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Blackwood Manor

Série : Torchwood
Création : 29.09.2010 à 22h17
Auteur : Rhea01 
Statut : Terminée

« Univers Alternatif, toute l'équipe de Torchwood au grand complet au temps de la Reine Victoria. Ou les aventures de Lord Harkness et Ianto Jones, précepteur et bibliothécaire. » Rhea01 

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oOoOo

Ianto avait décidé de ne passer que quelques jours à Canary Wharf, occupant son temps entre le logis de ses parents et celui de sa sœur. Mais sa visite s'éternisa légèrement à mesure que montait en lui la nécessité de prendre une décision. Les jours passaient, le mois de juillet s'écoulait et il lui semblait naviguer à vue. Il devait partir et en même temps se sentait incapable de le faire. Ici à Londres, il était encore près de lui. Il ne pouvait se résoudre à partir, que ce soit pour Cardiff pour occuper la maison qui lui appartenait ou bien partir pour l'Europe et visiter ses merveilles. Incapable de se décider, il restait alors à profiter de sa famille, de ses neveux qu'il n'avait pas vu changer, leur esprit s'épanouir.

Il rendit quelques visites à Adam qui lui parla du Lord sans qu'il le lui demandât. Owen s'inquiétait pour lui, Toshiko qui l'avait rejoint à Londres également. Ils avaient demandé à Adam de lui demander des nouvelles, de revenir. Chaque jour, il repoussait le moment où il leur enverrait une lettre pour leur expliquer la situation, s'il pouvait leur expliquer. Adam ne put lui faire changer d'avis. Il ne voulait pas revenir. Il ne pouvait pas y retourner. Il n'osait demander des nouvelles de Jack, même si l'envie de le voir le rongeait jour après jour. Il traînait sa peine à travers les rues désertées par ce long mois d'août qui s'éternisait sur la ville.

Lorsque les premières feuilles de tilleul tombèrent, il ne put résister à l'envie d'aller jeter un coup d'œil au parc de Durham Street. L'odeur de l'automne planait autour du parc. Il reconnut l'odeur du tilleul et son goût sucré qu'il laissait en bouche. Le jasmin qui fleurissait ajoutait une note subtile à ce parfum délicat. Le soleil dominait le parc et la maison dans une de ses dernières belles journées. Il regarda à travers les haies encore fournies, les grilles étaient closes et la maison paraissait calme, comme écrasée de chaleur.

Il avait vécu ces dernières semaines comme un songe éveillé, se coupant volontairement de ses émotions, mais revoir cette maison même vidée par ses habitants lui asséchait la gorge. Tout remontait à la surface, les sentiments, les émotions avec plus d'acuité qu'un rêve. Il avait choisi de partir, vivre auprès de sa famille, ni trop loin, ni trop proche de Jack comme si un lien invisible le retenait ici à Londres. Il se retint de passer les grilles pour le voir. Il se faisait l'effet d'être un espion à regarder ainsi si les personnes qu'il aimait apparaissaient dans ce parc grillé de soleil.

Une grande silhouette se découpa dans l'entrée et son cœur manqua un battement avant de s'emballer. Ses mains se crispèrent dans ses poches, son sang rugissait dans ses oreilles. Il était incapable de faire un geste.

- Jack, se murmura-t-il avant de se rendre compte de sa méprise.

A cette distance, il avait confondu les deux hommes, mais celui-ci qui se trouvait sur le perron était Alec McNeil. Ses ongles s'enfoncèrent dans la paume de sa main. Il avait envie de pleurer comme un gosse, saisi par la déception. La honte de s'être ainsi emballé le ravagea. Il s'enfuit précipitamment. Le son de ses pas résonnant dans la rue tranquille fit relever la tête de l'homme qui prenait l'air. Il ne vit qu'une ombre et pensa à un badaud. Alec esquissa un mince sourire et s'étira sans penser à son bras qui était en bonne voie de guérison. Il prit une profonde inspiration et se prépara pour ce qu'il avait à annoncer à Owen Harper.

oOoOo

L'atmosphère de la maison était lourde en cet été étouffant où les habitants les plus riches quittaient Londres, ses rues grillés de soleil et la Tamise puante. Ceux qui était contraints d'y rester ne souhaitait qu'une chose que la pluie tombe enfin, que l'eau rince les rues et chasse les odeurs pestilentielles qui montait de la Tamise asséchée.

Cela faisait maintenant presque deux mois que Jack et Alec avaient été délivrés. La convalescence de ce dernier s'était déroulée sans complication. Il pouvait se servir de son bras désormais et il faisait à présent de longues promenades dans Londres pour respirer un air moins accablant. Il se sentait indésirable dans les murs de cette maison.

Il avait fait des démarches auprès de ses frères, surpris d'apprendre qu'il était encore en vie. Saxon avait caché son retour et lui avait fait croire que sa famille ne souhaitait pas le voir. Au contraire, celle-ci lui ouvrait les bras et le priait de reprendre sa place parmi elle. Il demanda à Owen un entretien avant de partir, entretien qu'Owen accepta avec réluctance.

- Je tenais simplement à vous remercier, commença Alec, pour ce que vous avez fait pour moi. Je vais retourner dans ma famille. Et je voulais vous remercier de m'avoir si bien soigné malgré votre répugnance.

- vous ne me répugnez pas, Alec, fit Owen en évitant son regard, mais...

- Mais, vous me reprochez l'état de Jack.

Owen leva une main pour l'interrompre. Mais Alec continua, refusant l'interruption.

- Vous avez raison en un sens.

- Vous n'êtes pas responsable de tout, dit finement Owen, c'est la conjonction de divers événement qui l'a conduit à être dans cet état.

- Il va de plus en plus mal, je le sens, dit Alec, il ne supporte même plus que j'entre dans sa chambre.

- Ce n'est pas seulement dirigé contre vous, vous savez. Chaque jour, c'est une lutte pour le sortir de son lit, pour le faire manger un peu. La seule chose qu'il accepte, c'est son traitement. Cela doit lui faire du bien quelque part.

- Jack vit dans un rêve et ses drogues sont certainement ce qui le maintient dans ce rêve. Il faudrait pourtant qu'il reprenne pied dans la réalité.

- A chaque fois qu'il retrouve le monde réel, dit Owen d'un ton accablé, il souffre, ses blessures sont guéries, mais son cœur, c'est une autre histoire. C'est plus grave que la dernière fois.

- Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive ? demanda Alec surpris.

- Non, il était dans un état mélancolique semblable lorsque vous vous êtes séparés. L'annonce de votre mort l'a détruit. Il s'est alors retranché du monde, caressant votre souvenir pour continuer à vivre. Il a souffert d'absences, le cœur dévoré de chagrin. Pour Harlow, il s'agit d'une dépression profonde, il s'enfonce dans son propre monde, incapable de choisir ce qu'il veut réellement, ressassant des idées sombres et mélancoliques.

- non...

- Il a survécu. Il s'est remis petit à petit. Mais aujourd'hui, c'est plus profond. Il n'a pas supporté être rejeté par Ianto. Je ne sais plus quoi faire désormais. Nous devrions retourner à Blackwood. Il a besoin d'un environnement plus calme, cela lui sera certainement profitable. Mais il refuse de partir. Je pense qu'il attend encore Ianto.

- Je croyais que le manoir avait brûlé ?

- Oui, mais j'ai une maison du coté d'Abergavenny. Il logera chez moi, après tout, je lui dois bien cela. Je ne peux pas l'abandonner.

- Et votre mariage ? demanda Alec en fronçant des sourcils,

- Nous l'avons reporté. Nous projetons de nous unir en petit comité en octobre. Cela nous laisse encore un peu de temps pour tout organiser. Jack sera peut-être mieux à ce moment-là. Pour Toshiko, je l'espère. D'ailleurs, vous êtes invité si vous le désirez.

- Je ne pense pas que ma présence sera si prisée.

- Malgré tout, vous êtes son ami. Une fois qu'il sera sorti de cette dépression, je suis sûr qu'il s'en rendra compte. Mais je ne vous cache pas que cela sera difficile et long.

- Je n'en doute pas. Pourriez-vous me tenir au courant de sa santé ?

- Evidemment, dit Owen en haussant les épaules. Qu'allez-vous faire à présent ?

- Ma famille m'attend, Saxon m'a fait croire qu'il leur avait parlé mais jamais ils n'ont su que j'étais de retour. C'est bien dans sa nature. Mais ils sont ravis de me savoir en vie. Je pense pouvoir m'installer chez mon frère le temps de retrouver un emploi.

- Vous savez, je peux vous aider, si vous avez besoin de références.

- Merci, je vais tenter de reprendre ma vie en main, sans doute voyager. Ma famille est riche et travailler ne sera qu'un moyen de m'occuper. Puis-je le voir ? Je souhaiterais lui dire au revoir.

- Si cela ne l'agite pas trop, allez-y, dit Owen, en ouvrant les mains.

Alec rassembla son courage. La dernière fois qu'il était entré dans sa chambre, Jack l'avait chassé par son silence lourd et désapprobateur. Il ouvrit la porte, la chambre était plongée dans l'obscurité. Il voyait seulement la forme allongée de Jack dans son lit. Un infime mouvement lui apprit que Jack était éveillé. Il s'approcha de la tête du lit. Il vit que Jack lui tournait le dos, tendu comme un arc.

- Jack, prononça-t-il, il vit son dos se détendre légèrement, il le savait, il n'était pas celui qu'il attendait. Je suis venu te dire adieu. Je quitte Durham Street pour retrouver ma famille. Mais je me demandais...

- Adieu, fit Jack laconique.

Le son de sa voix si triste et si faible était si différent de celle du Jack qu'il avait aimé qu'il sentit qu'il devait faire quelque chose pour ce pauvre Lord.

- Jack, tu dois vivre, je sais que cela t'est pénible. Mais même si tu te sens mal, tu peux toujours me parler.

- non !

- Jack, murmura Alec. Tu me laisses partir sans même un baiser d'adieu.

Jack ouvrit les yeux soudainement. Il le poussait dans ses derniers retranchements. Pourquoi donc faisait-il cela ? Il se tourna vers lui. Son visage hâve, couvert de barbe, aux yeux brûlants frappa Alec sous le choc.

- Adieu, Alec, articula-t-il soigneusement.

- Jack, je suis tellement désolé, c'est ma faute, je ferai ce qu'il faut pour me racheter. Adieu Jack.

- Adieu.

Ils échangèrent un regard dans lequel Alec avouait tout son regret plus aisément que des mots creux. La détresse qu'il lisait dans ses prunelles pâlies lui serra le cœur. Ils s'étaient aimés passionnément aux Indes mais le temps les avait séparés. Il ne restait plus que les regrets partagés et une affection sans borne. Owen avait raison, il restait son ami. Il serra la main décharnée que Jack lui abandonna. Le peu de force avec laquelle il lui répondit lui creva le cœur.. Il comprit que pour Jack, c'était un adieu à la vie. Il savait désormais ce qui lui restait à faire.


Rhea01  (08.02.2011 à 19:00)

Chapitre cinq : le voyage de Ianto

 

L'été battait son plein lorsque Ianto Jones accosta au port de Boulogne-sur-mer après une courte mais éprouvante traversée qui l'avait laissé exsangue et abattu. Il avait été malade dès qu'il avait posé le pied sur le bastingage et n'avait quitté sa couchette que pour débarquer sur le sol français.

D'emblée, il fut déçu. Son imagination avait paré de couleurs pittoresques le port pour occuper son esprit pendant la traversée. Il avait pensé goûter au dépaysement dès qu'il aborderait le rivage mais il s'avéra que les paysages et les gens étaient semblables d'un côté comme de l'autre du Channel. Les mêmes têtes de pêcheurs, les mêmes filets qui séchaient au soleil, raccommodés par les même vieilles femmes, les mêmes barcasses radoubées qui attendaient qu'on les remette à l'eau. Et surtout la même odeur de poisson qui affolait les mouettes criaillant leur faim, complétait le tableau.

Les habitants parlaient ici un français qu'il ne comprenait pas, rompu qu'il était à la prononciation parisienne de son ancien professeur. Mais il sut se faire comprendre et indiquer le lieu du départ des diligences pour la capitale. Il s'était résolu après avoir vu Alec McNeil toujours à Durham Street, à partir en voyage. Il avait prévu de visiter Paris, Lyon en descendant vers le sud et l'Italie qui l'attirait. Il devait voir Rome, puis Athènes comme il en avait toujours eu envie.

Au lieu de l'excitation qu'il aurait dû ressentir de se trouver à l'étranger, à parler des langues dont il n'usait jamais, il sentait monter en lui la nostalgie de son pays et ce fut tout naturellement qu'il se lia avec des compatriotes en voyage. Une femme qui, malgré l'époque, voyageait seule, l'accueillit volontiers dans la diligence. Elle se présenta en quelques mots avant de prendre des nouvelles de sa santé.

- River Song, archéologue. Enchantée, je me rends à Rome pour explorer la cité. Comme vous, je n'aime guère prendre la mer. C'est pourquoi je préfère continuer par voie terrestre. Allez-vous mieux ?

- Ianto Jones, en voyage pour Rome, également, enchanté de vous rencontrer. Je vais mieux, je vous remercie.

La femme était grande, presque autant que lui et elle avait un visage avenant où l'âge n'avait pas encore gravé sa marque. Elle hocha la tête en lui serrant la main chaleureusement.

- Un jeune compagnon de voyage, cela sera intéressant. Vous intéressez-vous à l'architecture romaine ? Que pensez-vous de l'apport grec dans l'art sculptural ? Mon père était un passionné de la Grèce et moi de la Rome antique. Combien de discussions passionnées avons-nous eu à ce sujet !

L'attitude autoritaire et pourtant pleine d'allant de la femme amusa Ianto. Elle faisait les questions et les réponses. Elle racontait ses passions si aisément qu'il l'envia. Ils partagèrent la diligence jusqu'à Paris en devisant agréablement. C'était une compagne de voyage particulièrement intéressante, douée en de nombreux sujets.

Elle notait tout ce qu'ils voyaient de leur voyage dans un carnet qu'elle destinait à son père. Il attendait d'elle un récit détaillé des merveilles qu'elle verrait. Son père était trop âgé pour faire le voyage, c'est pourquoi elle voyageait seule. Elle se réjouit d'apprendre qu'il aimerait prolonger son voyage jusqu'à Athènes. Le jeune homme, bien que discret et un peu morose était agréable, un concitoyen qui, de surcroît, parlait de nombreuses langues.

- Vous pourrez me servir d'interprète, je parle français un peu, dit-elle dans la langue de Molière, mais mon italien n'est pas fluide. Quant au grec, je ne le maîtrise pas à l'oral. Et puis, il paraît que le grec moderne et ancien n'ont pas beaucoup de points communs.

- Il y en a, dit Ianto, heureux de partager ses connaissances philologiques, mais avec les Turcs qui occupent encore la péninsule attique, il me serait sans doute plus utile de parler arabe.

- C'est vrai que cette question est toujours d'actualité. Tant que l'Angleterre aura avantage à cette occupation, la situation ne changera pas. Il faut certainement y voir une carabistouille politique.

- C'est possible, émit Ianto, mais je ne connais rien à la politique.

- Pourtant la politique et le commerce mènent le monde ! Deux hydres qui tiennent le monde enserré dans leurs mains cupides !

- Quelle vision sévère du monde !

- Sans doute, pourtant il y a des changements. Victoria est très âgée, de nouvelles nations montent et le progrès élève les hommes. Certains font tout pour que les hommes conservent leur libre-arbitre dans un monde en constante évolution.

Ianto se figea. Libre-arbitre, laisser les hommes avoir leur libre arbitre. Ce n'était pas ce qui faisait pourtant leur bonheur. Il avait exercé ce droit et depuis, il souffrait de son choix. Miss Song s'aperçut de son trouble et changea de sujet alors qu'ils traversaient les plaines de Senlis, si souvent arpentées par les peintres en cette fin de dix-neuvième siècle. Ils s'approchèrent de Paris en devisant à bâtons rompus sur l'apport de cette nouvelle peinture, l'impressionnisme sur l'art et la culture française.

A Paris, Ianto avait prévu un programme complet pour sa visite. Il n'avait personne à voir, il désirait consacrer la semaine qu'il passait dans la capitale à la visiter de fond en comble avant de reprendre la route vers Rome. River se déclara enthousiaste à l'idée de voir les mêmes choses que le jeune homme. Elle déclara vouloir s'attacher à ses pas. Ianto accepta avec plaisir, les conversations avec cette femme lui occupaient l'esprit. Il se tourmentait moins quand ils discutaient ainsi.

Paris les ravit, ils découvrirent ensemble les lieux les plus importants. Le Sacré Cœur était tout juste terminé, mais la construction de la tour Eiffel sur le Champ de Mars générait un chantier immense. Song se montra particulièrement impressionnée par la nouveauté de l'architecture moderne qui rompait avec les canons habituels tout en conservant de la grâce.

- Une vraie dentelle d'acier, s'exclama-t-elle alors qu'ils contemplaient la tour en construction depuis les hauteurs de la ville, près des vignes de Montmartre.

- Je préfère tout de même Notre-Dame, c'est un lieu tellement calme, apaisant.

- Bah, cela n'a rien à envier à Salisbury, dit l'archéologue, mais le génie de Eiffel a été de reprendre les choses à sa base. Regardez la pureté de la ligne. J'ose à peine imaginer la beauté de ce monument lors de l'inauguration de l'Exposition Universelle. Ce sera l'apothéose de son art que cette tour.

- De plus, il paraît que ce bâtiment sera entièrement démonté après l'exposition, dit Ianto, les riverains seront heureux. Ils disent que cela leur bouche la vue.

- oh, c'est la rançon du succès ! dit Song en souriant, j'aimerais ouvrir mes fenêtres et découvrir pareilles merveilles chaque matin.

- On doit certainement se lasser de vivre en ville.

- Mr Jones, vous êtes de très mauvaise foi. Vous l'avez trouvé belle, vous aussi.

- Bien sûr, mais ce n'est pas le seul bâtiment qui soit beau ici. Dommage que Paris soit si sombre. Cela ne ressemble pas à Londres, tout paraît si petit ici.

- Paris n'a pas subi d'incendie comme Londres. Nous avons dû tout reconstruire après le Grand Incendie de 1666 alors les Parisiens ont dû faire avec le peu d'espace qu'ils avaient. Mais regardez ce que fait Haussman, il a ouvert des avenues, semblables aux nôtres et qui permettront de se déplacer rapidement dans la cité.

- En attendant, la ville n'est qu'un immense chantier, dit Ianto d'un ton un peu désappointé, heureusement que ce quartier reste intouché. Il a un charme indéniable.

- j'espère qu'il le conservera. C'est le Paris Bohème, le monde des artistes et des poètes. Nous avons peut-être croisé un immense talent en montant, sans même nous en rendre compte. Oh, ce que j'aimerais pouvoir rencontrer un de ces hommes ! Et entendre de sa bouche quelques vers qui deviendront immémoriaux.

Ianto était toujours surpris par l'érudition de cette femme. Elle avait beaucoup étudié, beaucoup lu, vécu dans l'imagination des auteurs qu'elle lisait. Et enfin elle avait l'occasion de découvrir le monde. Elle avait tendance à le voir plus brillant que dans son imagination. Ianto ressentait tout le contraire.

Malgré sa compagnie ludique et enjouée, il était facilement distrait, comme s'il sentait un poids traîner derrière lui. Il avait beaucoup de difficulté à suivre son enthousiasme toujours effréné mais il l'appréciait beaucoup. A Paris, ils prirent le train sans se quitter, trouvant l'un dans l'autre ce qu'ils demandaient à un compagnon de voyage : conversation, compagnie, et début d'une amitié réelle entre eux, malgré la différence d'âge.

River aurait pu être sa mère et le lui rappelait souvent en le maternant allègrement. Elle appréciait ce jeune homme au visage émacié sur lequel apparaissait trop souvent une ombre de souffrance. Elle sentait une faille en lui qui l'attirait. Elle s'attacha facilement à cet homme sagace mais taciturne. Il avait bien besoin de s'alléger l'esprit. Elle soupçonnait chez lui quelques chagrins d'amour, une rupture peut-être difficile, un mariage arrangé peu attrayant.

Il ne parlait jamais de sa vie en Angleterre. Il avait simplement laissé entendre être professeur et qu'il venait de finir un engagement. La manière dont il en avait parlé avait été si triste qu'elle n'avait pas voulu l'interroger plus avant. Elle demeura discrète bien qu'elle dut souvent se mordre la langue pour ne pas le questionner comme elle en brûlait d'envie. Pendant ce long trajet à travers la campagne, ils s'arrêtèrent à Lyon, Turin puis Rome qui les surprit énormément.


Rhea01  (11.02.2011 à 19:44)

L'antique centre du monde grouillait de monde, cosmopolite et pourtant bien en deçà de sa précédente gloire. Elle avait cependant un charme qui résidait sans doute dans ses contrastes. D'un côté elle montrait une ville écrasée de soleil et de monde, de l'autre ses ruines désormais célèbres offraient un écrin de verdure parmi ses ombres fraîches.

Ianto et River se promenèrent longtemps dans les pas des grands romains, du Forum au Colisée en passant par la villa Néron, croisant ça et là des hommes dont l'accoutrement laissait deviner le poète bohème. Ianto se sentait pris par l'atmosphère élégiaque qui lui laminait l'esprit. Il partageait avec ces artistes aux yeux enflammés un sentiment incongru, un mélange de bonheur et de nostalgie, comme un plaisir incomplet, vérolé. Les ruines distillaient en lui cette émotion qui le portait au bord des larmes.

- C'est votre part de romantisme, mon ami, dit River au cours d'une de leurs conversations, enfin c'est ce que disent les Français, la Rome Antique vous exalte et en même temps vous répugne.

- Vous ne ressentez pas cela ?

- Oh, non, tout est tellement plus beau que ce à quoi je m'imaginais... Prodigieux, magnifique.

Ianto acquiesça. La découverte de la ville le ravissait sans pour autant pouvoir le remplir complètement. Il ressentait un manque sur lequel il ne voulait pas s'appesantir. Le cœur lourd, la poitrine oppressée, il suivait River qui pérorait à propos de tout ce qu'ils observaient.

Ianto avait la sensation qu'elle avait vécu ici dans une autre vie, tant elle paraissait proche des Anciens. Ses lectures nombreuses, du traité de droit de Cicéron aux récits de voyage de Byron lui permettaient de s'orienter comme une vraie Romaine. Et elle n'en était pas peu fière.

- Allons voir Pompéi, dit-elle un soir où ils dînaient tout deux dans une taverne non loin de leur auberge. Une ville figée dans le temps, voilà ce qui doit être remarquable.

- Un peu mortifère, ne trouvez-vous pas ?

- Peut-être, mais les travaux de fouilles n'ont commencé que depuis deux ans. Les archéologues ont fait beaucoup de découvertes. Ce sera l'occasion de découvrir le style d'une cité figée dans le temps. Incroyable. Savez-vous que les Romains connaissaient les serrures ? Elles sont généralement moins complexes que les nôtres mais diablement ingénieuses.

- Comment faites-vous pour savoir tout cela ? demanda Ianto en souriant.

- La lecture des journaux spécialisés, je suppose ?

Celui-ci qui venait de les interrompre ainsi portait un costume feuille morte, très classique en Angleterre, beaucoup moins dans une taverne romaine, avec une cravate tout à fait improbable. Il arborait un front intelligent et des yeux vifs d'une rare profondeur ainsi qu'un sourire bienveillant. Les mains dans les poches, il venait de s'immiscer dans la conversation de ses voisins de table avec naturel. Les yeux de River pétillèrent de plaisir. Elle avait parlé d'une voix plus forte, pour attirer son attention. Et maintenant qu'elle l'avait, elle n'entendait pas lâcher si facilement. Dès qu'il était entré dans le restaurant, il avait plu à la demoiselle encore verte. Le charme des sexagénaires portant beau, sans doute.

Alors qu'il déclarait vouloir visiter Pompéi lui aussi, il fut rejoint par une grande femme rousse, aux manières un peu brusques mais franches qui mirent à l'aise les deux Britanniques.

- Donna Noble, se présenta-t-elle, de Londres, c'est la première fois que je quitte l'Ile pour autre chose qu'un voyage à Boulogne et c'est grâce à ce cher...

- Smith, John Smith, se présenta l'homme avec précipitation, avec un regard d'avertissement à sa compagne. C'est la première fois que vous visitez Rome ?

River, la main sur son journal affirma que oui. Elle avait un talent certain pour la conversation qu'elle entretenait savamment.

Elle se liait facilement avec les gens. Ianto ne se départit pas de sa réserve même lorsque l'homme lui posa des questions sur sa situation. Il répondit cependant avec franchise. Contrairement à son interlocuteur, il n'avait rien à cacher, se dit-il. Il avait saisi le regard en coin qu'il avait envoyé à sa compagne, faisant naître le soupçon.

- J'étais le précepteur du fils de Lord Harkness ainsi que son secrétaire particulier.

- Vous avez quitté son service, quel dommage ! Ce cher Harkness va-t-il mieux ? fit joyeusement Smith.

- J'ignorais qu'il avait été malade, dit Ianto en maîtrisant les battements affolés de son cœur en entendant cela.

- Des amis à moi m'ont appris qu'il souffrait d'une étrange maladie dernièrement. Il garde la chambre, on parle même d'effondrement. Les gens peuvent être mauvais avec les rumeurs. Jack va mieux, très certainement, ajouta-t-il précipitamment en remarquant la pâleur du jeune homme. Ce ne sont sûrement que des rumeurs mal étayées.

- Vous êtes proche de lui ? demanda Donna Noble d'un air concerné, posant sa main sur la sienne.

- Oui, répondit Ianto, sans dissimuler l'inquiétude qu'il ressentait, devant tant de sollicitude. J'espère qu'il va mieux.

- J'espère surtout qu'il trouvera la personne qui lui conviendra. Celle qui pourra le soutenir et ne pas l'abandonner, dit l'homme avec un froncement de sourcil et une grimace entendue. Jack accorde rarement sa confiance. Il s'épargne pour ne pas souffrir. Je ne voudrais pas qu'il se renferme à nouveau alors que mes amis l'ont vu si joyeux au printemps, gai comme un pinson m'a-t-on dit.

Ianto ne répondit pas, la conversation prenait un tour privé qui le dérangeait. Les yeux clairs de cet homme semblaient le transpercer, voir et décrypter son âme, son cœur et ses pensées, comme s'il n'était qu'un papillon sous le regard d'un naturaliste. Il plaignit les pauvres créatures alors qu'il était ainsi épinglé par cet homme étrange qui reprit la parole comme si de rien n'était.

- Enfin, si vous le voyez, je vous prie de lui transmettre mes amitiés. Un jour, je devrai lui rendre une visite, ce serait la moindre des choses après toutes ces années sans nouvelles.

Soudain tout fit jour dans l'esprit de Ianto, la connaissance qui brillait dans le regard, la sagesse qui se lisait sur ses traits pourtant encore jeunes, l'impression d'omniscience. Il comprit qu'il avait devant lui le fameux Docteur, si cher au cœur d'Harkness. Pas étonnant qu'il en parlât de manière si familière.

Il écarquilla des yeux et le Docteur lui fit un fin sourire, tandis que Donna changeait délicatement de sujet. Ianto s'enferma dans ses pensées, alors que River rivalisait de charme pour attirer l'attention d'un Docteur aux anges. Donna se chargeait de lui rappeler les réalités et les éclats de rire submergèrent la petite salle où ils étaient rassemblés. Ianto n'écoutait plus qu'à peine, souriant quand les autres riaient, par automatisme plus que par réelle envie de rire.

Jack était malade, se dit-il, le Docteur fait sans doute référence à ses blessures. Il doit encore être convalescent. Mais alors comment se faisait-il que le Docteur était si inquiet à son sujet ? Il n'avait pu le cacher à l'observation du jeune homme. Connaissait-il l'état exact du Lord ? Comment ? Sans doute l'armada qu'il avait sous ses ordres et dont faisaient partie Mott et Frame, les deux policiers qui avaient organisé sa libération ? Ils continuaient sans doute à veiller sur Jack et les autres compagnons du Docteur. Il écoutait sans participer la conversation qui roulait maintenant sur les mérites comparés de la campagne Émilienne et de la Toscane que le Docteur semblait révérer.

Il repoussa son assiette, son appétit s'était envolé. River n'avait de yeux pour le Docteur, elle n'y prêta pas attention, elle qui le sermonnait quand il ne mangeait pas assez. Il s'éclipsa au moment des boissons que tout le monde décida de prendre sous le patio frais de l'auberge. Il marmonna une vague excuse et sortit. Il entendit encore une fois Donna s'extasier sur la couleur et la fraîcheur de la glycine, puis il ferma la porte.

Ianto profita de ce moment de solitude pour réfléchir, ses pensées tournoyaient en lui tout comme son inquiétude. Ses pas s'égarèrent dans les ruelles étroites de la cité jusqu'à entrer dans l'enceinte du forum, qui jusqu'à l'année dernière servait de pâture aux pourceaux. Bienheureux pourceaux ! A vivre parmi tout ce marbre et ces magnifiques sculptures.

Ianto murmura "Jack, pourquoi ne me suis-je pas battu ? Pourquoi ai-je refusé de me battre pour rester près de toi ? Je regrette tellement"

Il crut entendre son nom être soufflé par le vent tiède de la nuit, une voix qui l'interpellait, une fantaisie trop réelle pour son esprit cartésien.

Ainsi perdu dans la contemplation du ciel et des ruines qui possédaient un charme nocturne indéniable, Ianto ne prêta aucune attention aux ombres qui se mouvaient derrière lui. Trois brigands surgirent de l'ombre et l'entourèrent, armés de coutelas et l'air patibulaire. Ianto serra les dents, pestant contre sa mauvaise fortune. Il n'avait pas fait attention et maintenant il se faisait attaquer. Il jura tout haut, d'une voix sévère qui fit reculer deux malandrins. Il avait appris une chose à Londres, c'était que la meilleure défense était l'attaque. Il jeta son poing dans la figure du plus proche qui ne s'y attendait vraisemblablement pas du tout. Puis le second se prit un coup de pied du Gallois, hors de lui.

Les hommes se ressaisirent et foncèrent sur lui. Il encaissa quelques coups avant de répondre. Un coup de bâton dans les jambes le fit tomber à genoux sur le sol. Loin de le calmer, la douleur le fit enrager. Il rua d'un coup de pied en arrière. Les insultes en italien qui fusèrent après le choc lui confirmèrent qu'il avait visé juste. Avec un sourire pervers que n'aurait pas renié celui qui lui avait appris cette botte, il se releva d'un bond, s'armant à son tour d'un bâton abandonné qu'il fit sauter d'une main à l'autre d'un air menaçant. Malgré sa détermination, il ne parut pas leur faire peur car ils s'approchèrent à nouveau, l'air furieux. Ils l'acculèrent au mur de l'ancien temple dédié à Vesta, grondant comme des chiens enragés.

Un homme surgit de la nuit et frappa d'un coup de crosse nacrée un homme qui se rapprochait trop. Il tomba au sol, sonné.

Ianto ouvrit de grands yeux, cet homme grand, mince, bâti en athlète ne lui était pas inconnu. Son cœur battit plus fort. Jack ? Il n'eut pas le temps de s'interroger plus avant, son assaillant l'attaquait à nouveau. Ianto sourit gentiment avant d'attraper la tête de celui qui l'affrontait de face et lui décocha un coup de tête qui lui fit sonner les oreilles. Un coup de pied dans les bijoux de famille le mit définitivement à terre.

L'inconnu revint assommer le dernier par-derrière alors que Ianto s'approchait de lui d'un air menaçant.


Rhea01  (11.02.2011 à 19:46)

La lune dévoila le visage de son sauveur, Alec McNeil. Ianto s'assombrit aussitôt alors qu'il allait le remercier chaleureusement.

- Merci, dit-il froidement, sans vous, c'en était fait de ma bourse.

- Ou de votre vie ! Qu'est-ce qu'il vous prend de rôder ainsi dans les rues à cette heure ?

- Et vous ? Que faites-vous ici ?

- Donna Noble m'a appris que vous aviez murmuré que vous alliez prendre l'air. Et je vous ai entendu.

- Mais … que faites-vous ici ? Et comment connaissez-vous Miss Noble ?

- Miss Noble et le Docteur, fit le colonel fièrement. Rentrons, votre amie va s'inquiéter.

- Non !

- Non ?

- Non, vous n'avez pas répondu à la question ! Que faites-vous ici ?

- Je suis venu vous chercher, dit-il en soupirant légèrement, mais allons-y, ce n'est pas un lieu où se promener au milieu de la nuit.

- Je n'irai nulle part avec vous, déclara Ianto d'un air sec.

- Ce que vous pouvez être buté, souffla Alec en le prenant par l'épaule et le forçant à le suivre. Je me demande ce qu'il peut vous trouver.

La perfide question le prit par surprise et le fit enrager. D'un mouvement fluide, Ianto le déséquilibra et le mit à terre. La rage et la rancœur lui ronflaient dans les oreilles, lui hurlant de rosser son rival. Alec s'agrippa à sa veste et l'entraîna dans la poussière. Ils roulèrent sur le sol et se rouèrent de coups qui, du manque de distance ne portèrent que moyennement.

Alec finit par le maîtriser d'une prise peu réglementaire en matière de combat mais efficace. Il avait roulé derrière Ianto et lui serrait la taille avec ses jambes. Il lui maintint la tête à l'aide de son bras, l'étouffant peu à peu. Ianto feula, il se débattit, mais Alec plus fort et plus vicieux le maintenait fermement.

- Écoute-moi, fit Alec en desserrant un peu sa prise, je suis venu jusqu'ici pour te demander de revenir auprès de Jack.

- Non.

- Pourquoi ?

- Parce qu'il t'a choisi.

- Jack n'a rien choisi du tout. Je l'ai embrassé et cela a tout déclenché.

- Il m'a chassé, dit Ianto en abandonnant la lutte.

Alec desserra son étreinte.

- Tu ne peux lui tenir rigueur de ce qu'il a déclaré dans un épisode de fièvre, fit Alec, troublé par l'intensité de sa voix. Il a perdu l'esprit à cause de cette fièvre. Tu le connais, tu sais qu'il a déjà été malade. Mais ta lettre l'a achevé, il n'a plus le goût à rien. Il se laisse mourir à petit feu. Owen a vraiment peur pour lui...

Ianto balança violemment sa tête en arrière, atteignant son nez. Alec le lâcha sous l'impact et Ianto se remit debout d'un bond. Il avait la tête qui tournait alors que les paroles d'Alec vrombissaient dans son esprit. Il s'accroupit, prêt à bondir sur le colonel qui se remit debout péniblement. Il chancela et se toucha le nez, cassé net. Il sourit amèrement, mais il n'avait pas fini de lui parler.

- A vrai dire, je vois très bien ce qu'il peut te trouver. Tu es un sacré combattant mais tu devrais mettre cette hargne à son service. Je suis venu pour t'avertir. Jack va très mal. Il a vraiment besoin de toi.

Ianto se mit debout et épousseta son habit, l'air renfrogné.

- Il ne va pas mourir, pas parce que je suis parti, dit-il tout bas, s'approchant d'Alec.

Celui-ci le regarda avec bienveillance et lui tendit la main.

- Je suis venu pour faire la paix. Jack a réellement besoin de toi. Il ne supporte plus de vivre. Je ne sais pas si cela vient de la maladie ou de ce qu'il éprouve pour toi, mais il a abandonné le combat. Tu aurais dû rester auprès de lui.

- Je ne le pouvais pas, il t'a choisi et je ne peux pas rivaliser avec toi. Je ne suis pas celui qui lui convient. Toi, tu serais parfait.

- Mais ce n'est pas ce que son cœur désire. Ianto, je t'en supplie, il faut que tu reviennes auprès de lui.

- Pourquoi faites-vous cela ? demanda Ianto en acceptant sa main.

Alec le tira vers lui pour lui mettre le bras autour de l'épaule en une étreinte fraternelle. Ianto surpris par la chaleur de ce geste, se laissa faire.

- Parce que j'ai toujours de l'affection pour lui et que contrairement à ce que tu penses, tu es celui qui lui faut. Dis-moi que réellement tu ne souhaites pas être à ses côtés ?

Ianto ne répondit pas mais la tension de ses épaules le trahit. Alec avait fait tout ce trajet pour lui demander de revenir. C'était un inestimable don. Son amitié pour Jack était à ce point profonde qu'il n'avait pas hésité à traverser l'Europe pour le retrouver.

- Je le souhaite répondit-il enfin.

- Alors, pars, rentre au plus vite, Jack est réellement diminué. Tout ce que j'espère, c'est qu'il n'est pas déjà trop tard.

- Non ! gémit Ianto.

- Malheureusement, il te faudra faire vite, j'ai perdu beaucoup de temps à te chercher. Sans ta sœur, je n'aurais jamais pensé à te chercher ici, à Rome.

- C'est ma sœur qui vous a dit où me trouver ?

- Ne vois pas cela comme une trahison de sa part, elle sait ce que tu ressens, ce que tu vis sans lui. Dis-moi que tu es heureux de vivre loin de lui et je te laisse.

- Non.

- Alors viens, rentrons à l'auberge, nos compagnons vont s'inquiéter. Il faut que tu choisisses. Rentrer ou continuer ton voyage.

Alec le serra contre lui et l'entraîna vers le monde moderne. Ianto ne parlait pas, il réfléchissait à ce qu'Alec venait de lui apprendre. L'autre le laissa en paix, il savait qu'il avait besoin de digérer ce qu'il venait de lui dire. Il sentait sous ses doigts ses muscles se tendre et détendre. Il tremblait mais paraissait déterminé. Avant d'entrer dans l'auberge, Alec plongea dans son regard où roulaient l'incompréhension et l'espoir.

- Réfléchis Ianto, réfléchis à ce que tu dois faire. Ce qui adviendra de Jack ne dépend que de toi.

- Je sais. Laissez-moi cette nuit pour réfléchir. Demain, je vous donnerai ma réponse.

Alec acquiesça et lui ouvrit la porte. Leur état attira l'attention de tous au grand dam de Ianto qui aurait préféré la discrétion. River se précipita sur Ianto pour le soigner et le gourmander tandis que Donna faisait de même avec Alec. Elle avait l'œil qui frisait en détaillant la beauté au nez cassé.

- Mais que vous est-il arrivé ? demanda le Docteur, en s'approchant d'eux, Mr McNeil, expliquez-moi.

- Nous avons été attaqués par des brigands, répondit Ianto avec un regard à Alec.

- Oh mon dieu, s'écria Donna, redoublant de douceur envers Alec, qui se laissa faire avec joie.

Ianto remarqua qu'il partageait avec Jack ce goût pour se faire désirer. River le gronda d'être parti visiter les ruines à cette heure sans compagnie. Ce n'était guère le moment de se faire blesser avec tout ce qu'ils avaient prévu de visiter. Ianto hocha la tête sans répondre, perdu dans ses pensées. Le Docteur le regardait avec un air entendu que seul Alec remarqua. Ils échangèrent un regard qui en disait long sur leur complicité. Toute la compagnie alla se coucher, excitée à la perspective de rencontrer Pompéi et par les dernières émotions de la soirée.

River ne voulait manquer cette visite pour rien au monde. Si elle trouva rapidement le sommeil, Morphée fut plus long à capturer Ianto dans ses rets. Il ne cessait de penser au Lord et à la décision qu'il devait prendre. Serait-ce si difficile de retourner auprès du Lord après cette séparation ? Qu'est-ce que cela leur apporterait ? Comme serait-il accueilli ? Jack était-il aussi malade qu'Alec le lui disait ? Jack... Alec avait raison, il ne pouvait vivre ainsi.

 


Rhea01  (11.02.2011 à 19:48)

Le maître du sommeil l'attrapa finalement et l'emmena dans un sommeil peuplé de rêves qui prirent la dimension d'une histoire onirique où les protagonistes avaient tous le visage de Jack Harkness.

Il bascula soudain dans un cauchemar, celui qu'il avait que trop longtemps supporté. Le monstre qui le poursuivait en criant son nom l'attendait. Il le poursuivit d'une voix moqueuse puis l'accula contre une pierre dure et froide, si froide. L'ombre habituelle engloutissait les détails de son cauchemar et une main d'os en émergea. L'ivoire squelettique de ses doigts s'agrippa à sa chair palpitante et un souffle chargé de miasme l'appela "Ianto Jones ?" Il rassembla son courage, alors qu'il sentait son esprit battre la campagne sous la peur qui le faisait trembler. Il décida d'affronter cette ombre qui le hantait.

- Oui ! Je suis Ianto Jones.

- Vois alors ce que tu as causé, se moqua la voix d'outre-tombe.

L'ombre bougea, comme si un souffle venu des enfers l'agitait. Ianto découvrit le mur contre lequel il s'appuyait. Des pierres froides, pâles, celle d'un mausolée avec en lettres d'or gravé " Ci-gît Jack Harkness, Lord Blackwood, aimé des humbles hommes, l'amour l'aura tué".

- Tu ne peux le sauver, grinça la voix moqueuse, car tu as causé sa perte.

Ianto hurla son désespoir avant de tomber à genoux contre la pierre qu'il griffa de ses ongles. La douleur qu'il éprouvait lui faisait perdre la tête. Il fut pris d'une vertigineuse sensation de chute. Il s'éveilla enchevêtré dans ses draps, couvert de sueur, le cœur battant, tremblant de tous ses membres dans la chambre obscure.

Un bruit de pas devant sa porte et le léger tapotement lui apprit qu'il avait un visiteur. River certainement aura été effrayée de l'entendre hurler de la sorte. Il se leva pour la rassurer sur son sort. Sa gorge le faisait souffrir et il avait soif. Il ouvrit la porte et aperçut le Docteur, l'air inquiet se préparer à frapper une nouvelle fois.

- Mr Jones, Allez-vous bien ? Vous avez fait un mauvais rêve ?

- Oui, je suis désolé de vous avoir réveillé, Docteur.

- Hum, vous l'avez vite deviné ?

- Les descriptions que j'ai eues de vous étaient suffisamment précises et Alec semble bien vous connaître.

- Ah, je n'ai pas été assez discret. Alec, je l'avais envoyé auprès de Jack pour lui tenir compagnie. Il s'avère que j'ai eu tort, n'est-ce pas ?

Ianto ne répondit rien, mais son regard malheureux le fit pour lui. Le Docteur se mit à rire.

- J'avais sous-estimé le charme de Jack et sa propre capacité à se trouver un compagnon. Est-il toujours aussi séducteur ?

- Sans doute, dit Ianto avec un pauvre sourire.

- Mais aujourd'hui, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Il a besoin de guérir et son remède est bien loin de lui.

Il laissa passer un moment pendant lequel Ianto tenta de soutenir son regard si chargé en âge et en sagesse. Il détourna le regard, réprimant son tremblement. Ce qu'il voyait dans les yeux de cet homme était si profondément compréhensif qu'il ne put le supporter.

- Vous avez fait un mauvais rêve ?

- Oui, mais c'est habituel, encore que cette fois, il était plus détaillé et violent que d'habitude.

- Oh, j'ai une grande habitude des rêves, je suis un grand rêveur, vous pouvez demander à Donna. Dites-m'en plus !

Ianto renâcla et s'assit sur son lit tandis que le Docteur prenait place sur la seule chaise de la chambre, séparé de lui par la lumière de l'unique bougie.

- Cela concerne Jack, n'est-ce pas ?

- Oui, souffla Ianto, il a besoin de moi, je le sais mais j'ai peur. Je ne peux pas m'engager. Je ne pourrai pas le rendre heureux.

- Racontez-moi votre rêve, Ianto Jones ! dit sévèrement le Docteur, en coupant ses explications décousues.

Ianto s'exécuta. Il comprenait mieux quand on lui disait que personne ne pouvait résister au Docteur. Il avait une force de persuasion qui exsudait littéralement de sa mince personne. Il raconta chaque détail de son cauchemar, jusqu'au dernier mot et sa réaction.

Le Docteur plissa les yeux en l'écoutant puis soupira en lui prenant la main.

- Pour moi, c'est assez clair, vous vous rongez de culpabilité.

- C'est de ma faute si Jack est malade.

- Pas seulement, Jack aussi a sa part de responsabilité et vous le savez parfaitement.

- Comment, vous, vous le savez ?

- Alec vient de tout me raconter.

- Évidemment, lâcha Ianto d'un ton sec.

- Il est son ami, lui aussi et il s'inquiète pour lui. Dites-moi ce que vous désirez vraiment et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider.

Ianto resta silencieux. La proposition le laissait abasourdi quand il savait ce que le Docteur pouvait réaliser.

- Ce que je désire vraiment ? demanda-t-il timidement.

- Oui, profondément, visiter le monde, vivre sa vie, être riche. Dites-moi quel est votre plus cher désir.

- Voir Jack, je veux voir Jack, répondit-il rapidement.

- Pourquoi ?

- Parce que je souffre de ne pas être à ses côtés.

- Alors si vous voulez être près de lui, ce n'est pas parce que vous vous sentez coupable de l'avoir abandonné ou parce que vous vous croyez être responsable de son état ?

- Non ! fit Ianto les larmes aux yeux, parce que je veux être avec lui. Je l'aime.

L'aveu lui coûta. C'était la première fois qu'il dévoilait à voix haute les émois de son cœur. Il se prit le visage entre ses mains, consumé de honte. Le Docteur le laissa quelques instants, posant son regard intelligent sur ses épaules secouées de sanglots lourds.

- Il n'y a rien de honteux à l'aimer, c'est naturel, reprit-il d'une voix douce, posant une main sur son épaule, c'est cela que vous fuyez, en réalité.

- Nous sommes des hommes, cela n'est pas normal ! dit Ianto en relevant vers lui son visage ruisselant de pleurs.

- Qui peut dire ce qui est normal ou non dans notre monde ? Qu'un homme aussi exceptionnel que Jack soit privé d'amour à cause d'une considération aussi vaine me désespère. Qu'importe le genre pourvu qu'il ait le bonheur !

- C'est ce qu'il m'a dit un jour, s'étonna Ianto, l'aurait-il appris de vous ?

Le Docteur resta silencieux, les yeux pétillants.

- Alors, demanda-t-il à l'homme qui essuyait ses larmes, choisissez-vous votre destin ?

- C'est ce que Jack m'a toujours demandé de faire, mais j'ai l'impression de m'être trompé de chemin. J'ai toujours voulu voir Rome, Athènes, mais l'idée de le revoir est beaucoup plus...attirante, urgente.

- A la bonne heure ! fit le Docteur, tout est arrangé, vous partirez demain d'Ostie.

- Il me semble que vous avez tout arrangé. Vous connaissiez déjà ma réponse ?

- Tout comme vous. Vous êtes le remède, je suis le Docteur, je vous envoie à lui. Reposez-vous jusqu'à demain. Nous vous accompagnerons au port. Pompéi attendra. Cela fait déjà 20 siècles qu'elle attend que je vienne. Elle peut sûrement attendre quelques jours de plus, alors que pour Jack, ce temps est inestimable.

Ianto le remercia chaleureusement. Cet homme, décidément très fin et très intelligent semblait avoir tout prévu. Mais il l'avait tout d'abord testé, confessé pour qu'il y voie plus clair. Jack avait autant besoin d'amour que lui et il venait de le lui rappeler. Il s'endormit très vite à présent que sa décision était prise. Il dormit sous la garde du Docteur qui le regardait se reposer avec un mince sourire.

 

à suivre


Rhea01  (11.02.2011 à 19:53)

Chapitre six : Le Tardis...

Ostie, petit port de pêche où se jetait le Tibre, n'avait plus la même magnificence qui était la sienne des siècles auparavant. Cependant il y avait là un charme qui appelait à la rêverie les nombreux peintres qui lui rendaient hommage. Depuis presque cinquante ans, des fouilles systématiques mettaient à jour des nouveaux fragments d'histoire. De l'autre coté de ce port antique, une petite bourgade s'était établie pour relier Rome à la mer. Entre deux collines verdoyantes malgré le soleil puissant de l'Italie, passait la voie romaine qui menait du port à la Capitale.

Le Docteur et ses compagnons l'empruntèrent en rendant hommage aux glorieuses sépultures qui angoissèrent pourtant Ianto. Ce paysage, même séculaire lui rappelait avec trop d'acuité le rêve qui l'avait éveillé la nuit dernière. Il observa ses compagnons de voyage. Le Docteur discourait avec River, ils paraissaient partager le même enthousiasme, cette passion de découvrir et de faire découvrir aux autres. Ils avaient l'air de former une paire intéressante, comme deux âmes qui trouvaient un écho l'une dans l'autre.

Donna se serrait sans vergogne contre Alec dans la voiture qui les emmenait au port, ravie d'avoir à ses côtés un homme aussi digne d'éloges. Ianto avait l'étrange sensation d'être un porteur de chandelle ou une duègne négligente. Mais ces personnes étaient toutes majeures et bien plus âgées que lui, il savait qu'il n'avait rien à dire au regard illuminé que River posait sur le Docteur ou sur les soins que Donna continuait d'apporter à Alec, visiblement heureux de son sort.

Le Docteur avait fait valoir son avis qui avait pris force de loi. Il voulait accompagner le jeune homme au port et personne n'y vit d'inconvénient. Ianto trouva cet homme bien que plus âgé que Jack de presque vingt ans alliait sagesse et juvénilité, voire cabotinage. Il parvenait même à le faire sourire, ce qu'Alec trouvait plus seyant à son visage. Ianto paraissait sûr de son choix, il devait se rendre à Londres. Alec espéra qu'il arriverait à temps pour Jack. Le Docteur paraissait confiant. Il se demanda ce qu'il pouvait bien concocter. Seule une ombre sur le visage de Ianto le troublait. River surprit son regard et interrogea le jeune homme à sa place.

- Tu vas bien, mon ami ? Repartir si vite, sans même avoir vu Pompéi te trouble-t-il à ce point ?

- Non, Miss Song, c'est plutôt la perspective de me retrouver en mer. Vous souvenez-vous de la traversée de Douvres à Boulogne ?

- Oui, nous ne vous vîmes pas une seule fois.

- Je suis sujet au mal de mer. Cela seul me trouble ajouta-t-il en regardant Alec lui signifiant son choix d'une phrase.

Le Docteur et Alec hochèrent la tête et ils arrivèrent enfin à Ostie.

Le Docteur les conduisit joyeusement à un bateau, une petite goélette nommée "le Tardis". Ce vaisseau était armé et prêt à partir. Donna eut un sourire immense en reconnaissant le navire.

- Oh, je ne savais pas qu'il était là. Docteur, je peux monter ?

- Bien sûr, je sais combien tu l'aimes !

- De la lenteur ? dit Ianto, drôle de nom pour un vaisseau aussi profilé pour la vitesse.

- Je vois que vous avez l'œil et le latin nécessaire. Disons que c'est une petite blague de mon cru. Bien, approche-toi ici. C'est un de mes bateaux préférés, j'aimerais mieux que tu ne sois pas malade à son bord.

Ianto obéit à l'injonction du Docteur. Les mains de celui-ci le saisirent sous les oreilles et tira sèchement. Un crac sonore fit frissonner Alec qui retint Ianto, sonné par le choc.

- Là, là, avec ça je pense qu'il ira mieux, bien mieux, je vous l'assure.

- En attendant, il est dans les pommes, fit Song en l'éventant.

Donna redescendit après s'être occupée de faire monter les bagages par l'équipage et sauta près du Docteur. Elle était rouge d'avoir couru mais elle avait un regard joyeux.

- Allez, allez, embarquez, embarquez, la marée ne va pas vous attendre. Alec, prenez soin de lui, pour qu'il prenne soin de notre cher Jack.

- Je n'y manquerai pas, dussé-je le traîner jusqu'à sa chambre.

- Cela ne sera pas nécessaire, dit Ianto en reprenant pied dans la réalité, j'ai fait mon choix, vous vous rappelez. Je n'ai pas besoin que vous veniez avec moi.

- Contrairement à vous, je n'avais pas prévu de partir en voyage aussi vite. Ma famille m'attend et il me tarde de voir Jack avec un sourire.

- Il n'est jamais inutile d'avoir un peu d'aide, fit le Docteur, et puis ces quelques jours vous permettront certainement de lier des liens d'amitié.

Ianto lui décocha un regard sombre, cet homme était diabolique dans sa manière de lire dans les âmes. Il lui souhaita bien du courage avec River qui lui paraissait de taille à rivaliser.

- Mais ...

Ianto montra Donna du regard, Alec roula des yeux dans le dos de la demoiselle et sourit malignement.

- Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve, nous nous reverrons sans aucun doute.

- Embarquez, dit Donna, avec un petit sourire en coin.

Les adieux furent brefs mais extrêmement cordiaux. Le Docteur fit promettre à Alec de revenir avec le voilier. D'un clin d'œil appuyé, il lui fit comprendre que ce n'était pas seulement le voilier qu'il attendait. Ianto se prépara à grimper à l'échelle de cordée, laissant Alec aux prises avec Donna qui l'embrassa fougueusement, y mettant tout son cœur sans se soucier du regard des passants interloqués.

Ianto eut un petit rire devant l'œil rond d'Alec qui ne semblait pas avoir vu jusqu'ici le sentiment de Miss Noble.

- Tu es jaloux, mon petit ?

Elle le serra dans ses bras et lui souhaita d'être heureux.

- Oh, pendant que tu y es, souhaite le bonjour à Wilfried Mott, mon grand-père, tu veux bien ?

- Le policier ?

- Oui, c'est grâce à lui que le Docteur a pu conserver un œil sur ses anciens compagnons. C'est bien quand ça reste dans la famille.

- Je n'y manquerai pas et je lui dirai que sa petite-fille est une sacrée demoiselle, j'en profiterai pour lui présenter son futur petit-fils, conclut-il en murmurant.

- idiot, cesse de dire des choses pareilles ! Ce n'est pas le moment de plaisanter. Il n'est pas encore revenu, dit-elle avec un sourire complice.

Les deux hommes montèrent sur la goélette qui contrairement à ce que son nom évoquait, prit rapidement le vent et les emmena au large. Ianto attendit patiemment que vienne le mal de mer mais le Docteur y avait remédié d'une manière efficace.


Rhea01  (13.02.2011 à 13:39)

- Il faudra que je le remercie, dit-il à Alec plus tard alors qu'ils dînaient à la table du Capitaine, un homme rond aux moustaches rousses et au crâne dégarni, brillant comme une boule de billard.

- Si tu sauves Jack, tu le remercieras suffisamment. Et moi aussi. Nous avons une semaine de mer avant de retrouver notre bon sol anglais. Il me tarde de me faire arroser par la pluie bienfaisante de notre cher pays. Ce voyage en Europe fut trop long.

- Tu me suis depuis longtemps ? demanda Ianto en lui servant un verre de vin.

- Je suis à ta recherche depuis août. Le temps que je retrouve ta famille et qu'ils acceptent enfin de me parler, tu étais déjà en France. D'ailleurs, tu as un beau-frère très mal embouché.

- Johnny a toujours été comme ça.

- Il t'aime bien, il m'a traité de tous les noms et menacé de me "ficher une trempe" si je ne te ramenais pas.

Ianto sourit, Johnny avait toujours eu un mauvais caractère mais un bon fond.

- Depuis combien de temps tu ne l'as pas vu ?

Alec n'eut pas besoin de lui demander de qui il parlait. Le ton doux et ému lui rappelait trop vivement que cet homme était amoureux de Jack Harkness.

- Un mois, cela fait un mois que je ne l'ai pas vu. J'ai reçu à Paris une lettre d'Owen Harper qui date de 10 jours. Il y dit que l'état de Jack est stationnaire, mais il est toujours inquiet. Profitons de ce moment pour nous connaître un peu mieux.

- Fort bien, dit Ianto, commence par me raconter ta vie.

- Mais c'est qu'il me donnerait des ordres, le gentil secrétaire.

- Je ne suis pas si gentil.

- Je m'en suis rendu compte, dit Alec en se touchant le nez, tu as un sacré coup de tête.

- Owen dit que c'est mon meilleur atout et ma vraie faiblesse.

- Je veux bien le croire, dit Alec en riant, bien, je n'ai pas eu une vie très compliquée.

- Tout le monde est un peu compliqué.

- Pas autant que toi, j'en suis sûr. Je suis né dans une famille cossue. J'ai deux sœurs et un frère qui a hérité de tout à ma "mort". Saxon a été assez bon pour que je contacte ma mère mais Hiéronymus, mon frère, ne savait pas que j'étais vivant.

- Hum, compliqué en effet, dit Ianto en dissimulant un petit sourire.

Alec sourit en retour.

- Bref, puisque tu n'as aucune patience, je résume. J'ai été dès l'enfance destiné à être dans l'armée et Hiéronymus destiné à l'Eglise, comme dans beaucoup de familles aisées. Nous avions un frère aîné, Johannes, qui s'occupait des affaires avec Père. Mais celui-ci a été stupidement tué au cours d'un duel, alors que j'étais en Crimée, en pleine guerre. Ne sachant pas si j'allais m'en sortir, mon père a tout légué à Hiéronymus.

- Dur de la part de ton père ! fit Ianto en se resservant à boire.

- Ce n'est pas si étonnant. C'était la guerre et il n'avait pas vraiment le choix.

- Et qu'as-tu fait lorsque tu es rentré de Crimée ?

- Ma mère avait conservé un petit cottage près de Glasgow. C'est un endroit magnifique où je n'étais pas retourné depuis l'enfance.

- C'est sans doute les yeux de l'enfant que tu étais qui l'auréolait de si jolies couleurs.

- Peut-être, monsieur le poète, mais pour en revenir à l'après-guerre, je me suis ennuyé à un tel point que j'ai rempilé. L'action me manquait tellement.

- L'uniforme également ? demanda Ianto perfidement.

- Sans doute, sans doute, répondit Alec, je suis retourné aux Indes. Il fallait des hommes expérimentés pour assurer la sécurité des voyageurs jusqu'aux régions les plus reculées. De Dehli, je fis de nombreuses garnisons jusqu'au Cachemire.

- Mais si tu es si expérimenté, pourquoi devoir changer aussi souvent de garnison ?

Alec le regarda par en dessous avec un petit sourire entendu.

- Oh, l'amour de l'uniforme, dit Ianto en riant.

- Exactement, cela n'a pas toujours eu l'heur de plaire à mes supérieurs, dit-il en se joignant au rire de Ianto, mais arrivé à Bjini, je suis resté en place quatre ans dans ces montagnes si différentes de mes Highlands natals, à manger la poussière l'été et subir la mousson toujours éprouvante.

- Jusqu'à ce que tu rencontres Jack Harkness, dit Ianto sombrement en triturant son pain.

Alec acquiesça sans le regarder. Il le sentait tout à coup bien froid. Le jeune homme était visiblement jaloux. Il lui prit la main doucement. Ianto l'arracha à ses doigts, lui jetant un regard mauvais.

- Jusqu'à ce que je le rencontre, en effet, dit Alec en remplissant leurs verres, je vois que tu es au courant de toute cette histoire.

- Pas dans les détails, mais suffisamment pour que je comprenne ce qui vous lie l'un à l'autre.

- Liaient, cher Ianto, liaient. Je n'ai pas fait ce chemin pour que tu me renvoie dans les dents ce qu'il s'est passé.

- Je n'y peux rien, dit Ianto d'un air bougon, avalant son verre d'un air énervé.

- Pourquoi ?

- Je ne vais pas encore devoir me justifier ? s'écria Ianto.

 


Rhea01  (13.02.2011 à 13:41)

Le vin commençait à lui échauffer les oreilles tout comme la conversation. Le Capitaine déserta la table en voyant le ton monter. Il avait reçu comme consigne de ne jamais intervenir dans les querelles de ses passagers. Dame Noble l'avait prévenu que ses hôtes allaient très certainement avoir des mots.

- Non, je comprends que trop bien ce que tu éprouves, dit Alec en levant les mains en signe d'apaisement, j'ai seulement voulu t'énerver un peu. Tu n'es pas aussi calme que tu le parais de prime abord. Tu cache une nature sacrément passionnée sous ce flegme. Je vois décidément ce qu'il peut te trouver. Enfin ... je suis revenu à Londres après ma rencontre avec le Docteur sans réellement penser à Jack. Sans Saxon, je ne l'aurais pas revu, je pense. Mais le voir à l'opéra m'a rappelé tous les bons moments, tout ce qui s'est passé entre nous.

- Alec McNeil ! lança Ianto d'un air d'avertissement.

- Dois-je oublier pour que tu sois heureux ?

- Je ne te parle pas d'oublier, mais simplement de ne pas m'en parler. C'est insupportable. Je ne cesse de vous voir l'un et l'autre enlacé, vous embrasser... vous .. .

- Heureux de savoir que je hante tes fantasmes ! dit Alec en riant, mais le regard qu'il lui jeta stoppa net son hilarité.

- Ce n'est pas cela... je ... Ne te moque pas. Mais comprends que cela me soit difficile.

- Au moins autant que de te savoir dans ses bras, à gémir sous tes baisers. Il m'a oublié dans tes bras. Tu l'as ensorcelé.

- Je n'ai rien fait de cela, dit Ianto alors que le vin lui tournait la tête, je n'ai jamais partagé sa couche, contrairement à toi.

- Oh... je comprends mieux ta jalousie alors. C'est parce que notre relation était physique et la votre purement platonique. Qu'est-ce qu'il t'empêchait de le faire ? demanda Alec en penchant la tête de côté.

L'alcool lui faisait pétiller les yeux, mais contrairement à Ianto, il était tout à fait lucide, bien qu'un peu gai.

Ianto pour sa part, se sentait décomplexé par l'alcool. Il savait qu'il parlait beaucoup trop mais il ne pouvait empêcher sa langue de courir. Il sentait une envie de s'épancher suivre le trajet de l'alcool dans ses veines.

- Ce qui m'empêche de le faire? Rien de physique, du moins je le pense. Hart semblait y trouver son aise.

Alec leva un sourcil interrogateur, le jeune homme se livrait décidément plus facilement alors qu'il était ivre.

- Hart, John Hart ?

- Cela m'aurait étonné que tu ne le connaisses pas, maugréa Ianto.

- Je ne le connais pas, dit Alec, mais je sais de source sûre que c'était un suborneur. Il t'a fait du mal ?

- Il m'avait fait du mal ... dit Ianto en fermant les poings à l'évocation des noirs souvenirs qui l'entraînèrent dans leur spirale d'encre.

- Il est mort, donc. Paix à son âme. Que lui est-il arrivé ?

- Jack l'a provoqué en duel pour rétablir mon honneur.

- Ah, fit Alec médusé.

Un silence tomba entre eux, un ange passa sombre et maudit, un souffle noir qui les enveloppa et les fit frissonner. Ils échangèrent un regard où Alec comprit enfin l'ambiguïté de Ianto et le jeune homme la formidable compréhension de cet homme qu'il avait haï pourtant cordialement.

Alec servit le reste de la bouteille, songeur. Il sentait qu'il avait besoin de quelque chose de plus fort pour avaler ce qu'il venait de comprendre.

Ianto s'appuya contre la chaise, le roulis auquel il n'avait plus prêté attention venait de se rappeler à lui. Cela lui jouait des tours. Il n'avait jamais parlé de cela, sauf avec Jack. Mais les yeux d'Alec lui semblaient si compréhensifs qu'il ne lutta plus contre l'irrépressible besoin de se confier.

Tout y passa, l'enfance à Canary Wharf, les reproches de son père, la gêne d'être si pauvre et la conscience de l'être, le goût des études, la manière dont il partit à Eton avec une bourse d'étude, ainsi que son statut d'étudiant-servant. Il dévoila la relation qu'il avait eue avec Hart, et la manière dont Jack l'avait délivré de son emprise.

- Il m'a libéré, je sais ce qu'il a fait pour moi. J'en suis conscient. L'attente qu'il avait... mais …

- Mais lorsqu'il m'a embrassé, tu t'es senti trahi.

- Oui, souffla Ianto avec des larmes dans les yeux, je ne sais pas si tu as déjà connu cela mais près de lui, je me sens complet. Vivre auprès de lui suffisait à mon bonheur, mais maintenant tout a changé.

- Tu l'aimes réellement.

- Que croyais-tu donc ?

- Eh bien, je pensais que tu te trouvais ensorcelé par son corps, son odeur. Cela te déplait-il ?

- Non ... murmura Ianto.

- Alors tout ira bien. Aie confiance, dit Alec.

Ianto ricana d'un air bête, l'alcool lui jouait un bien vilain tour. Il se leva et ce faisant tomba sur les genoux d'Alec. Il se serra contre lui pour ne pas tomber.

L'infime caresse fit bouillir le sang chaud d'Alec, ravi de le sentir contre lui. Il était si désirable avec ses yeux clairs embrumés de larmes, ses cheveux courts et ébouriffés, noirs et brillants, cette fine barbe qu'il avait envie de suivre jusqu'à la bouche gourmande qu'il saisit presque naturellement.

Le baiser dégrisa un peu le jeune homme qui se détacha de lui.

- Tu lui ressembles, mais tu n'es pas lui.

- A quoi vois-tu la différence ?

- Jack d'un baiser m'a volé le cœur, c'est lui et pas un autre que je désire. Je voulais simplement vérifier.

- Maudits soient les érudits à toujours vouloir expérimenter. Mais je suis ravi que tu te sois rendu compte de cela.

- Il faut que je dormes, répondit Ianto.

- Ianto, je ne désire qu'être ton ami.

- Bah, tu m'exaspères, tu me rends jaloux, tu me désespères mais j'imagine que l'on ne peut choisir ses amis. Après tout ce sont eux qui te choisissent. T'inquiète pas, je t'arroserai souvent et je ne t'arracherai pas.

- Quoi ? fit Alec avec une grimace d'incompréhension.

- Rien, une phrase de Micha, ma nièce, qui me revenait en mémoire. Les amis, c'est comme les carottes, il faut les arroser.

- Mon ami, tu es irrémédiablement saoul !

- Oui, et c'est de ta faute ! Alec ?

Ianto était debout à la porte de la carrée et le regardait intensément.

- Oui, Ianto ?

- Promets-moi de ne plus jamais te mettre entre Jack et moi.

Un long silence brisé par un soupir suivit cette demande. Puis Alec se leva, touchant presque le plafond de la tête. Il s'inclina et déclara solennellement.

- Je te le jure ! Je promets de ne plus me mettre entre vous. Sauf si vous me le demandez, évidemment. Mais de toute manière, Jack ne m'aime pas – plus – comme toi, il t'aime. Alors, je pourrais lui faire la danse des 7 voiles que cela ne l'intéresserait même plus.

Ianto montra les dents et fila vers le bastingage en s'écriant.

- Je ne veux rien savoir. Et tu fais une très mauvaise Salomé !

Le repas menaçait de s'échapper pour rejoindre la mer.

- Trop sensible pour supporter l'alcool et pourtant il veut la présence enivrante de Jack à ses côtés ! My God !

Alec partit dans un rire de gorge à la suite de son compagnon. Ianto laissait le vent souffler dans ses cheveux, chasser les miasmes de son haut-le-cœur alcoolisé. Alec vint s'appuyer un peu plus loin, hors du vent.

- Tu vas encore me sermonner ? demanda Ianto d'un ton douloureux.

- Non, je crois que je n'en ai pas besoin.

- Je suis assez stupide. Croire que je peux vivre avec lui alors que nous sommes si différents, nos statuts, deux hommes, un Lord et son secrétaire.

- Techniquement, tu n'es plus son employé. Tu as démissionné, je te le rappelle. Oh, ne me fais pas ces yeux-là, ajouta-t-il alors que Ianto roulait des yeux, je ne fais que dire la vérité. Mais si vous restez discrets, vous devriez être heureux.

- Etre heureux, murmura Ianto, je n'ose à peine me projeter aussi loin. Tout ce que je veux, c'est être auprès de lui. Il me manque. J'ai comme un trou béant, palpitant dans ma poitrine, le cœur amputé. Je ne suis plus qu'à demi-vivant hors de sa lumière, hors de sa présence.

- Oh, mon cher Ianto, je pense qu'il est grand temps pour toi d'aller te coucher. Tu deviens trop sinistre comme compagnie. Allez poète ivrogne, je t'aide à te coucher.

- Tu es vraiment son ami ?

- Oui, j'ai beaucoup d'affection pour lui. Je ne pourrai jamais m'empêcher de l'aimer. Mais plus de la même manière, cette passion est malheureusement éteinte.

Ianto se dégagea, mais il lui apparut bien vite difficile d'allier le tangage intérieur au roulis extérieur. Après une embardée qui lui permit de rencontrer une époisse, Alec l'attrapa à bras le corps et l'emmena vers la cabine qu'ils devaient partager. A peine furent-ils entrée qu'une odeur forte, pénétrante les assaillit. Café !

 


Rhea01  (13.02.2011 à 13:43)

- Donna, magnifique Donna ! murmura Alec, elle aura repéré votre attachement à cette boisson et nous en a offert quelques livres.

L'amie du Docteur leur avait laissé du café en guise de cadeau d'adieu, tout du moins dans le cas de Ianto Jones. Alec bénéficia quant à lui de café, d'un châle parfumé et une lettre joliment écrite qu'il ne laissa pas lire à son ami, qui se fit joyeusement moqueur.

- Jones, ça suffit maintenant, gronda amicalement Alec, tu devrais aller te coucher.

- Je savais bien qu'il y avait quelque chose entre vous.

- Comment ? demanda Alec en arrangeant son lit de manière confortable, tandis que Ianto déambulait dans la chambre en humant le café. Tu n'étais pas trop obnubilé par ta propre tragédie sentimentale pour prêter attention aux sentiments des autres ?

- Touché ! fit Ianto avec un large sourire, mais je trouvais que ton comportement avec cette pauvre Donna était bien froid.

- Bien froid, avec le baiser dont elle m'a gratifié ? Que devrais-je dire de ton propre comportement envers moi ? Tu as failli me briser le nez.

- Glaciale banquise du cœur, haine brûlante du rival/D'amours je ne veux parler, sans évoquer mon départ brutal...

- Au lit, le poète, tu feras des vers de mirlitons demain devant les colonnes d'Hercule.

- Hercule ne s'y tient plus debout, dit Ianto en se déshabillant.

- Tout comme toi, couche-toi !

Ianto se dévêtait sans pudeur, l'alcool lui avait ôté ce réflexe, il se coucha vêtu seulement de sa longue chemise.

- Tss, le poète, Donna a fait monter tes bagages, alors mets ton pyjama, tu sais bien, pantalon, chemise…

- J'ai trop chaud ! geignit Ianto, la couverture remontée au menton.

- Eh bien moi, je ne suis pas Jack, je ne me couche pas près de toi, sans te toucher, si tu dors dans cette tenue. C'est un pousse au crime.

- Comment sais-tu cela ? s'écria Ianto en se redressant, dégrisé tout à coup.

- Ah, je m'en doutais, si tu avais connu, disons, bibliquement Jack, tu n'aurais jamais pu le quitter ainsi.

- Grompft, grogna le jeune homme.

- C'est un tort, fit Alec sans miséricorde, car si tu savais le nombre de choses qu'il peut faire.

- Assez, Alec ! J'en ai assez entendu ! fit le jeune homme écarlate.

- Non, visiblement, car cela te trouble toujours de savoir que je fus son amant. Jaloux ?

- Évidemment ! Je l'aime et je ne le connais pas.

- Que dis-tu de cela, je l'ai aimé et je ne le connais plus ?

- Que nous sommes bien pitoyables!

- C'est toi qui es pitoyable, moi, je suis simplement ici pour te rappeler ce que tu dois faire.

- Cesse de me torturer ! s'écria Ianto, je le sais que tu as été amoureux de lui. Je ne peux pas l'oublier ! Et tu dis être mon ami.

- Etre ami, ne veut pas dire que je serai toujours doux avec toi, mais que je te dirai toujours la vérité. Que tu le souhaites ou non.

- Je n'ai pas pour habitude d'avoir mes rivaux en amour pour ami.

- Ah, tu en as beaucoup des rivaux ? Surtout aussi magnifiques que moi ?

- Non, avoua Ianto en hoquetant de rire, mais je comprends à présent ce que Jack te trouvait. Tu es son miroir vivant !

- Non, je suis plus jeune, plus beau et plus fort. Es-tu sûr de ne pas faire une erreur en allant le retrouver ? Je devrais peut-être m'attacher à toi ?

La lueur narquoise dans ses yeux fit peur à Ianto qui s'assombrit littéralement. Alec en resta surpris d'autant que le jeune homme s'était refermé comme une huître.

- Hé, je plaisante, Ianto. Tu es bien trop jeune et trop mince pour moi. J'aurais peur de te casser en deux.

Ianto avait beaucoup maigri en trois mois, retrouvant la minceur de son adolescence ce qui le rajeunissait considérablement. Pas étonnant que River Song l'aie materné jusqu'ici.

- Allez dors, mon poète, nous reprendrons cette conversation plus clairement demain.

Ianto dodelina de la tête et ferma les yeux avant de s'endormir. Alec le borda affectueusement. Le Docteur avait eu raison de lui demander de l'accompagner. Il avait beaucoup de choses à lui apprendre, notamment à se montrer moins méfiant envers ses sentiments. Il aurait pu éviter tout cela s'il s'était montré plus vindicatif, s'il avait eu moins peur de ses sentiments à l'égard de Jack. Il veilla sur son sommeil bercé par le roulis de la goélette qui les emportait vers l'Angleterre.

oOoOo

Les jours qui suivirent, Ianto évita soigneusement Alec McNeil. Il avait peur de reprendre cette difficile conversation. Mais le Tardis était une goélette au milieu de la mer qui ne s'arrêtait que pour faire eau et vivres dans des petits ports discrets. Il lui fut difficile d'éviter la seule personne qui était comme lui passager. De guerre lasse, Ianto dut concéder à lui parler à nouveau, ne serait-ce que par correction.

Au fil de leurs conversations, qui se firent de plus en plus longues et fréquentes, il en vint à apprécier véritablement l'esprit fin et sarcastique d'Alec. Il faisait preuve de beaucoup d'acuité et de recul sur l'actuelle politique coloniale de l'Empire, chose curieuse pour un ancien colonel de l'armée. Il aimait parler de ses aventures, encore un point qu'il partageait avec Jack Harkness, dont le fantôme survolait chacune de leurs conversations.

Il était très difficile pour l'un ou l'autre d'oublier l'être qui les avaient séparés. Alec utilisa ce temps pour apprendre à connaître le fameux secrétaire dont son ami était tombé amoureux au point d'en dépérir à sa disparition. Plus il le côtoyait et plus il se rendait compte que le jeune homme n'était pas aussi simple à comprendre qu'il le pensait. Il l'avait sous-estimé en le jugeant timoré, falot, insignifiant. Il devinait à présent sous une carapace de bienséance une âme brûlante qui ne demandait qu'à aimer. Il maîtrisait à l'extrême ses humeurs et ses pensées, presque comme un oriental. Mais de plus en plus souvent, à mesure qu'il prenait confiance, il laissait surgir dans son discours ou ses paroles l'éclat de ses pensées. En arrivant aux blanches falaises de Douvres, l'un et l'autre avaient trouvé finalement un ami sincère sur qui se reposer. Alec gardait désormais le silence sur les liens qui l'avaient attaché à Jack par compassion pour son ami. Lui-même ressentait du ressentiment en les imaginant enlacés. Mais il s'était lui-même arraché les droits de penser à Jack comme à un amant. Cela lui fut difficile mais il pensait qu'ils le méritaient tous.

A peine à Londres, il remarqua que Ianto ne tenait plus en place. Il lui fallait voir Jack. Alec lui donna l'accolade et refusa de l'accompagner, de peur de raviver la plaie encore fraîche de s'être fait rejeter. Il se consola en pensant aux aventures qu'il lui restait encore à vivre. Il le regarda partir, appuyé au bastingage, avec dans le cœur une incroyable nostalgie.

à suivre...


Rhea01  (13.02.2011 à 13:45)

Chapitre sept : où Ianto revient à la maison

Ianto courait presque sur les quais de Londres, il humait la ville qui vivait intensément les premiers jours de l'automne précoce. Une petite pluie avait baigné les pavés des rues qu'il traversait. Mais le soleil brillait à présent sur les rues animées de la vieille cité de Londres comme dans son cœur. Il héla un fiacre dans lequel il se jeta après avoir donné l'adresse de Jack Harkness à Westminster. Le cocher ne lui parut pas inconnu et l'impression se confirma en le payant, face à la grille du parc de Durham Street.

- Oh, je vous reconnais, dit l'homme en soulevant son galure, z'êtes le monsieur qui m'a donné un shilling, y'a quèques semaines pour aller à Canary Wharf. On dirait bien que vous avez trouvé ce que vous cherchiez. Z'avez l'air bien plus joyeux !

Ianto sourit, en reconnaissant à son tour le cocher qui l'avait conduit alors qu'il quittait le service du Lord. Cela lui parut un amusant coup du sort que ce soit lui qui le ramenât auprès de lui.

- En effet, répondit-il, j'ai enfin trouvé ce que je voulais.

- Bien, eh bien, je vous souhaite bien du bonheur ! Ça fait plaisir de voir des gens sourire comme ça ... pour sûr.

Ianto lui paya la course avec pourboire et sourire et se tourna vers les grilles du parc qui l'appelaient malgré lui. Plus d'un mois auparavant, il s'était tenu devant ce portail et avait cru voir son cœur se déchirer en voyant Alec sur le perron. Il prit son courage à deux mains, soupirant doucement. Il n'avait pas fait autant de chemin pour finalement rester au-dehors à admirer la vue, le soleil couchant qui se mirait dans les fenêtres aux vitraux colorés ou le vent qui jouait dans les feuilles des tilleuls.

Ianto poussa la grille presque sans s'en rendre compte. Elle grinça doucement. Les graviers crissèrent sous ses pas, écho d'un temps passé. La calèche n'était pas dans la cour, il marcha jusqu'au perron, comme dans un rêve éveillé. Il ne savait pas ce qu'il le poussait à avancer, comme un appel battant à ses oreilles, comme une volonté qui ne lui appartenait plus. Il posa la main sur la poignée, la porte n'était pas fermée et il put entrer dans le vestibule.

Il remarqua que les fenêtres étaient voilées, tout comme les miroirs. Il régnait dans la maison un silence de mauvais augure. Il n'entendait nulle part le son des horloges. Son mauvais pressentiment s'accentua. Qui était mort ? Jack ? Non, Alec l'aurait su par Owen. Il avait l'atroce sensation que quelque chose n'allait vraiment pas dans cette maison. Une odeur de tristesse terrifiante en débordait.

Il parcourut les pièces du rez-de-chaussée, vides et toutes imprégnées par ce désespoir qui lui empoignait le cœur. Il n'y avait personne. Il n'y tint plus et appela doucement. Owen ? Rhys ? Personne ne répondit mais il entendit comme des pas précipités dans l'escalier qui montait dans les étages. Il se dirigea vers les marches chantournées qu'il avait montées si souvent. Il passa devant son ancienne chambre, résistant à l'envie d'y pénétrer pour voir qui pouvait y résider maintenant. Il entendit une course rapide, suivie d'un choc brutal. Il s'arrêta net. Il entendit comme un martèlement. Qui pouvait-être là et faire autant de bruit ?

Il appela "Jack" et le martèlement continua de plus belle. Il se précipita en direction du son. Cela venait de la chambre de Jack. Son cœur se serra, il avait peur de ce qu'il pouvait trouver derrière cette porte blanche. Ses jambes lui manquaient. Il ne pouvait entrer ici. Ce qu'il avait vu quelques mois avant hantait encore ses jours et ses nuits. Il n'avait rien à faire ici, dans cette maison qui ne lui était plus rien. Il tourna les talons, fuyant à nouveau.

- NON... entendit-il soudain, cette voix inimitable lui broya le cœur.

Il n'y avait que le Lord à posséder cette voix et ce ton qui lui faisait chavirer l'esprit. Avant même qu'il ne comprenne, il ouvrait la porte de la chambre de Jack et entrait. Une odeur puissante le prit à la gorge, l'odeur du malheur et de la maladie. Il avança sur la pointe des pieds. Ce qu'il vit lui déchira le cœur. L'homme qu'il aimait était couché sur son lit, effroyablement maigre, le visage émacié, ses yeux verts-gris hantés par le chagrin. Il resta figé quelques instants, il se sentait terriblement troublé d'être ici et de le voir. Son corps ne désirait qu'une chose être près de lui, son cœur battait que pour cette pensée, sa raison n'existait plus. Il se précipita vers lui.

Le Lord releva la tête et le regarda. Ianto se figea à nouveau, il n'y avait aucune flamme dans ses yeux, aucune étincelle, seulement deux puits sans fond sur son âme abîmée. Il le regarda sans comprendre. Jack gémit et retomba sur ses oreillers. Ianto se rapprocha doucement comme devant un animal blessé. Il écarta les rideaux qui cachaient son visage. Jack reposait sous une couverture et ne bougeait plus. Ianto s'aperçut qu'il avait les poignets attachés au montant de son lit. Il se rua sur lui et commença à défaire les nœuds qui serraient si fort ses maigres poignets qu'ils mordaient la chair. Jack se laissa faire, ne semblant rien éprouver.

- Que s'est-il passé ? Que vous est-il arrivé ? Pourquoi êtes-vous ainsi attaché ?

Il s'escrimait avec le nœud qui glissait entre ses doigts. Une voix le fit stopper.

- Ianto ? ! Oh bon sang, Ianto, que fais-tu ici ?

Owen Harper venait d'entrer dans la pièce et lui enleva les mains du foulard qui retenait le poignet de Jack.

- Je le détache, à quoi jouez-vous donc ?

- Ianto, tu ne sais pas ce qui se passe. Il ne faut pas le détacher.

- Pourquoi ? demanda amèrement le jeune homme, pourquoi ne dit-il rien ? Pourquoi ?

- Viens au salon, je vais t'expliquer.

- Non, je reste ici et tu m'expliques ce qu'il se passe avec Jack. Je ne partirai pas sans une explication. Il est attaché, Pourquoi ? Pourquoi ne me reconnaît-il pas ? Pourquoi ne parle-t-il pas ?

- Ianto, calme-toi, je vais t'expliquer, mais laisse-le, tu le perturbes en criant ainsi.

Le jeune homme regarda son ancien maître, l'homme le regardait à présent avec des yeux fous, roulant dans ses orbites. Il avait du mal à reconnaître cette expression sur son visage, mais c'était de la peur. Il modéra sa voix et avança la main pour lui caresser la joue.

- Jack, souffla-t-il, non, n'ayez pas peur, je… il s'arrêta en voyant le Lord fuir son contact, les yeux agrandis par la panique. Qu'avez-vous ?

- Il est perdu dans son propre monde.

- Depuis quand ?

- Depuis son sauvetage, non, pas vraiment… ça a commencé après ton départ en fait. Viens, laissons-le.

- Pourquoi l'avoir attaché ? C'est pour cela qu'il est malheureux.

- Nous y sommes obligés, il s'enfuit autrement, ou il se blesse. Nous ne pouvons pas être sans cesse avec lui. Je suis désolé.

- Que s'est-il passé ? Comment cela a-t-il commencé ? demanda encore Ianto incapable de laisser ce qui restait du Lord.

- Viens…

 


Rhea01  (14.02.2011 à 12:21)

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chrismaz66, 26.05.2024 à 11:49

Hi, sondage inter-séries spécial nerds (geeks) à Torchwood! Venez choisir de la compagnie pour la geek de la série, merci à sanct!

chrismaz66, 27.05.2024 à 08:08

Hi 2, sondage sur les volets 2 et 3 de Kaamelott, signé Choup37, votez et merci d'avance, même pour faire coucou ^^

sanct08, Hier à 12:51

Hello, dernier jour pour voter au SONDAGE chez STAR TREK ! On vous attend à bord ;=)

langedu74, Hier à 18:55

Bonsoir ! Une bannière The Handmaid's Tale attend vos pouces dans les préférences. Merci

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