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Blackwood Manor

Série : Torchwood
Création : 29.09.2010 à 22h17
Auteur : Rhea01 
Statut : Terminée

« Univers Alternatif, toute l'équipe de Torchwood au grand complet au temps de la Reine Victoria. Ou les aventures de Lord Harkness et Ianto Jones, précepteur et bibliothécaire. » Rhea01 

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Partie Trois

Chapitre trois : où Adam fait part de ses investigations...

 

Ils venaient d'arriver dans le quartier populaire de Whitechapel. Une porte en piteux état s'ouvrit et un homme boita jusqu'à la calèche d'où descendirent les deux hommes. Aidé d'une canne de bois, il arriva à la hauteur de Jack Harkness afin de l'accueillir, malgré le piètre état de sa jambe.

Adam Smith était un homme d'une trentaine d'années, roux comme un renard dont il partageait la ruse et l'habileté, le visage tavelé de taches de rousseur et le nez frondeur. Il était d'un naturel jovial, mais parfois passaient dans son regard clair, des éclairs de glace qui surprenaient ses interlocuteurs.

- J'ai eu la jambe cassée l'hiver dernier, elle ne se remet pas très bien, dit-il alors qu'après les salutations d'usage, Ianto s'interrogeait sur celle-ci. Ce sont les risques du métier. Je suivais tranquillement un bon père de famille qui, passé le seuil de sa porte, se découvrait une passion pour les jeux d'argent et les filles faciles. Il traînait avec des gens peu recommandables et au caractère plutôt peu aimable. Ils m'ont cassé la jambe pour, ont-il eu la délicatesse de m'annoncer, m'apprendre qu'il ne fallait pas importuner les protégés de Nox.

- Nox, demanda Jack fort intéressé, qui est-ce ?

- Qui est-il en réalité ? personne ne le sait. Mais il s'agit sûrement de la personne la plus influente de tous les culs de basse fosse de la capitale. Il a les moyens de tout savoir et règne sur les voleurs, les tueurs de la ville d'une main de fer. Il est plus efficace que la police, croyez-moi. D'ailleurs, je suis intimement persuadé qu'il a mis fin aux exactions de Jack l'éventreur. Cependant je n'ai jamais réussi à le prouver.

- Une espèce de Robin des Bois, tenta Jack, amusé.

- Non, plutôt une sorte de roi Salomon, rendant la justice à son gré. Il effraye tous les tire-laines et même les assassins. La ville est quand même plus sûre depuis son arrivée.

- Il y a de cela longtemps ?

- Environ cinq ans, dit Adam en refermant la porte derrière eux et leur faisant signe de le suivre dans son logis. Mais je vous en parlerais un peu plus tard. Entrez dans mon bureau, je vous prie.

Sa maison n'était pas très grande, à peine deux pièces, peintes en brun et jaune pisseux, peu agréables à l'œil. Jack regardait tout cela d'un œil circonspect. Si Ianto ne lui avait pas assuré qu'il s'agissait du meilleur détective privé de la ville, il ne l'aurait pas cru. L'homme s'appuya sur sa canne pour s'asseoir dans son fauteuil de cuir défoncé, le seul à être débarrassé du capharnaüm qui encombrait la pièce.

- Je crois que vous trouvez ma maison coquette, se moqua Adam, vous appréciez la décoration ?

- c'est vraiment... particulier comme décor, dit Jack en soulevant le pied et la poussière.

- Depuis mon accident, il est beaucoup plus difficile pour moi de m'occuper de mon intérieur et des affaires qui me payaient le loyer et le couvert. Heureusement que j'avais quelques réserves et des clients fidèles.

- Hum, je comprends mieux. Mais comment faites-vous pour vos enquêtes sur le terrain ?

- Disons que j'ai dû engager des petites mains pour faire ce que je ne peux pas faire. Londres regorge de main-d'œuvre pour qui offre du travail bien payé.

- Vous auriez pu en prendre un également qui fasse le ménage. On peut à peine s'assoir.

- Non, ce n'est simplement du bazar, c'est le résultat de recherches acharnées.

- Sur l'orientation de la poussière sur une surface inclinée ? demanda Ianto en souriant.

- Exactement mon ami. Je suis heureux de vous revoir, vous savez, depuis le temps. Depuis le temps... vous m'avez manqué.

- Adam, cela ne fait que quelques mois ...

- Bien sûr, mais comme vous avez changé, vous avez encore grandi et vous me semblez plus fort. Vous commencez enfin à ressembler à un homme fait et non plus à un adolescent monté en graine.

- J'ai 23 ans maintenant, dit Ianto en riant, faisant de la place sur deux chaises branlantes, j'ai arrêté de mentir sur mon âge.

- Expliquez-moi cela, demanda Jack, d'un ton inquisiteur, en s'asseyant sur l'espace dégagé par le jeune homme.

- Eh bien, laissez-moi vous servir quelque chose à boire, je vais vous raconter cela. Ianto Jones est un petit malin, croyez-moi. Il a terminé ses études en avance, en véritable surdoué, mais il était trop jeune pour enseigner, donc il a menti allègrement sur son âge. Son air sérieux, son affabilité et ses costumes ont fait le reste, personne n'a soupçonné qu'un gamin de 18 ans enseignait à des enfants à peine plus jeunes.

- Sauf vous, dit Jones en fronçant des sourcils, vous avez bien failli arrêter là ma carrière.

- J'étais payé pour découvrir qui avait à gagner à entraîner le jeune héritier hors des chemins naturels à sa classe. J'avoue vous avoir soupçonné un temps, avant de comprendre que ce que vous cachiez était seulement votre jeune âge et votre manque d'expérience.

- Par conséquent, vous n'avez rien dit, mais en échange, je dus vous donner quelques services.

- Oh trois fois rien, juste des indications sur le caractère ou les inclinaisons de ton maître d'alors. Il ne fut pas difficile alors de trouver qui avait intérêt à ce qu'il disparaisse.

- Son oncle, qui avec sa disparition, aurait pu hériter de tout.

- Ce fut sans mal et avec talent, que nous avons délivré le jeune homme retenu dans un bouge des bas-quartier et l'avons rendu à sa famille.

- Cet homme que voici, dit Ianto, a été généreusement rétribué, encore que cela ne se voie pas.

- Je préfère user de l'argent pour mes enquêtes, le bureau n'est que secondaire.

- Si vous vous le dites, mais j'hésite encore à m'appuyer sur le dossier de votre chaise.

- Vous n'avez qu'à garder votre manteau. Lord Harkness, préférez-vous prendre le thé ou bien quelque chose de plus fort ?

- Le thé sera très bien, à moins que ce que vous avez à me révéler sur Suzie rende nécessaire l'alcool.

- J'opterais pour l'alcool à votre place, juste au cas où.

- Voilà ce qui augure une bien difficile discussion.

- Je le crains, Sir. Jones? Rien que pour vous, j'ai fait préparer du café, frais de cette semaine.

- Vous me gâtez, mon ami. J'adore cette boisson.

- Je connais tous vos secrets, murmura Adam, en lui indiquant la cuisine débordante de vaisselles sales où fumait une pot de café.

Jones eut le frisson. Il sentait qu'il ne mentait pas, même s'il n'avait pas partagé tout ses secrets avec Adam, il y avait deux ou trois choses qu'il connaissait de lui, que Jack Harkness ignorait encore. Et c'était tant mieux.

- Attendez, je vais faire le service. Avec votre jambe, vous allez tout renverser. Lord Jack, en désirez-vous ?

- évidemment.

Les trois hommes partagèrent un moment complice, la fragrance délicate du café entre chocolat et amertume les conquit. Le goût complexe de fèves grillées les invitaient au voyage en captivant leur sens. Adam se leva et claudiqua jusqu'à un meuble bas puis frappa de sa canne contre le bois mangé par l'âge.

- Ianto Jones, auriez-vous l'amabilité de prendre le dossier du bas, celui sur lequel il y a le nom de Suzie Costello-Harkness.

Ianto se baissa au grand plaisir de Jack qui adorait voir les formes masculines de son secrétaire tendre l'étoffe fine de son costume. Adam lui jeta un coup d'œil acéré, visiblement il avait compris l'attrait du Lord pour le jeune homme. Jack sourit ironiquement avant de reprendre une figure innocente lorsque Ianto se redressa et porta l'épais dossier sur la table. Adam s'en empara et le feuilleta.

 


Rhea01  (17.11.2010 à 20:30)

" Très bien, commença-t-il, tout d'abord, oubliez tout ce que vous pensiez savoir sur votre épouse, Lord Harkness. Elle a un passé beaucoup plus sombre que celui dont elle vous a entretenu aux Indes. Je suis parti de ce que vous pensiez savoir. Nos échanges de lettres m'ont permis d'en connaître suffisamment pour commencer mon enquête. Elle a cherché à cacher toute trace de son passé, mais rien n'échappe à celui qui sait chercher. Votre épouse n'est pas née dans une famille bourgeoise de Brighton, comme elle a coutume de le raconter, mais dans un quartier pauvre de Dehli. Son père est un sergent de l'Armé impériale, Lenton qui a engrossé une Parsi, une Indienne. Cela est assez courant de la part de nos militaires, qui épousent habituellement leurs conquêtes indiennes. Mais Lenton avait déjà pris épouse sur le sol anglais et ne voulait embarrasser sa famille avec sa fille naturelle. Il ne l'a jamais reconnue.

Mais elle a été élevée par O'Serian, un caporal, ami de Lenton qui s'est installé à Dehli à sa retraite, dur en affaire, dur avec sa femme et ses enfants. Il les a toujours poussé à travailler et n'a jamais aimé la fille de son épouse. Suzie a toujours cherché à sortir de sa condition, à grimper les échelons de la société pour ne plus subir la pauvreté. Elle a épousé à seize ans à peine un vieil homme, Mr Costello, assez riche pour lequel elle n'avait guère de sentiments, sinon pour son argent. En quelques mois, il était sur la paille, enivré par la beauté de son épouse, mais ruiné. Il est mort peu de temps après. Elle avait à peine dix-huit ans. L'enquête révéla qu'il s'agissait d'une crise cardiaque, assez opportune. Il venait en effet d'hériter d'une somme assez forte. Il l'avait attendu toute sa vie et n'en a jamais profité à la différence de son épouse.

J'ai perdu sa trace sur quelques années pour la retrouver en Europe en 1890. Elle racontait déjà qu'elle était britannique, née à Brighton, spoliée par un cousin qui lui avait volé son nom et ses biens. Elle a du talent pour les mensonges, c'est inné. Elle vous bâtit une vie en quelques mots et ne se coupe jamais dans ses dires. Elle a une audace et une aisance telles qu'elle peut raconter ce qu'elle veut, tout le monde se laisse prendre au piège. C'est sans doute pour cela que vous êtes tombé dans ses filets, une proie idéale pour sa richesse, ses possibilités."

- je n'aime guère être qualifié de proie, de pigeon, maugréa Jack, de plus j'ai l'étrange sensation que vous l'admirez.

- Bien sûr que je l'admire, s'écria Adam sous le regard étonné de Ianto, c'est un génie, cette femme. Un génie du mensonge. Imaginez qu'elle ait servi son pays, elle aurait été une espionne de haut vol, un peu comme la chevalière d'Eon.

- Ce n'était pas une femme, demanda Ianto en servant du café, à sa mort, il y eut autopsie, qui révéla qu'il s'agissait d'un homme.

- Peut-être, mais il portait aussi bien le pantalon que la robe. Il a été perçu comme un traître, pourtant ce qu'il a fait avait permis de conserver une paix fragile entre les deux royaumes.

- Cela, et la puissance navale anglaise, insinua Ianto en servant à nouveau ses compagnons.

- Ah, ne cherchez jamais querelle à un lettré, fit Jack rieur, il est à même de vous écraser sous le poids du savoir. Continuez Adam.

- Mrs Costello vous a épousé alors qu'elle portait votre enfant et vous l'avez ramenée en Angleterre.

- Je vous en prie, épargnez-moi les passages de l'histoire que je connais déjà, dit Jack en se rejetant contre le dossier malpropre de sa chaise. Elle a tenté de me tuer et j'ai dû demander à la faire interner dans l'hôpital spécialisé de Bedlam.

- D'où elle s'est échappée en moins de deux mois, à la nouvelle année. Elle a séduit son infirmier et l'a amené à la faire évader. Le corps du pauvre homme a été découvert dans la neige de la campagne à quelques miles seulement de l'hôpital, résuma Adam, malgré l'interruption de Harkness. J'ai encore perdu sa trace pendant quelques mois. Elle est aussi vive qu'une anguille et sait échapper aux recherches. Cependant, j'ai eu dernièrement des nouvelles intéressantes. Je faisais enquêter du côté de son père. Je le faisais surveiller à tout hasard. Mon homme m'a rapporté qu'une femme bien mise était venue le voir dans la retraite dans laquelle il se trouvait. Il vivait au château royal de Windsor, la demeure préférée de notre souveraine. Elle a fait créer une maison où les militaires blessé qui n'ont pas de famille pour les accueillir peuvent se retirer en toute quiétude. Le sergent Lenton y était soigné pour malaria avancée. Une maladie qu'il a attrapé aux Indes. Sa famille n'avait certainement pas les moyens de le faire soigner et il a préféré se retirer là-bas plutôt que de leur être une charge.

- Y était, releva Jack, haussant un sourcil, que s'est-il passé ?

- Eh bien, le lendemain de la visite de cette femme, le sergent a été déclaré mort, victime de sa maladie. Mon agent a pu voir le corps et il a relevé des plumes dans sa bouche et son nez. A son avis, il a été étouffé par un oreiller.

- Elle l'aura tué ! jeta Jack d'un ton écœuré.

- Sans doute, dit Adam en haussant les épaules, mais le plus étrange est qu'elle est apparue à son enterrement. Elle était quelque peu différente de la description que j'avais donnée à mon agent, mais son ascendance indienne ne pouvait le conduire à penser autrement. Il l'a suivi discrètement. Elle avait pris un logement à la ville, une pension modeste dans laquelle elle était connue sous le nom de Mrs Tenilan, venue porter des nouvelles de son père et éplorée par son décès. A en croire mon espion, elle ne paraissait pas du tout effondrée, mais plutôt ravie de sa mort. Quel genre de fille peut se réjouir de la mort de son père ?

- Suzie a toujours haï son père, dit Jack en joignant ses mains sous son menton, elle n'avait jamais de mots assez durs pour parler de lui, ce qui m'avait toujours étonné. Elle lui reprochait sa naissance, disait-elle, son enfance partagée entre deux cultures différentes, entre deux mondes irréconciliables. Je commence à comprendre même si cela ne m'étonne guère en réalité. Elle est capable de tout, surtout du pire. Et aujourd'hui, elle est encore à Windsor ? Ce n'est guère qu'à une journée de cheval d'ici. Nous pourrions vite la retrouver et en finir avec elle.

- Je sais qu'elle menace votre sécurité, sa tentative de meurtre contre votre personne aura laissé des traces, à ce que je vois. Cependant, nous ne la retrouverons pas là-bas, un homme est venu la chercher le soir de l'enterrement. Ils ont échappé à la vigilance de mon garde. Celui-ci aura dû se montrer moins discret que je lui avais recommandé. J'en suis contrit.

- C'est donc de votre échec que vous vouliez parler, dit Jack renfrogné, j'espère que vous pourrez la retrouver, toute anguille qu'elle est.

- C'est un demi-échec, concéda Adam en plissant ses yeux, feuilletant l'épais dossier, Ils sont partis si vite qu'elle en a oublié de nombreuses choses derrière elle. Ripley, mon agent a pu acheter ses documents à sa logeuse. C'est assez édifiant. Voici son journal.

- Elle tient un journal, s'étonna Jack, je ne l'imaginais pas être du genre à se confier à un morceau de papier.

- Pourtant, elle l'a fait et à première vue, elle ne vous porte pas dans son cœur. Elle a compilé chacune de nouvelles vous concernant, vous, votre fils, vos amis. Elle nourrit pour vous une haine certaine, vous jugeant responsable de son malheur.

- Elle en est aussi coupable que moi, dit Jack, elle m'a pris pour une proie facile sans s'apercevoir que je pouvais me montrer méfiant.

- Bien sûr, fit Adam, d'une voix conciliante, son journal fait état de certains faits alarmants. Il semblerait qu'elle projette de vous tuer ou de vous nuire.

- Cela, j'en suis parfaitement informé, dit Jack en croisant les bras, mais comment pourrait-elle me nuire ? Elle n'a aucun moyen, personne ne la soutient.

- Ne la sous-estimez pas, Lord Jack, une femme qui a tout perdu peut être l'ennemi le plus redoutable que vous n'ayez affronté.

- Je ne la sous-estime pas, dit Jack, mais quel mal peut-elle me faire à présent ?

- Elle bénéficie d'un soutien, elle a reçu des lettres signé de Nox. Je pense qu'il s'agit du même Nox qui dirige le monde souterrain de Londres. Apparemment, il est prêt à l'aider et il lui demandait d'attendre Gray, son homme de main. Sans doute est-ce lui qui a emmené la jeune femme, aussi rapidement? Il aura sans doute vu mon agent et ils auront fui.

- Laissant tous ses papiers, cela me semble un peu inconséquent.

- Nox et ses sbires n'ont peur de rien, fit Adam en frissonnant, ils n'hésitent jamais sur les moyens à utiliser. J'en sais quelque chose.

- Pensez-vous que votre jambe cassée a quelque chose à voir avec cette affaire ? demanda Ianto d'un air concerné.

- Non, ils m'ont fait briser la jambe, en février. Elle ne s'est jamais remise.

- Je suis désolé pour vous, dit le jeune homme.

- Ce sont malheureusement les risques du métier, mon ami. Ce qui m'irrite le plus, c'est que je ne puis remettre les pieds sur le terrain. Un infirme, cela ne fait pas sérieux pour une agence de détective.

- Heureusement que vous avez vos employés, dit Jack.

- Oui, enfin, j'ai surtout Ripley, c'est un homme en qui j'ai toute confiance. Il est jeune mais talentueux. Je suis sûr qu'il saura me remplacer en temps utile.

- Pas tant que ça, s'il a perdu la trace de Suzie. Cette enquête n'avance pas.

Adam grimaça. Il n'aimait guère que le Lord pointe ses défaillances. Il le regarda par-en dessous avec une telle glace dans le regard que la tension dans la pièce augmenta.

- Pourtant, il a pu m'apprendre pas mal de choses sur votre personne. Vous êtes un homme qui a vécu plusieurs vies ...

- Auriez-vous fait faire des recherches sur ma personne ? demanda Jack avec un froncement de sourcil.

- Je serais en effet un très mauvais enquêteur si je ne l'avais pas fait. Juste quelques informations pour savoir où je mets les pieds.

- Alors heureux de ce que vous avez découvert ? demanda Jack avec un large sourire.

- Non, certaines parties de votre vie restent mystérieuses, même pour moi. Mais j'ai cru comprendre que malgré tous les enquêteurs que vous avez pu mettre sur ce mystère, vous ignorez beaucoup de choses sur vous-même.

- Vous êtes redoutable, Adam Smith, fit Jack sous les yeux étonnés de Ianto. Personne en effet n'a pu trouver ce que je recherche.

- Je mérite mon salaire et celui de mes employés.

- Jones, ma bourse, je te prie, demanda Jack, comprenant à demi-mot l'insinuation.

- Dans votre manteau, Monsieur.

- Oh, je n'ai pas l'habitude, fit Jack en fouillant dans son vêtement, c'est toi qui a mis cela dans ma poche ?

Ianto acquiesça d'un hochement de tête. Jack sourit et tira une bourse dodue qu'il donna au détective qui l'empocha rapidement.

- Je ne recompte pas, je peux faire confiance à un homme de votre qualité.

- Vous n'avez visiblement pas fait assez de recherches sur mon compte. Je devrais me méfier, ajouta Jack en s'amusant de la tête sidéré d'Adam. Vous n'êtes pas si bon finalement.

- Jones, vous ne m'aviez pas menti, dit Adam en se tournant vers Ianto Jones, c'est vraiment un homme exceptionnel que celui-ci.

 


Rhea01  (17.11.2010 à 20:38)

Jones ne répondit pas, mais son regard fut suffisamment éloquent pour Jack qui se renversa sur sa chaise en le dévisageant d'un air avantageux. Le jeune homme rougit et se détourna, affectant une grande soif pour se resservir à boire. Adam les observa l'un et l'autre les yeux plissés. Il connaissait bien Jones.

C'était un homme qu'il appréciait pour sa nature calme et sérieuse, sa culture et sa simple présence. Ils étaient devenus amis durant une de ses enquêtes et avait gardé le contact au fil des mois au gré des échanges de lettres et de visites. Discrètement, il avait aidé le jeune homme à retrouver un emploi. Il avait entendu parler de l'histoire entre Lisa et lui. Il avait été le premier témoin de l'amour que lui portait le jeune homme. Il lui avait pourtant conseillé de ne pas suivre ses sentiments enflammés. Celui-ci n'avait pas écouté ses mises en garde et en avait malheureusement subi les conséquences, la perte de son emploi et de sa réputation. Il l'avait vu sombrer, toucher le fond de son désespoir, abattu par sa perte.

Adam avait alors demandé à un client d'attester du sérieux du jeune homme pour lui être utile. Apparemment, celui-ci avait trouvé à Blackwood de quoi le rasséréner. Il voyait bien la profonde entente des deux visiteurs, la tension nerveuse de son ami face à la présence du Lord, le plaisir qu'il éprouvait visiblement à sa compagnie.

Pourtant, il voyait dans son regard comme une ombre qui ternissait son âme. Il s'en inquiéta. Jones était maître dans l'art de dissimuler ses émotions. Mais il le connaissait depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'une sombre douleur l'empêchait de relâcher le contrôle qu'il exerçait sur chacun de ses gestes.

- Donc, dit Jack en revenant au sujet qui le préoccupait à ce moment-là, Nox est derrière Suzie. Il faudra que je sois prudent, surtout sur ses terres. D'après vous, que pourrait avoir à gagner Nox à s'allier à Suzie ?

- J'ai une hypothèse, fit Adam, elle est toujours légalement votre épouse. Le divorce n'a jamais été prononcé du fait de son internement. Elle peut lui avoir promis une partie de votre fortune, plutôt colossale, pour se débarrasser de vous. A votre place, je prendrais garde. Rien que le nom de Nox me fait frémir, vous savez.

- Si c'est lui le responsable de votre infirmité, je comprends tout à fait, dit Ianto, mais que pouvons-nous faire pour la protection du Lord, ajouta-t-il pragmatique.

- En parler à Scotland Yard n'apportera rien. Vous vous rappelez, monsieur, la plainte que vous avez déposée contre votre épouse. Cela n'avait pas été suivi d'effet. Cela explique malheureusement beaucoup de choses sur l'état de notre police, malgré la volonté de la Reine de garantir la sécurité de tous les citoyens.

- Vous avez une idée ? demanda Jack.

- Engagez plus d'hommes pour votre protection, ne restez jamais seul et méfiez-vous de tous.

- Pour cela, Lord Harkness n'a guère besoin de vos conseils, dit Ianto en souriant, lors de mon arrivée au manoir, il était persuadé que je m'étais acoquiné avec Lady Harkness pour le supprimer. Il a une nature paranoïaque au fond de lui.

- C'est faux, tout à fait faux, se récria Jack, je suis d'une nature aimante et confiante. Jamais je ne poserais la main sur toi, autrement que pour te caresser.

- Monsieur, c'est embarrassant ! Cela s'apparente à du harcèlement. Et devant témoins en plus.

- Adam est engagé et vous êtes mon employé. Je peux faire de toi ce que je veux, personne n'y verra rien d'inhabituel.

- Monsieur, le servage et l'esclavage a été aboli depuis quelques années maintenant.

- Quel dommage ! Moi qui rêvais d'exercer mon droit de cuissage !

- C'est un droit qui n'a jamais eu cours en Angleterre, Monsieur, nous sommes bien trop respectueux.

- Mais le respect n'est pas ce qui permet de réchauffer mon lit, dit Jack en posant une main sur son bras en une attitude séductrice.

- Vous n'avez qu'à ajouter une couverture la nuit ou mettre plus de bois dans votre cheminée.

Jack le regarda en souriant alors qu'il roulait des yeux pour le plaisir. Adam souriait largement, cela ressemblait fort à une scène bien rodée qui les amusait autant l'un que l'autre.

- Je peux demander à certains de mes employés de vous surveiller, moyennant finances, proposa Adam.

- S'ils sont aussi efficaces que lors de la surveillance de Suzie, je préfère me charger seul de ma sécurité.

- Plusieurs yeux en valent mieux qu'un seul. Mais vous ferez ce que vous voulez. Je vais tenter de retrouver Suzie. J'ai encore des relations qui devraient pouvoir m'informer sur Nox et sa cour. Je vais tenter d'avoir des informations sur le lieu où se trouve votre épouse. De votre côté, prenez garde à vous.

- Je serais prudent comme toujours.

La conversation continua de rouler entre les trois hommes qui soulevaient différentes questions. Comme Suzie avait-elle rencontré Nox ? Pourquoi celui-ci cherchait-il à nuire à Harkness ? Dans quelle mesure le Lord était-il en danger ? Néanmoins, Jack était serein. Le feu du combat l'avait si souvent frôlé qu'il n'éprouvait aucune peur. Les dangers de l'aventure l'excitait tout autant que le corps mince de Ianto, qu'il devinait tendu à ses côtés. Il voyait fréquemment le jeune homme consulter la montre qu'il portait en Albert. Jack se rappela qu'il l'avait autorisé à rendre visite à sa famille. Sans doute, voulait-il arriver auprès d'elle pour l'heure du dîner? Il posa une main sur le bras de Ianto qui le regarda surpris.

- Ianto, tu peux nous laisser, dit-il d'une voix douce, ne rentre pas trop tard de chez tes parents. Nous parlerons de tout cela plus tard.

- Mais, comment allez-vous rentrer ? vous oubliez les mises en garde d'Adam.

- Non, je ne l'oublie pas, mais je ne pense pas que Nox ou Suzie sachent que je me trouve ici. Je devrais rentrer sain et sauf.

- Monsieur... dit Ianto, je crois pourtant que je devrais vous accompagner à l'hôtel particulier.

- Non, dépêche-toi, ta famille va t'attendre. Ils vont être heureux de t'avoir pour dîner. Embrasse ta jeune soeur pour moi... je serais ravi de la rencontrer. Adam me raccompagnera si tu t'angoisse à ce point.

Le jeune homme le regarda avec tristesse, une douleur voilant ses yeux. Il ne paraît pas se réjouir de rendre visite à ses parents, curieusement, se dit Jack étonné. Il souleva un sourcil interrogateur, mais le jeune homme ne protesta plus. Il salua rapidement Adam, lui proposant de se revoir dans quelques jours, ce que le détective accepta avec joie. Il disparut par la porte branlante, non sans un dernier regard sur le Lord, comme attendant de sa part l'ordre de rester. Jack était surpris par la répugnance avec laquelle il était parti. Il eut un étrange pincement au cœur. Il posa son regard sur le détective qui le scrutait comme s'il lisait ses pensées. Le Lord se secoua et lui sourit avant de parler.

- Bien, j'ai cru qu'il ne partirait jamais, nous allons enfin pouvoir parler de notre autre affaire.

- Vous avez reçu mes messages, demanda Adam, sans qu'il ne les intercepte ?

- Oui, je lui ai interdit d'ouvrir les lettres parfumées que je pouvais recevoir afin de ménager sa sensibilité. Il n'aurait jamais imaginé que nous entretenions une correspondance.

- C'est un plan retors, Monsieur, dit Adam, subjugué par l'assurance et l'ingéniosité de cet homme qui lui avait confié une mission secondaire dans le dos de son ami.

- Il fallait bien cela pour éviter que Ianto ne comprenne que je faisais enquêter sur lui. J'espère que cela en valait la peine.

- Oui, dit Adam, marquant une pause, malheureusement. Le peu qu'il m'en a dit de son passé ne m'a jamais satisfait. Et j'en comprends malheureusement la raison.


Rhea01  (17.11.2010 à 20:42)

Partie Trois

Chapitre quatre : Chassé-croisés

 

Jones avait hélé un fiacre en sortant de la petite rue où vivait Adam. Il avait jeté l'adresse de John Hart au cocher d'un ton sec, avant de s'enfermer dans le véhicule avec le sentiment amer d'aller à l'échafaud. Il ne souhaitait pas y aller, subir ce que John voulait, redevenir ce qu'il avait été pour lui, son esclave. Mais il ne pouvait y échapper. John le tenait, il savait exactement quels étaient les secrets de Jones. La menace de tout révéler à Harkness s'il ne se soumettait pas à sa volonté l'obligeait à se rendre chez lui. Encore une fois, il ordonnait et Ianto devait obéir.

Jack Harkness, il ne voulait pas perdre son respect, si chèrement acquis, cette amitié qui naissait entre eux, la douceur du regard qu'il posait sur lui. Jones savait qu'il se mentait à lui-même, ce n'était pas seulement de l'admiration, ni même de l'amitié qu'il éprouvait pour cet homme. Mais il ne pouvait lui offrir de l'amour. Il ne s'autorisait pas à laisser ce genre de sentiments éclore en lui. Il ne voulait plus souffrir à cause de passions incontrôlables. Il secoua la tête, tentant de maîtriser le tremblement qui l'avait saisi. Il remit de l'ordre dans ses vêtements noirs, aussi sombres que les émotions qui s'agitaient en lui et se prit la tête entre les mains. Il allait en enfer et il le savait.

oOoOo

Adam sortit un nouveau dossier, sur lequel il avait simplement écrit "ami". Ianto était son ami et il avait l'impression d'avoir trahi sa confiance en cherchant dans son passé. Mais quand il avait découvert ce qu'il avait subi, il avait creusé plus loin et conçu un immense dégoût devant le gâchis. Il en avait admiré le jeune homme qui malgré ses avanies avait réussi à revivre, grandir et surmonter son passé. Personne n'aurait pu sortir de ces désastreux événements sans aucun dommage et pourtant Ianto semblait aller bien. Sembler… car en vérité, il ne montrait jamais rien de ce qu'il ressentait, comme à son habitude. Il l'avait toujours connu ainsi, calme, réfléchi, contenu. Pourtant, il avait toujours soupçonné en lui une grande nervosité, qui se transformait en force morale.

Il n'avait jamais été vraiment d'un naturel bavard, Adam ne l'avait jamais entendu parler de ses années au collège. Le Lord non plus, de toute évidence pour lui demander ainsi d'enquêter sur son compte. Il voyait bien dans son regard clair l'inquiétude de cet homme, les sentiments qu'il dissimulait à peine derrière un masque d'impassibilité feinte. Adam soupira et commença la lecture de son dossier.

oOoOo

Ianto se trouvait à la porte de John Hart lorsque les cloches de Saint James, toutes proches, sonnèrent les huit coups de vingt heures. Il se sentait pris dans un brouillard, une nébuleuse d'émotions contradictoires qui le retenait de frapper à la porte.

Il se ressaisit, redressa sa haute et fine stature. Il allait, la mort dans l'âme, subir le sort que John Hart réservait. Il frappa et entra sans attendre. Le valet de Hart le vit pénétrer dans le vestibule étonné. Il se précipita à sa rencontre.

- Monsieur, s'enquit-il, alors que Jones lui donnait son chapeau et son manteau.

- Votre maître m'attend. Faites-moi entrer.

Le valet resta interdit, les mains sur les effets personnels de Ianto qui le regardait les yeux glacés.

- Jones, Ianto Jones, fit la voix tant détestée depuis ses appartements, tu es venu, c'est magnifique ! Entre. Robert, tu as ta soirée, tu peux partir, ordonna-t-il cinglant sans même élever la voix.

Le valet s'éclipsa alors que Hart ouvrait la porte pour laisser entrer Jones dans le salon. Il était toujours en tenue de ville, sa veste néanmoins posée négligemment sur le sofa. Il détailla à l'envi le visage pâle, fermé de Ianto, son regard déterminé qui voulait le brûler sur place. Il émit un ricanement, l'adolescent timoré avait fait place à un homme discret au charme indéniable. Il vit qu'il maîtrisait à grand peine la nervosité de ses mains qui se serraient convulsivement. Il rêvait sans doute de les refermer sur le cou de son ancien tourmenteur qui le jaugeait d'un air appréciateur. Hart pouffa, ravi de le voir lui obéir.

- Assieds-toi, prends quelque chose à boire, ordonna-t-il à l'homme figé au milieu de la pièce.

Ianto s'assit mécaniquement sur le sofa qu'il montrait du doigt. La pièce était joliment décorée, sans doute un peu trop surchargée en peinture et en bibelots précieux. Les cadres à la dorure omniprésente gardaient emprisonnés l'image des membres de la famille Hart. Il y reconnaissait la bouche un peu dure, la séduction de ce front large, les pommettes un peu slaves. John semblait être le plus beau spécimen de la famille et il le savait. C'est pourquoi cette pièce formait un écrin tendu de rouge à sa beauté délétère. Jones retira son veston rayé avec des gestes mécaniques, son cœur battait si lentement. Son sang semblait ne plus couler dans ses veines que lourd, visqueux, engluant chacune de ses sensations. Il s'escrimait avec les boutons de sa chemise, les arrachant quasiment quand la voix cinglante de Hart l'arrêta.

- Que fais-tu ? Je ne t'ai pas demandé de te déshabiller.

- Plus vite, cela sera terminé, plus vite, je pourrais repartir, jeta d'une vois sourde le jeune homme en enlevant les premiers boutons qui résistaient. Il n'osait pas le regarder de peur de perdre son courage.

- Non ! Ne crois pas que tu vas t'en tirer ainsi ! Tu ne vas pas me soulager et puis disparaître pour retrouver ton Lord.

L'évocation de Jack Harkness suspendit les gestes de Ianto. Son cœur le fit souffrir comme si une aiguille de glace le crevait. Que faisait-il ici en face de cet homme ? La haine flamboya en lui, ses poings se serrèrent et il le dévisagea furieusement. L'autre sourit avec dédain.

- J'ai touché un point sensible ? ironisa-t-il, serais-tu sensible à son charme légendaire ?

Ianto ne riposta pas, mais ses prunelles jetèrent des flammes terribles qui amusèrent Hart en lui offrant sa réponse.

- Bois un verre de Brandy, détends-toi. Ce sera plus facile pour tous les deux, tu ne crois pas ?


Rhea01  (18.11.2010 à 21:39)

L'enquêteur avait fait questionner ses anciens professeurs d'Eton, qui n'avaient eu que des éloges pour le jeune homme, discret, timide, sans doute à l'extrême. Ils mettaient cela sur le compte de sa grande jeunesse. Malgré ses résultats extraordinaires pour un enfant aussi jeune, il ne se mettait jamais en avant. Ses professeurs l'appréciaient beaucoup mais il n'attirait pas autant la sympathie comme d'autres, plus joyeux, enthousiastes ou fiers. Ils le décrivaient comme froid, sombre, maîtrisant ses émotions, son comportement, veillant à ne jamais se faire remarquer.

- Ils n'ont jamais cherché à comprendre pourquoi il se comportait ainsi ?

- Non, Jones était étudiant-servant, c'est dire le peu de cas qu'ils faisaient de lui. Ils préfèrent toujours les fils des hommes les plus influents de l'empire. Ils ne se rendaient pas compte. J'ai dû rechercher un ancien condisciple de Jones pour savoir la vérité. Heureusement pour moi, l'un d'eux fut mon client.

- C'est fou, le nombre de personnes qui a faire appel à vous.

- On a toujours besoin de connaître la vérité derrière les apparences, bourgeois comme lord. Cet homme a accepté de me parler. Il m'a raconté ce que Jones avait subi. Il n'était pas fier de ne l'avoir jamais aidé, de ne pas lui avoir tendu la main. Jones a tout d'abord été le souffre-douleur d'une bande de petites brutes qui le martyrisaient et l'utilisaient.

- L'utiliser, répéta Jack d'un ton dur.

- Ils le forçaient à faire leur devoir, leurs corvées. Jusqu'ici, ce n'était pas si éloigné de la vie d'un étudiant-servant perdu dans un monde étranger. Mais c'est devenu tout à fait différent lorsqu'un jeune homme, un peu plus vieux, l'a pris sous sa protection. Et il lui faisait chèrement payer cette protection en l'obligeant à partager sa couche.

- Il l'a forcé, violé.

- Oui, dit Adam en baissant la tête, il l'a obligé à subir sans rien dire. De toute manière auprès de qui pouvait-il chercher de l'aide ? Sans parler de la honte qu'il devait éprouver, il ne pouvait s'autoriser à perdre le droit de s'instruire. Il est jeune et déjà bien cabossé.

Jack Harkness était effondré par ce que lui révélait Adam. Il avait eu certains doutes sur le drame qu'avait vécu le jeune homme dans son passé. Il n'était pas stupide et il savait qu'il ne lui était pas indifférent. La manière dont il repoussait chacune de ses avances ne ressemblait en rien à celle d'un homme hostile à son charme, mais à celle d'un homme blessé, meurtri dans sa chair. Entendre Adam parler avec cette voix grave des abus dont il avait été victime, lui ravageait le cœur.

- Ce qu'il a pu souffrir à cette époque de sa vie l'a profondément marqué, reprit Adam. L'homme qui m'a parlé disait qu'ils avaient tous peur de son tourmenteur. Il savait qu'il y avait une rumeur sur lui, affirmant qu'il avait tué quelqu'un et que Jones était au courant.

- Comment ? gronda Jack, énervé par ce qu'il apprenait.

- Apparemment, il tenait Jones par un secret qui les liait tous les deux. Cela m'a mis la puce à l'oreille, j'ai poussé mes recherches un peu plus profondément jusqu'à mettre à jour une disparition. Celle d'un jeune palefrenier de l'école, un gamin qui aurait été l'ami de Jones. L'enfant a disparu du jour au lendemain sans que quiconque ne s'inquiète de cela, sauf sa famille. L'enquête a été vite étouffée. On ne dérange pas les enfants de la bonne société, n'est-ce pas ? Mais en retrouvant sa famille, j'ai retrouvé le lad qui m'a raconté l'accident qui a obligé Jones à obéir à son tourmenteur.

- Son nom ? jeta Jack d'une voix étranglée.

La réponse le mit en rage.

oOoOo

John Hart observait Ianto, la chemise à moitié ouverte sur sa poitrine qui se soulevait à peine. Il n'avait pas touché le verre d'alcool qu'il lui avait servi, refusant de participer à la conversation à laquelle paraissait tenir Hart. Celui-ci savourait la vision de ce jeune homme, les traits encore juvéniles, marqués par une expression qu'il aurait tant aimé lui voir s'effacer.

Il ressemblait encore à ce jeune étudiant qu'il avait possédé. Il l'avait aimé à sa manière possessive, marquant le jeune garçon pour en revendiquer sa propriété. Peu doué pour les études, il avait été le plus âgé des élèves de sa promotion et n'était sorti diplômé que grâce à l'appui de son père. Il était certainement celui qui avait passé plus de temps entre ces murs. Pourtant cela restait dans sa mémoire comme le plus doux des séjours. La vie qui les avait séparés avait été suffisamment aimable pour le remettre sur son chemin. Il était si heureux de le retrouver, son Jones, sa chose qu'il en remercia les dieux.

Il avait besoin de lui, de sa présence, il avait envie de lui. Jones ne parla pas mais toute son attitude méfiante, dure le blessait. Il aurait voulu le tenir dans ses bras. Il aurait voulu l'entendre lui souffler les mots tendres que sa bouche n'avait jamais prononcés. Mais il ne paraissait pas enclin à parler.

Hart avala son verre d'un trait comme pour se donner du courage. Puis il s'approcha du jeune homme qui maîtrisa le frisson de dégoût qui le saisit quand ses mains se posèrent sur son cou. Il caressa l'angle de sa mâchoire. De son autre main, il descendit le long de la clavicule, sentant la peau vivante s'animer sous ses doigts, se hérissant de répulsion.

Jones ne bougea pas. Il le laissa le toucher comme il l'avait toujours fait avec un mélange de répugnance et de soumission. Il savait exactement ce qui allait se passer. Il allait le laisser faire, le soumettre et jouer de lui. Il ne pouvait feindre, il ne pourrait pas le toucher en retour. Il s'en sentait incapable. La haine bouillonnait en lui. Il la jugulait, sachant ce qu'il risquait s'il la laissait prendre le contrôle. Des envies de meurtres lui passaient par la tête, agitaient son corps, faisant croire à Hart qu'il éprouvait du désir. Celui-ci prit comme un signe d'acceptation sa respiration précipitée.

Le dandy écarta les plis de sa chemise. Il dévoila puis lécha ses mamelons, avant de tracer une ligne humide jusqu'à son ventre. Il descendit toujours plus bas, caressa la ligne sombre qui courrait vers le lieu de délices qu'il convoitait. Jones ne put le supporter davantage. Il le repoussa violemment. Hart se figea étonné. Ianto se releva et voulut sortir.

L'homme le rattrapa par le bras brutalement et le jeta au sol sur le tapis mordoré avant de s'abattre sur lui. Il était plus lourd, plus fort que lui et le choc l'étourdit. Il sentit sa bouche se poser sur la sienne et la mordre jusqu'au sang en une parodie de baiser. Il tenta de se dégager mais Hart à califourchon le maîtrisait. Il sentait le tissu tendu par son entrejambe frotter contre la peau de son ventre. Il lutta encore pour se libérer. Son contact le révulsait, la nausée montait comme la colère.

Hart rit avec sauvagerie, il lui frappa violemment le visage, les côtes. Une rafale de coups qu'il ne put éviter. L'arcade saigna immédiatement, sa vue s'obscurcit. Il gisait à moitié assommé sur le sol. Il abandonna la lutte, Hart aurait toujours ce qu'il désirait, autant éviter les coups dont il était si friand. Il se protégea le visage de ses bras. Il l'avait si souvent roué de coups que c'était comme inscrit en lui. Il savait qu'il ne devait pas bouger, ne pas lutter car cela excitait dangereusement Hart. Il pouvait se montrer pire, un véritable monstre dans cet état.

Il s'abandonna entre les mains de l'homme qui ôta sa propre chemise en un tour de main pour se frotter à lui dans une douloureuse imitation de tendresse. Jones ferma les yeux afin de ne pas voir son visage hideusement déformé par l'envie. Celui-ci le gifla à la volée, son nez se mit à saigner.

- Ouvre les yeux ! gronda-t-il, je veux que tu me regardes, comme tu regardes Harkness. Regarde-moi, gémit-il collant sa bouche contre son oreille, ses mains se perdant dans ses boucles qu'il trouvait plaisir à tirer.

Ianto se figea, écarquilla les yeux. La jalousie qu'il entendait dans sa voix le surprit, la jalousie, le désir … Jack, Jack …

- Je sais que tu ne me désires pas, murmura John, toujours le nez dans son cou, humant l'odeur de ce corps tant désiré, dis-toi que c'est ton Lord qui te caresse, qui te touche… Laisse-toi faire !

Il se recula brusquement. Il venait de sentir quelque chose de chaud, d'humide sur sa joue. Jones pleurait silencieusement, les yeux grands ouverts sur une atroce souffrance. Comme à l'époque de leur adolescence, cela raviva son désir, sa volonté de posséder le jeune homme qui ne pensait qu'à Jack. Il allait ravir à son rival ce si charmant corps et renouer avec un passé qui avait des couleurs si flamboyante dans sa mémoire.

Hart déboucla son pantalon et sortit son sexe qui battit dans sa main, humide de convoitise. Il arracha les dernières fragiles protections de tissu que Ianto portait encore et se frotta à nouveau contre lui. L'urgence de son désir le rendait fou, le pressait d'agir brutalement, là, dans ce salon, sans même avoir la délicatesse de l'amener dans la chambre. Il le gifla à nouveau. Le gémissement qu'il poussa l'excita férocement. Il le retourna d'un seul mouvement sur le tapis afghan et le plaça dans une position plus propice à son dessein, le tenant par les cheveux pour le contraindre. Il frotta sa virilité contre les fesses du jeune homme qui respirait difficilement, le nez écrasé sur le sol. Il se plaça en position, prêt à déchirer Ianto qui gisait sous lui.

 


Rhea01  (18.11.2010 à 21:45)

Une main dure l'attrapa par l'épaule et le rejeta en arrière. Pantelant, il jeta un coup d'œil à l'importun qui s'opposait à sa volonté. Jack Harkness, blanc de fureur, l'œil fulminant, le tenait toujours par l'épaule. Celui-ci le repoussa contre un mur, faisant trembler les portraits de ses ancêtres. Il serrait tellement les dents qu'elles grinçaient férocement.

- Immonde salaud ! arriva-t-il finalement à dire, ses yeux fusillant du regard un Hart subjugué. L'avoir violé dans sa jeunesse ne t'a pas suffi, il faut encore que tu le culbutes dans ton salon.

- Il est à moi, râla John, tentant de se dégager, il m'appartient. Tu n'as aucun droit sur lui, tu n'as aucun droit de te dresser entre nous. Jones, dis-lui que tu me veux ! Dis-lui !

- Il n'appartient qu'à lui-même, hurla Jack, je sais tout, tu ne pourras plus le faire chanter, l'obliger en aucune façon.

- Et comment comptes-tu m'en empêcher ? demanda Hart, repoussant la main qui le clouait au mur.

- Je ferais tout ce qu'il me sera possible de l'arracher à ta domination. Tu n'as aucun droit sur lui. Il est libre, tu m'entends, laisse-le en paix. Il a déjà trop enduré de ta part. Laisse-le !

- Non, tu devras trouver autre chose pour cela, dit Hart, rabattant sa chemise sur son corps, il sait ce qu'il doit faire.

Jack l'abandonna pour s'agenouiller auprès de Ianto qui tentait de cacher son corps meurtri en se recroquevillant sur lui-même. Son visage et son corps se tuméfiaient déjà.

- Ianto, Ianto, murmura Jack en retirant son lourd manteau et le recouvrant de l'étoffe confortable. Reste tranquille. Tout va bien.

Le jeune homme s'accrocha soudain à lui, se lovant dans ses bras pour chercher protection. Les tremblements qui agitaient son corps ravagèrent le cœur de Jack. Il cingla du regard Hart qui les regardait goguenard.

- Quel joli couple ! persifla-t-il mais tu as perdu. Il est à moi. Gueule d'Ange, viens ici !

Ianto se figea dans les bras de Jack qui tentait de le réconforter avec de légères caresses dans le dos. Il leva son visage ravagé sur son lord, le cœur serré. Celui-ci vit la soumission et la haine se battre dans son regard.

- Non, souffla Jack, tu n'as pas besoin à y aller, sauf si tu le désires. Tu peux rester auprès de moi, si tu veux. Je te protégerais, toujours.

- Je suis un monstre, dit Ianto avec une voix brisée, il a raison, je suis sa chose, je suis à lui.

Jack le serra contre lui, incapable de lui dire ce qu'il ressentait à ce moment-là. Il prit sa tête entre ses mains et posa un baiser léger sur son front, comme on embrasse un enfant apeuré.

- Non! Non, tu n'es pas un monstre… Je sais tout ce que tu as enduré, tout ce qu'il t'a fait croire. S'il te plaît, Ianto, choisis de croire que tu t'appartiens, bon sang !

Le jeune homme le regarda sans ciller alors que les mots se frayaient un chemin à travers sa conscience embrumée par la course des événements. Il eut l'air de comprendre, ses nerfs tendus comme des cordes s'effondrèrent et se serra contre le corps puissant de Jack. Le Lord esquissa un mince sourire, alors que ses yeux glacés fustigeaient Hart qui pinçait des lèvres, les couvant d'un regard dépité. Jack se détacha du jeune homme comme à regret et se rua sur Hart. Il le gifla à pleine volée. L'empreinte de ses doigts marqua la peau blanche de Hart d'une trace rouge.

- Demain, Kew Bridges, à 6 heures, avec tes armes. En ta qualité d'offensé, je te laisse le choix des armes.

- Je ne veux pas me battre contre toi ! s'écria John Hart, Il n'en vaut pas la peine.

- Il en vaut la peine. Demain, je te tue. Choisis bien ton arme, car je ne te manquerais pas.

- Très bien, fit Hart en plissant les yeux durement, je te commande un cercueil chez le meilleur croque-mort de la ville ?

- Prends aussi mesure pour toi, dit Jack en aidant Ianto à se relever.

- Attends, appela Hart, il sera présent lui aussi si tu te bats pour lui.

- Il n'a déjà que trop supporté ta présence.

- Il doit être présent quand je te tuerais car il est le prix de ce combat. Il sera là ou je refuse.

- L'enjeu de ce combat est son honneur, qui sera lavé dans le sang. Il n'a pas besoin d'être présent.

- Je t'impose Ianto comme second, ou bien il n'y aura pas de combat entre nous.

Jack maugréa alors qu'il sentait le jeune homme être repris de tremblements. Il ne voulait pas que son secrétaire soit présent. Il ne voulait pas qu'il s'inquiète pour lui. John était redoutable en duel, un combattant hors pair qu'il aurait sûrement du mal à affronter à l'épée.

- D'accord, jeta-t-il, priant pour Ianto se remette suffisamment pour tenir le temps du duel. Ton choix d'arme ?

- Le pistolet, ce sera plus rapide que l'épée. Tu es presque aussi bon que moi au sabre. Mais au pistolet, je ne souffre aucun rival. Prépare ton testament, Harkness. Et toi, Gueule d'ange, prépare-toi à me revenir. Je t'aime.

- Tu ne sais pas ce qu'est l'amour, répondit Jack, soutenant son secrétaire qui détournait la tête de son tourmenteur. Ce n'est pas posséder quelqu'un, le manipuler ou le lier par le chantage. C'est un don, un échange, pas quelque chose qui se prend de force. Tu ne peux le forcer à t'aimer, ni le contraindre à subir tes besoins. Il est libre, il n'est plus ton esclave.

- Tu te répètes, Harkness, alors que c'est toi qui es esclave de tes sentiments. Demain, nous reprendrons cette conversation avec d'autres arguments. Les miens ne manqueront pas de t'atteindre.

Jack ne répondit pas à la provocation, il savait que Hart était coutumier du fait. Il entraîna le jeune homme figé dans une stupeur dont il ne sortit que lorsqu'ils atteignirent la porte. Une pluie battante les accueillit. Jack leva la tête vers le ciel, savourant l'averse comme un nouveau baptême. Adam les attendait dans le fiacre dans lequel Jack s'était précipité en apprenant le nom du tourmenteur de Jones. Adam jeta l'adresse au cocher qui prit le chemin pour la maison de Durham Street.

L'odeur du jeune homme mêlée à celle de son manteau humide de pluie s'inscrivit en lui, soulevant son cœur de bonheur. Il était arrivé à temps mais le jeune homme restait ébranlé par le comportement odieux de John Hart. Ianto s'enroula dans le manteau trop large de son maître et se recroquevilla dans un coin de la banquette. Jack tendit une main vers lui, mais le regard affolé qui le vrilla le fit se reculer. Il ne voulut pas lui imposer sa présence. Adam s'assit à côté de lui, sa canne entre ses jambes. Ils échangèrent un regard navré dans le silence à peine rompu par le grincement du fiacre. Ianto avait trop enduré ce soir pour pouvoir parler maintenant.


Rhea01  (18.11.2010 à 21:49)

Partie Trois

Chapitre cinq : où Ianto laisse éclater sa peine...

Les trois hommes arrivèrent à Durham Street sur les coups de 21 heures. Le jeune Ewen déboula dans la cour gravillonnée, surpris par leur arrivée. Adam descendit le premier, manquant de glisser sur le marchepied. Puis il aida Jones à descendre. Le visage meurtri du précepteur affola le jeune garçon.

- Oh mon dieu, mon dieu ! s'écria-t-il, qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? Maître Jones, vous allez bien ?

- Ewen, va chercher un médecin, lui ordonna Jack Harkness, je préfèrerais avoir Owen sous la main mais on fera sans. Adam, accompagnez-le au salon, je vous prie. J'arrive.

Adam prit le bras de Jones qui se libéra brutalement. Il rajusta l'étoffe du manteau qui glissait révélant la minceur d'une clavicule d'albâtre. Il était bouleversé, comme coupé de lui-même mais il ne supportait pas qu'on le touche, pas maintenant. Il avança comme un automate vers l'entrée, titubant d'émotions contenues.

Il voila son visage de la main en passant devant Rhys qui le dévisageait sidéré avant qu'un regard d'Adam ne le pousse à le suivre. Jack paya le conducteur du fiacre, trop heureux du généreux pourboire pour poser des questions au Lord. Il partit sans coup férir.

La nuit était douce, malgré le léger crachin qui auréolait les réverbères à gaz éclairant l'entrée de sa maison de ville. Le parfum des fleurs nocturnes – onagre et gardénia – qui palpitaient sous la faible lumière, venait flatter son nez, apaisant son esprit. Une nuit londonienne, calme et paisible cachait de son voile lumineux les horreurs des hommes.

Jack dissimula sa colère et sa douleur sous un masque sombre. Ianto Jones, qu'il venait de sauver d'un sort pénible, comment allait-il s'en sortir ? Adam lui avait révélé tous les secrets du jeune homme et il en avait été écœuré. Comment Hart pouvait-il affirmer qu'il l'aimait alors qu'il lui avait fait subir ces abus répétés dans leur adolescence ? Comment pouvait-il croire qu'il s'agissait d'amour ? Comment osait-il appeler cela amour ?

Il sentait la colère qu'il avait réussie à juguler chez Hart sourdre de lui en vagues lourdes. Une rage démentielle, un dégoût pour ce désastre, cette horreur que Ianto était prêt à endurer à nouveau plutôt que de s'en ouvrir, dominaient son esprit. Pas étonnant qu'il ait fui son contact, qu'il ait eu peur de lui, de ses sentiments. Il croyait sûrement que ceux-ci devaient nécessairement s'entacher de violence. Il devait croire que la violence faisait partie de l'acte, de l'amour.

Ianto était un homme brisé depuis son adolescence. Cependant, Jack savait d'expérience que parfois les choses brisées se réparaient, le cœur et le corps aussi. Il espéra que le jeune homme trouverait en lui la force de dépasser cette souillure pour commencer à vivre. Il l'aiderait, le soutiendrait dans cette lutte difficile, il s'en fit la promesse.

Ewen arriva portant le sac d'un homme vêtu de noir qui marchait à pas lourds derrière lui.

- Docteur Bell, se présenta-t-il, où est votre blessé ? Votre domestique m'a tiré de mon repas en me disant que c'était urgent.

- Venez, Docteur, Mr Jones est à l'intérieur.

Jack fit entrer le médecin dans sa maison. Adam descendait les escaliers, la mine préoccupée. Le Lord l'interrogea fébrilement, inquiet pour son secrétaire.

- Il vient de s'enfermer dans la salle de bain. Il n'avait pas l'air bien du tout.

Jack monta quatre à quatre les marches alors qu'un vacarme explosait dans la salle d'eau. Les autres le suivirent, alarmés par le bruit de verre brisé. Rhys se tenait près de la porte, apportant des serviettes. Il les regarda abasourdi, sans comprendre ce qu'il se passait. Un autre choc suivi d'un véritable déluge de coups qui ébranlèrent les murs poussa Jack à agir.

D'un coup de pied, il fit sauter le verrou de la porte qui valdingua en arrière, sans perturber le moins du monde la furie qui détruisait tout dans le cabinet de toilette. Des épines de verre gisaient sur le sol, couvert d'éclats de bois issus des rares meubles contre lesquelles il déchargeait sa colère. Jack contempla son Gallois briser une psyché d'un coup de poing avant de s'arrêter brutalement.

Ses poings dégouttant de sang s'ouvraient et se fermaient nerveusement. Il se regardait dans le miroir brisé qui lui renvoyait son image éclatée avec des yeux déments.

Jack s'approcha à pas comptés, le jeune homme se tourna vers lui, le regard vide. Jack sentit son cœur se briser, le jeune homme semblait avoir perdu l'esprit. Il s'approcha encore jusqu'à le toucher. Ianto bondit en arrière, comme un animal blessé. Il tomba et se réfugia dans le coin le plus éloigné de Jack. Il rampa comme pour échapper à son regard affligé.

Dans sa fuite, il s'empara d'un long éclat de verre qu'il appliqua contre sa gorge. Jack blêmit. Le jeune homme semblait pris d'une dangereuse folie, prêt à s'en prendre à sa propre vie. Il s'accroupit à moins d'un mètre de lui. Adam prêt à intervenir se garda d'apparaître aux yeux fous de son ami.


Rhea01  (30.11.2010 à 19:21)

- Ianto, appela Jack doucement, Ianto Jones…. Calme-toi. Ne bouge pas, tu es en sécurité ici. Lâche ce morceau de verre. Tu n'as rien à craindre ici. Détends-toi. C'est fini, c'est terminé. Il ne te fera plus aucun mal. Je suis là.

Il essayait de sa voix calme et tendre d'apaiser l'esprit du jeune homme et d'attirer son regard vers lui. Mais Ianto refusait de le regarder dans les yeux. Il ne voulait pas qu'il le regarde, qu'il sache tout ce qu'il avait subi. Il ne voulait pas qu'il le couve ainsi du regard, presque nu sous ce manteau, ses vêtements arrachés par l'autre. Hart l'avait détruit une fois de plus et il n'aurait de cesse de recommencer.

- Laissez-moi, fit-il par dire d'une voix croassante, cassée par l'émotion, je ne mérite pas que vous me regardiez, que vous m'aidiez. Je … je suis cassé, souillé. Tout est si difficile ! La vie est si violente !

- Ianto, chut, souffla Jack, ému jusqu'aux tréfonds de son âme par le désespoir contenu dans sa voix, tu ne peux pas savoir ce que la vie te réserve. Tu es encore si jeune. Lâche ça, Ianto, ne te blesse pas. J'en souffrirais. Je ne veux pas que tu te supprimes, j'en serais malheureux.

L'évocation de ce que ressentirait Jack s'il se tuait, sembla faire réagir Ianto qui enfin le regarda. Il plongea dans ses yeux si clairs, offerts à ses questions. Il n'y lut pas l'aversion, la répulsion et la déception à laquelle il s'attendait. Au contraire, il découvrait deux prunelles ardentes qui le dévoraient d'un feu aimant, plein de compréhension et d'affection.

Il découvrait de la tendresse sur ce visage si fier qui le pourchassait jusque dans son sommeil. Le Lord était si proche qu'il sentait son odeur, si particulière, une fragrance de sous-bois enchanté, de feuilles et de liberté. Il aimait cette odeur, il ne pouvait plus se le cacher. Un sanglot déborda soudain de son cœur glacé et ses doigts décrispèrent leur prise du morceau de verre. Celui-ci glissa le long de sa pomme d'Adam. Effilé comme un rasoir, il fit jaillir le sang. Il eut un sursaut en sentant la douleur fraîche. Il baissa le morceau de verre en tremblant incoerciblement. Ses yeux étaient toujours accrochés par ceux de Jack qui clignaient lentement, comme s'il répugnait à lâcher son emprise sur lui.

- Ianto, donne-moi cela, je t'en prie, reste avec moi. Je te promets que demain tout sera terminé d'une manière ou d'un autre. Tu n'auras plus à te préoccuper de Hart, je te protégerai, je te le promets.

Au nom de Hart, Ianto s'était à nouveau contracté. Jack posa la main sur son genou, tendant l'autre main pour recevoir l'éclat sanglant. Ianto était comme hypnotisé par le regard de son maître. Ils respiraient à peine, oublieux du monde qui continuait sa révolution autour du soleil, perdus dans l'intensité du moment. Ianto se décida soudain.

Il lâcha l'arme improvisée dans la main de Jack qui la tendit derrière lui. Adam s'en empara prestement et repoussa les autres témoins de cette scène dans le couloir, refermant la porte sur lui.

- Allons, allons, laissons leur un peu d'intimité.

Ianto et Jack étaient inconscients de ce qu'il se passait derrière eux. Seuls leurs regards se parlaient, le désespoir de Ianto qui faisait face à la compréhension de Jack, sa méfiance face à la tendresse de son Lord. Il se mordit les lèvres, prit une large inspiration et plongea dans les bras que Jack ouvrait pour lui.

Il s'abattit contre le large torse où il sentit le cœur battre à grands coups puissants et répétés. Jack referma enfin ses bras sur son corps fin et tourmenté. Il le tint fermement embrassé, rêvant de ne jamais les rouvrir. Il sentit de lourds sanglots secouer nerveusement le jeune homme. Il cédait enfin à son désespoir qui le quittait enfin en même temps que ces larmes si longuement retenues. Jack lui caressa la tête doucement, ses mains s'emmêlant dans les boucles longues et noires. Sa main descendit caressante le long du cou mince pour pétrir une épaule tremblante. Il flatta sa colonne trop apparente, comme la carcasse d'un oiseau malingre, comptant les vertèbres. Ses menues caresses semblèrent atténuer l'orage de larmes qui nettoya son visage strié de sang et de pleurs. Ianto releva bientôt sa figure sur celle de Jack et se mit à sourire d'un air navré. Un pauvre sourire qui serra la poitrine de Jack.

- Comment ? Comment saviez-vous que j'étais là-bas ?

- Je l'ignorais, répondit Jack en s'asseyant près de lui, refusant de le lâcher, je dois t'avouer que j'ai demandé à Adam de faire des recherches sur toi. Je n'arrivais pas à te comprendre. Il m'a tout raconté. Je suis désolé, Ianto. Mais quand Adam m'a dit que tu étais lié à Hart, abusé, souillé par lui, je n'avais qu'une seule idée en tête, celle de lui démolir le portrait. Nous avons pris un fiacre et filé chez lui, où après être entré de force, j'ai eu le déplaisir de te trouver, dans une position aussi humiliante. Mon sang n'a fait qu'un tour. J'aurais pu le tuer sur place. J'aurais tant voulu…

- Monsieur, je suis désolé, je…

- C'est Hart qui devrait être désolé, l'infâme salaud. Ianto, tu aurais dû me parler au lieu de me mentir en disant que tu te rendais chez tes parents. J'aurais accepté que tu veuilles le voir si cela était ton choix. Mais tu ne l'avais pas, n'est-ce pas ?

- Non, souffla le jeune homme en détournant la tête de son regard enflammé, je ne l'ai jamais eu avec lui. C'était ses ordres. Soit je me pliais à lui, soit il parlait. Il disait tout sur nous, sur….

- La disparition de James Furid, ton ami palefrenier à Eton. Je sais tout, dit Jack en lui tournant le menton vers lui, luttant pour ne pas l'embrasser comme son cœur le désirait.

Ianto resta silencieux, abasourdi.

John l'avait toujours tenu avec cette mort dont il se sentait responsable.

- Adam a mené une petite enquête. Il s'avère que John t'a fait croire à la mort du gamin, mais il est toujours en vie.

- Comment ? fit Ianto les yeux béants, je… je l'ai vu couvert de sang. Je l'ai cru mort.

- Je sais, dit Jack en fermant les yeux, il a été blessé dans les écuries à cause de Hart. Son complice l'a avoué à Adam. John avait mis une épine sous la selle de ton cheval. Tu as été incapable de le maîtriser et James a été blessé. Ce n'était pas ta faute. Plutôt celle de Hart qui a voulu te meurtrir. Tu le repoussais, il s'est vengé.

- Je l'ai repoussé jusqu'à ce moment-là, dit Ianto qui se replongeait dans ses souvenirs muni d'un nouvel éclairage. Il m'a fait croire que j'étais responsable de sa mort et qu'il dirait tout si je ne faisais pas exactement ce qu'il voulait. Je suis désolé.

- Mon pauvre Ianto, quel enfer tu as vécu. Tu ne devrais pas être aussi désolé, fit Jack continuant de le serrer contre lui, malgré l'inconfort de la position. Hart t'a manipulé de bout en bout en te faisant croire à cette mort, n'est-ce pas ?

- Oui, quand je l'ai vu étendu, baignant dans son sang, j'étais dans un tel état que je n'ai rien pu faire. Hart et son ami se sont occupés de lui et de moi. Jamais je ne l'ai revu. Hart m'avait dit que je l'avais tué et qu'il avait fait disparaître le corps. En contrepartie, je devais faire tout ce qu'il m'ordonnerait sinon il me dénonçait au recteur.

- Et il a eu finalement ce qu'il désirait.

- Oui, fit sobrement Ianto en baissant la tête contre la poitrine de Jack qui se soulevait par saccade, oui il a eu ce qu'il voulait. Il a fait de moi son esclave fidèle et dévoué, jeta-t-il amèrement, j'en étais presque soulagé qu'il me soutienne. J'étais tellement rongé par la culpabilité que le fait de le savoir près de moi était presque réconfortant. Au moins une personne comprenait ce qu'il m'arrivait.

- Mais à quel prix ! s'exclama Jack outré.

- Au prix de ma dignité, je sais. Combien de fois ai-je pu me rendre à la porte du recteur et ne pas pouvoir lui parler ? Hart me tenait, il savait ce que j'avais fait.

- Tu n'as rien fait, dit Jack en lui relevant la tête, plantant son regard vert assombri par le désir de le sentir si proche et si ouvert. Adam a retrouvé ce palefrenier. Hart a payé la famille pour que le gamin disparaisse, mais il est toujours en vie.

- Alors tant mieux, dit Ianto sombrement, tant mieux pour lui.

Jack déglutit. Il était si proche, à portée de lèvres. Il résistait péniblement à l'envie qui rugissait en lui de l'embrasser. Il lui avait promis de ne plus le faire sans sa permission. Mais si proche, si désemparé, il voulait le réconforter. Les yeux de Ianto s'agrandirent alors que la bouche de Jack s'ouvrait involontairement. Jack se détacha de lui à regret. Il ne vaudrait pas mieux que Hart s'il trahissait sa promesse. Il se releva et aida le jeune homme épuisé par les larmes et sa confession à se remettre debout.

- tu saignes, Ianto, tu as bien besoin de soins et d'un bain. Pourquoi t'en être pris à ma salle de bain ? demanda-t-il en montrant l'étendue des dégâts autour d'eux. La décoration ne te plaisait pas ?

- Je ne sais pas. J'ai perdu le contrôle de moi-même en me voyant dans ce miroir, répondit-il en désignant la psyché en miette.


Rhea01  (30.11.2010 à 19:26)

- Vous êtes une personne étrange, mon ami, dit Adam en pénétrant dans la pièce où ils ne les entendaient plus murmurer indistinctement. Vous devriez certainement voir quelqu'un.

- Vous, mon ami, dit le jeune homme d'un air affligé, je n'aurais jamais pensé que vous auriez fouillé dans mon passé.

- Je ne l'aurais jamais fait, si le Lord inquiet pour vous ne me l'avait pas demandé. J'étais inquiet également, et je comprends malheureusement mieux pourquoi vous étiez si peu disert sur votre passé.

- J'avais mes raisons, dit Ianto en vacillant, Jack le rattrapa, évitant qu'il ne tombe. Le jeune homme s'appuya volontiers contre lui, acceptant cette tendresse qui émanait de lui comme un charme réconfortant.

- Sans doute, dit Adam, mais maintenant, Jones, vous êtes prié d'oublier cette histoire.

- Cela m'est impossible, se renfrogna Ianto, cela fait malheureusement partie de moi.

- Demain, ce salaud payera pour tout ce qu'il t'a fait, dit Jack d'un air sombre.

- Comment ? demanda le jeune homme qui ne le suivait plus.

- Le duel, Ianto, je l'ai provoqué en duel. Souviens-toi. Ne t'inquiète pas, je défendrai ton honneur.

- Non ! Je vous l'interdis ! C'est mon affaire. Je suis soulagé de ne pas être responsable de la mort de James, mais vous ne pouvez vous battre pour moi.

- Pourquoi pas ? Tu souhaites le faire toi-même ? demanda Jack surpris de l'incandescence de son regard désapprobateur. Tu sais tirer ?

- Non, mais je ne veux pas que vous mouriez !

L'aveu l'avait pris par surprise. Il ne voulait pas lui dire mais cela avait été plus fort que lui. Il ne pourrait supporter de le voir être blessé ou mort à cause de lui.

- Ce n'est pas mon intention, dit Jack en souriant diablement, je suis aussi bon que lui au tir. Je le tuerai et cela sera tout.

- Il va vous tuer, dit Ianto alors que ses tremblements le reprenaient.

- Cela en vaut la peine, dit Jack, avec légèreté, cachant son émotion de le voir si troublé par l'évocation de ce duel.

- Non, je ne vaux pas votre vie, s'écria-t-il désespéré.

- Bien sûr que si, à mes yeux, tu es aussi précieux que ma vie. C'est dire à quel point que je t'estime. Et puis tu es de ma maison. Cet individu m'a insulté en croyant pouvoir suborner mon employé de la sorte. De toute manière, le défi a été lancé et accepté. Demain, nous nous affronterons à Kew Bridges.

- Mais…

- Il n'y a pas de mais, Ianto. Il doit payer pour ce qu'il t'a fait endurer. C'est la seule manière honorable de le faire.

Ianto baissa la tête. Il ne voulait pas le voir s'offrir au combat pour lui mais Jack paraissait si déterminé qu'il jugea inutile de lutter. Il sortit du cabinet de toilette, s'excusant du désordre qu'il avait occasionné.

- C'est rien, Monsieur Jones, dit Rhys abasourdi par l'ampleur des dégâts. Il n'aurait jamais pensé que le jeune bibliothécaire fut aussi nerveux.

- D'ailleurs, reprit Jack derrière lui, tu viendras. Ta présence me sera précieuse. Et cela te concerne après tout.

Jack contemplait les dégâts, ce n'était rien que du matériel, ce n'était rien face à ce que le jeune homme semblait éprouver. Il paraissait soulagé, déchargé de sa culpabilité, sain et sauf grâce à lui. Il ne se sentait pas peu fier de sa réussite. Il lui emboîta le pas et conduisit le docteur, sidéré par les événements. dans la chambre du jeune homme.

Celui-ci soigna les plaies de Ianto, maugréant qu'elles étaient mineures et que cela ne justifiait en rien la venue d'un médecin, surtout de sa qualité. Il fit cependant prendre un calmant au jeune homme. Il avait été témoin de l'état instable de ses nerfs bien que le maître de maison n'eut pas le cœur de lui expliquer ce qu'il s'était passé pour en arriver à un état pareil. Il jugeait plus prudent qu'il se repose afin d'éviter une nouvelle crise.

Une fois la salle de bain arrangée, Ianto se délaissa dans un long bain qui lui apaisa définitivement l'esprit. Il crut que le sommeil viendrait le cueillir aisément au sortir du léger souper qu'il prit seul dans sa chambre. Pourtant il eut beau s'étendre à plat sur son lit, les bras bien posés sur les draps, il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Les événements de la soirée continuaient de tourner dans son esprit, faisant fuir Morphée qui prenait des traits singuliers, ceux de Jack.

A sa pensée, son cœur se gonflait d'émotions. Il l'avait sauvé des griffes de Hart et n'avait rien exigé en échange, pas même un baiser. Il roula sur le côté, incapable de dormir alors qu'il savait qu'il allait risquer sa vie pour lui.

La maison retrouva son calme au départ du médecin et d'Adam qui promit de venir à 5h le lendemain pour les accompagner sur le champ du duel. Rhys alla chercher les armes de Jack, qui passa un long moment seul dans son bureau à les nettoyer, puis à rédiger de longues lettres qu'Ewen posterait le lendemain matin. Ses nerfs étaient tendus, le sommeil le fuyait. Il se sentait incapable de rejoindre sa chambre pour attendre seul l'heure de se lever. Il rejoignit celle de Ianto. Il s'appuya sur le battant de la porte, grattant pour le réveiller. Contrairement à son habitude, le jeune homme n'avait pas verrouillé sa porte. Jack sourit et entra en entendant la voix de Ianto lui en donner la permission.

- Vous ne parvenez pas à dormir, demanda le jeune homme alangui sous les draps. Il avait écarté les couvertures trop épaisses pour la chaleur de la nuit de juin.

- Non, c'est toujours pareil les veilles de combat, le sommeil me fuit. Et toi-même ?

- Je n'arrive pas à dormir, je m'inquiète trop pour demain.

- Ne t'inquiète pas autant, tout ira bien. Tu es enfin libéré de son emprise. Comment te sens-tu ?

Ianto ne répondit pas, mais il lui dédia un sourire que l'homme vit malgré la pénombre. Son cœur sauta de joie dans sa poitrine. Il était heureux pour lui.

- Vous devriez dormir un peu, vous reposer tout du moins, dit Ianto d'un ton doux.

- Seul, je n'y arriverai pas, lança Jack d'un air bougon, j'aime avoir de la compagnie avant de me battre, c'est comme cela.

- J'ai besoin de compagnie moi-même, vous m'avez trop habitué à veiller sur mon sommeil. Restez près de moi.

Jack se mordit les lèvres, il n'imaginait pas l'effet qu'il lui faisait en lui demandant de rester près de lui. Il hésita et s'approcha du siège qui se trouvait près de la tête du lit. Cela lui rappelait la dernière veille qu'il avait faite près de lui. Il s'installa sous le regard brillant du jeune homme. De plus près, il voyait mieux le visage fin de son secrétaire, apaisé, apparaissant plus jeune sans ce fardeau dans ses yeux. Jack s'aperçut que l'ombre de son passé l'avait toujours accompagné et qu'il faisait face à un nouvel homme depuis qu'il avait levé le voile sur les manipulations de Hart. Il sourit doucement.

- Besoin d'une histoire pour s'endormir, mon cher Ianto ?

- Vous savez si bien raconter que j'en serais enchanté.

 


Rhea01  (30.11.2010 à 19:31)

- Te rappelles-tu le daguerréotype que je t'ai montré, il y a deux mois ?

- Bien sûr, vous m'avez dit qu'il s'agissait de votre famille.

- Oui, c'est ma famille, enfin, les hommes qui m'ont recueilli quand j'ai perdu la mienne. Je suis né aux Amériques, mais je ne me souviens pas vraiment de mon enfance. Je sais seulement que j'ai tout perdu dans un incendie, père, mère, mon frère, Gray. J'étais tellement petit que cela se perd un peu dans ma mémoire, les visages de mes parents, de ma famille. Je ne me souviens que de l'incendie qui a tout ravagé, incendiant jusqu'à mes souvenirs.

- Mon dieu, s'écria Ianto en remontant sur ses oreillers, mais que s'est-il passé ?

- Je l'ignore, la guerre sans doute. C'était la guerre civile et les hommes qui m'ont recueilli étaient des soldats de l'Union. Tous courageux, tous unis par une indéfectible amitié et l'envie de se battre. J'ai vécu avec eux toute mon enfance, même après la guerre. Ils m'ont appris à me battre, à espionner, moi, un gosse, mais aussi à survivre dans les plaines de l'Ouest, à monter à cheval.

- Incroyable, s'exclama Ianto, subjugué par ce que lui racontait Jack. Il levait enfin un voile sur son passé. Il avait raison de penser que son maître avait eu plusieurs vies, il le lui prouvait une fois encore.

- Je suis resté auprès d'eux de nombreuses saisons, apprenant d'eux tout ce qui me fait aujourd'hui. Je pense qu'une grande partie de mon caractère vient de ces hommes courageux qui n'hésitaient pas à combattre pour une bonne cause. Mais cela n'a duré qu'un temps, cela faisait cinq ans que j'étais avec eux, une mascotte vivante quand on leur a ordonné de me remettre aux mains de l'Etat. J'étais un gamin, à peine douze ans et on m'a mis dans un orphelinat à Boston. Je n'y suis pas resté longtemps, crois-moi. Tout ce que m'ont appris mes amis m'a été utile pour m'échapper. J'étais la terreur du directeur de l'orphelinat, il ne savait jamais quelle sottise je pouvais bien inventer. J'amusais la galerie, attendant mon heure pour m'enfuir.

- Vous avez réussi à vous enfuir ? Vous êtes retourné auprès d'eux ?

- J'ai réussi à fuir mais je n'ai jamais pu les retrouver. Je suis devenu un vagabond qui se cachait des autorités jusqu'à ce que je tombe sur un homme qui a changé ma vie.

- Votre Docteur ?

- Voyons, Jones, inutile que je raconte ma vie, si tu m'interromps tout le temps. Mais c'est bien lui. Il m'a appris tant de choses, la valeur de la vie, celle des autres comme la sienne. Il m'a appris tellement, il a tant ouvert mon univers que je suis sûrement bien différent de l'homme que j'aurais pu être si j'étais resté le petit orphelin de Boston. Il désapprouverait ce duel, j'en suis sûr. Pour lui, se battre n'est jamais qu'une solution de brute. Mais je suis le fruit d'une éducation particulière, celle de ces soldats et la sienne. Combattre pour moi est aussi nécessaire que respirer, même si souvent ce combat reste métaphorique. J'essaye toujours d'allier les préceptes pacifiques de mon ami aux moyens que j'ai.

- Vous n'êtes pas si pacifique, vous êtes un ancien capitaine de l'armée, et vous provoquez les gens en duel.

- Pas les gens, Hart, dit Jack en levant la main, et crois-moi, ce fut un plaisir.

- Je n'aime pas ça, dit Ianto en baissant les yeux, j'ai peur pour vous.

- Je le sais Ianto, dit Jack en posant la main sur le lit en une attitude apaisante, je sais. Le duel comporte des risques mais c'est nécessaire. Je veux pouvoir rétablir ton honneur.

- Mon honneur ? Je ne suis que le fils d'un tailleur, fit le jeune homme, renâclant à parler de cela.

- Ce n'est pas pour cela que tu n'as pas d'honneur. Tu es honnête, vertueux, tu mérites qu'il paye pour ce qu'il t'a fait subir.

Ianto ne répondit pas, les yeux dans le vague. C'était difficile pour lui, Hart avait été le pivot d'une grande partie de son existence et Jack parlait de le tuer. Il ne pouvait le laisser faire.

- Ne le tuez pas, murmura-t-il enfin.

- Pourquoi ?

- Je ne veux pas être responsable de sa mort comme il m'a fait croire être responsable de celle de James. C'est un fardeau que je ne veux plus porter.

- D'accord, dit Jack, je le blesserai seulement. Ce sera un duel au premier sang, si c'est que tu veux. Je te le promets.

- Oui, souffla Ianto et ensuite nous quitterons Londres.

- Blackwood te manque ?

- Tous les jours, ainsi que vos amis, même la curiosité de Gwen me manque.

- Alors, si Gwen te manque, nous partirons dans quelques jours, je n'oublie pas que je t'ai promis cet opéra. Ce sera une belle occasion de fêter notre départ.

- D'accord, souffla Ianto, en souriant, ravi qu'il se souvienne de l'opéra malgré tous les événements de la journée. Maintenant prenez un peu de repos, s'il vous plaît.

- Je ne puis dormir seul, dit Jack, hypnotisé par ce sourire franc, puis-je m'étendre à tes côtés, demanda-t-il dans un élan, j'ai besoin de te sentir près de moi, je n'ai pas envie d'être seul cette nuit.

Le jeune homme le regarda, dans ses yeux passa un éclair de honte mêlé d'envie. L'envie fut la plus forte. Il céda au caprice du Lord qui s'allongea tout habillé sur le lit. Ianto se glissa le plus près possible du mur pour lui laisser de la place. Jack posa sa tête sur ses oreillers qui avaient son odeur, fraîche et musquée, délicieuse. Il lui tourna le dos et s'endormit immédiatement. Il était bien plus épuisé qu'il ne se l'avouait. Ianto regarda longtemps son corps endormi avant de céder lui-même aux sirènes du divin Morphée.


Rhea01  (30.11.2010 à 19:34)

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