit d'autre.

Arthur avait besoin d'aide pour s'éclaircir les idées, et il se rappela tout à coup que Gauvain ne faisait pas partie de l'escorte qui avait accompagné Guenièvre à la frontière.

Gauvain était l'ami de Merlin; il suffisait à Arthur de se souvenir de la manière dont il avait parlé pour lui, se dressant aux côtés de Guenièvre pour prendre sa défense dans la salle du conseil, pour en être absolument certain.

Et c'était précisément ce dont il avait besoin maintenant pour avancer dans ses réfllexions : quelqu'un qui connaissait, et qui aimait Merlin.

Il partit donc à la recherche de son chevalier. Il pensait le trouver à la taverne, mais ce soir-là, Gauvain était dans ses appartements. Lorsqu'il ouvrit au Roi, il eut une expression décontenancée. Il ne s'attendait manifestement pas à cette visite.

-Surpris ? dit Arthur, amusé malgré lui de la tête de son chevalier.

-Plutôt, oui, répondit Gauvain, en s'effaçant pour le laisser entrer. Qu'est-ce qui me vaut l'honneur de votre visite, Votre Hauteur ? Je vous croyais fâché contre moi.

Arthur s'éclaircit la gorge.

-J'avais besoin de parler à un ami, avoua-t-il.

Gauvain haussa un sourcil.

-Vous êtes toujours mon ami, n'est-ce pas, Gauvain ? demanda Arthur, d'un ton hésitant.

Le chevalier soupira, et hocha lentement la tête.

-Oui. Bien sûr que oui. Si ce n'était pas le cas, que ferais-je encore à Camelot ?

-Et vous êtes aussi celui de Merlin, poursuivit Arthur, attendant confirmation.

-En effet. Je tiens beaucoup à Merlin, reconnut Gauvain. Sans lui, je serais sans doute encore un vagabond impénitent, au lieu d'être l'un des nobles chevalier de Camelot, et c'est une chose que je ne pourrai jamais oublier.

-Bien, dit Arthur.

-Bien ? répéta Gauvain, incrédule. Je croyais que Merlin était un traître et qu'il ne fallait plus chercher à prononcer son nom.

-J'ai peut-être parlé un peu vite, sous le coup de l'émotion, admit Arthur. Disons que.. c'est une des choses à propos desquelles je m'efforce de réfléchir ces temps-ci.

Il prit une inspiration et se lança :

-Si je suis venu vous voir, c'est précisément pour que nous parlions de Merlin. Vous connaissez le bien. Je veux dire : je le connais aussi, bien sûr, mais je suis sûr qu'il a dû vous confier certaines choses dont il ne m'aurait jamais parlées à moi... ne serait-ce que... parce que j'ai encore moins de talent pour écouter les gens que pour exprimer mes propres sentiments.

Gauvain tira une chaise et fit signe à Arthur de s'asseoir.

Puis il s'installa à son tour.

-Que voulez-vous savoir ? demanda-t-il, allant droit au but.

-Selon vous, quelle est la chose la plus importante dans la vie de Merlin ?

Gauvain secoua la tête, et il éclata de rire.

-Comment pouvez-vous demander une chose pareille ? Etes-vous... complètement aveugle, Arthur ?

Arthur lança un regard noir à Gauvain. Il n'aimait pas trop qu'on lui dise qu'il était aveugle, peut-être parce que c'était une tendance dont il voulait absolument apprendre à se débarrasser. Gauvain retrouva aussitôt son sérieux, et se pencha vers lui en affirmant avec force :

-C'est vous Arthur. La chose la plus importante dans la vie de Merlin, c'est vous. Et si vous ne vous en êtes pas encore rendu compte...

Gauvain soupira, et secoua la tête.

-Vous n'êtes qu'un imbécile, conclut-il.

-J'en suis un, parfois, reconnut Arthur, attristé.

-Merlin serait prêt à faire n'importe quoi pour vous, sans hésiter, soupira Gauvain. C'est... quelque chose que j'admire chez lui, et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai eu envie de vous servir à mon tour. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi dévoué, et j'ai pensé... que pour inspirer tant de loyauté, vous deviez vraiment en valoir la peine.

-Est-ce que j'en vaux vraiment la peine ? demanda Arthur, avec un sourire contrit.

-Je suis certain que Merlin n'a pas changé d'avis sur la question, et pour ma part, je suis prêt à vous laisser une autre chance, dit Gauvain.

-Donc, vous croyez qu'il n'a pas essayé de me tuer.

-Il aurait sans doute eu toutes les raisons de le faire... dit Gauvain avec humour, mais je suis convaincu qu'il n'avait rien à voir avec cette attaque.

-Vous ne croyez pas non plus qu'il soit un sorcier ?

Gauvain resta silencieux.

-Donc vous pensez qu'il possède la magie, insista Arthur.

-Peut-être que c'est grâce à la magie qu'il vous supporte depuis des années, dit Gauvain, incapable de résister à une petite pique. Je ne vois pas vraiment d'autre explication pour qu'il n'ait pas encore claqué la porte à part celle-là.

Arthur eut un rire incrédule. La dérision et le franc-parler de Gauvain étaient les deux choses qu'il appréciait le plus chez lui, mais il oubliait parfois jusqu'où ces deux traits de caractère pouvaient le pousser. Il choisit d'ignorer cette dernière remarque, se concentrant sur ce qu'il voulait vraiment savoir.

-Si Merlin avait le choix, entre moi, et la magie. Que croyez-vous qu'il choisirait ?

Gauvain siffla entre ses dents comme si c'était une question compliquée.

-Merlin ne m'a jamais parlé de sa magie, il m'est donc un peu difficile de répondre à sa place. Néanmoins... je pense que si Merlin avait le choix entre vous, et quoi que ce soit d'autre, c'est vous qu'il choisirait sans hésiter, parce qu'il vous aime.

-Mais... le fait de m'avoir, moi, serait-il... suffisant pour qu'il soit heureux? demanda Arthur, d'un ton incertain.

-La seule chose que je sais, dit Gauvain, c'est que Merlin sera toujours plus heureux près de vous, que loin de vous.

-Merci, Gauvain, murmura Arthur.

-Est-ce que ça veut dire que vous allez lui pardonner ? demanda le chevalier, avec des yeux plein d'espoir.

-Je pense que Merlin devra prendre sa propre décision, répondit-il, en prenant une grande inspiration.

-Ne gâchez pas votre seconde chance, Votre Hauteur, le prévint Gauvain, en plissant les yeux. Sinon, c'est moi qui pourrais bien décider de claquer la porte, et je suis certain que vous me regretteriez.


Vivenef  (05.03.2013 à 02:12)

CHAPITRE 10

Assise en-dessous du pommier, les yeux mi-clos, Morgane écoutait Ismar parler à ses enfants pour les instruire. C'était ainsi qu'elle pensait à eux désormais; ces jeunes magiciens en devenir étaient tous ses enfants.

Ils avaient été sept à l'accompagner à l'origine, ils étaient trente-deux à présent.

Le voyage qu'elle et Merlin avaient entrepris pour atteindre le Sanctuaire n'avait pas été de tout repos...

Désormais, Morgane les entendait dans sa tête: les voix de tous les enfants sorciers en détresse qui l'appelaient à l'aide des quatre coins des cinq royaumes. Ces voix l'empêchaient de trouver le repos; elle sentait qu'elle avait le devoir d'y répondre... telle était sa veille, sa mission. Tel était son devoir sacré.

Elle s'étonnait souvent de ce que ses dons de télépathie se soit autant développés récemment.

Peut-être était-ce qu'elle était plus disposée à écouter qu'elle ne l'avait jamais été...

Elle était prête, aussi, à accepter toutes les responsabilités d'une grande prêtresse.

L'Ancienne Religion avait redonné un sens à son existence, et fait taire la voix du démon qu'elle gardait enchaîné en elle, asservi à sa magie...

La magie était la clé de toute chose.

Morgane savait qu'elle ne l'avait jamais servie aussi bien qu'aujourd'hui.

Elle le savait parce qu'elle le sentait dans son cœur...

Toutes ses années perdues à songer à la vengeance ne représentaient rien en comparaison de ce qu'elle était en train d'accomplir à présent. C'était ce que Nimue et Morgause auraient dû se soucier de sauvegarder et de défendre au lieu de se laisser entraîner dans une vendetta enragée contre le Roi Uther. Ce qu'elles avaient oublié et ce qui était essentiel...

Aithusa et Morgane s'étaient montrées infatigables dans leurs allers-retours pour secourir les enfants dont les voix s'élevaient en quête de secours et pour les transporter jusqu'au Sanctuaire.

Et Kilgarrah lui-même s'était déplacé à trois reprises pour leur prêter main forte...

Merlin était resté sur-place pour s'occuper des jeunes magiciens qu'ils avaient déjà sauvés et organiser leur vie quotidienne. Morgane lui était reconnaissante de son aide, d'autant qu'il avait un réel talent pour gérer ce genre de chose. Peut-être était-ce le fait d'avoir été pendant si longtemps le serviteur d'Arthur ? Préparer à manger pour trente ne lui posait jamais le moindre souci, et il avait rapidement décidé d'entreprendre de construire la demeure principale du Sanctuaire.

Par magie, évidemment.

Morgane était toujours émerveillée lorsque la magie de Merlin était à l'oeuvre.

Il en avait profité pour donner aux enfants quelques notions d'architecture.

Le résultat était magnifique...

Le vieux druide répondant au nom d'Ismar était arrivé deux jours plus tôt en affirmant avoir eu une vision de cet endroit.

Il pensait avoir quelque chose d'important à y accomplir...Depuis lors, il avait commencé à raconter aux protégés de Morgane l'histoire de la magie. Les enfants étaient assis en cercle autour de lui, totalement absorbés par son récit, et pour cause...

Les évènements qu'il racontait étaient fascinants.

Morgane elle-même aurait pu rester à l'écouter pendant des heures...

Hier, Aithusa s'était posée au centre du rassemblement et avait ajouté sa voix à celle du druide pour donner son point de vue sur certains passages de l'histoire. Le débat qui en avait découlé avait été des plus animés... visiblement, humains et dragons avaient des interprétations qui différaient parfois.

Morgane aimait quand Aithusa s'invitait au milieu d'eux. Elle laissait les enfants magiciens jouer entre ses pattes et les poussait du bout de son museau. Elle les traitait comme s'ils faisaient partie de sa famille. Elle leur parlait de la magie qui était la vie et de la vie qui pulsait au centre du Sanctuaire, elle leur parlait de l'histoire des hommes, et de celle des dragons.

Dans ces moments-là, le cœur de Morgane débordait de tant de joie qu'il était sur le point d'éclater...



*



Morgane regarda Merlin s'avancer vers elle.

Quelques jours auparavant, il avait subitement décidé de s'offrir un nouveau manteau, qu'il avait amélioré par magie. Le manteau en question était bleu nuit, avec de la fourrure aux poignets et au col et des plumes piquées le long de la doublure.

C'était un manteau original (Morgane se demandait souvent pourquoi les plumes), mais Merlin avait toujours eu des goûts originaux (sa garde-robe habituelle méritait certainement ce nom-là), et il avait assurément de l'allure ainsi vêtu.

Le vêtement soulignait sa haute taille et le bleu éclatant de ses yeux, et le rendait affreusement séduisant.

Morgane se mordit la lèvre et contint ses pensées.

Il était hors de question que Merlin les entende; c'était déjà suffisant qu'il soit Emrys, et que sa magie soit la chose la plus attirante qui ait jamais existé de par le monde; mieux valait éviter de lui apprendre en prime à quel point il était bel homme.

Il s'arrêta devant elle, et sourit, avec innocence.

-Il est temps pour moi de partir, dit-il.

Elle s'attendait à son départ, bien sûr. Il n'avait jamais été prévu qu'il reste.

-Où iras-tu ? lui demanda-t-elle.

-Acétir ? répondit-il, d'un air contrit.

-Ne crois-tu pas qu'il soit grand temps pour toi, plutôt, de retrouver Arthur ?

Elle disait cela à regrets. Une part d'elle-même aurait aimé garder Merlin pour elle seule.

Une part d'elle-même aurait aspiré à ce qu'ils vivent ici, ensemble, entourés d'Aithusa, de Kilgarrah, et des enfants, protégés par une bulle de magie que rien ne pourrait crever. Elle aurait pu être heureuse ainsi pour toujours. Et oublier à jamais le démon. Mais pas Merlin. Parce que Merlin ne pouvait être heureux dans un monde sans Arthur...

Chaque jour qu'il passait loin de son Roi lui infligeait son lot de peine.

Merlin serait toujours un être divisé : entre le monde des dragons et le monde des hommes, entre l'univers qui appartenait à la magie et celui où vivaient les gens ordinaires. Il n'était pas destiné à créer un nouveau monde dans lequel disparaître, mais à s'efforcer de changer celui qui existait par ses actes, et par son cœur.

Et son cœur appartenait à Arthur-le-chanceux, et à Arthur-l'idiot.

-J'aimerais tant que cela soit possible, admit-il, d'un ton rempli de crainte, et d'espoir.

-Bon voyage à toi, lui répondit Morgane, avec douceur. Tu sais où nous trouver si tu as besoin de reprendre ton souffle...

-Et je reviendrai, promit-il.

A nouveau, il sourit, presque, avec timidité.

Morgane ne cessait jamais d'être étonnée qu'il puisse être à la fois si puissant, et si humble.

-J'aime cet endroit. J'aime les enfants. J'aime que Kilgarrah et Aithusa soient chez eux ici. Et la demeure que nous avons construite... Ismar dit que d'autres édifices se dresseront ici un jour. Il l'a vu dans une de ses visions.

-J'aimerais que mes visions soient aussi belles que les siennes, murmura Morgane. Mais lorsqu'il m'arrive de voir l'avenir, il est rarement aussi radieux.

Merlin soupira.

-L'avenir est ce que nous en faisons, affirma-t-il.

Kilgarrah et Aithusa lui avaient enseigné cette vérité, et il n'avait pas d'autre choix que de s'y accrocher pour continuer à aller de l'avant.

-Des nouvelles du vieil homme qui a brûlé le village des druides ? demanda Morgane.

Merlin secoua la tête.

-Impossible de retrouver sa trace. Il semble qu'il se soit évanoui.

Il leva les yeux vers le ciel, où tournoyait Kilgarrah.

-C'est l'heure, dit-il, avec un léger sourire. Mon dragon m'attend. Au revoir, Morgane.

-Au revoir, Merlin, dit-elle, en le suivant des yeux tandis qu'il s'éloignait. N'oublie pas de prendre soin de toi...



*

Après avoir quitté le Sanctuaire, Merlin choisit d'aller voir où en était Gwen.

La dernière fois qu'il l'avait observée, elle était en pleine discussion avec Mithian et Annis par rapport à la fondation d'Albion et Merlin avait à cœur de surveiller les avancées de son grand rêve.

Quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu'il retrouva son amie encadrée de Mithian, Annis et Bayard, à la frontière des terres de Loth, alors que ce-dernier venait tout juste de les rejoindre à la tête d'une importante délégation dans le but de parlementer !

Merlin assista à l'arrivée de Loth, dans l'expectative.

Les retrouvailles s'annonçaient houleuses...

L'ambiance était tendue, les souverains se regardaient en chien de faïence. Annis, surtout, semblait furieuse. Merlin l'avait rarement vue aussi courroucée, et il nota que ses doigts jouaient nerveusement sur le pommeau de son épée comme si elle était prête à bondir à tout instant.

Il ne tarda pas à comprendre que la délégation des quatre royaumes avait été attaquée aussitôt après avoir passé la frontière.

Il sentit son cœur se dissoudre de remords.

Il n'avait pas été présent pour protéger Gwen ! Elle aurait pu être blessée – ou pire !

Heureusement, elle se portait bien.

Et à en juger par le comportement protecteur de Léon, Perceval et Elyan, qui se pressaient autour d'elle, elle avait été sous bonne garde en son absence...

De plus, ses talents de diplomate semblaient s'être encore améliorés.

Elle réussit à apaiser la colère d'Annis en quelques mots, puis, se retourna vers Loth et désamorça la tension en s'exclamant :

-Comprenez, Majesté que nous soyons quelque peu bouleversés par ce qui vient tout juste de se produire. Nous arrivons au point de rendez-vous que vous nous avez proposé pour constater que vous êtes absent, et, au même moment, nous sommes la cible d'une attaque imprévue ! Comment réagiriez-vous à notre place ? Nous nous sommes gardés jusque là de toute conclusion hâtive, mais nous attendons vos explications.

-Je comprends votre colère, répondit Loth, mais sachez qu'en voyageant pour vous rejoindre, j'ai été également attaqué moi-même, raison pour laquelle j'ai été retardé.

-Où en est la preuve ? réclama Annis.

Loth eut un signe de tête, et deux de ses chevaliers apportèrent au-devant des quatre souverains qui le confrontaient les corps de brigands dont l'accoutrement ressemblait à s'y méprendre à celui des hommes qu'avait affrontés la délégation un peu plus tôt.

Bayard émit un grognement méprisant.

-J'ai réussi à prendre l'un d'eux vivant, annonça Loth.

Et un autre de ses chevaliers s'avança, tirant derrière lui un homme réticent qui était blessé à la jambe.

-Je l'ai déjà questionné, reprit Loth, mais je n'ai pas réussi à en tirer grand chose.

-Pourquoi avoir attaqué ? demanda Annis au prisonnier, d'une voix dure.

L'homme grimaça un sourire provocant.

-Nous avons été payés pour ça, répondit-il.

-Par qui, et dans quel but ? intervint Mithian, les sourcils froncés.

-Notre commanditaire n'a pas révélé son identité, répondit l'homme. Quant au but, il me semble qu'il est évident... Nous devions empêcher cette rencontre de se produire en faisant croire à chacune des parties que l'autre était de mauvaise foi.

-Quelqu'un travaille contre l'unification d'Albion, dit Gwen, d'un ton plein de colère.

-Manifestement, renchérit Mithian. Mais ce n'est pas si étonnant, chère soeur. Il existe beaucoup de personnes de par les cinq royaumes qui auraient davantage d'intérêt à la guerre, qu'à la paix. J'ose simplement espérer que ce n'est pas le cas de ceux qui se trouvent ici en ce moment, et que votre présence, Loth, est un gage de votre bonne foi.

-J'avoue que j'étais opposé à cette alliance, convint Loth en les regardant. Mais si quatre des cinq royaumes prennent le chemin d'une paix durable, je serais bien peu sage de vouloir me tenir à l'écart...

Merlin sourit. Loth savait que si Arthur, Mithian, Annis et Bayard lui déclaraient la guerre ensemble, il ne tiendrait pas longtemps face à un front uni. C'était pourquoi il avait fini par se décider à les rencontrer... C'était en effet une sage décision de sa part que de ne pas vouloir demeurer en-dehors de la nouvelle alliance. Il avait beaucoup plus à y gagner, qu'à y perdre...

J'ai comme l'impression qu'Arthur relèvera bel et bien le défit de faire asseoir les souverains des cinq royaumes à une même table en l'espace de six mois, se dit-il. J'espère qu'il pensera à remercier Gwen pour avoir rendu un tel exploit possible.


Vivenef  (05.03.2013 à 02:27)

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OPJ, Pacifique Sud, S05E02
Jeudi 28 mars à 22:00
2.07m / 12.9% (Part)

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Mercato, S01E05
Jeudi 28 mars à 21:10
3.48m / 18.4% (Part)

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OPJ, Pacifique Sud, S05E01
Jeudi 28 mars à 21:10
2.29m / 11.9% (Part)

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Un si grand Soleil, S06E139
Jeudi 28 mars à 20:45
2.84m / 14.0% (Part)

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Demain nous appartient, S07E153
Jeudi 28 mars à 19:15
2.61m / 15.8% (Part)

Logo de la chaîne TF1

Doc - Nelle tue mani, S03E04
Mercredi 27 mars à 22:05
1.72m / 13.0% (Part)

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Chicago P.D., S11E08
Mercredi 27 mars à 22:00
5.17m / 0.5% (18-49)

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Locksley, 25.03.2024 à 20:10

Pas beaucoup de promo... Et si vous en profitiez pour commenter les news ou pour faire vivre les topics ? Bonne soirée sur la citadelle !

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