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Sur votre 31: Jack et le Docteur

Série : Doctor Who (2005)
Création : 01.01.2022 à 18h41
Auteur : choup37 
Statut : Terminée

« Le Docteur et Jack se connaissent depuis longtemps, et sont passés par beaucoup de sentiments. 31 histoires pour raconter la plus longue relation que le Docteur a jamais connue. » choup37 

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21 – Flamme

 

La flamme de vie qui brûle dans les yeux de l'autre quand ils se rencontrent ne fait qu'exploser au cours du temps, chacune s'attirant mutuellement pour mieux danser autour de l'autre.

Celle du Docteur est puissante et brutale, rustre, et effrayante. Celle de Jack est plus charmeuse, taquine, joueuse.

Leurs flammes se rencontrent, se cherchent, se tournent autour jusqu'à se toucher, et se palper.

Elles se brûlent au départ, mais comme n'importe quel feu, elles finissent par se mélanger, jusqu'à s'unifier.

Leurs flammes augmentent d'une nouvelle intensité, en même temps que grandit et évolue leur relation : elles explosent lorsqu'ils deviennent davantage que de simples compagnons de voyage, se mélangent et s'unissent, se réchauffant mutuellement de toutes les manières possibles.

Jack est fasciné par la force de vie du Docteur, son honnêteté, sa loyauté, il est son ami, son mentor, son leader, son amant. La flamme qui brûle dans le Seigneur du temps est d'une puissance telle qu'il n'en a jamais vu, et le capitaine devient papillon face à la lumière, dansant et virevoltant autour de celui qui est désormais le centre de sa vie.

Le Docteur, si épuisé, si enragé, le Docteur passe son temps à râler sur le jeune garnement. La flamme qui anime le capitaine est celle de tous les jeunes paons, têtus et insolents. Il râle, et il grogne, mais au fond de lui, il sait qu'il est conquis.

Le Seigneur du temps gravite autour de son compagnon, se réchauffant auprès de lui comme un vieil ours aigri. Il se colle à lui, recherche son effronterie, son énergie, sa jeunesse, sa tendresse. L'humour insolent du jeune homme cache une fragilité et un cœur brisé que les apparences ne laissent pas deviner. Mais le Docteur est âgé, et expérimenté. Il sait reconnaître les différents types de sourires, et rires.

La flamme de Jack est aussi celle d'un survivant, un combattant. Jack est comme lui, et c'est tout naturellement qu'avec le temps, il devient son ami.

Chacun se brûle au contact de l'autre, comme deux papillons se perdant dans la lumière d'un lustre.

Sans surprise, leurs flammes finissent par se mélanger, et s'aimer.

Il est tellement facile, de fermer les yeux et oublier. Ils sont addicts, ils le savent, mais ils s'en moquent, ils savent que jamais rien ne dure, et c'est ce qui rend leur flamme encore plus intense, ce désir commun de vivre et oublier, courir pour toujours sans jamais se retourner, courir, et rire, et se brûler au contact de l'autre, vivre, encore et toujours, pour oublier, qu'un jour tout cela sera terminé.

 

***

La flamme qui anime le nouveau Docteur est toujours aussi puissante, et Jack pourrait s'y perdre de nouveau s'il y plongeait, il le sait.

Ce serait tellement facile, d'oublier.

La flamme qui brûle en ce nouvel homme est sauvage, et violente, et passionnée.

Si gaie, et enflammée.

Ce serait tellement simple, de s'y plonger.

Peut-être, devrait-il essayer.

Mais Jack ne veut plus, ne peut plus.

Il a appris, il a été trahi, et il fuit.

Sa propre flamme est tarie.

La flamme du Docteur vacille lorsque Jack se détourne, ses mots taquins mais fermes ne laissant aucun doute quant à l'étendue de la faille qui s'est créée entre les deux alliés.

La flamme de Jack tremblote et clignote alors qu'il s'éloigne, hésitant et chancelant et protestant.

Ne devrait-il pas au moins essayer ?

Mais que reste-t-il à tenter ?

Sa vie sur le Tardis est terminée.

Cette page est à tourner.

Le Docteur sent sa propre flamme tituber quelques instants, ses mains se contractant en même temps qu'il sert les dents.

Mais pourquoi Jack serait-il resté ?

Quelles raisons lui a-t-il données ?

Il n'est bon pour personne, il le sait.

Et pourtant, il demeure blessé.

Et pourtant, il ne va pas le chercher.

Deux cœurs brisés, deux flammes soufflées, ou vraiment ?

Car deux âmes si semblables ne peuvent s'ignorer pour toujours, leurs flammes sont trop identiques pour ne pas se retrouver, nées chacune dans les feux de la guerre, le chagrin et la peine, deux immortels, seuls au monde sans aucun autre être parallèle.

Ils ont besoin de la flamme de l'autre pour se soutenir, et se souvenir, se souvenir du passé, et du temps aimé, se souvenir de ce qu'ils ont été, et ce qui pourrait, si seulement ils voulaient tenter.

Leurs flammes sont si identiques, et si éloignées, Jack ne fait que le regretter, son Docteur lui manque, mais le deuil doit être fait.

La flamme n'est plus, elle s'est résorbée, pour se transformer.

La question est, peut-il l'accepter ?

Dehors, le Docteur l'attend, patient.

Le Docteur sait, qu'il l'a blessé, qu'il l'a brisé, il a mérité son rejet.

Il ne peut qu'espérer.

En lui, la flamme renait.

Un jour, tout sera réparé.

Il ne peut qu'espérer.

Si seulement, il parvenait à vraiment s'excuser.


choup37  (21.01.2022 à 18:45)

22- Falaise

 

  • … Je suis désolé.

Jack cligna des yeux, tiré de sa contemplation. Face à lui, l'océan s'étirait sur des milliers de kilomètres, l'eau grise argentée étincelant sous la lumière rose des deux soleils couchants. Tournant la tête, il jeta un regard au Docteur, dont les prunelles brunes semblaient rivetées sur l'eau leur faisant face.

Les jambes pendant dans le vide, les deux hommes profitaient d'un moment de calme après une autre aventure tumultueuse.

Une autre journée, un autre voyage.

Une autre mort pour Jack.

En bas d'une falaise identique à celle-ci.

Jack détourna la tête, mais le Docteur continua de parler, sa voix basse et tendue.

  • Ce n'est pas.. Je n'ai pas.. Je suis désolé, Jack, souffla-t-il.
  • Je sais, répliqua-t-il, sa voix plate.
  • Non, je..

Le Docteur se passa la main dans ses cheveux, frustré. Lui qui parlait tout le temps pour tout et rien dire ne parvenait pas à trouver ses mots en cet instant, quand ils comptaient le plus.

Mais était-ce si surprenant ?

Le Seigneur du temps n'avait jamais été doué pour parler sentiments, et encore moins lorsqu'il s'agissait du capitaine.

L'immortalité de ce dernier demeurait un sujet.. compliqué.

Mais c'était sa faute, pas celle de Jack.

  • Je... Ooooh, pesta-t-il, irrité face à sa propre incapacité, avant de se tirer les cheveux, les tordant un peu plus sous le regard malgré tout amusé du capitaine. Je suis vraiment mauvais pour cela, soupira-t-il.

Son compagnon tendit la main, lui tapotant gentiment la cuisse.

  • C'est ok, Doc.
  • Non, ça ne l'est pas, ça ne l'est pas, Jack, je .. Un nouveau soupir. J'ai été.. mauvais. Cruel. Lâche, murmura-t-il, une nouvelle vague de honte le frappant alors qu'il fixait de nouveau l'océan, ses jambes se balançant nerveusement dans le vide. Et je.. ne suis pas.. ainsi. Pas sensé.. être.. ainsi.

Si possible, sa voix se fit encore plus basse, se brisant sur les derniers mots.

  • Je... Ce n'est pas moi, vous savez ? Qui ai.. Qui vous ai..

Le capitaine cligna des yeux, avant de tourner la tête vers lui, perdu. Les cœurs du Docteur se serrèrent en découvrant la peine difficilement dissimulée qui avait envahi les magnifiques prunelles de l'immortel, alors que les terribles souvenirs du passé s'éveillaient de nouveau.

Fallait-il vraiment que le Docteur aborde ce sujet maintenant ? Jack avait cru qu'il se sentait coupable de sa mort du jour – comme si c'était sa faute – mais non, apparemment, le Seigneur du temps semblait décidé à mettre les pieds dans le plat, quitte à raviver leurs démons personnels.

Comme toujours, il ne faisait que blesser son ami.

Cette régénération n'avait jamais su comment gérer ce qu'était devenu son compagnon. L'ironie naturelle s'était faite mauvaise, se transformant en méchanceté pure alors qu'il était mis devant le fait accompli – la peur et la lâcheté avaient pris le dessus, blessant, brisant, tordant, et il avait honte, si honte, et si mal, et vraiment, il haïssait ressentir toutes ces choses..

  • Quoi?

Le Seigneur du temps baissa les yeux, alors qu'une vague d'amertume le saisissait.

  • Je... Je ne suis pas revenu, admit-il très bas. Mais ce n'est pas moi qui.. suis parti.
  • … quoi ?

Si possible, la voix de Jack s'était davantage brisée. L'idée que l'autre Docteur, le premier, son mentor, son ami, ait pu le trahir ainsi, était simplement inconcevable.

Dans son esprit, la trahison était toujours venue du suivant – celui aux cheveux bruns et au sourire taquin, et au long manteau identique au sien, long, si long qu'il en dissimulait presque ces stupides converses que Jack avait appris à aimer.

Apprendre ainsi, presque un siècle et demi plus tard, qu'il avait eu tort, que c'était son premier Docteur qui l'avait abandonné, était simplement.. impossible.

  • Cruel, souffla-t-il en détournant la tête. Il fallait que vous me détruisiez un peu plus, hein ?

L'incarnation actuelle lui jeta un regard peiné.

  • Je voulais juste..
  • … soulager votre conscience, l'accusa-t-il.

Le Docteur baissa la tête.

  • Peut-être.. surement.. Ou peut-être, suis-je fatigué de sentir la vie vous quitter si souvent, marmonna-t-il.

Jack le fusilla du regard.

  • Oh, parce que c'est ma faute, maintenant ! Comme si j'avais la mainmise sur cela, Doc !
  • Bien sûr que vous ne l'avez pas ! C'est bien le problème ! Je .. Un nouveau grognement frustré, d'autres mèches torturées. J'étais si jeune.. Je.. Il.. Il était mourant.. Rose.. Sa voix se brisa davantage au souvenir de leur amie disparue. Il l'a sauvée, mais.. cela l'a tué.. Ses.. Nos.. Nos instincts ont pris le dessus.. Un animal blessé se cache pour mourir, commenta-t-il amèrement. Il semble qu'un Seigneur du temps ne vaille pas mieux. Il avait si peur.. qu'il a fui. Il ne comprenait pas.. Il ne voyait pas.. Tout était si.. puissant.. anormal, souffla-t-il.

Un brusque appel d'air à sa gauche lui indiqua qu'il avait, encore, frappé en plein cœur. Un juron interne lui échappa alors qu'il réalisait une nouvelle fois sa maladresse.

Vraiment, cette incarnation ne savait pas communiquer.

Ses jambes pendaient dans le vide, mais le Docteur aurait tout aussi bien pu marcher sur une falaise mentale tellement il se sentait pendre dangereusement près du vide.

Parfois, les émotions représentaient un danger bien plus grand que le monde physique les entourant.

  • Vous pourriez juste vous taire, vous savez.

L'amertume dans la voix de l'immortel ne parvenait pas à dissimuler l'émotion sous-jacente s'y trouvant. Le plus âgé secoua la tête, irrité et peiné.

Il fallait qu'il parle. Il fallait qu'il s'explique. Et il fallait qu'il le fasse maintenant, tant qu'il en avait encore le courage, parce qu'il savait que sinon, il ne le ferait jamais. L'occasion ne se représenterait pas, ou alors pas avant des siècles, et le Docteur ne se leurrait pas assez sur lui-même pour ne pas savoir qu'il s'enfuirait, comme il le faisait toujours.

Fuir avait toujours été plus simple.

Fuir, au lieu de faire face.

906 ans de vie, et toujours aussi incapable d'assumer ses erreurs.

À quoi bon lui servait toute cette expérience s'il n'était pas capable de réparer ses fautes ?

Il en avait commis tellement.

Mais certaines lui pesaient plus que d'autres.

Il ne savait pas exactement pourquoi ces mots sortaient aujourd'hui. Il avait toujours été volontairement ignorant de la souffrance qu'il infligeait au capitaine, par orgueil, par peur, ou par honte, parfois les trois en même temps. Ironiser était plus simple que d'assumer, et le Docteur, ce Docteur en particulier, avait toujours été plus doué pour fuir que pour accepter les choses telles qu'elles étaient.

Mais il avait vu Jack mourir, aujourd'hui. Il le voyait mourir souvent, mais quelque chose avait été différent cette fois.

Peut-être, était-ce la pure horreur sur le visage de son ami alors qu'il glissait dans le vide, ses prunelles bleues écarquillées sous le choc et la réalisation.

Peut-être, était-ce le fait que c'était lui qui aurait dû chuter, et pas l'immortel.

Jack s'était placé entre lui et une flèche, alors qu'ils fuyaient un groupe hostile de locaux. Mais se faisant, il avait glissé sur le chemin humide, si près, beaucoup trop près du vide de la falaise.

Le Docteur avait hurlé.

Jack lui avait peut-être éviter de se régénérer, et il n'avait rien pu faire pour l'aider.

Son visage était aussi pâle que le ciel un frais matin de brouillard lorsqu'il l'avait retrouvé sur la plage, le Tardis à peine matérialisé qu'il en jaillissait en courant.

Une nouvelle fois, Jack était mort pour lui. Une nouvelle fois, il l'avait tenu contre lui, le berçant doucement alors qu'il attendait désespérément son réveil.

Une nouvelle fois, Jack était resté silencieux, se contentant de rejoindre le Tardis et s'affaler contre la console.

Une nouvelle fois, les cœurs du Docteur s'étaient tordus alors que l'impuissance le saisissait de nouveau devant la souffrance de son ami.

Peut-être, que cela avait été la fois de trop.

Ignorant délibérément les mots du capitaine, il marmonna, les yeux rivés de nouveau sur l'océan :

  • Vous faire face.. Ce n'était pas juste une souffrance physique, Jack. C'était aussi mental.
  • Vous avez toujours su parler à un homme, roula des yeux l'immortel.
  • Parce que j'avais honte.
  • Vous .. quoi ?

Le Docteur lui jeta un regard en coin.

Jack le fixait, la bouche grande ouverte.

Malgré lui, un léger sourire étira ses lèvres.

Ce n'était pas si souvent qu'il parvenait à faire taire l'irréductible capitaine.

Le sourire se fana alors qu'il continuait à parler, les mots tombant de sa bouche sans discontinuer à présent qu'il était lancé :

  • Je .. J'ai été lâche. Je .. Cruel. Et je.. J'avais honte.. Vous retrouver, faire face à.. tout cela – il secoua la main – je n'y étais pas prêt. Fuir.. était plus simple. Cela a toujours été plus simple, murmura-t-il, les yeux dans le vide. Et je .. Je suis désolé, Jack. Je sais que cela n'excuse rien.. Tout ce que vous.. avez vécu.. mais c'est tout ce que je peux dire. En plus de.. vous expliquer ce qu'il s'est vraiment passé.. Et je, je le fais maintenant, parce que je.. Je voulais dire les choses clairement.. Pour une fois.. J'ai.. J'ai fait beaucoup d'erreurs, Jack, mais, celle-là.. celle-là en particulier.. Vous n'êtes pas un monstre, capitaine.. Vous n'êtes pas un monstre, répéta-t-il, sa voix s'élevant alors que la colère le saisissait, sa honte envers lui-même prenant le dessus un instant. Vous êtes.. différent, mais ce n'est pas... Vous n'êtes pas un monstre, vous êtes mon ami.. Je suis désolé, murmura-t-il, sa voix se brisant de nouveau alors que ses épaules s'affalaient.

Il pendait littéralement dans le vide à présent, la sensation mentale qu'il allait tomber de sa propre falaise mentale si forte qu'il pouvait à peine respirer.

Il avait chuté, glissé sans s'en rendre compte, tombant dans les abysses profonds de ses propres démons. Il ne pouvait que s'agripper aux pierres, mais elles étaient si rugueuses, et glissantes, et il n'était pas certain qu'il parviendrait à y demeurer accroché plus longtemps...

Le Docteur sursauta en sentant une main se poser sur son épaule.

Tournant la tête, il croisa le regard embué de Jack.

Sa gorge se serra.

Tant d'émotion dans ces yeux bleus.

Le capitaine se mordit la lèvre, hésitant. Le Docteur sut ce qu'il allait faire avant même qu'il ne bouge, tentant de se rapprocher de lui en même temps que le Seigneur du temps tendait la main. Le duo se figea, avant de se fixer de nouveau. D'un commun accord cette fois, ils se rapprochèrent, lentement, doucement, timidité et gêne prenant le pas avant que, enfin, leurs épaules ne se rencontrent.

Le Docteur déglutit.

À une époque, une proximité telle avec l'immortel aurait été insupportable.

Elle était toujours si difficile. Elle lui donnait envie de fuir, loin, si loin, sans se retourner, encore.

Cela aurait été si simple, vraiment.

Et si lâche.

Le Docteur déglutit.

Il ferma les yeux lorsque la main de Jack se posa sur son bras, hésitante.

La brûlure était presque insoutenable.

La lumière si puissante.

C'était comme regarder le cœur du vortex, une nouvelle fois, comme il l'avait fait il y a si longtemps.

Le Seigneur du temps pouvait sentir la tête lui tourner, la sensation vertigineuse.

Ce serait si simple, de lâcher prise. Se laisser aller, plonger sans réfléchir pour toujours dans cette lumière si intense qu'était devenu le capitaine.

Si facile, et si effrayant.

Accepter de faire totalement confiance, sans retour en arrière.

Ce serait si facile, et si effrayant à la fois.

Y était-il prêt ?

Il n'y avait qu'ainsi, il le savait, qu'il pourrait commencer à réparer sa relation avec le capitaine – si tant est-il que ce soit encore possible.

Si facile, et si effrayant à la fois.

S'enfuir était si aisé.

Mais le Docteur était si fatigué.

Ses épaules s'affalèrent un peu plus, en même temps qu'il se laissait tomber contre le capitaine. Celui-ci se détendit légèrement, avant de sourire lorsque le Docteur roula des yeux, saisissant sa main pour l'enrouler autour de ses propres épaules. Sa tête se posa dans l'angle du cou de l'immortel, augmentant le sourire de ce dernier.

Un léger sourire étira ses propres lèvres, avant qu'il ne roule des yeux, en une parfaite imitation de sa précédente incarnation.

Au loin, les nuages s'éclaircirent enfin, laissant passer les derniers rayons des soleils couchants.

Si possible, le sourire de Jack s'éclaircit davantage. Du coin de l'œil, il jeta un regard au Docteur, pour le découvrir lui aussi occupé à le fixer.

Un rire commun leur échappa, avant qu'ils ne s'affalent de nouveau l'un sur l'autre, dans un silence désormais confortable.

Jack lui avait saisi la main, l'aidant à remonter le long de la pente. La poigne de l'immortel était ferme, son sourire chaleureux en même temps qu'il le tenait contre lui, le protégeant du vide.

Le Docteur sourit.

Il avait pris le risque de se jeter dans le vide, sans savoir ce qui arriverait, sautant de sa falaise personnelle sans aucune idée des conséquences. Le danger avait été terrible, la peur nauséeuse.

Mais peut-être, songea-t-il alors que la tête de Jack se posait contre la sienne, était-ce la meilleure décision qu'il avait prise depuis bien longtemps.

Peut-être, n'était-il pas si mauvais à cela, après tout.


choup37  (22.01.2022 à 14:21)

23- Beau

 

Ce n'était pas une surprise, le premier Docteur de Jack ne s'était jamais aimé.

Son corps était trop mince, trop maigre : c'était le corps d'un homme épuisé par les combats et l'amertume des années, le corps d'un être qui se haïssait tellement pour ses crimes et échecs qu'il refusait de le nourrir, se contentant du minimum vital.

Ce Docteur se détestait encore tellement, qu'il se punissait de toutes les manières possibles.

Et l'une d'elle consistait à ne pas se nourrir suffisamment.

Son corps était mince, si mince, presque maigre. Ses muscles étaient la seule marque de force physique l'habitant, contrastant avec la maigreur de sa taille et ses côtes presque saillantes.

Son visage était le symbole de cette souffrance, ses traits émincés faisant ressortir ses pommettes saillantes, et la profondeur de ses yeux bleu marine.

Son visage était peut-être ce qui exprimait le mieux le dégoût que ce Docteur ressentait vis-à-vis de lui-même.

Lorsqu'il se regarderait dans le miroir, tout ce qu'il y verrait serait des traits décharnés et osseux, bien plus proches des morts que des vivants l'entourant au quotidien.

Il n'y avait rien à aimer, rien à apprécier.

Ce Docteur ne s'était jamais trouvé beau, et il ne faisait de toute manière aucun effort pour le devenir, se dissimulant sous une immense veste de cuir et une tenue sobre presque militaire.

Jack n'était pas d'accord.

Jack était tombé amoureux de lui au premier regard.

Son regard, c'était la première chose qu'il avait vue chez lui. Ces yeux bleu marine l'avaient envouté immédiatement, le faisant tomber dans un océan d'étoiles et supernovas qu'il n'avait jamais réussi à quitter. Leur puissance était telle que Jack s'était retrouvé attiré immédiatement, captif volontaire de ces deux boules bleues emplies d'une vie et rage qu'il n'avait pas ressenties depuis trop longtemps.

Les yeux du Docteur exprimeraient tant de sentiments.

Joie, peur, colère, rage, excitation, satisfaction, humour, gentillesse.

Malgré son apparence d'ours mal léché, l'homme était une des personnes les plus gentilles que Jack avait pu rencontrer. Sa tendresse pour les siens n'avait d'égale que sa passion pour la vie, et sa capacité hors du commun à la partager.

Il y avait tant d'amour, dans ses yeux.

Tant de gentillesse, et de vie, et d'énergie dans ses pupilles.

Le regard du Docteur était si magnifique.

Le voir hanté par les horreurs du passé avait toujours brisé le cœur de Jack.

La tempête et la rage qui y brilleraient.. Le capitaine frissonnait juste à y penser. Leur puissance et violence étaient telles qu'elles auraient pu détruire l'univers à elles seules.

Malgré sa peur, Jack ne pouvait contenir sa fascination.

Il existait une beauté sombre dans ces yeux qui l'avait attiré dès le premier regard.

Le visage du Docteur était rugueux mais fin, ses muscles puissants malgré la maigreur de leur propriétaire. L'homme était semblable à un fauve, sa démarche assurée indiquant son expérience et sa confiance en lui-même.

La beauté de ce Docteur n'était pas traditionnelle, mais de cela, Jack s'en moquait : sa beauté résidait dans ses cœurs, et sa personnalité. Ce Docteur était rustre mais vrai, honnête bien qu'abimé, sa beauté était aussi intérieure et Jack en était tombé amoureux.

 

***

Le nouveau Docteur avait tout pour plaire.

Jeune, stellaire, brillant, des yeux bruns d'une puissance à vous faire tomber d'un regard, accompagnés d'un sourire coquin que Jack avait voulu embrasser dès qu'il l'avait vu.

Sa beauté était plus traditionnelle, ses traits fins mis en valeur par des cheveux savamment mis en scène et accompagnés d'un costume trois pièces à s'en faire pâlir tous les tailleurs de l'univers. Son intelligence était toujours aussi poussée, son charme geek ravageur et enthousiaste – ce manteau était la trouvaille du siècle, et ces converses ? Qui d'autre aurait osé ?

À tous les égards, il était le symbole du gendre parfait, et il le savait.

Ce Docteur était fier de son apparence, et ne s'en cachait pas. Son plaisir à s'habiller tirait sur l'orgueil, le soin apporté à ses tenues identique à celui passé à se coiffer – avec quoi exactement, Jack n'en savait rien, mais il devait y avoir des réserves astronomiques de gel à présent sur le Tardis, à moins que le Docteur n'emploie réellement des pétards ?

Cette incarnation avait tout pour plaire, et le savait.

Jack n'y avait pas échappé, oh, non. De même que Rose, et Martha, et Shakespeare, et toute la gente multisexe de l'univers, il était tombé, son cœur s'emballant violemment la première fois qu'il avait découvert sur une photo l'apparence du nouvel homme habitant le Tardis.

Mais tout s'était arrêté à cela – l'apparence.

L'immortel et ancien compagnon n'avait pas tardé à découvrir que la personnalité du nouveau Docteur était tout aussi différente que ses traits.

Ce Docteur était cruel dans ses mots, et instable dans ses amitiés.

Sournois dans ses paroles, et lâche face à ses fautes.

Le précédent Docteur pouvait être brutal dans ses mots, mais il possédait une honnêteté de cœurs que le capitaine ne retrouvait plus dans la présente incarnation.

Il avait été blessé, ô, si cruellement.

Alors il était parti.

 

*-*

Il avait fallu du temps à Jack pour comprendre que la beauté de ce Docteur était un masque, si utile pour séduire et charmer, plaire, satisfaire, amuser, attirer.

Un visage jeune et jovial, vers lequel se tourner et se confier.

Un sourire charmeur et gentleman, idéal pour captiver et ensorceler.

Une jeunesse éternelle, qui dissimulait une âme brisée.

Comme lui, le Docteur demeurait cassé, brisé par le temps et ses cruautés. Ses cœurs étaient abimés par ses pertes, et si fatigués de toutes les souffrances et deuils affrontés.

Comme Jack, sa beauté n'était plus qu'une armure, un paravent pour dissimuler combien il était épuisé.

Peu à peu, Jack avait appris à lui pardonner, et, lentement, recommencer à l'aimer.


choup37  (23.01.2022 à 18:29)

24- Loin

 

La pluie et le vent, une météo typique à Cardiff, mais pas toujours particulièrement appréciée de ses habitants blasés.

L'un d'eux, cependant, y est encore plus accoutumé que les autres.

Après plus d'un siècle passé à arpenter les rues de la ville, le capitaine Harkness en est devenu part intégrante.

Il existe un lieu, en particulier, où il aime revenir, encore et toujours.

Le Millenium Center n'a pas seulement l'avantage d'être situé juste à coté du Hub, c'est aussi le plus haut point de la ville.

La pluie et le vent y battent leur plein cette nuit, alors que Jack s'y tient de nouveau, immobile.

Son manteau claque autour de lui, ses mains profondément enfoncées dans ses poches.

Ses yeux sont rivés sur le ciel, et les milliards de petites lumières blanches qui l'éclairent.

Les étoiles ont toujours exercé une fascination puissante sur lui, même après tout ce temps.

En particulier après tout ce temps.

Les étoiles lui rappellent tout ce qu'il a été, tout ce qu'il aurait pu être, et tout ce qu'il a perdu.

À une époque, qui lui semble à présent à des années-lumière, le capitaine y voyageait librement.

Ce temps est révolu.

Les étoiles sont si loin à présent, il ne pourra jamais y retourner.

Sa quête pour retrouver le Docteur semble sans fin.

Reverra-t-il un jour le Seigneur du temps ?

Obtiendra-t-il des réponses ?

Pourra-t-il retourner sur le Tardis avec son ami ?

Pourquoi le Docteur l'a-t-il abandonné ?

L'a-t-il seulement choisi ?

Les étoiles ne font que lui rappeler à quel point il a tout perdu.

À une époque, elles étaient le centre de sa vie.

Aujourd'hui, elles ne sont plus qu'un lointain souvenir, et un souhait amer.

Plus que jamais, le capitaine se sent si loin de tout.

Un jour, peut-être, il y retournera. Un jour, oui, le Docteur reviendra, et Jack le frappera, et il l'embrassera, et il pourra repartir avec lui, loin, si loin de ce trou perdu qu'est Cardiff, de cette minuscule planète qu'est la Terre et qu'il a appris à aimer autant qu'à détester.

Le Docteur adore la Terre.

C'est bien la seule chose qui fait patienter l'immortel, en attendant l'arrivée du Seigneur du temps.

Parfois, le souvenir de ce dernier est si étouffant que Jack a la sensation de mourir sur lui-même. Dans ces moments-là, l'ancien compagnon s'enfuit, pour mieux trouver refuge sur l'immense toit du Millenium Center, loin, si loin du reste de la population.

Loin de la masse grouillante, et un peu plus près du Docteur.

Mais toujours si loin des étoiles.

Y retournera-t-il un jour ?

Il doit continuer à y croire.

L'espoir est la seule chose qui lui permette de survivre.

L'espoir, cette petite lueur féroce qui continue de vivre en lui, même après tout ce temps.

L'espoir de retrouver sa vie d'avant, même s'il n'est plus le même homme.

L'espoir d'oublier, et de pouvoir tout changer.

L'espoir d'être sauvé, et aimé pour ce qu'il est.

L'espoir d'être pardonné.

L'espoir peut devenir autant une bénédiction qu'une malédiction, mais en cet instant, il fournit au capitaine la rage nécessaire pour continuer à avancer, loin, si loin du monde désiré.

 

*-*

La douche est aussi froide que cruelle.

Lorsque Jack regarde les étoiles, à présent, c'est le cœur totalement vide.

L'espoir est mort, pour laisser place à la tristesse et les souvenirs.

Sa vie sur le Tardis lui semble si loin.

Plus le temps passe, et plus il peine à s'en souvenir en détail.

Plus d'un siècle est passé, et le Docteur lui a tourné le dos.

Jack se sent si seul.

Pendant un moment, il a cru, en courant vers le vaisseau, que tout redeviendrait comme avant.

Pendant un instant, il s'est laissé aller à espérer.

Et puis son monde s'est effondré.

La réalité s'est imposée.

La guerre a éclaté.

Et Jack est de retour sur Terre, le cœur vide et encore plus éloigné qu'auparavant des étoiles.

Malgré les sourires qu'il porte devant son équipe, une part de lui s'en est allée.

Ce soir, lorsqu'il regarde le ciel, c'est pour se souvenir.

Malgré lui, son cœur se sert.

Le Docteur est à la fois si proche, et si loin.

Se comprendront-ils un jour ?

Un monde entier semble exister entre eux.

Se retrouveront-ils ?

Perdu dans ses pensées, le capitaine ne prête pas immédiatement attention au vent qui s'élève derrière lui. Ce n'est que lorsque ce dernier augmente, et se mélange à un grincement familier, qu'il se fige, avant de se retourner, la bouche grande ouverte.

Face à lui, le Tardis finit de se matérialiser.

  • Docteur!

Le mouvement est instinctif, la course naturelle. Les vieux réflexes sont toujours bien présents, le besoin de rentrer dans la magnifique boite bleue immédiat.

Pourtant, Jack se fige une fois arrivé devant la porte.

L'hésitation le gagne.

Est-il le bienvenue ?

La dernière fois..

D'un geste brusque, la porte s'ouvre, révélant une ombre immense vêtu d'un chapeau de cow-boy.

  • Jack, Jack, Jack, Jackie boy ! Qu'est-ce que vous fabriquez ? Montez, enfin !
  • Docteur ?

Si possible, la bouche de l'immortel s'ouvre un peu plus.

Face à lui se tient un garnement brun vêtu de l'accoutrement le plus ahurissant qu'il n'ait jamais vu.

Le pantalon noir serré se mêle à la chemise débraillée et les bretelles, auxquelles s'ajoutent une veste de tweed sortie tout droit de l'Angleterre des années 1950, et un nœud papillon rouge criard.

Le Stetson rivé sur les longs cheveux soigneusement coiffés n'en détonne qu'encore plus.

  • Le seul et l'unique ! Enfin, non, pas l'unique, le dernier en date, quoique, tout est une question de point de vue, et de relativité, même si, dans un sens.. Aaaah, je suis heureux de vous revoir ! Cela faisait longtemps ! Trop longtemps, mais que voulez-vous, plein de choses à faire, de lieux à visiter, de personnes à voir.. Vous, vous vous vous vous particulier, Jackie boy ! Plein de choses à vous dire !

Le débit est impossible à suivre, le train de pensées incompréhensible, le look totalement défoncé. Ce Docteur parle vite, secoue les mains dans tous les sens, enfonce ses doigts dans la poitrine de Jack pour marquer son point, et semble avoir un problème avec la définition d'espace personnel.

Non pas que cela dérange Jack.

Au contraire.

Un léger sourire apparaît sur ses lèvres.

  • Docteur ?
  • Qui d'autre ? Tadaaaaaaam ! S'exclame l'homme en effectuant une pirouette enthousiaste sur lui-même pour mieux se présenter, avant de se figer, les bras ouverts et mains levées. Dites-moi tout. Qu'en pensez-vous ?

Il y a un orgueil évident dans sa voix, cela au moins, cela n'a pas changé, et Jack ne peut contenir son long regard appréciateur, avant que l'expression ne se transforme en sarcasme.

  • Vous avez encore changé.
  • Yep ! S'exclame fièrement l'intéressé, avant de froncer les sourcils. Hum, non, pas yep, surtout pas yep, yep est nul, yep n'est pas cool, plutôt .. Ses yeux s'illuminent. Wizaaa!

Le capitaine renifle.

  • La prochaine fois, vous vous changez en gosse ? Ça va devenir gênant, à force.
  • Pourquoi est-ce que tout le monde me dit cela ? Se plaint aussitôt le Seigneur du temps, son ton tirant sur le geignement. Je ne suis pas un enfant ! J'ai 1200 ans, je vous ferai dire !
  • 1200 ans ? Répète Jack, ahuri.
  • Je sais, je ne les fais pas, personne ne me croit jamais, Amy n'arrête pas de me traiter de sale gosse, scandaleux, vraiment, je ..

La voix du Docteur s'éteint devant l'expression de l'immortel.

  • Jack ?
  • Combien de temps ?
  • Pardon ?
  • Combien de temps ? Combien de temps depuis que..

Il n'a pas besoin de finir, le Docteur devine aisément la fin de sa phrase. Son expression se ferme aussitôt, l'apparence enfantine disparaissant pour laisser apparaître l'être âgé dissimulé derrière.

Soudainement, Jack peut croire que cet homme est le Docteur.

Le regard est familier, la tension bien connue.

Jack le connait à peine, mais il sait déjà reconnaître les signes.

Quelque chose ne va pas.

  • Est-ce si important ?

La voix est tendue, l'envie de fuir évidente.

Entre eux, déjà, le fossé semble s'agrandir, les éloignant davantage l'un de l'autre.

Jack fronce les sourcils, blessé.

  • Important ? Bien sûr que c'est important ! J'ai le droit de savoir depuis combien de temps vous ne m'avez pas vu ! Trois cents ans, hein ? C'est ce que cela vous prendra, pour vouloir de nouveau de moi ? Quoi, vous aviez du temps à perdre ? Envie de vous faire miséricordieux ? Vous êtes vraiment les mêmes, siffle-t-il, incapable de cacher sa rancœur.

Face à lui, le Docteur se fige, son masque se fissurant légèrement pour laisser passer son choc.

Clairement, il ne s'attendait pas à cette réaction de sa part.

Hé bien, il va être servi.

Jack n'est absolument pas d'humeur.

Les horreurs de l'Année qui n'existe pas sont toujours bien présentes dans son esprit, le traumatisme aussi fort que le jour de son retour.

Ce Docteur a très mal choisi le moment de son apparition.

Presque aussi vite que le masque de celui-ci est tombé, il réapparait, accompagné d'un regard sombre qui aurait fait fuir des armées entières.

L'immortel n'est pas impressionné.

D'un geste sec, le Docteur redresse son chapeau, avant de tordre nerveusement son nœud papillon.

  • Je ne suis pas lui, Jack.

Quelque chose, dans la manière dont il le dit, interrompt celui-ci dans sa colère. Est-ce la rancœur évidente à la comparaison avec sa précédente incarnation ? Le regret ? La colère ? Quelque chose pousse le capitaine à s'arrêter un instant, pour mieux le regarder.

Son regard croise celui du Docteur, sombre et puissant et empli d'une force et d'un pouvoir que Jack a déjà rencontrés plusieurs fois.

Derrière l'apparence juvénile, la Tempête gronde.

Cet homme, quel que soit son histoire, est bel et bien le Docteur.

Jack inspire profondément, avant de croiser les bras.

Autour d'eux, la pluie et le vent se battent toujours aussi violemment, augmentant la sensation de chaos ambiant.

  • Pourquoi êtes-vous là ?

Malgré tous ses efforts, il ne parvient pas à dissimuler sa propre tension, ni irritation. Il navigue en terrain totalement inconnu, quelque chose qui en temps normal l'intrigue et l'attire, mais qui devient vite angoissant quand il s'agit du Seigneur du temps.

Il commence à peine à connaître l'autre, faut-il vraiment qu'il s'adapte déjà au suivant ?

N'est-ce pas dangereux de venir le voir, si tôt dans sa ligne du temps ?

Le Docteur doit deviner sa pensée, car il soupire, avant de s'accouder au Tardis.

Derrière lui, la lumière brille, familière et chaleureuse.

À la fois si proche, et si loin.

Jack déglutit, et se concentre sur le Seigneur du temps.

  • Je voulais.. vous voir.
  • Quoi ?

Déjà, le Docteur tire sur son nœud papillon, sa nervosité apparente.

  • Beaucoup de choses.. se sont passées. Je fais.. un tour.
  • Quelles choses ? Quel tour ? Qu'est-ce qu'il se passe ? S'exclame le capitaine, inquiet malgré lui.

Le Seigneur du temps détourne la tête, le haut de son visage disparaissant sous son chapeau pour mieux dissimuler ses yeux avant qu'il ne murmure :

  • Certaines choses.. arrivent à leur fin. Je voulais juste.. les faire durer.
  • Docteur ?

Si jeune, Jack est si jeune, encore, et déjà si âgé, empli de rancœur et de souffrances et de chagrin, et il n'y a rien qu'il puisse faire pour les effacer, ou apaiser ce qui est à venir. Le Docteur sait, et ses cœurs se brisent à la pensée de ce qui arrivera, ce qui est déjà arrivé, à Jack, son Jack, le Jack de sa ligne du temps, celui que cet homme deviendra un jour, mais n'est pas encore, et tout est si compliqué, et vraiment, ne peut-il pas avoir un peu de répit de temps en temps ?

Du temps, le Docteur en manque, et c'est bien la première fois qu'il ne peut rien y faire.

Le temps, le temps défile, inexorable, et le Docteur a tant à dire, et tant à faire.

  • Un jour.. tout cela.. fera sens. Qui je suis, où je suis.. pourquoi je suis ici.. Tout trouvera une explication. Sachez simplement.. que cela arrivera. Vous ne serez pas toujours coincé ici, Jack, Jackie boy. Un jour.. vous retrouverez les étoiles.
  • … Docteur ?

La voix du capitaine est faible, si faible, ses prunelles bleues humides en même temps qu'il fixe l'homme enfant lui faisant face.

Le Docteur sourit, avant de tendre la main pour la poser sur le cœur de l'immortel.

Sous ses doigts, le vortex circule, puissant et éternel.

Si familier, mais aussi si éloigné de celui qu'il connait.

Cette version de Jack est à la fois familière et étrange, miroir déformé d'un passé qu'il a tenté à tout prix d'oublier.

La main de son compagnon se pose sur la sienne, ses doigts se liant aux siens pour mieux le rapprocher.

  • Quand? Souffle-t-il, et le Docteur sourit doucement.
  • Spoilers.

Jack renifle, avant de détourner les yeux, luttant contre ses larmes.

  • Pourquoi ?
  • Parce que vous êtes seul, et que vous aviez besoin d'aide.
  • Non.
  • Je ne suis pas lui, Jack.
  • Je ne sais pas qui vous êtes, murmure-t-il en le fixant de nouveau, son expression fermée.
  • Je sais, souffle-t-il, son sourire triste. Vous apprendrez. Un jour. Et je suis désolé, Jack. Pour tout.

Et il le pense, il le pense vraiment, et c'est tout ce à quoi l'immortel s'accroche alors qu'il le voit reculer, déjà, se dirigeant vers la boite bleue familière comme pour s'y refugier, y fuir, fuir son propre présent et passé et futur et quelque chose ne va pas avec ce Docteur, quelque chose est faux, quelque chose dans ses mots, son attitude..

Le Docteur est à la fois si proche, et si loin.

Vient-il vraiment l'aider, ou visite-t-il un souvenir du passé ?

Combien de temps exactement s'est-il déroulé ?

Trois ans cents pour lui, mais combien pour son Jack ?

Pourquoi venir le voir lui ?

Tant de questions, et si peu de réponses, comme toujours.

Le sentiment est familier.

L'exaspération, et la tendresse aussi.

Le mouvement est instinctif, le geste impossible à contenir. Les yeux du Docteur s'écarquillent lorsque la main de l'immortel saisit son bras, le retournant pour mieux l'attirer à lui.

Déjà, sa main se pose sur sa taille, en même temps que l'autre saisit son visage en coupe.

  • Vous ne pensiez tout de même partir sans me dire au revoir, commente-t-il, flirteur et canaille.

Son premier Docteur aurait roulé des yeux, et bougonné quelque chose à propos des besoins sexuels des singes.

Le Docteur aux converses l'aurait repoussé, et pesté, son indignation évidente.

Ce Docteur rougit, avant d'hausser un sourcil, clairement amusé et.. excité.

Intéressant.

Jack ne prend pas le temps d'approfondir ce constat, de peur de voir sa chance s'envoler. Ses lèvres se posent sur celles du Seigneur du temps, chaudes et passionnées, la curiosité se mêlant au désir et souvenir.

Le résultat est encore meilleur qu'il n'aurait escompté.

Clairement, ce Docteur sait toujours s'y prendre.

Et la manière dont il le sert contre lui..

Quand ils se séparent finalement, c'est avec un clin d'œil de Jack, et un long regard suggestif.

  • Si le futur ressemble à cela, attendre va être dur, commente-t-il, taquin, sa voix rauque de plaisir.

Les joues du Seigneur du temps sont rouges, mais son expression satisfaite lorsqu'il remet son nœud papillon en place.

  • Spoilers.
  • À bientôt, Doc, sourit Jack, avant de le saluer.

Son ami sourit doucement, son regard se faisant mélancolique.

  • Un jour, oui. Nous ne sommes que des histoires, au fond.. Et vous n'en êtes qu'au début.

Et déjà il disparaît, rentrant en coup de vent dans son vaisseau avant que le capitaine n'ait pu l'interroger. Ce dernier sourit en regardant le Tardis disparaître, avant que ses yeux ne se portent sur les étoiles.

Soudainement, elles ne lui semblent plus si loin.


choup37  (24.01.2022 à 19:30)

25 – Ame

 

Le concept d'âme est quelque chose qui n'a jamais particulièrement intéressé le jeune Jack.

Il est si abstrait, et si éloigné de sa réalité, que vraiment, il n'en ressent aucun intérêt.

Ce n'est que lorsqu'il rejoint l'Agence du temps qu'il commence à s'interroger sur la question : c'est assez logique, au fond, lorsqu'on est confronté quotidiennement à des dizaines de nouvelles cultures de toute époque, et toute origine.

Le terme d'âme, en réalité, n'est qu'un mot pour évoquer ses croyances, et la peur de ce qui nous attend après.

C'est quelque chose à laquelle Jack n'aime guère penser, et il essaye de l'ignorer du mieux qu'il peut, malgré tous les cours qu'il subit sur le sujet dans sa classe de Philosophie intergalactique.

Ici, et maintenant, est tout ce qui compte.

La mort, l'âme, les dieux, le futur, la religion, sont des sujets bien trop sérieux et graves pour un jeune agent désireux de manger la vie à pleines dents.

Il aura bien le temps d'y penser plus tard, voire même jamais.

Il a trop de choses à tester, auparavant.

 

*-*

Le Docteur n'est pas particulièrement désireux d'aborder ce sujet, lui non plus, ce qui convient très bien à Jack. Le nouvel habitant du Tardis est beaucoup trop occupé à courir à ses côtés et s'extasier de toutes les merveilles de l'univers pour perdre du temps à se torturer sur un sujet si tortueux et effrayant.

Ce n'est que lorsque Rose interroge le Seigneur du temps sur la question qu'il s'y retrouve réellement confronté pour la première fois.

C'est une soirée tardive, une de celles lors de laquelle le trio s'assoit sur les marches autour de la console, armés de bières et gâteaux. Le sujet est soulevé par la blonde après une aventure chez une peuplade toujours extrêmement proche de la nature.

  • Je veux dire, c'était beau, la manière dont ils vivent en harmonie avec tout ce qui les entoure, ils sont si tranquilles, vous savez ? Et ce respect qu'ils ont pour les animaux, et leurs âmes, c'est rare.

Jack hausse un sourcil.

  • Ames ?
  • Oui, leurs âmes, ils en ont. Rose hausse les épaules, son argument évident à ses yeux. Pas besoin d'être un humain pour ça, non ? Ou un Seigneur du temps, ajoute-t-elle après réflexion, en fixant le Docteur.

Celui-ci sourit gentiment.

  • Tous les êtres vivants ressentent, en effet. Et les cultures les plus proches de la nature sont souvent celles qui s'en souviennent le plus.
  • Jack ? Tu es silencieux, ça ne va pas ?

Le capitaine hausse les épaules, pensif, avant de prendre une gorgée de sa bière.

  • C'est juste.. Je n'y avais jamais pensé ainsi. Les animaux. Leurs âmes. J'imagine que cela fait sens.
  • Tu n'y crois pas ? S'étonne la jeune femme, le faisant soupirer.
  • Ce n'est pas la question, c'est juste.. D'où je viens.. Enfin, je ne me suis jamais vraiment posé la question. L'âme.. C'est juste tellement..
  • Sérieux ? La blonde sourit. Tu aurais pété un câble à mes cours de caté le dimanche.
  • Pardon ?
  • Catéchisme, l'église, roule-t-elle des yeux, avant d'hausser un sourcil devant son expression. Quoi ?
  • Incompréhension culturelle, explique le Docteur, amusé. Rose parle de religion, Jack.
  • Oh .. Ah oui, cette église, murmure-t-il, pensif.
  • Cette église ? Tu en connais d'autres ? S'étonne la jeune femme.

Jack hausse les épaules.

  • Oui et non, c'est juste qu'à mon époque, cela n'a plus le même sens.
  • La religion a évolué avec les Hommes, et leur découverte de l'espace, explique le Seigneur du temps à sa compagne. Mais le concept d'âme est resté.

L'ancien agent le fixe, pensif.

  • Est-ce que vous en avez un ? Un concept d'âme, ou peu importe comment vous l'appelez ?

Rose hausse un sourcil, alors que le Docteur prend une gorgée de sa bière.

  • Tout le monde croit en quelque chose, Jack.
  • Et vous ? En quoi croit un Seigneur du temps, Doc ?
  • Bonne nuit, Jack, sourit celui-ci, et il sait reconnaitre un au revoir quand il en entend un, et damn, si pour une fois, le sujet ne l'intéressait pas.

Le trio n'a plus jamais l'occasion d'évoquer le sujet, et avant que le capitaine n'ait pu y repenser, il est mort, et de retour à la vie, le Tardis disparu devant ses yeux.

Soudainement, survivre est son unique objectif.

La philosophie devra attendre.

 

*-*

Ce n'est qu'une fois coincé sur Terre, plusieurs décennies écoulées à tenter de comprendre ce qu'il est devenu, que Jack commence à s'interroger.

Soudainement, le concept d'âme ne semble plus si abstrait.

L'âme est ce qui vous rend civilisé, vous différencie des bêtes qui vous entourent.

Du moins, c'est ce qu'il finit par penser.

En a-t-il toujours une, après être mort tant de fois pour mieux revenir à la vie ?

Est-il maudit ?

Est-il un monstre d'anormalité, un démon condamné à marcher sur Terre pour toujours comme le pensent certains?

Vivre au milieu de peuples si chrétiens ne peut que finir par l'influencer, même s'il a grandi dans un lointain futur.

À force d'entendre les mêmes paroles répétées encore et encore, on finit par y réfléchir, même involontairement.

Jack ne sait toujours pas ce qu'est une âme, mais il n'est plus très certain d'en avoir une.

Et cela le rend malade.

 

*-*

  • Est-ce que les Seigneurs du temps ont une âme ?

Cent cinquante ans étaient passés depuis la dernière fois qu'il avait posé cette question, l'homme devant lui s'était régénéré, et il avait survécu à une fin du monde.

Vraiment, la réponse n'aurait pas dû être compliquée.

Mais comme toujours, avec le Docteur, elle le devenait immédiatement.

Le Seigneur du temps se figea un instant, avant de reprendre son travail sur la console, ses mains appuyant sur des boutons et abaissant des leviers alors qu'il essayait de régler ses coordonnées sur l'appel à l'aide étrange reçu une heure auparavant.

  • Pourquoi?

Jack haussa les épaules, avant de recommencer à frotter le panel face à lui.

  • Juste une question.
  • C'est une assez large question, commenta le Docteur, un sourcil toujours haussé sur son front par dessus ses lunettes.
  • Si vous ne voulez pas y répondre, ce n'est pas un problème, je me demandais juste.. Oh, ce n'est pas grave, murmura-t-il, se détournant déjà pour mieux continuer son travail et ignorer la gêne qui lui brûlait la nuque.
  • Jack.

Son ami le fixait, inquiet.

Quelque chose n'allait pas avec Jack.

L'immortel n'abordait quasiment jamais ce genre de sujet, préférant généralement les ignorer pour mieux rire et flirter, son masque souriant ne tombant que très rarement, dans certaines circonstances.

Même avec lui, Jack porterait ce masque.

Le fait qu'il le retire en cet instant pour poser une question aussi particulière indiquait un réel tourment intérieur.

Le capitaine soupira, avant de se redresser.

  • Désolé. Je ..
  • De quoi est-il vraiment question ici ?

Un nouveau soupir, suivi d'un roulement de yeux, alors que l'immortel saisissait une bouteille d'huile pour mieux en asperger le morceau de tissu.

  • Est-ce que j'ai toujours une âme ? Après tout ce temps ? Est-ce que je ..

Il s'interrompit, et déglutit, incapable de passer par dessus la boule dans sa gorge.

Est-il toujours humain ?

Le Docteur resta silencieux un certain temps, et Jack se renferma davantage sur lui-même, se perdant dans le travail physique pour oublier son humiliation.

Finalement, le Seigneur du temps se redressa, ses converses résonnant légèrement alors qu'il contournait la console, avant de s'accroupir à ses cotés.

  • Regardez-moi.

Sa voix était douce, faisant déglutit le capitaine alors qu'il obéissait.

Sa gorge s'assécha davantage lorsque ses yeux croisèrent le regard du plus âgé.

La compassion et la tristesse qu'il y découvrit s'y mixaient avec une force si puissante qu'il détourna les yeux, incapable de l'affronter.

  • Jack.
  • Doc, je ..
  • Jack, Jack, soupira-t-il, avant de caresser son visage, le faisant déglutir. Qu'est-ce que je vous ai fait.. Bien sûr que vous êtes toujours humain. Vous n'êtes pas un monstre, capitaine, ajouta-t-il doucement, lui faisant détourner davantage la tête. Quoi que j'ai pu dire.. J'avais tort, Jack. Vous n'êtes pas anormal, vous n'êtes pas un monstre, vous êtes juste.. unique. Sa main libre vint gratter l'arrière de son crâne, marquant sa gêne et honte. J'avais .. tort. Vous êtes humain, Jack. Vous avez des émotions, comme tout le monde. Cela fait de vous un être humain tout ce qui est de plus normal, malgré votre.. situation.

C'était le terme le plus neutre qu'il avait jamais entendu pour décrire son anormalité, et Jack ne put retenir son reniflement.

  • On tourne autour du plat, Doc ? Ce n'est pas la peine d'essayer de me protéger, vous savez. Je suis un grand garçon.

Le Seigneur du temps le fusilla du regard, avant d'agripper son bras.

  • Ce n'est pas vous protéger, Jack, c'est la vérité. Je ..
  • Je suis mort, Doc, le coupa-t-il brutalement. Des centaines de fois. De toutes les manières possibles. Je suis mort, et je suis revenu à la vie, et je suis encore mort, je ne suis pas normal ! Je ne peux pas.. Il n'y a rien pour moi, de l'autre coté ! S'exclama-t-il, laissant éclater son désespoir. J'y suis allé tant de fois, Doc, c'est le noir absolu, il n'y a rien, absolument rien, juste..
  • Quelque chose, termina doucement l'autre homme à sa place. Quelque chose, qui marche dans le noir. Je sais. Je l'ai affronté.
  • Vous... Quoi ?
  • Comment pensez-vous que fonctionnent les régénérations, Jack ? Je meurs, pour mieux revenir. Ce n'est pas si différent, au fond, à ceci près que je ne meurs pas, au sens propre, c'est plus une transformation, une évolution, une transfusion de mon ADN, oh, pourquoi est-ce qu'il n'existe pas de mot pour le décrire dans votre langue ? Pesta-t-il en se passant la main dans les cheveux, exaspéré. L'idée est, Jack, capitaine, que si moi je garde mon âme, je ne vois pourquoi vous ne conserveriez pas la vôtre.
  • Vous avez une âme ?

C'était tout ce qu'il était parvenu à retenir du discours décousu de son ami, et aussi le fait que le Docteur s'est déjà rendu de l'autre coté, il avait déjà traversé la barrière, affronté le noir

  • Evidemment que j'ai une âme, espèce de singe, vous me prenez pour quoi ? Un Cybermen ? S'exclama le Seigneur du temps, clairement blessé.

Jack secoua la tête, avant de murmurer :

  • Vous... Vous pensez vraiment..

Sa gorge se contracta, et il ne parvint pas à terminer sa phrase. Le Docteur soupira, et hocha la tête, avant de serrer sa main maladroitement dans la sienne.

  • Oui.
  • Même si..
  • Oui.
  • Mais je ..
  • Non.
  • Doc, je .. J'ai fait des choses..
  • Moi aussi.
  • Mais je .. Il ferma les yeux, luttant contre ses larmes. S'il y a.. Si j'ai.. Qui me pardonnera, Doc ?

Sa voix se brisa, en même temps qu'il baissait la tête.

S'il avait toujours une âme, alors cela le tenait toujours comme responsable de ses erreurs, et ses crimes.

Et il en avait commis, tellement.

Rien ni personne ne pourrait l'en laver.

  • Je vous pardonne, Jack.
  • Doc ?

D'un geste brusque, il releva la tête, fixant ahuri son ami. L'expression du Docteur était intense et déterminée, et il sentit ses mains devenir moites, et sa nuque le brûler, et sa gorge était si sèche..

  • Je vous pardonne, Jack. Le Docteur répéta ses mots lentement, le dévisageant avec une puissance qui le laissa figé sur place, incapable de bouger ou répondre. Tout ce que vous avez fait, tout ce que vous ferez. Vous ne l'avez pas choisi. Sa voix était calme, posée, déterminée, et Jack sentit son regard s'humidifier. Vous avez dû survivre, survivre à tout prix, dans un contexte terrible, et je .. je suis désolé. Le Docteur baissa la tête, avant de serrer plus fort sa main dans les siennes. Je n'ai pas été là pour .. vous aider. Vous étiez seul ..
  • J'ai fait des choses, Doc.. Je .. Je ne peux pas..
  • Parce que vous pensez que je n'en ai pas fait ? Le coupa le plus âgé, sa voix lourde de chagrin et regret. Parce que vous pensez, que je n'ai pas dû prendre des décisions terribles ? Que je n'ai pas les mains pleines de sang ? Que je n'ai pas fait d'erreurs, que j'ai toujours pu sauver tout le monde ? Sa voix s'était élevée brutalement, sa rage au souvenir de ses échecs résonnant dans chacun de ses mots, avant que ses épaules ne s'effondrent soudainement, ne laissant qu'un regard sombre empli de regrets. Parfois, des décisions terribles sont à prendre, des décisions épouvantables, et il n'y a personne d'autre que nous pour le faire. Parce que si nous le prenons pas, personne ne le fera, et..
  • Ils mourront..
  • Et c'est à nous de les sauver, compléta le Seigneur du temps, son expression sombre porteuse de milliers de souvenirs trop durs pour être racontés, trop terribles pour être revécus, le poids de la Guerre si lourds sur les épaules alors qu'il le fixait, déterminé.

Jack se sentit trembler face à la puissance de son regard, la sensation d'être lu de l'intérieur augmentant de seconde en seconde.

Le Docteur savait.

Le Docteur devinait.

Le Docteur comprenait.

Le Docteur pardonnait..

Le .. Docteur .. Pardonnait.

L'immortel sentit sa tête tourner, ses paupières se fermant d'elles-mêmes alors qu'il sentait les larmes couler à flot sur ses joues. Il demeura éloigné du Docteur, cependant, et si ce n'était pas une preuve de combien il avait souffert pendant tout ce siècle, qu'est-ce qui aurait pu l'être ?

Le Seigneur du temps se mordit la lèvre, avant de glisser avec maladresse un bras autour de ses épaules, le rapprochant de lui.

Il était si mauvais à cela.

Contre lui, Jack inspira brutalement, sa respiration tremblante en même temps qu'il se laissait aller contre lui. Avec hésitation, sa main vint s'enfoncer dans son long manteau, saisissant sa chemise bleue, et le rapprochant en même temps qu'il enfonçait son visage dans son torse.

  • C'est notre malédiction, j'imagine, marmonna-t-il amèrement. Être le plus expérimenté du groupe, et devoir les protéger, tout le temps. Mais à quel prix, Doc ? Qu'est-ce que cela fait de nous ? Souffla-t-il, sa voix affaiblie par ses pleurs.

Le Docteur ne répondit pas immédiatement, préférant l'aider à se relever. Ses mains demeurèrent posées sur ses bras, les serrant avec force alors qu'il continuait à le fixer, son expression intense et ancienne.

  • Nous sommes ce qui se tient entre eux et la mort. C'est notre mission, capitaine. C'est pourquoi nous sommes là. Et pour ce que cela vaut, je suis désolé, murmura-t-il, son chagrin évident. J'aurai dû.. J'aurai dû vous protéger.. Vous sauver.. Rien de tout cela ne serait arrivé si j'avais été là..
  • Oh Doc, ce n'est pas votre faute..
  • Et je vous pardonne. Le Docteur le coupa, ignorant sa protestation. Pour ce que cela vaut, Jack, je vous pardonne. Pour vos erreurs, vos errances, je vous pardonne. Je vous pardonne, murmura-t-il une nouvelle fois en posant son front contre le sien, leurs yeux clos.

Les bras de l'immortel se refermèrent autour de lui, sa gorge serrée.

Tant d'émotions circulaient en lui en cet instant, qu'il ne pouvait toutes les nommer.

Le choc, le soulagement, la colère, la honte, le chagrin, se mixaient pour former un maelstrom brutal.

Un sentiment, cependant, prédominait.

Avec douceur, ses lèvres se posèrent contre celles du Seigneur du temps, le geste presque chaste dans sa timidité.

  • Je vous pardonne aussi, Doc.

choup37  (25.01.2022 à 21:52)

26- Adulte

 

  • Ça ira ?
  • Oui... Vous pouvez me laisser, tu sais.. Je ne suis pas une enfant.
  • Tu veux qu'on parte ?
  • … non.

Jack se pencha en avant, embrassant gentiment le front de la blonde.

  • Alors on reste. N'est-ce pas, Doc ?
  • Évidemment, capitaine, répondit celui-ci, sa voix inhabituellement douce. Vous êtes en sécurité, Rose. Personne ne vous fera de mal.
  • Je sais, je ..
  • Tiens, murmura Jack, en pressant un verre contre ses lèvres.

Son amie le but sans protester, avant de cligner des yeux. L'instant d'après, elle s'effondrait sur le matelas, son pyjama rose moumoute se fondant au milieu des couvertures rose fushia et violettes. Le capitaine tira la couverture jusqu'à son cou, avant de caresser gentiment sa joue.

  • Sacré somnifère que vous avez là, Doc.

Celui-ci haussa les épaules.

  • Il fera l'affaire. Notre jeune amie est partie pour un long sommeil d'une dizaine d'heures.
  • Cela lui fera du bien.. Damn, quelle journée de merde, pesta le jeune homme, en se laissant tomber sur un fauteuil.

Le Docteur roula des yeux.

  • Langage.

Jack lui tira la langue, avant de soupirer.

  • Elle ira bien ? Doc ?
  • Notre Rose est plus résistante qu'on ne le pense. Elle encaissera.
  • Ce n'est pas ma question, Doc.

Jack le fixait, son expression intense.

Ce fut le tour du Docteur de soupirer, avant de s'assoir au pied du lit, la respiration calme et profonde de la blonde résonnant autour d'eux.

  • Rose... est jeune. Plus qu'on n'aime parfois se le rappeler. Et sur certains points .. c'est encore une enfant, admit-il, sans jamais la quitter des yeux. Mais elle est aussi profondément mature malgré son jeune âge, ajouta-t-il, son expression se faisant un instant tendre alors qu'il fixait sa compagne. Une fantastique adulte en devenir.
  • Sans aucun doute, sourit Jack. Il haussa les épaules, pensif : Elle a eu de la chance, malgré tout. Elle a pu grandir tranquillement, avec sa mère.

Le Docteur grimaça.

  • N'allez pas lui dire cela demain, ou vous risquez de finir les oreilles brulantes.

Jack haussa un sourcil.

  • Pardon ? Pourquoi ?
  • Elle ne vous l'a jamais raconté ? Rose n'a pas toujours eu.. Le Seigneur du temps s'interrompit, avant de froncer les sourcils. Ce n'est pas à moi de le raconter. Mais tout n'a pas toujours été simple pour elle.

Le capitaine le dévisagea, inquiet. Est-ce que son amie avait vécu une enfance plus dure qu'il ne le pensait ? Rose ne s'était jamais plainte de rien, mais là encore, lui non plus..

Face à lui, la blonde dormait, son expression paisible.

Rien n'aurait pu laisser deviner qu'elle avait échappé de peu à un trafic d'êtres vivants intergalactique.

Jack sentit son visage se durcir, ses poings se serrant malgré lui.

Si quelque chose lui était arrivé..

Il sursauta lorsqu'une main se posa sur son bras, lui faisant lever les yeux.

Le Docteur le dévisageait, son regard intense.

  • Elle va bien, Jack.
  • Je … Jack inspira profondément. Je sais. Maintenant. Mais..
  • Je sais. Si vous comptez rester ici pour le reste de la nuit, autant vous installer confortablement, commenta le Seigneur du temps, avant d'ouvrir un placard, révélant une usine à couvertures toutes plus épaisses et fluffy les unes que les autres.

Jack ne put contenir son sourire.

  • Une enfant.
  • Une fantastique jeune femme au cœur toujours extraordinairement pur malgré toutes les difficultés de la vie, répliqua le plus âgé, son visage dissimulé par la porte du placard.

Le capitaine sentit un sourire étirer ses lèvres.

L'amour du Docteur pour Rose était si évident, il ne comprenait pas comment les choses n'avaient toujours pas évolué.

Malgré lui, son regard se tourna vers son amie, et son visage angélique à moitié couvert par ses mèches blondes en pagaille.

Rose était toujours si jeune.

Plus une enfant, mais pas encore tout à fait une adulte.

Sa maturité était en cours, ses choix de vie en train d'être décidés.

À son âge, il était déjà un cadet prometteur.

Quelques années de plus, et il avait monté les rangs, devenant même instructeur avant que l'Agence..

Le capitaine plissa les lèvres, repoussant le sentiment de trahison qui menaçait de l'envahir de nouveau.

L'Agence avait fait de lui l'adulte qu'il était devenu.

Pour rien au monde, il ne voulait que Rose prenne le même chemin.

Un sursaut le saisit lorsqu'une main se posa – encore – sur son bras.

Cette fois, l'expression du Docteur tirait sur l'inquiétude réelle.

Jack soupira, et détourna la tête.

L'expression du Seigneur du temps s'intensifia.

Son compagnon était en proie à un tourment évident, qui ne semblait pas provenir uniquement du sort auquel Rose avait échappé.

De mauvais souvenirs ?

L'Agence ?

Sa propre enfance ?

Jack ne parlait jamais de son passé.

Le Docteur non plus, et c'était bien pour cela qu'il devinait ce que devait contenir celui de son ami.

Cela ne le rendait pas nécessairement meilleur pour communiquer.

903 ans de vie, et toujours totalement perdu sur le sujet.

Quel adulte il faisait.

Il était supposé les guider.

Face à lui, Jack secoua de nouveau la tête, son expression amère.

Le Docteur soupira.

  • Bières ?
  • Bières, confirma le capitaine, avant de se lever, se dirigeant vers le lit pour embrasser le front de la blonde et tirer davantage sa couverture.

Malgré lui, le Docteur sentit l'ombre d'un sourire étirer ses lèvres.

Certaines choses semblaient universelles.

 

*-*

  • C'est juste.. Cela m'a fait repenser..

La voix de Jack mourut sur elle-même, les yeux de celui-ci fixant sans les voir les étoiles leur faisant face.

Le Docteur demeura silencieux, attendant sans le forcer la suite.

Le capitaine s'était montré mélancolique et sombre toute la dernière demi-heure, sirotant sans mot dire sa bière, assis sur le perron du vaisseau à coté du Seigneur du temps.

C'était étrange, comme la mémoire pouvait vous jouer des tours.

Pendant un moment, l'image de Rose endormie avait été remplacée par celle d'un petit garçon de 7 ans, aux cheveux bruns mi-longs, vêtu d'une tunique blanche et de bottes robustes.

Le jeune homme soupira, avant de reprendre une longue gorgée de sa bière.

  • Parfois, je me demande.. J'aurai aimé …

Une nouvelle fois, ses mots s'éteignirent sur eux-mêmes.

Le Seigneur du temps hésita, avant de tendre la main pour presser son poignet, lui marquant maladroitement son soutien. Jack se détendit légèrement, l'ombre d'un sourire éclairant son visage fatigué, avant qu'il ne vienne poser sa tête sur l'épaule du plus âgé.

Ce dernier roula des yeux, mais enveloppa son bras autour de sa taille, le rapprochant de lui.

  • Quand j'étais gosse, je voulais apprendre à voler.. Tout le monde me traitait de fou, sauf mes parents. Ils me demandaient souvent, si j'avais trouvé le moyen de me faire pousser des ailes.

L'expression de Jack était nostalgique, son sourire doux alors qu'il se perdait dans un souvenir heureux. Le Docteur sourit, amusé malgré lui.

  • Et regardez-vous aujourd'hui, en train de naviguer au milieu des étoiles ! Vous avez réussi, affirma-t-il fièrement, s'attirant un clin d'œil.
  • Et j'ai même trouvé mon prince charmant !
  • Incurable, soupira faussement désespéré le Seigneur du temps.
  • Aow, tout de suite … Cruel …
  • Et cela se dit adulte.
  • Adulte ne veut pas dire ennuyeux, répliqua aussitôt le capitaine, avant de picorer ses lèvres.

Le Docteur roula des yeux, mais ne le repoussa pas, subissant faussement grognon l'attaque.

Demain, il emmènerait le duo visiter un parc d'attraction des années 1980. Rose serait extatique de replonger dans son enfance, et il ne doutait pas combien le capitaine adorerait la découverte.

Et si quelqu'un lui posait la question, non, il ne monterait pas dans les autos-tamponneuses, merci bien.

Il laisserait cela à ses deux singes favoris.

Car au fond, quel intérêt d'être adulte si on ne pouvait pas agir de manière immature parfois ?


choup37  (28.01.2022 à 20:55)

27. Bain

 

Jack lâcha un grognement sonore, en même temps qu'il poussait la porte du vaisseau. Derrière lui, le Docteur grimaça, une vague de douleur frappant son propre dos.

Certaines aventures étaient plus.. compliquées que d'autres.

  • Douche, gémit l'humain.

En d'autres circonstances, le Docteur aurait commenté sur la faiblesse physique des singes, les poussant à vouloir se dorloter des heures au moindre problème. Cette fois, cependant, il était bien trop épuisé lui-même pour lancer une joute verbale.

Un humement léger par dessus leur tête lui fit lever les yeux.

Oui ?

Un nouveau humement, suivi de l'équivalent mental d'un roulement de yeux. Le Seigneur du temps haussa un sourcil, avant de jeter un coup d'œil à Jack. Celui-ci se dirigeait d'un pas épuisé vers le couloir, sa démarche aussi lourde que ses bottes.

Un nouveau humement, cette fois irrité.

Oh.

Secouant la tête face à sa propre incapacité sociale, il se dirigea vers Jack, remontant en deux grandes enjambées malgré sa fatigue la distance les séparant. Son compagnon sursauta lorsqu'il glissa sa main dans la sienne, avant de lever les yeux vers lui.

  • Doc ?
  • Personne n'a dit que vous deviez la prendre seul, commenta ce dernier, un léger sourire aux lèvres.

Jack sourit faiblement, avant de secouer la tête, soupirant.

  • C'est gentil, Doc, mais... Même moi, je ne suis vraiment pas d'humeur.
  • Qui a parlé de cela ? Répliqua aussitôt le plus âgé, en même temps qu'il l'entrainait vers le couloir, en direction de la chambre de l'humain. J'ai simplement dit, ne pas vous laver seul.

Le capitaine cligna des yeux, avant qu'une rougeur inhabituelle n'envahisse ses joues.

Du sexe, il maitrisait, mais une simple.. intimité ?

Avec le Docteur ?

Celui-ci se mordit la lèvre, avant de forcer un sourire sur son visage. Jack lui répondit aussitôt, ses yeux brillants alors qu'ils pénétraient enfin dans sa chambre. Le Seigneur du temps ignora ses propres muscles tendus et contractés pour se diriger vers la salle du bain du jeune homme, un nouveau sourire étirant ses lèvres en découvrant que la douche avait été remplacée par une large étuve.

Un bain serait parfait.

Il prit son temps pour ouvrir les robinets, montrant la même application dans sa préparation que dans les soins qu'il offrait à son vaisseau. Ce dernier huma, et il sourit, levant les yeux vers le plafond.

  • Je sais, je sais.. Je me fais vieux, que veux-tu.

Un roulement de yeux mental lui répondit, suivi d'une claque derrière la tête qui lui fit rouler les siens.

  • Oy ! Pas besoin d'être mesquine ! Je ne suis pas doué pour cela, tu le sais, soupira-t-il avant de se redresser, regardant autour de lui pour vérifier que tout était prêt.

Cette fois, le humement se fit attendri, un air chaud caressant sa nuque. Le Docteur sourit, avant de revenir dans la chambre où, sans surprise, Jack terminait de se dévêtir, se débarrassant de ses derniers vêtements couverts de terre. Le capitaine grogna, et étira ses bras par-dessus sa tête, faisant craquer son dos.

  • Je ne sais pas pour vous, Doc, mais de l'eau bouillante serait le paradis sur Terre.
  • Pour une fois, je ne peux qu'approuver, soupira le Seigneur du temps en retirant sa veste.

Il roula des yeux lorsque Jack se dirigea vers lui, nu, couvert de sueur et de saleté, et tendit la main pour l'aider à retirer son pull.

  • Jack...
  • Sssh.. Laissez-vous faire, pour une fois, répliqua le gredin avant de l'embrasser gentiment, ses doigts se glissant sous son pull – et comment pouvait-il être toujours si désirable malgré une apparence pareille, c'était un mystère auquel le Docteur ne parvenait pas à trouver de réponse.

Il se faisait vraiment faible avec l'âge. C'est la seule excuse que put trouver le Seigneur du temps pour expliquer pourquoi il laissa Jack le déshabiller, avant de l'entrainer vers la salle de bain. Un son purement impie s'échappa de la bouche de ce dernier en découvrant l'étuve fumante. En un instant il plongeait dans l'eau, gémissant de plaisir alors que le Docteur le suivait plus lentement, roulant des yeux, amusé.

  • Heureux de voir que l'eau vous satisfait, capitaine.
  • L'eau ? Oh mais ce n'est pas que l'eau ! C'est.. tout ! Un bain ? Vous l'avez demandé au Tardis, ou..
  • Elle l'a décidé seule, confirma amusé le plus âgé en se laissant aller à son tour contre un des murets.
  • Huuuum .. Super.. surprise..

Le Docteur sourit devant le plaisir évident de son compagnon. Il ferma ses propres paupières, s'abandonnant au sien alors que ses muscles se détendaient enfin, se relâchant sous l'effet de l'eau bouillante. Autour d'eux, la vapeur formait un léger brouillard, les recouvrant de son drap blanc pudique en même temps qu'ils profitaient des joies d'un bain chaud.

Le Docteur se surprit à se laisser vraiment aller, se plongeant dans un état proche du calme profond alors que les minutes s'écoulaient. Jack s'était déplacé à côté de lui, s'asseyant à ses côtés en même temps qu'il humait doucement, clairement satisfait. Finalement, cependant, il n'y tint plus, et se redressa, cherchant du regard un gant et du savon qui apparurent comme par miracle, le faisant sourire.

Le Docteur haussa un sourcil en le voyant tendre sa main gantée vers lui. Il voulut protester, mais Jack le fit taire d'un baiser, avant de commencer à nettoyer doucement son torse.

La gorge du Seigneur du temps s'assécha, une onde d'émotion brutale le traversant.

Son compagnon dut le sentir, car il l'embrassa de nouveau, gardant ses mouvements calmes et gentils alors qu'il le nettoyait, grattant chaque centimètre de son corps pour en retirer sueur et saleté. Les mains du Docteur se crispèrent, et il regarda autour de lui, avant de sourire soulagé en découvrant un nouveau gant.

Le capitaine retint un roulement de yeux, se contentant de frotter la peau de son ventre. Il savait ce qu'il en coutait au si pudique Docteur de partager un tel moment avec lui, et encore plus de se laisser être lavé. Si lui rendre la pareille lui permettait de se détendre et réellement profiter du moment, Jack n'y voyait aucun problème.

Et puis, n'était-ce pas le Seigneur du temps qui avait parlé de partager ce bain ?

 

*-*

Longtemps, bien longtemps après, après que chacun ait nettoyé l'autre, le purifiant de toute saleté en même temps que leurs mains caressaient le corps aimé, le duo se laissa glisser dans l'eau, fermant les yeux alors qu'ils profitaient simplement de leur présence mutuelle.

Jack avait posé la tête sur l'épaule du Docteur, les yeux clos en même temps qu'il caressait son torse. Sa respiration s'était ralentie, s'apaisant au fur et à mesure que sa fatigue retombait.

Les lèvres du Docteur s'étirèrent très légèrement, formant l'ombre d'un sourire attendri.

Ainsi abandonné contre lui, le capitaine ressemblait à un ange.

Personne ne pourrait deviner la complexité dissimulée sous ce visage en apparence jeune et innocent.

Le Seigneur du temps renifla à cette pensée.

Innocent et Jack Harkness n'allaient pas de paire.

Face à toute son expérience de vie, cependant, le capitaine, aussi grivois et tourmenté soit-il, demeurait bien jeune.

Le Docteur soupira, avant de se pencher pour embrasser le front de son compagnon. Ce dernier huma, avant de se redresser instinctivement pour picorer ses lèvres. Le Seigneur du temps roula des yeux, tentant en vain de contenir la vague d'attendrissement le saisissant.

Il se faisait vraiment vieux.

Il voulut se lever, mais Jack glissa sa main dans son cou, l'attirant à lui pour un long baiser. Lorsqu'il recula enfin, le laissant les sens enflammés, ce fut pour le fixer avec satisfaction malgré sa fatigue.

Le Docteur roula des yeux, mais ses pupilles bleu nuit souriaient alors qu'il se relevait, tenant le jeune effronté contre lui.

  • C'est l'heure de dormir, capitaine.
  • Avec vous ? Huuuuuum..

Le Seigneur du temps leva les yeux au ciel, hésitant entre désespération et rire.

Même épuisé, Jack demeurait Jack.

N'y avait-il rien qu'il pouvait faire pour l'empêcher de s'infiltrer ainsi en lui ?

Non, pensa-t-il alors que l'humain saisissait une immense serviette, l'utilisant pour recouvrir le corps du plus âgé mi-irrité, mi-attendri. La vérité était que Jack s'était immiscé dans sa vie privée depuis bien trop longtemps à présent pour que quoi que ce soit y soit fait.

Et peut-être, pensa-t-il alors qu'il recouvrait à son tour le jeune homme frigorifié, le séchant vigoureusement tout en le sermonnant pour son inconscience – Un Seigneur du temps, moi, capitaine, je ne tombe pas malade, pas comme vous, espèce de stupide singe – ne voulait-il pas y faire quoi que ce soit.

Peut-être, était-il enfin heureux de la manière dont les choses étaient.


choup37  (28.01.2022 à 21:03)

28- Armure

 

Messire Harkness n'était pas seulement un des meilleurs chevaliers de la cour et du royaume, c'était aussi un des plus populaires, et, ce qui ne gâchait rien, un des plus beaux.

Tout le monde savait qu'il était le chevalier favori du roi.

Le roi John n'était pas exactement connu pour être l'homme le plus affable de sa dynastie, bien au contraire : ses grognements et commentaires corsés sur ceux l'entourant était connu de tous, et en particulier de ses victimes. Le souverain n'avait aucune patience pour les imbéciles, encore moins lorsqu'ils se doublaient d'incompétents, ou bien, selon les mots royaux, «des singes arriérés centrés sur la couleur de leur culotte et le nombre de donzelles qu'elle impressionnera ».

Le roi John n'était pas réellement populaire parmi une certaine part de la cour, celle des courtisans emplis de sourires et mots mielleux.

À l'opposé, il était très aimé des serviteurs, et tout le petit peuple l'entourant au quotidien.

L'homme était rustre, mais possédait un cœur d'or. Certains affirmaient même que les dieux l'avaient doté d'un second cœur, pour mieux résister à la bêtise humaine.

Personne ne savait réellement, cependant, comment son amitié avec Messire Harkness avait débuté.

Entre eux, les étincelles jaillissaient.

Jack était le chevalier favori du roi, et c'est sans surprise qu'on le vit arborer au nouveau tournoi d'automne une splendide armure au reflets bleu marine, la couleur favorite de John. Personne n'était sensé savoir que c'était un cadeau de ce dernier, mais tout le monde s'interrogeait, et déjà, les rumeurs se répandaient.

L'armure était une œuvre d'art à s'en faire pâmer tous les chevaliers du royaume : chaque pièce apparaissait avoir été travaillée pour ne convenir qu'à Jack, s'adaptant avec précision aux courbes de son corps pour mieux le protéger.

Du métal semblaient émaner des reflets bleu et or surnaturels à chaque mouvement du chevalier, créant un halo presque divin autour de celui-ci, pour la plus grande fascination du public et frayeur de ses adversaires.

Ainsi illuminé, Messire Harkness semblait sorti tout droit des légendes.

Des plumes bleu nuit rehaussaient son heaume, y conférant un aspect guerrier accentué par une unique tâche dorée régnant au milieu de la mer nocturne.

Mais la cuirasse demeurait l'élément le plus spectaculaire. Sur le plastron et la dossière avaient été gravés avec une finesse exceptionnelle des séries de lignes dorées recouvrant l'intégralité du métal.

De loin, elles formaient une aura lumineuse proche de rayons de soleil.

De près, elles prenaient tout leur sens.

Du moins, pour qui connaissait la galaxie.

L'armure de Jack était recouverte de représentations de l'espace.

Là une étoile, ici une comète, par là un soleil naissant, entremêlé à une galaxie de trous noirs.

L'armure de Jack n'était pas seulement spectaculaire de beauté, elle reflétait également un goût poussé pour la science, et en particulier l'astronomie.

Un goût partagé par le roi, dont le sujet favori de discussion demeurait les étoiles et leurs mystères.

Cette armure n'était pas qu'une protection de combat, elle était une déclaration d'amitié.

Certains parlaient avec des mots, d'autres des gestes ; le roi John, lui, s'exprimait toujours le mieux avec des cadeaux.

C'est donc sans surprise qu'on le vit sourire légèrement à l'apparition du chevalier, juché fièrement sur une jument au pelage noir nuit.

Sur l'armure de Jack, était accrochée une rose rouge.

  • Est-ce que ces deux-là réalisent à quel point ils ne sont pas discrets ? Marmonna Dame Donna depuis la tribune royale, alors que le roi esquissait un fin sourire en regardant le groupe s'approcher.
  • Aucun doute. Et ils s'en moquent tout autant, pouffa Dame Martha, avant de se pencher vers son amie. Jack est magnifique. Je veux dire, il l'est toujours, mais cette armure..
  • L'autre andouille a passé des heures à la forger, il peut bien la porter, roula des yeux la rousse, mais son amusement était évident.
  • Il l'a vraiment créée lui-même ? Murmura la future médecin, impressionnée. Je ne savais pas qu'il avait des talents de forgeron.

Donna lui lança un regard blasé.

  • C'est le Docteur. Qu'est-ce qu'il ne sait pas faire ?
  • Tu veux dire, à part ne pas insulter les ambassadeurs, et refuser toutes les demandes en mariage de tous les royaumes environnants ? Répliqua Martha, son humour acide lui valant un rire et un regard de l'intéressé.
  • Merci de ne pas ragoter dans mon dos au milieu d'un tournoi officiel, jeunes femmes.
  • Jeune femme, aaah.. On ne m'a pas appelée ainsi depuis longtemps, soupira Donna. Moi aussi, je veux qu'on porte une armure juste pour moi. Avec un tournesol dessus. Pour clasher et bruler les yeux de toutes les midinettes, ajouta-t-elle narquoisement.
  • Ce serait un vrai bonheur, commenta d'un ton plat le roi, s'attirant un regard noir et une pique à venir vite coupée par l'intervention de Martha.
  • Jack a l'air fantastique dans cette armure.

Cela eut le mérite de ramener un sourire sur le visage émincé royal.

  • Il l'est, n'est-ce pas ?
  • Cette rose … Elle provient des jardins royaux, n'est-ce pas ?

Le Docteur ne répondit pas, mais il arborait une expression clairement satisfaite lorsqu'il se leva enfin pour lancer le tournoi.

 

*-*

  • Et regardez donc qui nous fait l'honneur de sa présence ! Le héros du jour ! Quoi, tu n'as pas assez de donzelles et damoiseaux pour t'occuper ?

Jack lança un clin d'oeil à Donna, avant de remonter les appartements royaux pour mieux attraper sa main et l'embrasser.

  • Avec une si belle femme qui m'attend ? Je ne saurai vous briser le cœur, ma mie.
  • Jack ! Cessez de flirter avec ma sœur !
  • Jalooooooux ! Il peut m'embrasser aussi longtemps qu'il veut, commenta Donna, un trop large sourire sur le visage.

Le chevalier lui lança un nouveau clin d'oeil, avant de se tourner en riant vers le roi, qui les fixait, les sourcils froncés.

  • Pardon, mon bon sire ! Je n'aime que vous, je le jure !
  • Abruti de singe sans cervelle, bougonna le plus âgé, avant de se laisser être pris dans les bras. Regardez-moi l'état de cette armure, il va falloir des heures pour la nettoyer !
  • Une armure est faite pour être portée, pas posée sur un buffet, répliqua son compagnon, avant d'ajouter, clairement satisfait : Et elle a parfaitement joué son rôle.
  • Évidemment qu'elle a parfaitement joué son rôle, c'est moi qui l'ai fabriquée, rétorqua le roi, les sourcils toujours froncés, avant de commencer à l'examiner en détail, ses mains remontant chaque centimètre carré du métal avec application et rapidité. Elle n'était pas trop serrée? Les coups n'ont pas trop résonné ? Je pourrais toujours la solidifier...
  • John.

Celui-ci s'interrompit en entendant son ami l'appeler par son prénom. Relevant les yeux, il croisa le regard bleu nuit de Jack.

Le chevalier le fixait, son visage couvert de sueur, le heaume plié sous son bras.

Ainsi vêtu, il était l'incarnation même de la beauté.

Le souverain sentit ses mots le quitter, en même temps que sa gorge s'asséchait.

  • Je vais bien, murmura doucement le jeune homme, avant de caresser son visage. Votre armure a parfaitement joué son rôle.

Du coin de l'oeil, il pouvait voir Donna rouler des yeux, tout en se dirigeant discrètement vers la porte.

Clairement, elle était de trop.

  • Cette armure.. Vous n'auriez pas dû...
  • Qui d'autre ? Le coupa le roi, avant de caresser son visage de son pouce, son expression intense. Vous étiez magnifique, garçon.

Jack huma, mais c'était pour mieux cacher le rouge de ses joues.

  • Mon seigneur me regardait, je me devais d'être parfait.

Le Docteur roula des yeux.

  • Seulement lui ?

Jack ouvrit la bouche pour plaisanter, avant de s'interrompre en croisant le regard de l'autre homme.

Ses joues prirent une teinte écrevisse, avant qu'il ne détourne la tête.

  • Non, murmura-t-il seulement. Pas seulement lui.

Le mentor. L'ami. Le... Son train de pensées se stoppa brutalement, en même temps que le roi embrassait son front.

  • Je suis fier de vous, Jack. Maintenant, faites-moi le plaisir de retirer cette armure, et d'aller vous laver, vous puez, et je dois l'examiner.
  • Oui, messire, le taquina le chevalier, s'attirant une tape.
  • Et plus vite que cela !
  • Vous savez, je ne peux pas l'enlever seul, commenta le jeune homme, tout en retirant ses gants.
  • Pas un problème, je vais appeler Donna, elle sera plus qu'heureuse d'aider, répliqua le roi, et pendant un instant, Jack crut qu'il disait vrai, mais déjà, une lueur goguenarde apparaissait dans les prunelles bleues royales.
  • Crétin, roula-t-il des yeux.
  • Singe sans cervelle, répliqua l'autre, avant d'attraper son épaulière. Ne bougez pas, andouille, vous allez vous blesser.

Jack sentit un sourire étirer ses lèvres.

Un jour, peut-être parviendrait-il à avouer ses sentiments au roi. D'ici là, il se contenterait avec bonheur de son amitié.

N'était-elle pas déjà fantastique ?


choup37  (28.01.2022 à 21:15)

29- Ronfler

 

Sous tous les abords, le capitaine Jack Harkness apparaissait comme l'amant le plus parfait de toutes les galaxies.

Du moins, c'est qu'il aimait répéter à envie.

Et on avait vite tendance à le croire.

Il suffisait de le regarder pour tomber sous le charme, et de l'écouter pour finir séduit plus vite que la lumière.

Le Docteur avait montré beaucoup de résistance, et Jack devait l'admettre, cela n'avait pas été simple. Mais cela ne le dérangeait pas : le Docteur valait tous les efforts du monde, et leur recherche commune les avait poussés à se dépasser, leur permettant de s'améliorer mutuellement pour être encore davantage dignes de l'autre.

Jack était devenu plus mature, plus à l'écoute de lui-même et des autres. Il avait appris à assumer ses erreurs, et lutter pour la dignité de tous, et en particulier des plus faibles. Sur beaucoup de points, le capitaine était devenu un homme de bien, dont le Seigneur du temps ne pouvait être que fier.

Alors, autant dire qu'il ne s'attendait pas à un tel défaut.

Oh, personne n'est parfait, le Docteur le savait bien. Mais vraiment, c'était tellement ridicule, qu'il ne savait s'il devait en être exaspéré, attendri, ou moqueur.

La première fois l'avait pris au dépourvu.

Son compagnon s'était endormi une demi-heure auparavant, roulé en boule contre lui comme le koala nu qu'il était. Le Docteur avait passé ces minutes à méditer, se laissant couler avec plaisir dans le flot continu de ses pensées, le bras de Jack fermement enroulé autour de son torse. Le moment était paisible, un trop rare calme auquel le Seigneur du temps goûtait pleinement.

Et puis tout s'était effondré.

Un son sonore avait soudainement résonné dans la pièce, faisant sursauter violemment le Docteur, aussitôt sur le pied de guerre.

Certains réflexes étaient inscrits profondément en lui après des siècles de batailles et massacres.

Tendu à bloc, il avait regardé autour de lui, ses poings serrés autour de la disquette musicale qu'il écoutait télépathiquement depuis quelques minutes. Une arme improvisée contre le danger soudain, une défense misérable face à un potentiel envahisseur..

Le son avait résonné une nouvelle fois, vorace et féroce.

Il lui avait fallu un instant – une seconde et trois millièmes – pour comprendre qu'il provenait de son ventre.

Plus exactement, de la bouche posée dessus.

Lentement, très lentement, le Docteur avait baissé les yeux, ses sourcils haussés en un long geste mixant entre la stupeur et le jugement.

Contre lui, Jack ronflait, son expression béate.

Le Seigneur du temps avait fermé les yeux, se laissant retomber contre le chambranle du lit dans un mouvement sourd.

Il avait hérité d'un ronfleur.

Parmi tous les défauts possibles, il fallait que le capitaine ait choisi celui-ci.

Un ronfleur.

Que Rassilon le protège.

Un son aigu avait résonné contre son ventre.

Un éléphant.

Le Docteur avait levé les mains au ciel, le désespoir le saisissant.

Autant pour sa séance de relaxation.

Maudits soient les singes et leur système respiratoire unique primaire.

 

*-*

Non seulement Jack ne ronflait plus, mais il ne dormait plus.

L'homme que le Docteur avait retrouvé n'avait plus grand-chose à voir avec le jeune insolent de son passé.

Pour le Docteur, à peine trois années s'étaient déroulées.

Pour le capitaine, cela avait été un long siècle et demi.

De cette longue période tourmentée et noire de sa vie, le désormais immortel avait perdu la capacité à réellement dormir.

Le Docteur n'avait pas tardé à réaliser que son ancien compagnon demeurerait des heures à ses côtés dans la salle de console, sans jamais semblé épuisé. Lorsqu'il l'avait interrogé à ce sujet, Jack avait simplement haussé les épaules, avant de répliquer quelque chose concernant une évolution interne de sa physiologie provoquée par le flux du temps l'habitant.

Le capitaine ne dormait plus, à cause du vortex temporel tournoyant dans ses veines incessamment.

Les horreurs vécues aussi, mais cela, aucun des deux hommes ne voulait en parler.

Le Seigneur du temps ne savait quoi faire de ces informations gênantes, alors il avait réagi comme il le ferait toujours dans ce genre de cas : il avait détourné la tête, et le sujet.

C'était ce qu'il faisait le mieux, après tout.

  • Est-ce que les Seigneurs du temps ronflent ?

Le Docteur manqua s'étouffer sur place, son tournevis sonique crissant entre ses dents, avant de tomber au sol alors qu'il était saisi d'une quinte de toux.

  • Quoi?!

Les yeux écarquillés de stupeur, il se tourna vers Jack, son nez se pliant d'indignation. Le capitaine haussa les épaules, son expression amusée tandis qu'il expliquait, soulevant son marteau à deux têtes pour marquer son point :

  • Grandes oreilles ne ronflait jamais, une ode au silence et à la rigidité, alors je me demandais, est-ce que les Seigneurs du temps ronflent, ou est-ce que vous êtes trop élevés par dessus nous autres singes pour cela ?

Son ironie était évidente, mais sa curiosité également, ses yeux bleus le dévisageant depuis l'autre côté de la console avec intérêt. Le Docteur roula des yeux, outré, avant de croiser les bras, pour mieux les décroiser la suivante suivante, répétant le geste plusieurs fois pour finalement remettre nerveusement ses lunettes en place. Se mordillant la lèvre, il se passa la main dans les cheveux, les envoyant dans tous les sens, avant de tapoter vexé la console.

Face à lui, l'immortel ne prenait même pas la peine d'essayer de dissimuler son amusement.

Ce Docteur était si facile à faire réagir, Jack était devenu un expert en la matière.

  • Je ne suis pas comme vous, Jack, répliqua finalement ce dernier, s'attirant un regard empli de condescendance.
  • Donc c'est un non ?
  • Non ! Oui ! Oh, mais qu'est-ce que c'est comme question, aussi !
  • Une question simple, Doc, mais existentielle, rétorqua le capitaine, en le pointant avec son marteau.
  • Je ne suis pas un singe, Harkness ! Si ma mémoire est bonne, ce n'est pas moi qui ronfle comme une marmite en explosion !
  • Il n'y avait pas que cela qui explosait, répliqua grivois l'intéressé, provoquant une rougeur soudaine chez le Docteur qui pesta, marmonnant des paroles incompréhensibles sous sa barbe avant de se détourner, son attitude hautaine mais ses oreilles rouges.

L'immortel rit doucement, avant de reprendre à son tour son travail.

Quelques instants plus tard, cependant, il n'y tint plus, et se redressa, haussant les sourcils avec expectative en même temps qu'il lançait, accroupi à côté de la console :

  • Avec une voix aigüe comme la vôtre, je suis certain que vous ronflez comme un porcinet !
  • Oy !

Cette fois, le rire de Jack résonna de manière sonore dans la salle, lui valant un nouveau regard indigné. Sa cible roula des yeux, pestant dans sa gorge à propos de la stupidité héréditaire des singes, avant de tirer avec dignité sur sa cravate.

Un sursaut lui échappa lorsqu'un souffle chaud le frappa au cou, mêlé à un humement amusé.

  • Oy ! Ne joue pas son jeu ! Quoi ? Quooooi ?

Jack sentit un autre sourire pondre sur ses lèvres, en même temps qu'une nouvelle série de grommellements se faisait entendre.

La journée ne faisait que commencer.

 

*-*

  • Doc ? Doc, où êtes-v..

Les mots moururent dans sa gorge alors qu'il pénétrait dans la salle de console, pour mieux y découvrir le Seigneur du temps affalé contre la console, ses yeux clos.

Jack se figea, en même temps que sa bouche s'ouvrait légèrement pour former un 'o'.

Jamais encore il n'avait vu cette version de son ami endormi.

La tête du Docteur était penchée en arrière, ses genoux repliés contre son corps en un mouvement protecteur ne cachant pas le fait qu'il était à moitié affalé contre la console.

Une de ses mains tenait fermement son tournevis sonique, l'autre trainait sur le sol, pas loin d'une pince à deux manches.

Une position précaire, qui en aurait été presque comique si les réflexes du Docteur ne dictaient pas aussi son sommeil.

Jack grimaça, et se rapprocha lentement, décidé à installer confortablement le bel endormi malgré tous les risques défiés.

Un pas, et puis un autre, presque arrivé …

Un bruit épouvantable explosa dans la pièce, figeant sur place le capitaine qui leva aussitôt les poings, paniqué.

Que …

Est-ce qu'ils venaient de traverser une autoroute interstellaire emplie de camions ?

Quelle autre explication au son épouvantable qui venait de lui percer les tympans ?

Et puis celui-ci résonna de nouveau, la sensation d'être entouré par un troupeau de girafes enrhumées tendant un peu plus l'immortel qui jeta un regard nerveux à ses alentours.

Ses yeux se posèrent sur le Docteur.

Non.

Impossible.

Vraiment ?

Et sans aucun doute, le Seigneur du temps entrouvrit de nouveau les lèvres, ses mèches tremblant sous le vent libéré alors qu'un autre ronflement résonnait.

Jack sentit un sourire apparaître lentement sur ses lèvres.

Impossible.

Le son résonna de nouveau, le torse du Docteur tremblant légèrement sous le mouvement alors que sa lèvre inférieure tremblait, le bruit plus léger mais toujours bel et bien audible.

  • Je n'y crois pas, souffla l'immortel. Oh, et il ose se moquer de moi! Double système respiratoire, tu parles.

Son sourire se fit goguenard, son expression celle d'un garnement sur le point de commettre une terrible bêtise.

Il allait le regretter, il le savait.

Pourtant, cela ne l'empêchait pas d'allumer la fonction «enregistrement » sur son bracelet.

Il allait tellement s'amuser.

Il avait tout l'éternité à occuper, après tout.


choup37  (29.01.2022 à 16:55)

30-Avenir

 

Spoilers Torchwood: 1x04 Cyberwoman, 2x12 Fragments, Children of Earth

 

L'avenir était un gros mot rayé du vocabulaire de Jack.

L'avenir, un terme beaucoup trop sérieux et grave pour être employé.

Jack était un homme qui vivait au jour le jour, sans jamais s'interroger sur son futur, ou bien pas trop longtemps. Il avait appris à profiter de chaque instant comme si c'était le dernier, lui conférant un style de vie léger et inconséquent, en particulier depuis qu'il avait rejoint l'Agence. Son travail y était si dangereux que chaque mission pouvait être la dernière, le poussant à apprécier chaque seconde vécue à son juste titre.

Ironiquement, sa vie sur le Tardis était peut-être moins violente, mais elle n'en était pas moins dangereuse.

Jack avait échangé un danger pour un autre, mais il n'en avait aucun regret.

Et il continuait à profiter de sa vie sans réfléchir à ce qu'elle pourrait être sur plusieurs dizaines d'années.

Quel intérêt ?

Jack n'avait jamais aimé planifier son futur, ni sa vie en général. Il était un homme libre de toute contrainte, du moins c'est ce qu'il pensait, jusqu'à ce qu'il rencontre le Docteur.

Le Docteur, le Docteur méritait que l'on reste à ses côtés, que l'on se batte pour lui.

Le Docteur lui avait volé son cœur, sans même le désirer.

Le Docteur lui avait redonné une morale, un courage, une raison de se lever le matin autre que de provoquer l'univers et attendre le résultat en espérant y survivre.

Le Docteur avait réussi cet exploit miraculeux de faire naitre en lui le désir d'un avenir commun.

À ses côtés, le capitaine s'était senti revivre.

S'il existait bien une personne qui le pousserait à réfléchir sur le long terme, ce serait le Seigneur du temps.

Leur vie était si simple : courir, rire, sauver des planètes et civilisations, stopper des tyrans, embrasser la fille du roi – enfin, surtout lui, non pas qu'il n'aurait pas partagé, mais ce n'était pas le style de son bougon favori - puis aller prendre le thé en face d'une Voie lactée naissante, leurs jambes pendant du vaisseau en même temps qu'ils regardaient les étoiles en fusion.

Tout était si simple, et si parfait.

Jack ne l'échangerait contre rien au monde.

Lui, le Docteur, Rose et le Tardis.

Ils étaient son avenir.

Oui, vraiment, si Jack devait penser au futur, ce serait ainsi.

Sa vie était sur le vaisseau.

Et pendant un temps, elle le fut.

Jusqu'à ce que tout change.

 

*-*

Le capitaine Jack Harkness, directeur de Torchwood 3, détestait penser à l'avenir.

L'avenir voulait dire pour toujours, et à jamais.

L'avenir signifiait l'éternité.

Jack le détestait.

Personne n'était sensé vivre pour toujours.

Personne n'était sensé tout perdre, encore et encore.

Jack avait vécu trop de demain, de futurs et de au revoir pour continuer à y croire.

Au fur et à mesure à du temps, son esprit s'était déconnecté de la réalité l'entourant pour mieux le protéger, lui permettant de subir la longue litanie des jours identiques et éternels sans devenir fou, ou du moins, pas trop.

Sans le désirer, l'immortel avait remonté les années, traversant les décennies et les guerres sans discontinuer.

Les jours et les années s'étaient écoulés, certaines plus moroses que d'autres.

De simple agent, Jack était devenu capitaine.

Il avait vu défiler des dizaines de visages, retenu des centaines de noms. Des agents, des collègues, il en avait connu tant qu'il ne pouvait tous les retenir.

Et en même temps, il lui était impossible de les oublier.

Jack se souvenait.

Et c'était une malédiction.

Il était le passé, le présent et l'avenir de l'Institut, un fait qui ne manquerait jamais de le faire tomber dans une humeur sardonique.

Torchwood était à la fois une bénédiction, et le plus grand malheur qui avait pu lui arriver depuis son enfermement sur Terre.

L'immortel n'avait jamais voulu de ce rôle.

Mais ce n'est pas comme s'il avait eu le choix.

Torchwood l'avait trouvé, et ne l'avait jamais laissé repartir.

Au fil des années, elle était devenue son unique point de repère, au milieu des batailles, deuils et injustices vécues.

Ce n'était pas comme si ses rares amis lui survivaient.

Ils finissaient toujours par le quitter.

Leur avenir commun consisterait en quelques années de service, une décennie tout au plus, avant qu'une énième mort violente ne vienne les lui voler.

Sa seule constante était Torchwood.

Son seul espoir, l'arrivée imminente du Docteur.

Imminente était un bien grand mot.

Et cent cinquante ans une bien longue attente.

À force, on finissait par oublier.

Jack s'était perdu.

Il avait commis tellement d'erreurs, fait tellement de mal sur son passage. Il n'avait jamais désiré devenir cet homme, cette chose, coupée du monde et de ses réalités. Il était simplement monté sur un vaisseau pour survivre, et avait cru y trouver un avenir.

Mais le Docteur était parti, et Jack était seul.

Son futur, il le détestait.

Comment était-il sensé construire quelque chose de tangible en étant immortel ? Par deux fois, il avait tenté ; par deux fois, il avait tout perdu. La première fois, cela avait été sans connaître encore réellement l'étendue de sa malédiction. La seconde, et dernière fois, cela avait été avec l'espoir fou de pouvoir vivre de nouveau comme un homme normal.

Mais Jack n'était plus normal, et la réalité était venue frapper à sa porte, dur et cruelle.

Brisé, détruit, écœuré, furieux contre lui-même et l'univers entier, et le Docteur en particulier, Jack avait léché ses plaies, et avancé.

Ce n'était pas comme s'il avait le choix, après tout.

Un jour, le Seigneur du temps reviendrait.

Ce jour-là, Jack le tuerait, autant qu'il l'embrasserait.

En attendant, il survivrait.

 

*-*

De simple agent, Jack était devenu directeur.

Ce n'était pas par choix, non.

Mais ce n'est pas comme s'il avait pu faire autrement, après le massacre de l'an 2000.

Jack avait survécu à beaucoup de choses, mais cette période avait été particulièrement difficile.

Dans le langage personnel de l'immortel, cela signifiait atroce.

Peut-être, avait-il perdu tout espoir à ce stade.

Peut-être, avait-il tenté de multiples fois de mourir, pour de bon.

À quoi bon tenter de vivre ?

Tous ses amis étaient morts.

Alex s'en était chargé.

Alex .. Alex avait été différent.

Alex savait, et il ne l'avait pas rejeté.

Alex l'avait protégé.

Alex l'avait aimé, soigné, après tant d'années passé à rejeter son humanité.

Et puis il lui avait tout repris.

Jack l'avait hai.

Mais il avait dû continuer.

Comme toujours.

En son souvenir, et au nom du Docteur, il avait tenté de changer les choses. Il avait reconstruit l'Institut, en y plaçant l'humain au centre, à l'opposé de Londres.

Du moins, c'est ce qu'il avait cru.

Mais un homme brisé par un siècle d'horreurs et de pertes ne peut se souvenir de ce que signifie le mot 'humain', et il avait fallu l'arrivée de Gwen Cooper pour que l'immortel réalise qu'il avait tout à réapprendre.

Gwen avait tout bousculé.

Et puis Ianto.

Avez-vous jamais aimé, Jack ? L'avait accusé couvert de sang le jeune agent, alors que le groupe tentait de stopper sa fiancée cybermanisée.

Sa fiancée, l'amour de sa vie, celle avec laquelle il avait tout construit, celle avec qui il voulait partager son avenir, et vraiment, à quel point ce gamin aimait-il cette femme pour être prêt à risquer la sécurité du monde entier pour la sauver ?

Autant que Jack avait aimé Rose, et le Docteur.

Si cela avait été le Seigneur du temps sur ce lit de métal.. Si la vie de son mentor avait été en jeu.. Aurait-il pris le risque ?

Au fond de lui, il savait que oui.

Pour le Docteur, Jack aurait tout tenté.

À quel point s'était-il oublié ?

L'ancien compagnon avait été bouleversé.

À quel point son ami aurait-il eu honte de lui ?

Avait-il donc tout perdu ?

Mais il était seul, si seul, seul au milieu d'un monde qu'il haissait, et dans lequel il devait naviguer.

Une nouvelle fois, il avait tenté de changer.

Il avait essayé, essayé de s'améliorer, se souvenir, essayé d'être humain, d'être le meilleur leader possible, mais vraiment, il était une loque.

Un immortel perdu, tentant de protéger des enfants cassés par la vie.

Torchwood était devenu le centre de son univers, sa seule raison de vivre. Il aurait pu continuer ainsi pendant des siècles, sans réfléchir.

Pourtant, lorsque le son du Tardis avait résonné, Jack n'avait pas hésité.

En un instant, l'espoir avait rejailli.

Lorsqu'il s'était enfui en direction du vaisseau, cela avait été sans un regard en ailleurs, son cœur battant la chamade à l'idée de retrouver sa famille.

Si seulement il avait compris, qu'elle se trouvait derrière lui.


choup37  (02.02.2022 à 21:54)

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