Le souk était bondé en dépit de l'heure avancée. Nyssa et Sara avaient du mal à se frayer un chemin parmi la foule. Les gens se bousculaient en riant et en s'échangeant des paroles dont la jeune femme blonde ne comprenait pas toute la teneur. Son arabe était encore assez imprécis et, de toute manière, son vocabulaire se limitait au domaine du militaire. Elle aurait pourtant tant voulu comprendre ce que racontaient ces gens.
Soudain Nyssa pila. Sara, qui ne lui prêtait pas une grande attention toute occupée qu'elle était à regarder autour d'elle, lui rentra dedans et se rendit alors compte qu'elles avaient quitté le souk. Mais la jeune femme ne sembla pas s'en émouvoir. Elle ne la réprimanda même pas pour son inattention.
"Regarde."
Nyssa pointait du doigt un bâtiment situé à l'est de la place. Il fallut à Sara quelques instants pour se rendre compte que sa nouvelle amie lui désignait une église.
Une foule de pèlerins se massait devant l'entrée et des enfants chantaient. Il émanait de leurs chants des sentiments de paix et de chaleur qui emplirent Sara de bonheur. Pendant quelques secondes elle se revit, petite fille aux côtés de sa sœur et de ses parents, se rendant à la messe de minuit le soir de Noël. Soudain, elle fût prise d'un doute...
"Nyssa, quel jour sommes-nous ?
- Joyeux Noël Sara."
La jeune femme, hébétée, la regardait sans comprendre mais l'assassin ne lui laissa pas le temps de se poser plus de questions et l'entraîna à sa suite dans le sanctuaire. L'église était pleine de touristes et de locaux. Des Coptes lui apprit Nyssa. L'église catholique ou le temple protestant les plus proches étaient à des lieues de l'endroit où elles se trouvaient pour effectuer leur mission. Le seul lieu de culte, autre que les mosquées, à des kilomètres à la ronde était donc la petite église copte de ce village de pêcheurs et de tisserands.
Elles trouvèrent une place à côté d'une statue de la Vierge qui rappela étrangement à Sara celle qui se trouvait dans l'église de son quartier chez elle, à Star City. A l'entrée en procession du prêtre, tout le monde se leva et entama un cantique. Sara ne comprenait pas ce qui se disait, elle n'entendait rien au copte, mais elle n'en avait pas besoin : elle se laissa bercer par la mélodie et des souvenirs d'enfance remontèrent à la surface. Pour la première fois depuis le naufrage du Gambit, elle ne les repoussa pas et les autorisa à envahir son esprit.
Plus tard, alors que la cérémonie se terminait, des larmes de joie et de reconnaissance roulèrent sur ses joues. Sara était alors loin de se douter que ce serait la dernière fois, pendant longtemps, qu'elle pleurerait.
Elle regarda son amie et sentit une bouffée d'affection s'emparer d'elle. Elle attrapa l'une de ses mains et la serra fort dans les siennes, espérant lui faire sentir toute son amitié et sa reconnaissance. Nyssa était musulmane et Noël ne représentait rien pour elle mais elle savait l'importance que cette fête avait pour sa protégée. Elle la savait attachée à certaines traditions occidentales et connaissait l'importance religieuse que revêtait Noël pour Sara. Elle avait donc voulu lui faire plaisir et lui offrir un peu de paix, de joie et de simplicité en ce jour. Son attention avait profondément touchée la dernière recrue de la Ligue.
Mais la fille de Ra's ne s'arrêta pas là.
Elle plongea la main dans sa poche et en sortit un petit paquet de velours rouge qu'elle tendit à Sara. Celle-ci la regarda fixement pendant quelques secondes, essayant de savoir s'il s'agissait d'une autre épreuve de son entraînement d'assassin, puis décida de lui faire confiance. Après tout Nyssa venait de lui offrir la plus belle soirée qu'elle ait passée depuis le jour où elle avait, brièvement, re-goûté à la liberté avec Oliver sur Lian yu. Elle attrapa donc le paquet. Elle le déballa précautionneusement et en sortit un fin bracelet d'argent surmonté d'éclats de grenat. Elle le sortit de son emballage et l'examina de plus près à la lumière de la Lune. Il était magnifique et, en le passant à son poignet, elle sentit une légère rugosité. Elle le retira pour constater que quelque chose y avait été gravé : elle reconnut le symbole arabe de la protection. Sara se laissa emporter par son émotion et se jeta à son cou et la serra fort dans ses bras en balbutiant des remerciements. Pas une fois, Nyssa ne se plaint de cet accès sentimental ni ne la repoussa. Elle lui rendit même son étreinte.
Les deux femmes surent alors que, ce jour là, leurs liens ne pourraient plus être brisés que par la mort.
FIN
