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Série : Torchwood
Création : 23.03.2010 à 23h14
Auteur : Rhea01
Statut : Terminée
« Un bar extraterrestre, des aliens, une reprise d'une vieille chanson terrienne et un homme au regard accablé boit seul. » Rhea01
Cette fanfic compte déjà 17 paragraphes
« Bonjour », me dit Alonso.
Tiens, je me souviens de son nom. Il verse du café dans une tasse et la pose sur la table qui occupe l'angle gauche de la pièce. Apparemment, il me surveillait sur un écran de contrôle à droite de l'entrée.
Il surprend mon regard et parait un peu gêné.
« Bonjour » je réponds, je suis poli après tout, même si mon attitude doit être assez méfiante. Il me fait signe de m'asseoir à table avec un grand sourire franc. Il a l'air fatigué, sanglé dans son uniforme alors que je commence à être bien réveillé. Les effets de la gueule de bois ont toujours eu tendance à s'estomper lorsque je hume un bon café.
« Bien dormi ? » Je m'enquis poliment, toujours être aimable avec les gens assez sympathiques pour offrir l'hospitalité.
« Moins bien que vous » dit-il en me servant à manger, je me laisse faire avec plaisir, prenant une gorgé de café, loin de mes standard habituel, mais acceptable.
« Ça se voit » (hum, autant pour l'amabilité) « je veux dire, vous avez l'air fatigué. »
« Vous ramener jusqu'ici n'a pas franchement été une partie de plaisir » dit-il le reproche dans l'œil, « et vous ne vous êtes pas laissé faire. »
Il se frotte le bas du dos avec une grimace. Une angoisse glaciale me fige. Aurais-je abusé de lui ? Sans m'en souvenir ? Mes sentiments doivent se lire sur mon visage car il rougit et reprend précipitamment tout en s'asseyant en face de moi.
« Je vous ai simplement couché et veillé sur votre sommeil. Vous aviez un peu trop… bu. »
Le silence retombe entre nous, seulement brisé par le craquement de ses tartines entre nos mâchoires.
« J'espère ne pas avoir trop ronflé » dis-je pour détendre l'atmosphère pesante de la carrée. Il regarde son mug avec un peu trop d'insistance.
« Non, non, dit-il, mais vous avez eu des cauchemars. Qui est Ianto ? Votre compagnon ? »
Je me fige à nouveau, mon cœur me fait mal. Il rive son regard honnête, ouvert et pleins de tristesse, dans le mien, beaucoup plus fuyant. Je n'ai pas envie de m'étendre, d'en parler. C'est déjà gentil à lui de s'inquiéter de mon état physique, il n'a pas à se préoccuper de mon état mental. Je n'ai pas envie de parler mais une fois de plus ma bouche parle d'elle-même.
« Oui ... » je réponds faiblement alors que ma voix se brise et que ma tête plonge à son tour dans la contemplation de mon bock de café et des petites miettes qui flottent à la surface. Je ne peux pas lui dire, car je ne peux toujours pas accepter cette mort. Il semble pourtant comprendre à quel point le sujet m'est sensible car il parle gentiment d'autre chose.
" Vous êtes dans les quartiers du personnel du Daedalus, mon vaisseau. 50 éon-lumières de puissance, un profilage en éther-acier, deux moteurs à propulsion dynamique…"
Sa fierté se lit sur le visage alors qu'il détaille toutes les caractéristiques de son vaisseau. J'écoute son babillage d'un air amusé. Peut-être que le docteur sait ce qu'il fait en m'adjoignant cet homme auprès de moi. La solitude ne vaut rien aux hommes comme nous. Même si je ne suis prêt à rien de particulier avec lui, j'apprécie sa compagnie.
Malheureusement, il me rappelle mon amour perdu. Ianto. Je ne t'ai rien promis, jamais rien, seulement profiter du temps qu'on avait, de rester auprès de toi. Mais nous n'avons jamais eu suffisamment de temps pour nous. J'aurais préféré ne pas t'avoir rencontré. Je souffrirais sans doute moins. Mon âme serait moins tourmentée...
Hum, j'ai dû encore dériver dans mes pensées. Je sens qu'il est plutôt en colère, il me regarde vraiment bizarrement. J'ai dû passer trop de temps avec mon chagrin, trop longtemps isolé, coupé des autres pour avoir un comportement normal. Enfin, les normes et moi de toute façon, nous n'avons jamais fait bon ménage.
« Je m'excuse, je ne suis pas de très bonne compagnie, trop de temps seul. »
Je n'ai pas l'habitude de m'excuser, mais il me semble que ce soient les mots justes dans la situation. J'apprécie son hospitalité. C'est agréable que quelqu'un s'occupe de moi.
« Je comprends » dit le jeune homme en débarrassant, sans se mettre une seule miette sur un uniforme flambant neuf. Une certaine gageure, je l'admire, surtout en voyant le bazar que j'ai mis à ma place. Si je passais moins de temps dans mes pensées à émietter mes tartines, aussi !
« Cependant, vous ne devriez pas restez dans cet état, reprend-t-il, en s'asseyant en face de moi, refaisant le plein de nos tasse de café, un homme comme vous ne devrez pas rester seul »
« Oh que si, je le dois. Je suis dangereux » Je ne peux m'empêcher de me redresser en disant cela.
Il sourit d'un air moqueur et me lance un regard à la fois amusé et admiratif.
« Ça ajoute plus de mystère à votre personnalité. »
Je soupire et baisse la tête. Tous pareils, ils ne voient que l'enveloppe et croient me comprendre. Ils sont rares ceux qui ont dépassé cette chair pour arriver à ma personnalité. Trop peu et trop peu de temps.
« Je ne dis pas cela pour paraître plus mystérieux ou pour plaire. Je dis cela parce que c'est la vérité. Qu'importe le temps que ça prend, j'apporte le malheur et la destruction sur mon passage. »
« Comme c'est mélodramatique ! Et c'est pour cela que vous vous refusez le droit de vivre ? »
Je n'arrive pas à me retenir, je me redresse et le dominant, les mains posées sur la table, je lui jette mon regard le plus dur et le plus féroce dans ses yeux azur. Il ne recule même pas. Il ne craint pas l'homme qu'il a veillé la nuit dernière, de toute évidence.
« Ce n'est pas la question !! J'ai trop perdu, j'ai ruiné suffisamment d'existences pour des raisons futiles, à cause de mon propre égoïsme. Je dois rester à l'écart pour le bien de tous. »
« Vous êtes sûr que vous n'en faites pas trop ? Je ne sais pas ce qui a bien pu se passer entre vous et votre compagnon, dit-il avec une moue dubitative, mais vous ne me semblez pas homme à baisser les bras. Ok, vous avez certainement besoin d'une pause, de vacances pour réfléchir à votre situation. Mais vous ne pouvez pas tout abandonner pour devenir ermite au fin fond de l'univers. Je suis sûr qu'il y a encore des gens qui tiennent à vous, là d'où vous venez. Je suis sûr que vous avez encore des choses à faire. Peu importe la difficulté, ce qui compte, ce n'est pas l'issue, mais c'est le combat, même seulement pour la beauté du geste. »
Eh bien, il s'enflamme, ce jeune homme ! Mais ses paroles me font du bien curieusement. Il ne sait rien de ce que je lui cache, de ce que j'ai vécu. Pourtant il trouve les mots qui me touchent. S'il savait, il s'enfuirait en courant, hurlant sa peur. Peut-être pas, remarque, c'est vrai qu'il a rencontré le docteur et que peut-être il est plus solide que je ne le pense.
« Merci » je dis finalement. Je le pensais.
Ce qu'il venait de me dire me faisait douter à présent de mes derniers choix. Fuir, car c'était une fuite en avant, fuir mes responsabilités, que je me suis imposé seul. Personne d'autre n'aurait pu le faire, sauf peut-être le Docteur. Mais je me suis arrogé cette tâche, celle de protéger le monde, en accord avec les principes qui régissent le Docteur, ces mêmes principes que j'ai fait mien depuis si longtemps.
Torchwood était le dernier rempart de l'humanité face aux aliens bons ou mauvais. Et la rencontre avec le 456 aurait dû me prouver qu'elle a bien besoin de ma... de notre protection. Je ne peux réprimer un élan de gratitude envers ce jeune homme qui m'inspire confiance. Il se lève, alors que mes yeux s'embuent à nouveau. Je suis décidément dans un état d'esprit vraiment particulier.
« Hum, je vais vous laisser réfléchir, mais si vous avez besoin de parler. Je serais dans la baie de pilotage. Mes hommes sont en congé pour la journée, alors je suis tout à vous. »
Je lui souris en retour. L'admiration qu'il me porte est réconfortante, et c'est gentil de sa part de s'offrir ainsi en soutien psychologique. Ai-je l'air si mal en point ? Est-ce l'idée du Docteur de nous rapprocher ainsi ? ou bien, avait-il une idée plus primaire en tête ? Connaissant le docteur, j'opte pour la première solution, bien qu'Alonso soit un très beau parti. Je reste perdu dans mes réflexions, buvant ce café, moins bon que ceux dont j'avais l'habitude, mais le premier que j'arrive à boire sans la gorge serrée par la détresse.
J'analyse toutes les raisons qui m'ont poussée à quitter la Terre sans espoir de retour à ce moment-là. Je caresse mon manipulateur de vortex, inutile artefact de technologie qui n'a pu m'aider dans ce dernier combat qui m'a ôté toute chance d'être heureux.
Bien que encore une fois, c'est à moi seul que je devrais m'en prendre, c'est ma faute si je n'ai pu vivre aussi intensément cette histoire. Je n'ai pas voulu donner toutes les chances à ce qu'il aurait pu advenir entre Ianto et moi. Et maintenant je vis avec un fantôme dans le cœur. Pas réellement la meilleure façon de recommencer une vie sans attache.
J'ai fui la Terre parce que j'avais la sensation de ne plus rien pouvoir faire, de ne pas pouvoir sauver l'humanité, car elle-même ne désirait pas être sauvée. J'ai fui et pourtant j'ai la sensation que je n'ai pas terminé ma mission là-bas. Que quelque chose m'appelle là-bas, comme une voix silencieuse qui attirerait mon cœur. Je suis parti sans achever mon devoir que je me suis dévolu tout seul.
C'est vrai que cette décision ne me ressemble pas, elle me parait à présent prise sur un coup de tête, sous le coup de l'émotion et du désespoir le plus noir. Je regrette. Alonso a raison, je ne suis pas homme pourtant à abandonner mes principes ou ma mission. Et pourtant je l'ai fait, sans vergogne, pour me rouler dans le chagrin. Je sais bien pourtant, ce que mon fantôme personnel en penserait, je lui fais insulte en abandonnant mon rôle, ma tâche. Il me trouverait lâche, alors que lui avait fait front malgré sa mortalité.
Je me relève et je cours presque rejoindre ce jeune commandant, qui m'a remis sur les rails. Je sais ce que je veux maintenant. Les portes s'ouvrent les unes après les autres devant moi avec un chuintement caractéristique jusqu'à cette baie de pilotage. Alonso se trouve bien là, devant une console de pilotage, vérifiant je ne sais quoi. Cette baie de pilotage est une petite bulle de technologie collée sous le vaisseau et qui permet de voir tout l'astroport. La lumière qui entre découpe des ombres cruelles sur l'homme qui contrôle ses machines.
Il se retourne vers moi, le sourire aux lèvres tandis que je m'arrête devant lui, à peine essoufflé.
« Ok, je retourne sur Terre, vous avez une petite place pour un passager supplémentaire ? »
« Si vous avez de quoi payer votre passage, jeta Alonso avec un rire étranglé, vous êtes un homme de décision rapide ! »
« Vous n'imaginez pas à quel point ! dis-je en souriant finement. Mais je n'ai aucun moyen de paiement sur moi, vous acceptez les livres ? »
Il rit, il a un joli rire et visiblement il le sait.
« On trouvera bien une solution, n'est-ce pas ? »
Il me fait signe de m'asseoir près de lui, de là, on voit tout l'astroport. Des milliers d'astronefs qui s'envolent et atterrissent au même endroit scintillent à la lumière. Le double soleil de la planète me réchauffe le corps et je me sens bien, dans cette capsule. Nous gardons le silence, je l'observe, je sens bien qu'il attend que je reprenne la parole. Mais ce n'est plus un silence embarrassé entre nous, non, c'est agréable. Je sens que je peux lui parler, qu'il peut tout entendre.
« Ce que vous m'avez dit, vous avez raison. Je ne peux pas rester à l'écart. Même si j'apporte le danger, je suis aussi le seul à pouvoir m'y opposer. »
Il me regarde avec un tel étonnement que je ne peux m'empêcher de tout lui raconter. Cela prend du temps, une complète confession. Curieux, car cet homme n'a rien d'un prêtre. Mais il sait écouter, sans m'interrompre. Peut-être est-ce que parce que nous sommes de complets étrangers, uniquement reliés par une unique connaissance. N'empêche ce dépôt de toutes mes craintes, mes angoisses me fait un bien fou et me conforte dans ma décision. Je lui parle longuement de ma vie à Torchwood, de ce que j'y faisais, de ce que nous faisions. Je lui raconte mon désespoir, ce qui fait de moi une coquille vide, mes pertes.
Il est horrifié, je crois qu'il ne soupçonnait pas ce que je cachais sous une façade si séduisante. Mais il me comprend. A mesure que je parle, que je me décharge de mon chagrin d'avoir perdu Ianto, ma famille, mon frère, mes amis et ma mission, enfin tout ce qui faisait mon chez-moi, je me sens mieux. Comme si cette logorrhée verbale me nettoie des scories de ma détresse. Je sais ce que je dois faire, où est ma place dans cet univers. Je ne peux pas abandonner la Terre à son sort, je dois me battre pour que les humains survivent jusqu'à être suffisamment mûrs pour affronter l'existence des aliens. Alors je pourrais m'en aller, les laisser vivre seul.
(oui, Chrismas, je te dois beaucoup pour ce passage)
Il faut que je retourne sur Terre ! Quelque chose me rappelle là-bas, comme tout ce que j'ai laissé inachevé. Alonzo est parfaitement d'accord. Il semble avoir compris mes raisons de fuir, mais aussi mes raisons de revenir.
« Nous allions partir de toute façon pour Aldébaran demain. Nous serons près de la Terre dans une semaine. Faire un crochet pour votre planète ne sera pas très long. Mais vous serez capable de tenir jusque là ? » demande-t-il en riant.
« Je ne sais pas, mais maintenant que j'ai pris ma décision, je vais peut-être devoir m'intéresser à votre vie pour passer le temps. »
Il en a l'air vraiment ravi. Finalement, porter un peu d'attention aux personnes qui m'entourent ne me fera pas de mal. De plus, cela semble être particulièrement apprécié par ce jeune commandant. Son humeur s'égaya un peu plus, me contaminant peu à peu.
Je passe finalement une après-midi sympathique à discuter à bâtons rompus avec ce jeune homme qui visiblement adore cela. Je fais juste attention à ne pas relever ses allusions à un approfondissement physique de nos relations.
Quoi ?! moi, le Capitaine Jack Harkness, sacré 3 ans de suite à l'Agence du Temps, flirt de l'année - je fus disqualifié les années suivantes pour concurrence déloyale - je refuse de prendre part à la bagatelle, on aura tout vu ! Mais je n'ai pas envie de compliquer nos relations amicales. J'ai besoin d'un ami, pas d'un nouvel amant. J'ai besoin d'une épaule sur laquelle me reposer et non pas à mordre sous la passion.
Ce n'est pas le désir qui me manque pourtant. Il est toujours là, toujours présent circulant dans mes veines comme un feu ardent et perpétuel. Mais je sais, d'expérience malheureusement, que ce n'est pas une solution. Etre aussi bon dans ce domaine n'est pas forcément une sinécure. Cela m'isole des autres, me renvoie à ma solitude plus que nécessaire. Je désirais mettre de la distance entre moi et le monde pour le protéger.
Cependant je réalise que je suis déjà à l'écart. Un jour évidemment, je serais prêt à me laisser aller à nouveau, mais mon cœur n'est pas encore suffisamment guéri pour m'impliquer dans une nouvelle relation.
Encore qu'Alonso ne semble pas vouloir une histoire d'amour. L'air d'adoration avec lequel il me regarde, c'est vraiment autre chose. Je vois très clair dans ses sentiments. Il ne serait pas contre une partie de peau contre peau, sans lendemain. A croire que m'avoir mis au lit la nuit dernière, lui a collé une sacrée envie. De plus, il n'a pas l'air d'être novice en la matière. Mais je résiste, on verra jusqu'où cela m'amènera. Mais il suffit que je pense à la Terre et à tout ce que j'ai abandonné pour que mon désir s'endorme. Je ne suis pas prêt. Mon corps l'est mais mon esprit pense encore trop à lui, je ne suis pas guéri de cette perte.
Mais malgré ses allusions qui me semblent avoir finalement pour seul but de me faire rire, il comprend. Il a déjà dû certainement se trouver dans une situation semblable, celle de la perte d'un être cher. Je ne parle même pas de la perte de toute sa famille, de ses amis et de son travail. Il est gentil avec ses yeux de chien battu en quête d'une caresse. Il a l'âme d'un consolateur. Si jamais, il lui prenait l'envie de se réorienter, il ferait des miracles en psychologue.
Nous restons jusqu'au soir dans la baie de pilotage, discutant de tout et de rien, jusqu'à finalement garder le silence devant le coucher des deux soleils sur la planète. Magnifique. Ces couleurs me rappellent les peintures de Van Gogh, tout en conservant le tracé dur de l'astroport. On est absorbé tout les deux par ce spectacle splendide. Je me sens vidé, épuisé par cette séance de thérapie particulière. C'était vraiment un moment privilégié que nous partageons silencieusement.
Dans une semaine, je serais auprès de Gwen que j’ai abandonnée enceinte, auprès de la faille, qui n'aura certainement pas attendu mon retour pour lâcher sur le monde ses hordes d'aliens sanguinaires. Même les weevils me manquent. Je n'aurais jamais cru cela possible. Il me tarde d'être sur Terre et de reprendre mon combat au nom de l'humanité. Mon fantôme personnel serait heureux de l’apprendre. Le héros est de retour.
Fin
(merci à Arianrhod pour ses corrections^^)
