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Blackwood Manor

Série : Torchwood
Création : 29.09.2010 à 22h17
Auteur : Rhea01 
Statut : Terminée

« Univers Alternatif, toute l'équipe de Torchwood au grand complet au temps de la Reine Victoria. Ou les aventures de Lord Harkness et Ianto Jones, précepteur et bibliothécaire. » Rhea01 

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Jack prit conscience du regard triste posé sur lui. Il se rappela l'envol de la queue de pie après le baiser d'Alec. Il sourit et sans faire plus de cas des qu'en dira-t-on lui prit la main et la serra fortement. Il l'attira vers lui pour souffler à son oreille dans un léger baiser.

- N'aie crainte, mon cœur ne bat que pour toi.

Ianto retira sa main, piquant un fard qu'il dissimula dans l'ombre où il se jeta. Son mouvement brutal attira les regards des occupants de la loge du Conseiller. Jack sourit triomphalement à la réaction de son bibliothécaire qui sifflait furieusement derrière lui.

- Inqualifiable ! en public… indécent !

- Ianto, tu fais l'article de mes qualités ? demanda Jack à voix basse, retenant le rire qui montait.

- Plutôt celui de vos défauts ! Rustre, débauché, béotien.

- C'est un peu fort !

- Autant que ce que vous venez de me dire. Vous me prenez pour une demoiselle ? feula le jeune homme, réfugié à l'abri des regards qui convergeaient vers la source de la querelle.

- Oh, je ne risque pas de confondre mon chat sauvage avec une donzelle. Tu as trop de poils.

Adam éclata de rire à cette dispute mezza-voce qui commençait à attirer l'attention. Il fut pris d'une toux salvatrice, qui cacha les mots de ses compagnons aux oreilles indiscrètes qui se tendaient dans l'ombre. Un bref chut ! les fit se taire et reprendre l'écoute interrompue. Ianto foudroya du regard son maître qui tenta de se montrer piteux sans succès. Il n'était que trop heureux de la réaction de son Gallois. Il se contenta de le regarder alors que sa poitrine se soulevait sous sa respiration heurtée. Il était en colère contre lui, visiblement. Ce baiser l'avait choqué. Il ne comprenait pas ce que cela avait signifié pour lui, un adieu à la passion qui l'avait soutenu jusqu'ici dans sa solitude. Un fantasme qui lui avait permis de survivre à la désespérance d'une vie solitaire. Il glissa ses yeux vers la loge en face et il aperçut les yeux narquois d'Alec à qui la scène n'avait visiblement pas échappée.

Ianto enrageait. Il avait la sensation que Jack se moquait de lui. Il releva la tête et perçut le poids du regard amusé de McNeil. Il se détourna les yeux fulminants, et se concentra pour écouter la fin de l'acte. La Stradelli chantait la fin de Mimi, l'expression de son amour alors qu'elle se savait mourante. Elle était au pinacle de son art, si puissant, si ravageur qu'il sentit son cœur se vibrer au diapason de cette émotion viscérale. A nouveau ses yeux se remplirent de larmes qu'il essuya rageusement, tandis que Jack le regardait pensif, se demandant que dire, que faire pour que le jeune homme lui pardonne cet écart bien innocent.

Le final de l'opéra les ravit, la Stradelli était une artiste d'exception qui avait porté aux nues l'expression de son art. Adam était enthousiasmé par cette version de Puccini qui semblait avoir rasséréné quelque peu son ami. Jack leur proposa à ce moment-là d'aller au foyer des artistes afin de remercier la chanteuse. Jones eut un geste de recul, mais en voyant les étincelles de plaisir dans les yeux d'Adam, il accepta la proposition.

Le Lord se procura des fleurs auprès d'un valet, presque en claquant des doigts. Personne ne pouvait résister à ses ordres. Puis il les guida dans le dédale de couloirs qui les menèrent au foyer. Une foule surtout composée d'hommes en habits de soirée, gants, chapeau et fleurs dans les mains se pressait pour rendre hommage aux chanteuses.

Jack joua des coudes et de sa haute taille pour pousser les uns et les autres et passer rapidement les portes du foyer. Les cris de mécontentement et les haussements de sourcils courroucés glissèrent sur lui comme sur les plumes du canard. Il n'avait cure de la colère qu'il attisait dans son sillage dans lequel Ianto et Adam se faisaient minuscules. Il demanda à voir la Stradelli au porte-clefs qui s'occupait de toute la troupe. Celui-ci gérait les rencontres, les brassées de fleurs et les  poulets à faire parvenir aux danseuses et chanteuses qui avaient attirées le regard ou l'oreille de ces gentlemen.

Ianto vit le Lord glisser un billet dans la main du portier soudain jovial qui leur indiqua la loge de la Prima Donna. Jack fanfaronnait visiblement, désireux de se faire pardonner auprès de son compagnon. De toute évidence, son plan fonctionnait, car le jeune homme souriait enfin. Il se sentait comme un gamin le jour de Noël, excité à la perspective de rencontrer cette artiste d'exception. Il rejeta totalement au fond de sa mémoire l'angoisse et la jalousie ressentie à cause de la rencontre de Jack et Alec. Il ne se sentait plus du tout jaloux alors qu'il découvrait ce nouvel environnement où Jack paraissait à son aise, paradant malgré son anxiété pour son ami le Docteur.

Le sourire du Lord, même figé sur ses lèvres inquiètes attirait les regards des danseuses qui ôtaient leurs robes de spectacle. Le concierge l'avait salué d'un "Monseigneur Harkness, vous nous avez manqué" qui avait fait comprendre au jeune homme combien le Lord était connu. Il enfouit dans son cœur la jalousie qui montrait sa tête hideuse en voyant les sourires dont il était gratifié. C'était malheureusement la règle avec lui, il attirait les regards, l'attention et les sourires naturellement. Son charisme était un don ou une malédiction, un sort qu'il devait porter. Le regard désolé que lui jeta Harkness acheva d'enterrer Méduse, l'affreux sentiment qui le serrait le ventre. Le sourire chaleureux dont il le gratifia, le rendit inexplicablement heureux.

Jack lui donna sa brassée de fleurs et frappa à la porte, le poussant devant lui. Il se sentait fébrile. Ses mains tremblaient sous l'excitation, lissant le papier qui maintenait la gerbe de fleurs. Il ne savait pas comment il devait se comporter : sympathie, enthousiasme, adoration. Il se sentait à nouveau perdu. Jack le poussa en avant après avoir entendu l'autorisation d'entrer de la maîtresse des lieux.

Une atmosphère de boudoir embrumée de poudre, d'odeurs d'étoffes, de bougies qui éclairaient la coiffeuse devant laquelle se trouvait la diva, les accueillit dès leur entrée. Elle avait retiré le lourd costume de scène qui reposait sur un fauteuil. Des bouquets s'amoncelaient sur chacune des surfaces disponibles, mêlant leurs parfums entêtants à l'atmosphère étouffante. La Stradelli se tenait face à sa coiffeuse et passait un linge humide sur son visage pour retirer le maquillage de théâtre qui épaississait ses traits.

Elle les regarda d'un air mi-boudeur, mi-narquois, en femme habituée à l'idolâtrie. Son regard s'éclaira en détaillant le Lord qui ne faisait pourtant rien pour attirer l'attention en restant près de la porte. Elle s'activa soudain et finit de nettoyer son visage, révélant une beauté un peu fanée, patricienne. Ianto trembla légèrement sur ses jambes en s'approchant de cette femme dont la voix mélodieuse venait de lui dire d'approcher.

- Je vous remercie, cher Monsieur, lui dit-elle en battant des cils, tout en respirant le parfum des fleurs, elles sont parfaites.

- je...je... balbutia Ianto avant d'affermir sa voix. Vous entendre ce soir fut une bénédiction. Vous avez su porter aux nues l'expression de ce texte. Vos qualités d'interprète ont sublimé chacun des actes. Madame, c'est moi qui vous remercie de tout mon cœur, acheva-t-il en embrassant la main qu'elle lui offrait.

- Oh, quel vilain flatteur ! minauda-t-elle avec joie, vous savez trousser un compliment, Lord ...?

Elle pencha la tête de côté pour lui demander son nom, présumant au style vestimentaire recherché qu'il s'agissait d'une personne de qualité.

- Non, Monsieur Jones, dit-il, je suis le secrétaire particulier de Lord Harkness, ici présent. Permettez-moi de vous le présenter.

- Faites, faites, un si bel homme ne devrait pas rester aussi à l'écart.

- Madame, dit Jack en la saluant, je n'ai pas la langue d'or de mon secrétaire, mais j'ai apprécié à sa juste valeur l'éclat de votre voix.

- Vous-même vous êtes un beau parleur, très Cher, roucoula-t-elle.

- Je suis plus un homme d'action, Belle Dame, qu'un homme de mots. Je laisse cela à mon cher secrétaire.

La manière dont il accentua les derniers mots réchauffa le cœur du Gallois qui se faisait littéralement ignoré par son idole. Elle n'avait pas eu un seul regard pour le pauvre Adam dont la pauvre mise lui assurait que l'homme n'avait pas de fortune. Lord Harkness au contraire, elle savait qu'il possédait une des plus grandes fortunes de l'Empire. Être dans ses bonnes grâces pouvait certainement jouer en sa faveur. La femme en elle surpassa l'artiste qui aimait se faire encenser. Elle se sentait prête à se laisser caresser par ses doigts, entreprendre par cet homme qui malheureusement ne semblait n'avoir d'yeux que pour l'homme mince et timide qui l'accompagnait.

Que lui trouvait-il ? Il paraissait trop falot, trop fin et trop jeune pour avoir un quelconque intérêt. Elle se redressa, mettant en valeur ses armes féminines de manière élogieuse. Elle savait que l'âge grignotait ses appâts qui restaient pourtant encore fort beaux. Elle minauda, en se rapprochant de Jack dont le vieux fond de libertinage resurgit. Il aimait se faire désirer et l'éclat des yeux de la cantatrice était tentateur, diablement aguicheur. Il reposa les yeux sur son secrétaire qui paraissait subjugué par le phrasé de la femme qu'il admirait tant. La comparaison n'était guère à l'avantage de celle-ci. La vision du visage extatique de Ianto le ravissait, lui donnait envie d'être regardé de la même manière. Un désir brutal lui serra le ventre, incapable de l'assouvir sur-le-champ.

 


Rhea01  (16.12.2010 à 23:17)

- Désirez-vous que je chante un air pour vous, Cher Lord ? Prenez place près de moi.

Elle le sépara volontairement de ses compagnons auxquels elle tourna le dos pour pousser une cantate qui plut à Jack par ce qu'il voyait se peindre sur le visage de Ianto dans le dos de la chanteuse. Les délicates notes de la chanson l'émouvaient, sans qu'il ne lui tienne rigueur de la manière dont elle l'ignorait. La Diva s'aperçut soudain que l'attention de Lord Harkness était distraite. Elle se tourna alors vers le public qui lui appréciait son art. La passion exacerbée du chant les maintinrent dans une bulle enchantée, où le silence était encore harmonie. Ianto avait les larmes aux yeux, Adam souriait béatement. Jack rit doucement. La soirée avait été riche en émotions et en rencontres.

Ianto applaudit finalement, incapable de réfréner son enthousiasme. La Stradelli le saluant, souriante.

- Vous êtes un véritable mélomane, monsieur Jones, c'est un honneur de chanter pour une personne qui apprécie autant l'art lyrique !

- Lorsqu'il est poussé à une telle maîtrise, c'est un régal dont je ne me lasserais jamais. Je suis prêt à venir vous écouter pour la prochaine représentation où vous vous produirez.

Elle se rengorgea, c'était un tel plaisir de se faire encenser par un véritable idolâtre.

- Madame, nous allons vous laisser à vos autres adorateurs, dit Jack, légèrement soucieux de la dévotion avec laquelle Ianto regardait la cantatrice. Si vous voulez bien, j'ai encore besoin de sa présence à mes côtés. Je désire aussi son admiration.

Il s'inclina devant elle, et lui embrassa la main. Ianto et Adam l'imitèrent. Jack était impatient de partir, il lisait parfaitement dans les pensées de la cantatrice. Elle souhaitait un protecteur argenté pour pouvoir se retirer en pleine gloire. Elle savait qu'un jour elle ne pourrait plus chanter, s'attacher un admirateur pourrait la sauver de la misère qui trop souvent touchait les artistes. La Bohème en était une véritable peinture, la chanter ne pouvait que lui rappeler le sort qu'elle pourrait connaître. Elle les regarda partir avec tristesse, l'un et l'autre si proches qu'elle s'en sentit jalouse.

L'atmosphère étouffante commençait à peser à Lord Harkness, qui s'apercevait qu'il n'était pas aussi féru de musique que son secrétaire qui semblait vivre un rêve éveillé. Il appréciait certes, mais il n'éprouvait pas la même émotion. Il l'avait dit, il était un homme d'action.

En sortant, il se heurta à Harold Saxon et son fils, qui le foudroya à nouveau du regard. Harold émit un léger sourire en laissant le passage à Harkness qui leva un sourcil interrogateur. Ses yeux cherchaient la présence de McNeil.

- Notre ami est parti, dit Saxon, votre présence lui a sans doute était trop éprouvante. Vous me l'avez rendu dans un état particulier.

- Il s'en remettra, dit Jack en haussant les épaules avec désinvolture.

Il feignait de ne pas se soucier de l'état d'Alec. Mais son absence le chagrinait quelque peu.

- Monsieur, je vous salue, dit-il en matière d'adieu, en s'engageant dans la foule bruissante qui attendait la sortie de la cantatrice.

- Harkness, n'oubliez pas ce que je vous ai demandé. Si vous voyez notre cher Docteur, n'hésitez pas à venir me voir.

- Comme je vous l'ai dit plus tôt, je ne l'ai pas vu depuis des années. C'est une page de mon histoire close depuis longtemps.

- Je crois cependant savoir que notre ami garde toujours un œil sur ses anciens compagnons. J'ai besoin de le voir pour savoir ce qu'il compte faire.

- Cela, je l'ignore. Ce qui motive les actes du Docteur est au-delà de ma pensée. Ianto, nous partons.

Saxon le regarda partir avec un air mystérieux. Ianto avait la sensation que cet homme connu cachait quelque chose. Le jeune homme qui l'accompagnait avait un air familier, mais il n'arrivait pas à se rappeler où il avait bien pu le rencontrer. La haine avec laquelle il regardait Jack Harkness l'étonnait. Il ne comprenait pas, habituellement les gens n'avaient jamais ce regard pour le Lord. Cela l'interpella. Que cachaient-ils donc ? Et Pourquoi Jack avait-il l'air aussi sombre en les quittant ?

Jack grimpa sans mot dire dans la calèche qui était revenue les chercher. Il garda le silence alors qu'ils ramenaient Adam à son logis. Il n'ouvrit pas la bouche alors qu'ils roulaient en direction de l'hôtel particulier. Ianto respecta son silence, observant les rues tranquilles à cette heure. Alors qu'ils arrivaient aux grilles de la maison de Durham, il remarqua Ewen qui se promenait main dans la main avec une rousse flamboyante. Il jugea la jeune fille plus âgée que le domestique. Mais ils semblaient faire un joli couple d'amoureux alors qu'ils s'arrêtaient à distance des grilles et s'embrassaient passionnément. Ses yeux se reposèrent sur Jack. Cet homme avait été amoureux d'Alec McNeil autrefois. Comment prenait-il son retour ?

Son cœur se serra comme dans un étau. Il s'efforça d'ignorer cette sensation. Mais laissé seul avec ses pensées, il en vint à se montrer clair avec lui-même. Il l'aimait tout simplement. Son physique n'était pas la seule raison pour laquelle son cœur s'emballait autant en sa présence. Il était beau, certes, autant qu'un Apollon antique. Cependant, Jack Harkness était plus que la somme de ses talents, c'était tout un ensemble qui lui affolait l'esprit. Il soupira, attirant l'attention du Lord pensif.

- Eh bien, qu'as-tu à soupirer ainsi, lui demanda-t-il, tu n'as pas passé une bonne soirée ?

- Si, une très bonne soirée, dit Ianto avec un faible sourire, très intéressante.

- Alors pourquoi cet air sombre, dit Jack en haussant un sourcil, scrutant le visage soudain grave de Ianto.

- Rien, c'est cet homme, Alec McNeil. Son retour, cela change beaucoup de choses, n'est-ce pas ?

- Changer quelque chose, demanda Jack en souriant, mais à quoi ?

Ianto lutta contre lui-même. Devait-il lui avouer ce qu'il éprouvait pour lui ou bien lui laisser sa liberté ?

- Ianto, n'oublie pas ce que je t'ai dit cet après-midi. Je ne pense qu'à ton bonheur. Le retour d'Alec ne change rien pour moi. C'est inattendu, certes mais ce n'est pas cela qui me trouble le plus.

- C'est Harold Saxon alors ?

- Oui, cet homme m'a posé des questions sur le Docteur. J'ai l'étrange sensation qu'il le connaît très bien. J'ai compris en parlant avec lui qu'il souhaitait me soutirer des informations sur lui. Où il se trouve ? Ce qu'il fait ? Ce qu'il veut ? Je ne puis lui répondre.

- Parce que vous ne l'avez vu depuis des années ?

- Exactement, Ianto, exactement. Je ne sais pas ce qu'il fait, quel pays il visite en ce moment ? Alec l'a vu pourtant à Aden.

- Il l'a rencontré ?

- Oui, apparemment, ce serait lui qui lui a permis de rejoindre l'Angleterre avec un message pour moi.

- Lequel ? demanda avidement Ianto.

- Que je lui manquais mais qu'il fallait que je sois heureux. Je le soupçonne de m'avoir renvoyé Alec dans ce but. Cela serait tout à fait dans sa manière d'intervenir.

Ianto pâlit, ses mains se tordirent inconsciemment. Un mouvement qui n'échappa pas à l'oeil acéré de Jack Harkness, malgré l'obscurité relative de lhabitacle.

- Ce qu'il ignore, c'est qu'à l'heure actuelle, je suis heureux, en paix avec moi-même, dit Jack avec un petit rire, j'ai enfin le sentiment d'être apaisé. Ma solitude me pèse moins quand tu es proche.

Ianto ouvrit de grands yeux, alors que la calèche entrait dans la cour de la propriété.
- J'ai vieilli, Ianto, j'ai mûri, reprit-il, je ne suis plus le même homme qu'Alec a connu, se complaisant dans des aventures sans lendemain. Avec Alec, c'était fort, passionné...enivrant. Mais j'ai guéri de lui, de son absence. Je me suis habitué à sa mort. Trop longtemps, j'ai chéri cette passion sans comprendre que je m'étiolais dans ce souvenir. Ce qui rend vivant, c'est la vie elle-même, les sentiments, les émotions.

- Maintenant qu'il est de retour, dit Ianto d'une voix blanche, vous pouvez reprendre là où vous êtes arrêté.

- Je ne le crois pas, répondit Jack en cherchant le regard de son bibliothécaire, j'ai toujours de l'affection pour lui, mais la vie a placé sur mon chemin un nouveau défi et j'entends bien ne pas m'y soustraire.

Ianto rougit alors que leurs regards se vrillèrent l'un à l'autre, brillants d'expectative. Il n'aurait jamais imaginé que ce que ressentait le Lord était de cette nature. Il avait toujours cru qu'il éprouvait pour lui une attirance physique qui le poussait à le poursuivre jusque dans sa chambre. Mais il ne s'était jamais permis de penser que Jack puisse lui rendre ses sentiments. Il ne voulait pas cependant se bercer d'illusions. Il ouvrit la portière, saisi d'un frisson de crainte et d'excitation. Jack retint sa main et la garda enfermée dans les siennes.

- J'ai plus que de l'affection pour toi, Ianto. Tu m'attires, tu m'émeus, tu hantes mes rêves la nuit, mes fantasmes le jour. Ne me fuis pas, je t'en prie.

- Je ne vous fuis pas, dit le jeune homme, nous sommes arrivés. Il faut que nous sortions de la calèche ou Rhys va s'inquiéter.

Il cachait derrière un ton raisonnable les sentiments qui lui brûlaient la gorge. Il ne pouvait lui dire ce qu'il ressentait lui-même. Il ne se sentait pas prêt. Il lui fallait encore du temps, trop de temps. Il sauta à bas de la calèche, atterrissant sur les graviers crissants. Jack soupira et le suivit. Rhys s'élança immédiatement vers eux, brandissant sa lampe qui éclairait son visage alarmé. Jack tenta de le questionner mais le majordome incapable de parler lui fit signe d'entrer. Jack et Ianto échangèrent un regard inquiet et suivirent Rhys dans la maison où les attendait un visiteur imprévu.

A suivre...


Rhea01  (16.12.2010 à 23:23)

Partie Quatre

Chapitre quatre : où Jack apprend de terribles nouvelles...

La maison était illuminée, malgré l'heure tardive. Les deux hommes suivirent Rhys, incapable de prononcer un mot jusqu'au salon tendu de bleu dans lequel les attendait le visiteur si tardif. Jack se figea en découvrant Owen Harper assis dans un fauteuil, regardant le feu qui brûlait bien inutilement dans la cheminée alors que l'air était si doux. Il avait l'air épuisé, malade de chagrin, d'énormes cernes lui mangeaient le visage. Jack s'alarma immédiatement. Il ne les avait pas prévenus d'une visite, surtout à cette heure. Le Lord fronça des sourcils en interrogeant son ami qui se leva à leur arrivée.

- Owen, que fais-tu ici ?

- Je suis venu aussi vite que possible. J'ai de graves nouvelles pour toi. Blackwood a brûlé, dit-il sans prendre le temps de prendre des gants pour annoncer la nouvelle.

Owen avait toujours eu cette attitude commune à beaucoup d'hommes de science, il exposait les faits tels qu'ils étaient, malgré la brutalité des mots au risque de blesser ses  interlocuteurs.

- Comment s'exclama Jack, interdit, mais que s'est-il passé ? Tout le monde va bien ?

- Nous ignorons ce qu'il s'est passé, dit Owen en se levant pour le serrer entre ses bras, tout le monde est sain et sauf, ne t'inquiète pas. Choqués mais indemnes, mais…

- Mais quand cela est-il arrivé ? l'interrompit Jack, alors que Ianto retenait une exclamation de surprise. Il comprenait mieux l'air sombre et affligé de Rhys, pourtant il soupçonnait que ce n'était pas là toute l'histoire.

- Il y a quatre jours. Mais il y a plus alarmant, Steven a disparu.

- Quoi ? demanda Jack, soudain angoissé. Comment ? Est-il mort ? Non...

- Personne ne l'a vu sortir pendant l'évacuation du manoir. Gwen s'est même jetée dans les flammes pour le retrouver, mais nous n'avons pas réussi à le retrouver, ni lui, ni son corps.

- Quoi, Ma Gwen ! s'écria le majordome, sans refréner son inquiétude, de toute évidence Owen lui avait appris l'incendie du manoir mais avait omis de lui révéler cette partie.

- Ne t'inquiète pas, Rhys, tout va bien, elle a perdu quelques centimètres de chevelure et a quelques brûlures mais elle va bien. Elle n'a pas pu atteindre sa chambre. Nous avons dû attendre que les cendres refroidissent pour comprendre qu'il n'a pas brulé comme tout le reste. Steven a disparu pendant cet incendie, mais je suis sûr qu'il a été enlevé, Jack. Après l'incendie, je suis allé dans les décombres de sa chambre mais aucune trace du garçon. Rien pour penser que Steven ait été surpris dans son sommeil par les flammes. J'ai interrogé tout le monde Jack, personne ne l'a vu sortir. Mais on m'a raconté que des hommes bizarres rôdaient autour du château quelques heures avant. Je suis désolé, tu m'avais confié la garde de ton fils et de ton manoir. J'ai manqué à mon devoir !

Il semblait s'en vouloir terriblement et Jack le prit dans ses bras pour le réconforter. Voir son ami habituellement moqueur et joyeux dans un état aussi agité troublait Jack considérablement. Il le fit asseoir à nouveau dans la chauffeuse. Il fallait qu'il ait plus de détails sur ce qui avait bien pu arriver au manoir et à son fils.

- Tout a brûlé ?

- Tout, je suis désolé, tellement désolé. Je n'ai rien pu faire, dit Owen en baissant la tête. Nous avions commencé à décorer le manoir pour le mariage et le feu a pris dans la grande salle. Nous ne savons pas encore comment. J'ai dû exiger que le constable vienne enquêter mais il est persuadé que c'est un accident lié à mes expériences. Je te jure, Jack, que ce n'est pas une erreur de ma part. Il croit que Steven erre quelque part dans la forêt, comme s'il avait pu s'y rendre tout seul !

- Allons, le consola Jack, jugulant sa propre inquiétude, nous allons le retrouver, mais je ne pense pas qu'il soit dans la forêt...

- Tu crois aussi qu'il s'agit d'un enlèvement, dit Owen en relevant la tête.

- J'ai de bonnes raisons de le croire. Je pense que Suzie est derrière tout cela. Je vais t'expliquer. Ianto, va me chercher les documents qu'Adam nous a laissé.

Ianto s'élança hors de la pièce afin de répondre à l'ordre du Lord. Celui-ci profita de l'absence du jeune homme pour résumer en quelques mots l'enquête diligentée sur Suzie par Adam et les mésaventures de Ianto. Owen salua la mort de Hart qu'il détestait cordialement d'un haussement d'épaule. Il n'allait certainement pas pleurer sa disparition, surtout lorsque Jack lui expliqua tout ce qu'il avait fait subir à Ianto. La rage brûla au fond de ses yeux. Il ne supportait pas savoir ce que le jeune homme avait obligé de faire.

- Le fils de p..., jeta-t-il, alors que le jeune homme revenait dans la pièce, il aura été au bout de son caractère abject.

Celui-ci fronça des sourcils alors qu'il comprenait que Jack avait tout expliqué à son ami. Il détourna la tête, embarrassé. Il n'avait pas envie de lire du mépris dans le regard d'Owen. Il tenait à son amitié et aurait préféré que le Lord tint sa langue.

- Ianto, reprit le médecin en se levant pour le prendre par l'épaule, le forçant à lui faire face. Tu n'es pas responsable de ce qu'il t'a fait. Cela ne change en rien l'amitié que j'ai pour toi. Sois-en assuré. Je suis ton ami et ton médecin. Si jamais tu as besoin d'une oreille attentive, je serai là pour l'écouter. Ce Hart... c'est à cause de lui que tu ne parles pas de ton adolescence ? Comme je te comprends !

- Je te remercie, dit Ianto en le tutoyant pour la première fois, touché par son émotion. Cela le soulageait en réalité de savoir que cela n'entachait pas leur amitié. Il lui fut reconnaissant de ne pas le juger sur des actes qu'il avait été forcé de faire.

- En tout cas, Jack, il faudrait que tu prennes meilleur soin de ton secrétaire, ce n'est pas normal qu'il se blesse aussi souvent. Il n'y a pas une seule partie de son corps qui ne soit pas marquée.

- J'en serais enchanté, dit le Lord, en souriant à moitié, rongé par l'inquiétude, mais tant qu'il ne le souhaite pas, je ne puis l'empêcher de chercher les ennuis.

- Il est de ton devoir de le protéger.

La flamme qui s'alluma dans les yeux de Jack lui confirma que c'était là son plus cher désir.

- De plus, souligna Jack, je ne peux empêcher que les ennuis le trouvent.

- Je puis me protéger seul, maugréa Ianto, du moins, je peux essayer.

- Ne te rebelle pas, dit Owen, en reportant son attention sur le jeune homme. Mais j'en doute fortement, je préférerai que Jack t'apprenne à te défendre, cela te ferait le plus grand bien même si tu t'es étoffé un peu depuis que tu travailles à Blackwood.

- Très bien, fit Ianto en baissant la tête visiblement contrarié.

Il avait horreur qu'on le prenne pour un être fragile qui ne pouvait prendre ses propres responsabilités en fonction des possibilités qui s'offraient à lui. Il n'avait pas eu de chance avec Hart, mais il était adulte maintenant. Malgré ce qu'Owen pensait, il était capable de se suffire à lui-même. Il masqua la colère qui grondait en son sein, serra les poings et les dents, puis releva la tête fièrement. Jack s'aperçut du changement d'humeur et lui tendit une main apaisante.

- Ianto, nous avons toujours besoin d'un ami qui nous aide et nous tende la main, crois-moi. Il y a deux semaines, tu as eu besoin de moi. Aujourd'hui, j'ai besoin de toi. Nous partons dès demain pour Blackwood afin de mener là-bas les recherches sur mon fils. Je suis inquiet, je ne te le cache pas. Nous pourrons peut-être retrouver des traces de ses ravisseurs. Ils ne sont sans doute pas passés inaperçus.

- Je comprends Monsieur, dit Ianto en s'inclinant, je serais toujours derrière vous.

Jack lui dédia un petit sourire fin, il n'osa pas lui dire la pensée qu'il venait d'avoir à l'instant. Il était trop angoissé pour tenter de plaisanter.

- Owen, il faut que tu te reposes. Je vais envoyer un message à Adam pour qu'il continue d'enquêter sur Suzie. Je suis sûr qu'elle est derrière tout cela. Les notes dans son journal me semblent plus claires. Lis-les Owen, tu verras, on apprend beaucoup de choses sur elle. Tu demanderas à Adam de faire des recherches également sur Nox. Je veux tout savoir sur lui, même s'il est mort de peur en prononçant son nom.

- Nox, dis-tu ? fit Owen en s'étranglant avec le café que Rhys lui avait servi.

- Oui, pourquoi ? le connaîtrais-tu ?

- Disons que je lui ai emprunté de l'argent il y a quelques années pour financer un loisir particulier.

- Le jeu ? s'enquit Jack.

- Oui, c'était avant de te rejoindre aux Indes et j'ai pris goût aux tables de jeu, par ennui d'abord par passion ensuite. Nox est très dangereux.

Sa voix s'était altérée, il était encore effrayé par l'homme qui lui avait prêté de l'argent à cette époque.

- C'est d'ailleurs pour cela que tu m'as rejoint à Dehli pour en finir avec le démon du jeu.

- Cela a bien fonctionné, je me suis défait de ce besoin compulsif en partant loin mais aussi parce qu'il m'a fait une peur bleue en réclamant son dû.

- Il t'a menacé ? demanda Jack éberlué.

- Oh non, il m'a directement fait attaquer. J'ai été battu comme plâtre, j'ai échappé de peu à la fracture, dit Owen en se massant la jambe, l'avertissement a été très clair. Je me suis débrouillé pour pouvoir lui rendre l'argent et j'ai cessé de jouer. Ce démon a failli avoir ma peau. J'ai pris alors le premier bateau pour l'Inde pour te rejoindre.

- C'est vrai, tu m'en avais parlé, j'avais oublié son nom.

- C'est parce que je t'ai parlé de son bras droit, Gray Lenton. Nox est un personnage sombre et dangereux comme son nom l'indique, mais je ne l'ai jamais rencontré. L'autre par contre, je n'oublierai jamais son visage. Mais qu'as-tu ?

Owen s'avisa que son ami affichait soudain un teint de cendre. Ianto se tourna vers lui alerté par le ton inquiet du médecin. Le lord semblait être victime d'un chagrin sans nom, effondré. Que lui arrivait-il ? pourquoi ce visage fermé ?

- Rien, rien, ce n'est rien, dit Jack en se passant la main sur le visage, chassant l'ombre qui l'avait touché. Il arbora à nouveau ce sourire irrésistible, dans lequel Ianto lut de la culpabilité. Bien, vous avez vos ordres, allons-y. Demain nous partons.

Jack prit ses décisions. Demain, il partait pour Blackwood à cheval, accompagné par Ianto. Il était impatient de quitter la ville. Owen, épuisé par son voyage accepta de partir plus tard avec la calèche, avant de reprendre le long voyage pour Blackwood. Rhys s'occupa de tous les préparatifs, pestant après l'absence de Ewen.

Owen le regardait avec compassion. Il n'aimait pas être le messager d'une si triste nouvelle. Il aurait aimé lui apprendre tout autre chose, comme la réussite de ses recherches sur un remède pour la malaria. Il salua les deux hommes avant de monter se coucher, la tête basse.


Rhea01  (20.12.2010 à 22:50)

oOoOo

Jack était bouleversé d'avoir appris que son manoir avait brûlé, même s'il se réjouissait de l'absence de pertes humaines. Il semblait particulièrement abattu par l'annonce de l'enlèvement de son fils et l'incendie de son manoir. Mais quoi de plus normal pour un père que de s'inquiéter de la disparition de son fils ? Ianto le voyait préoccupé, perdu dans des pensées sans doute désagréables au vu de la ride profonde qui creusait son front soucieux.

Jack soupira et se passa les mains dans les cheveux, toujours assis dans son fauteuil préféré qui n'arrivait pourtant pas à le rasséréner. Ianto lui servit un whisky et le lui tendit sans un mot.

- Encore une fois, le sort s'acharne sur nous.

- Nous rentrons à Blackwood.

- Oui, nous partirons demain à la première heure. Tu devrais sans doute aller te coucher. Le voyage va être éprouvant.

- Vous devriez vous-même vous reposer, dit le jeune homme d'un ton apaisant.

- Je ne suis pas sûr de pouvoir dormir, dit le Lord, je m'inquiète pour Steven.

- Vous êtes persuadé qu'il a été enlevé ?

- Oui, tu te rappelles le journal de Suzie ? Elle faisait allusion à une mission de Nox. Je comprends mieux, cela a certainement trait à l'incendie et à l'enlèvement de Steven.

- Qu'allez-vous faire à Blackwood ? si elle a fait enlever Steven, j'imagine qu'elle n'est pas restée sur le lieu de son crime.

- Bien sûr, je le sais bien, mais j'ai besoin de savoir que tous vont bien là-bas et lancer les travaux pour la reconstruction. Sans parler de l'enquête, je suis sûr que le constable Randall Crift ne va pas s'impliquer sur cette affaire. Tu as entendu Owen, Crift est persuadé que c'est sa faute, uniquement parce qu'il a détruit sa maison, il y a quelques mois avec ses fameuses expériences. Cette affaire me préoccupe, Ianto. Suzie est capable de tout et si elle est en compagnie d'hommes aussi peu recommandables que Nox, je crains le pire.

- Je suis d'accord, dit Ianto, je suis inquiet aussi pour Steven, j'espère qu'il va bien.

- Je connais ton attachement à mon fils, viens là.

Le lord attrapa son bras et l'attira à lui. Il posa sa tête sur son ventre et l'entoura de ses bras. Il respira l'odeur de son secrétaire, douce et masculine. Il le sentit frémir sous son contact. Jack le serra dans ses bras, cherchant autant le réconfort qu'à réconforter le jeune homme qu'il sentait bouleversé par l'annonce de l'incendie et de l'enlèvement de Steven. Ses mains glissèrent le long de son dos, caressant. Il eut la surprise de sentir les mains de l'autre homme se faire douces, réconfortantes, éveillant en lui un désir jamais lointain.

Il leva son visage vers lui, ils échangèrent un regard profond où la compréhension fit place au désir. Ianto baissa la tête et lui prit le visage entre ses mains, caressant du pouce l'angle de la mâchoire. Jack cessa de respirer en l'entendant déglutir.

- Envie de quelque chose Ianto ? demanda-t-il en souriant.

L'autre homme lui coupa définitivement l'envie de parler en l'embrassant passionnément. Il sentit sa langue venir lui effleurer les lèvres qu'il entrouvrit avec plaisir. Leurs langues se mêlèrent, leurs souffles ne firent qu'un alors que le désir s'emparait l'un de l'autre. Les doigts frais de Ianto serpentaient dans son cou, jouant avec ses mèches un peu longues. Jack glissa ses mains sous le veston du jeune homme, tirant sur sa chemise bien enfoncée dans son pantalon, impatient de sentir sa peau. Il le sentit frissonner et suspendit son geste. Le mordillement qui suivit le ravit. Ianto paraissait vouloir dépasser ses propres limites. Jack s'écarta de lui pour le regarder. Il avait les yeux brillants, la bouche gonflée par le baiser et un air intrigué de le voir le rejeter.

- C'est une façon de me rendre le sourire ?

- Cela a-t-il cet effet ?

- Pas seulement, Ianto... penses-tu être prêt ?

- Je ne le saurais jamais si vous ne cessez de me repousser... contrairement à d'autres.

Le jeune homme sourit fiévreusement. Un sourire qui fit battre le cœur de Jack, autant que la manière dont il se mordit les lèvres. Le baiser qu'il avait échangé avec Alec semblait avoir laissé des traces dans l'esprit du jeune homme. Doutait-il de son affection ? Jack se résolut à devoir le laisser réfléchir.

- Allons dormir, demain, le voyage sera difficile, dit-il d'un ton raisonnable, nous allons rejoindre Blackwood à cheval.

Il se leva de son fauteuil et lui prit la main, la posant contre son cœur.

- N'oublie jamais ce que je t'ai dit. Prends ton temps, je saurais attendre et je ne te remplacerai pas par d'autres, comme tu dis. Va dormir Ianto, tu as besoin de te reposer. La soirée a été éprouvante, non ?

- Plutôt, dit le jeune homme mais ce qui m'éprouve le plus, c'est de vous savoir aussi triste et bouleversé.

- C'est vraiment toi de te soucier de mon confort plutôt que du tien.

- L'un ne va pas sans l'autre, dit le secrétaire en haussant les épaules.

- Sauf que je préférerais que tu te soucies un peu plus de toi que de moi.

- Cela m'est impossible, dit Ianto en souriant, pas après tout ce que vous avez fait pour moi, tout ce que vous m'avez dit. Je ne veux pas vous laisser seul.

- Pourquoi ? As-tu peur que je parte sans toi ?

- Vous ne feriez pas cela ! s'écria le jeune homme, je vous accompagne. Je ne vous quitte plus.

- Et pourquoi, insista Jack, avide de savoir enfin ce que pouvait ressentir le jeune homme de lui.

Ianto détourna son visage de lui, mais il laissa sa main en place, sentant son cœur battre si fort, tremblant légèrement.

- Il y a quelque chose que tu souhaites me dire ? le poussa-t-il un peu plus.

- Je... le jeune homme rougit avant de retirer sa main de celles de Jack. Il venait d'entendre un bruit derrière la porte. Il s'arracha à l'étreinte de Jack, soudain alarmé.

- Qu'il y a-t-il ?

- Je viens d'entendre quelque chose, chuchota-t-il, soudain inquiet que quelqu'un vienne les interrompre.

- Un fantôme, dit en riant Jack, surpris par le sérieux avec lequel Ianto prenait cela. Le secrétaire lui fit signe de se taire tout en s'approchant de la porte à pas comptés.

Il ouvrit la porte brutalement, Ewen chuta sur le sol, avec un air consterné.

- Ewen, que fais-tu ici à écouter aux portes ? demanda Ianto, je t'ai déjà interdit d'espionner. C'est très incorrect.

- Je suis désolé, Maître Jones, Lord Harkness, je voulais juste savoir qui était là.

- Eh bien, tu le sais maintenant, fit Ianto en le relevant. Va te coucher, nous partons demain.

- Demain, déjà ? fit le gamin sans pouvoir se retenir.

Jack sourit en posant les mains sur ses hanches.

- Hé bien, tu n'as pas l'air enchanté de partir de Londres.

- Non, non, ce n'est pas ça, dit Ewen en évitant son regard intrigué.

- C'est plutôt la perspective de laisser ta belle amie qui t'angoisse à ce point, demanda Ianto en souriant à son tour.

Le gamin se tordait les mains, troublé par le regard que les deux hommes posaient sur lui.

- Il a une belle amie ? demanda Jack à Ianto.

- Une petite rousse avec laquelle je l'ai vu rentrer tout à l'heure.

- Ivy n'est pas ma belle amie, se récria Ewen, je... je l'aime et je ne veux pas quitter Londres en la laissant toute seule.

- Je suis désolé Ewen, mais nous devons rentrer, il y a eu un incendie à Blackwood. Il faut que je retourne là-bas pour m'occuper de ma demeure.

- Tout a brûlé? demanda Ewen choqué, et ma soeur ? mes parents ?

- Tout le monde va bien, ne t'inquiète pas. Va te coucher Ewen, demain tu aideras Rhys pour fermer la maison.

- Oui, maître Jones, dit l'adolescent soulagé, s'éclipsant sans attendre.

Ianto se dirigea vers la porte, sans regarder le Lord qui l'observait. La magie de l'instant l'avait quitté, il voulait se retrouver seul pour réfléchir à ce qu'il avait failli dire.

- Lui au moins, n'a pas de mal à évoquer ses sentiments, jeta Jack au dos de l'homme qui le fuyait. Il le vit se raidir, mais continuer son chemin. Il monta l'escalier et échappa au regard de son maître. Il avait besoin de réfléchir seul.

Jack retourna s'asseoir dans son fauteuil, à contempler mélancoliquement les flammes de l'âtre qui achevait de se consumer. Il n'était pas nécessaire d'allumer un feu au milieu de ce mois de juin suffoquant. Mais cela donnait une note réconfortante à la pièce. Il soupçonna Rhys de l'avoir fait allumer pour Owen. Il entendait le vent murmurer dans les arbres si proches. Ianto Jones... toujours enclin à le réconforter et pourtant, il venait de le fuir, encore une fois.

Il savait que cela lui prendrait du temps pour qu'il oublie ce qu'il avait vécu avec Hart. Mais le temps lui semblait long et le jeune homme trop désirable. C'était frustrant en réalité d'avoir cet homme chez lui. Toshiko avait raison, il n'avait pas résisté au charme de Jones. Il fallait qu'il s'éloigne pour lui laisser le temps de se remettre seul. Il soupira, la décision lui était difficile mais il fallait que Ianto prenne ce temps pour réfléchir à ce qu'il voulait vraiment.

Il sonna, Rhys en baillant arrivant quelques minutes plus tard.

- Oui, Lord Jack.

- Je sais qu'il est tard et que tu dois te reposer pour tout préparer demain. Je voulais simplement te demander de venir me réveiller demain matin à la première heure. Ne réveille pas Ianto, je veux qu'il se repose.

- Bien, Lord Jack, c'est tout ce dont vous avez besoin ?

- Non, j'aimerais bien un moyen de me rendre immédiatement à Blackwood, ou bien pouvoir remonter le temps, mais tu n'as rien de tout cela en ta possession, j'imagine ?

- Non, je suis désolé.

- Owen a dit que Gwen allait bien. Elle a été très courageuse de braver le feu pour chercher mon fils.

- C'est Gwen, elle est comme ça, on ne pourra pas la changer. Mais je m'inquiéterai toujours pour elle.

- En effet...

- Ce sera tout ?

- Oui, oh et fais attention à Ewen. Il vient seulement de rentrer et il n'a pas envie de rentrer à Blackwood. Evitons qu'il s'enfuie pour rester ici, seul.

- Le petit gredin, il est sorti sans avoir terminé son service, c'est pour ça que je ne le trouvais nulle part.

- L'amour Rhys, l'amour fait faire de drôles de choses.

- ça, je suis bien d'accord. Vous agissez bien étrangement depuis quelques semaines. Retourner au manoir vous fera du bien.

- Cela nous fera du bien à tous… oublier Londres et ses aventures.

- Moi, c'est surtout retrouver Gwen qui me fera du bien.

- Comme je te comprends, d'ailleurs, puis-je te poser une question personnelle ?

- Faites.

- Est-ce vrai que Gwen t'a attaché pour te faire avouer tes sentiments ? Elle plaisante qu'à moitié quand elle dit cela.

- C'est vrai, dit Rhys en rougissant malgré ses 40 et quelques années, j'étais trop impressionné par elle pour lui parler alors même que nous vivions sous le même toit et nous occupions de vous. Elle m'a attaché dans l'office et interrogé jusqu'à ce que je cède.

- Au moins, cela a débouché sur un mariage.

- Oui, mais j'ai mis beaucoup de temps à lui pardonner.

- Ce n'est sans doute pas une chose à faire.

- Non, ce n'est pas une bonne méthode surtout pour ...

Rhys s'interrompit, en montrant les étages, Jack comprit immédiatement à qui il faisait allusion. Il ne pensait pas être aussi lisible à ses employés. Il devait vraiment sembler bien épris pour que même Rhys se préoccupe de ses sentiments.

- Tu as raison, il vaut mieux pour lui qu'il vienne à moi par choix. Je veux qu'il exerce son libre-arbitre. Ne le réveille pas demain, j'irais beaucoup plus vite seul. Il accompagnera Owen.

- Et de toute évidence, vous ne lui avez pas annoncé, fit Rhys en fronçant les sourcils.

- Je viens seulement de le décider.

- Je me demande comment il va le prendre.

- Pourquoi dis-tu cela ? demanda Jack, affectant un ton léger.

- Vous vous souvenez de la salle de bain, j'ai mis plusieurs heures à tout nettoyer. Il m'a fait peur.

- Ne crains rien, je vais lui laisser un message pour cela. Je lui demanderais de ne pas détruire la salle de bain, cette fois.

- Espérons que cela n'ira pas jusque là, fit Rhys en réprimant un bâillement.

- Bien, bonne nuit Rhys, je monte dans quelques instants. Je n'aurai pas besoin de tes services pour cette nuit.

- Bonne nuit, Lord Jack.

Jack monta à sa chambre, s'arrêtant devant la chambre de Ianto, toujours allumée. Il lutta contre l'envie de frapper à sa porte pour lui souhaiter bonne nuit. Il posa la main contre le chambranle de porte, caressant le bois peint avant de soupirer. Il rejoignit sa chambre pour dormir seul.

La lumière dans la chambre de Ianto brilla encore longtemps avant de s'éteindre. Le petit matin vint bien trop tôt pour ceux qui devaient se lever.


Rhea01  (20.12.2010 à 22:52)

Partie Quatre

Chapitre cinq : ou un voyage aller et retour...

 

Jack s'éloignait de la ville, poussant son cheval sous un soleil de plomb. Il était parti sans même petit-déjeuner dès que cinq heures avaient sonné à l'église Saint-Pier. Rhys lui avait préparé pour la route un casse-croûte qui lui avait semblé un régal. Il menait à présent un train d'enfer à sa monture qu'il allait avoir bientôt besoin de changer au prochain relais.

Il fallait trois jours de voyage pour atteindre Blackwood, il espérait mettre moins de deux jours à faire le trajet cette fois-ci. Il chevauchait depuis bientôt six heures et le soleil lui donnait chaud et soif. Il n'avait pas croisé beaucoup de monde sur la plaine rase et monotone qu'il traversait. L'été était sec cette année et l'herbe paraissait grillée, jaune sous le soleil de juin. Il vit comme un mirage dans le poudroiement de la route, l'auberge où il pourrait changer de cheval et se désaltérer.

Il s'arrêta à l'auberge du Roy et l'accorte hôtesse qui l'avait accueilli presque un mois auparavant le reconnut. Il lui avait laissé un si généreux pourboire qu'elle s'empressa de le servir. Le vin qu'elle lui apporta était frais et heureusement français, cela le changeait des habituels picrates que servait ce genre d'établissement. Il commanda à manger pour accompagner ce vin rafraîchissant, car il avait faim, même s'il ne devait pas être beaucoup plus tard que onze heures du matin. Jambon fumé, saucisses froides et légumes, elle lui servit un déjeuner idéal pour une longue journée à cheval.

Il regrettait presque l'absence de son secrétaire, ils avaient passé tant de temps à Londres qu'il lui manquait à présent. Mais il avait mis cette chevauchée à profit pour réfléchir. L'entrevue d'Harold Saxon, le retour d'Alec McNeil, l'incendie de Blackwood, l'enlèvement de son fils, il avait eu matière à réflexion ce matin-là. Tout s'enchevêtrait dans son esprit, il avait tenté de trouver des liens entre les uns et les autres, comme si une nasse invisible les liait et jetait sur lui une toile qui l'engluait.

Un nom ressurgit dans sa mémoire, Gray Lenton, le bras droit de Nox. Ce prénom seul avait attiré son attention, ébranlant l'épine de regret toujours enfoncée dans sa poitrine. Il ne se passait pas un jour sans qu'il ne se demande ce que son frère serait devenu une fois adulte. Il soupira, le cœur rempli de regret, il l'avait abandonné, il l'avait perdu sans jamais avoir pu lui dire combien il l'aimait. Ils n'étaient que des enfants lorsque Gray avait disparu mais il souffrait de son absence encore aujourd'hui.

Aimer, c'était toujours aussi difficile pour lui de laisser son cœur éprouver ces sentiments qui ne lui avaient été que peu de fois retournés. Il avait aimé son frère, sa famille et il les avait perdu, à jamais, incapable de connaître son nom de naissance. Il avait aimé les soldats qui l'avaient recueilli et les avait abandonnés. Il avait aimé le docteur et celui-ci l'avait abandonné. Alec n'avait été qu'un autre amour perdu comme Estelle. Quant à son secrétaire, il lui fallait laisser le temps de guérir, il n'avait été que trop perturbé par ses expériences passées. Il ricana sourdement, on pouvait dire de lui qu'il n'était vraiment pas heureux en amour. Une malédiction pesait sur lui, il en était sûr. Où sont les sorcières de MacBeth qu'il leur fasse goûter de leurs chaudrons !

Il soupira à nouveau, attirant l'attention de la tenancière de l'auberge qui vint s'enquérir auprès de lui, s'il avait besoin de quelque chose d'autre. Il jugea qu'il ne valait mieux pas qu'il lui parle des sorcières. Il lui fit un bon sourire.

- Seulement un peu de temps et de compagnie, ma bonne dame, mais je n'ai pas de temps alors que j'ai une si jolie compagnie.

Il lui fit un baise-main qui retourna la tête de la plus que quinquagénaire et la tint sous le charme de son regard. Elle rougit et jeta un petit coup d'œil à son mari qui revenait de l'écurie en portant un tonnelet de bière pour le bar. Il ne les regardait pas, occupé par sa manoeuvre. Elle glissa quelques mots à l'oreille de Jack, qui le firent glousser de contentement.

- Hélas, belle Dame, je n'ai pas le temps, mais soyez assurée que je reviendrai ici, la nourriture et la compagnie sont de toute première qualité.

- Vous nous flattez, My Lord.

- Jamais quand c'est mérité, dit Jack, d'un ton flagorneur, en payant son écot. Bien, je vous souhaite bonne journée.

- Revenez quand vous voulez, vous et votre ami ! dit le tenancier en essuyant la planche de bois qui lui servait à servir les verres des habitués, piliers de l'établissement du petit village.

- Bien sûr ! dit Jack en les saluant d'un grand sourire avant de se figer tout net.

- Mon ami, dites-vous ?

- Il vous attend avec les chevaux. Il dit…

Jack n'en entendit pas plus, il venait de sortir de l'auberge pour découvrir que Ianto Jones tenait deux chevaux frais par la bride. Habillé de vêtements pratiques pour la montée à cheval, il paraissait fatigué, couvert de poussière et de très méchante humeur.

- Que fais-tu ici ?

- Je vous accompagne pour le voyage. Je vous ai dit que je serais toujours derrière vous ! fit le jeune homme sans déplisser ses yeux bougons.

- Si je t'ai laissé ce matin, c'est qu'il y a une raison, dit Jack, heureux malgré tout de sa présence.

- Sans doute plus claire que celle que vous m'avez laissé sur votre message « Reste avec Owen, reviens avec lui à Blackwood et apprends à choisir ce que tu veux. Aie pitié de Rhys, ne casse pas la salle de bain » J'avoue ne pas avoir tout saisi.

- Je crois que je n'étais pas tout à fait dans mon état normal hier soir. Sans doute trop d'émotions, fit Jack avec un petit sourire.

- A d'autres, je suis sûr que vous ne vouliez pas que je vous suive parce que je n'ai pas osé aller plus loin avec vous, dit Ianto, les yeux enflammés et serrant les poings de colère.

- Ah non, ne m'octroie pas des idées pareilles. Jamais je n'exerce de représailles pour un motif aussi futile ! Tu as parfaitement le droit de ne pas vouloir dormir avec moi ou de me parler, même après un baiser aussi envoûtant. Je suis parti ce matin, car je savais qu'ainsi je voyagerais beaucoup plus vite.

- Balivernes, fit Ianto en lui tendant les rênes. Je sais que c'est pour une autre raison.

- Ah, et quoi par exemple ?

- Vous aviez besoin de réfléchir, seul, asséna le jeune homme d'un ton buté en sautant à cheval.

- Non, je voulais que tu aies le temps de réfléchir seul. C'est différent.

- Oui, c'est différent, maugréa le jeune homme, en route, je m'en voudrais de vous retarder.

- Ianto, tu ne vas pas faire la tête voyons, s'écria Jack alors que le jeune homme s'éloignait déjà à cheval. Dis-moi plutôt ce que tu as cassé !

Il pressa les flancs de sa bête, accélérant sa course. Jack sauta sur sa monture et lui emboîta le pas. Ils avancèrent ainsi durant toute l'après-midi. Jack tenta à plusieurs reprises de renouer le dialogue, mais Ianto semblait s'enfermer dans un mutisme qui découragea le Lord. Il lui en voulait visiblement d'être parti ce matin sans lui. Il ne desserra les dents qu'à la seconde étape du voyage, l'Auberge du Chat qui pêche, à l'écart de la grand-route. Encore une fois, Jack fut reconnu par l'aubergiste qui se plia à toutes les exigences du Lord avec force courbettes, deux chambres communicantes, le repas servi dans la sienne et réveil aux premières heures du jour. Il bouillait d'impatience et la fatigue accumulée au cours de cette longue journée irritait ses nerfs, d'autant que Ianto ne semblait toujours pas enclin à vouloir lui parler.

Le repas s'effectua dans un silence tendu où chacun restait sur ses positions. Ianto lui montrait un visage semblable à un mur imperméable, un granit dur qui semblait n'avoir aucune faille. Jack s'inquiétait de le voir si mutique. Seuls ses yeux exprimaient une colère que Jack ne comprenait plus. Il était décidément bien fâché contre lui. Ils souhaitèrent bonne nuit de manière maussade. Jack resta pensif dans sa chambre. Ses dernières tentatives de dérider son Gallois en partageant leur repas n'avaient été suivi d'aucun effet. Il commençait lui-même à être furieux du comportement du jeune homme. Allait-il devoir supporter ce visage rageur pendant tout le voyage ? Savoir que ce qui l'attendait là-bas, étaient un manoir incendié, une famille éprouvée et l'absence de son fils, le ravageait. Finalement, il aurait aimé en parler avec son ami mais celui-ci ne lui en avait pas laissé le loisir.


Rhea01  (21.12.2010 à 21:58)

La nuit était bien entamée et il reposait sur son lit, les yeux grands ouverts sur ses pensées qui s'agitaient comme des nuées d'oiseaux de nuit, des corbeaux qui lui arrachaient l'âme. Le clair de lune le baignait de sa lumière pâle et il sentait que malgré la fatigue le sommeil le fuyait. Il se releva et s'assit sur son lit. Il se demanda si Ianto dormait et voulut jeter un coup d'œil sur son sommeil. A défaut de communiquer, il voulait le contempler.

Il se dirigeait vers la porte communicante lorsqu'il entendit un bruit au-dehors, comme des gens qui venaient d'arriver. Il jeta un coup d'œil sur sa montre, 11h du soir. Sans doute des clients tardifs en quête d'une chambre correcte où passer la nuit. L'Auberge du chat qui pêche était éloignée de la route principale mais elle était une des mieux cotés du comté. Eux-mêmes avaient fait quelques milles supplémentaires pour coucher à cet endroit cette nuit-là.

Il entendit soudain des hennissements apeurés, un bruit de cavalcade, des sabots heurtant violemment le pavé de la cour. Il regarda par la fenêtre et vit s'enfuir les quelques chevaux de l'écurie. Il vit aussi une calèche accompagnée d'une dizaine de chevaux attachés à l'entrée. Il fronça des sourcils, tout cela n'était pas très normal. Il entendit alors monter de la salle principale un bruit étrange entre glapissement et couinement.

- Foutredieu, s'écria-t-il avant de pénétrer dans la chambre où Ianto dormait paisiblement dans son nid de couvertures.

Il le secoua, le jeune homme épuisé geignit dans son sommeil, refusant d'ouvrir les yeux.

- Ianto Jones ! Debout ! Les chevaux s'enfuient !

Ianto maugréa puis rabattit les couvertures sur sa tête et se renfonça dans son lit. Jack le secoua plus fort. Il écouta les bruits qui montaient des pièces en-dessous. Il entendit distinctement un son affreux venir de l'escalier, un gargouillis qui évoquait un égorgement à son oreille exercée par l'armée.

- Ianto, chuchota-t-il, en collant sa bouche à l'oreille, je sais que tu es fatigué, je sais que tu m'en veux, mais nous sommes en danger ici.

- En danger, répéta le jeune homme d'un ton ensommeillé, sortant à demi de son lit.

Jack laissa ses yeux glisser sur l'habillement succinct de son secrétaire, simplement sa chemise, largement ouverte sur son torse, qui lui laissait découvrir sa peau diaphane et imberbe. Malgré son alarme, il appréciait ce qu'il voyait, l'aplat de ses muscles fins dessinés par la lueur de la lune, le jeu des ombres qui l'attirait.

- Jolie tenue, tu m'attendais ? lâcha-t-il moqueusement.

- Je suis parti si vite que j'ai pas eu le temps de prendre des vêtements de nuit, dit Ianto en se levant et s'étirant légèrement au grand plaisir de Jack.

Ianto surprit son expression gourmande et le fusilla du regard. Il s'habilla rapidement. Jack lui fit signe de ne pas faire de bruit et alla ouvrir la porte de la chambre du jeune homme. Il vit des ombres qui envahissaient peu à peu l'escalier. Des hommes vêtus de noir montaient à l'étage, poussant l'aubergiste qui n'en menait pas large. Son visage avenant s'était transformé en masque de peur. Il entendit l'homme qui le menaçait d'une lame acérée murmurer d'une voix rauque.

- Où se trouve Harkness ?

- La deuxième chambre, à gauche, la suivante est celle de son ami.

- Toi, toi, dit-il en agitant le doigt en direction de l'étage, capturez Harkness, tuez l'autre !

Jack referma la porte doucement et retourna silencieusement auprès du jeune homme qui venait d'achever de s'habiller. Ils n'avaient que peu de temps. Jack retourna dans sa chambre et s'empara de ses armes. Il en jeta une à Ianto qui comprit à son visage grave et concerné que l'heure n'était pas aux questions. Il imita Jack qui bourrait à toute vitesse son arme. Le Lord vit son regard alarmé.

- N'aie pas peur... tu vas sortir par la fenêtre, murmura-t-il en ouvrant celle-ci, regarde, tu descends par là en t'aidant de la vigne vierge et tu m'attends dans la cour.

- Qu'allez-vous faire ? s'exclama à mi-voix le Gallois peu enclin à le laisser seul face aux ruffians qui s'annonçaient à sa porte.

- Ne t'inquiète pas, je vais m'amuser un peu avec eux et je te rejoins.

- Ils sont plus nombreux que vous.

- Et cela devrait me faire peur ? fanfaronna Jack, tu me connais bien mal, mon pauvre Ianto. Allez, dehors, je les entends arriver.

- Je ne veux pas, renâcla le jeune homme qui ne pouvait détacher son regard de Jack qui s'affairait.

- Mais c'est un ordre ! Ianto, tu n'as pas le choix. File, maintenant !

- Non, fit le jeune homme d'une voix plus forte alors que les pas se rapprochaient de la porte.

- Ianto, ce n'est pas le moment de me faire une scène !

- Monsieur, dit Ianto en modulant l'hystérie qui montait à l'idée de l'abandonner, ils vont vous tuer si je m'enfuis.

- Ils te tueront si tu ne le fais pas. Dépêche-toi ! Maintenant, avant qu'il ne soit pas trop tard.

Il le poussa sans ménagement vers la fenêtre où l'air tiède entrait doucement, contrastant avec la fièvre qui dansait dans ses yeux. Jack avait l'air d'un loup enragé, un homme prêt à en découdre et qui aimait cela. Ianto atterrit contre le cadre de la fenêtre et se repoussa des deux mains. Il se retourna brusquement et le saisit par le col. Il posa brutalement ses lèvres sur celle de Jack qui ne s'y attendait pas. La rudesse de ce baiser, à cause de la hâte et de la peur leur fit entrechoquer les dents mais Jack, le cœur chantant d'allégresse n'en avait cure. Ianto venait de l'embrasser, il le prenait comme un pardon. Il avança les bras pour le serrer sur son cœur mais ses mains n'embrassèrent que du vide. Ianto était passé par la fenêtre et disparaissait lestement en s'aidant du treillage de la vigne vierge qui couvrait le bâtiment. Il ne lui resta que l'impression fantomatique de ce baiser.

Il avait le cœur heureux et ce fut avec un immense sourire qu'il accueillit les malandrins qui venaient de faire sauter le verrou de la porte. Il fit feu et en blessa deux, coup sur coup. Ils s'effondrèrent au sol. Il fit face aux suivants en utilisant son revolver à présent déchargé comme casse-tête, somme toute plus utile en cas de combat rapproché. Ce fut avec un sourire radieux qu'il tomba sous le gourdin du brigand qui était passé par la chambre de Ianto. Le coup le cueillit à l'arrière du crâne, l'assommant proprement.

Les ruffians recherchèrent le jeune homme qui l'accompagnait sans se douter que celui-ci se cramponnait de toutes ses forces sous le balcon, priant pour échapper à leurs regards inquisiteurs. Ils se penchèrent à la fenêtre mais la nuit noire et les nuages miséricordieux, couvant l'orage dissimulèrent Ianto à leur vue. Ils le cherchèrent encore quelques instants avant de sortir de la chambre, emportant le corps du Lord. L'un d'eux le jeta comme un sac de pomme de terre sur son épaule.

- Emmenons-le, l'autre a dû s'enfuir, ou bien on l'a eu tout à l'heure en bas. Combien en as-tu tué, Balan ?

- 3 ou 4, ils ne faisaient pas les fiers, ils avaient trop la trouille pour se rebeller.

- Allons-y, dit celui qui paraissait le chef, Nox nous attend à Londres.

- Hé, et nos gars que c'ui là a tué, on en fait quoi ?

- Rien, on décampe d'ici et on rejoint Londres le plus rapidement possible. Nous avons eu de la chance que l'auberge n'ait pas été pleine. Nous n'allons pas nous s'encombrer de cadavres à ramener en plus. Tu sais très bien ce que Nox vous fera si nous tardons.

- Mouais, je sais. Mais je ne suis pas sûr que John soit mort, si ?

- Tant pis pour lui, il n'avait qu'à être plus prudent. Ne t'inquiète pas pour lui, avec cette blessure, il n'en a plus pour très longtemps. Dépêchons, Nox va être furieux si on se fait prendre. Il a dit de lui ramener Harkness, pas de s'occuper du ménage ou des blessés. Si tu veux, tu n'as qu'à l'achever.

- Hé, t'es un salaud, Gray.

- Non, j'obéis aux ordres comme tu devrais le faire.

Ianto écouta la conversation qui venait jusqu'à lui, jusqu'à ce qu'elle faiblisse lorsqu'ils sortirent de la pièce. Ses mains tremblaient, il ne tenait qu'à la force de ses doigts blanchis sous l'effort, les tendons des bras tendus à se rompre, la peur au ventre. Il crut de ne pas trouver la force de remonter, mais la perspective de se faire découvrir accroché à la vigne lui redonna vigueur. Il parvint à grimper. Un dernier effort lui fit repasser la balustrade de la fenêtre juste à temps pour se cacher des bandits. Il atterrit la tête la première, les bras fourmillants sous la tension, puis roula sur le dos pour reprendre sa respiration.

Il entendit les hommes qui emportaient Harkness monter à bord de la lourde calèche qui prit la route en direction du sud, vers Londres. Ils l'avaient emmené, ils avaient assommé Jack et l'avaient emporté. Ils avaient dit qu'ils allaient à Londres, mais où à Londres ? Comment faire pour les suivre sans cheval et sans se faire repérer ? Il s'assit sur son séant et étira ses bras douloureux.

 


Rhea01  (21.12.2010 à 22:05)

(Avertissement ! scène violente)

Un gémissement l'attira, un blond aux dents gâtées rampait sur le sol, il tenta de se relever sans prêter attention au sang qui giclait. Le tir de Jack l'avait atteint à hauteur de poitrine sans atteindre le cœur. Ianto se releva en s'approcha doucement, collant un air dangereux à sa figure. L'angoisse qu'il éprouvait pour le sort du Lord durcissait ses traits et quand il se pencha au-dessus du tueur terrorisé, il arborait un air mauvais qui, associé à l'arme qu'il serrait dans sa main, fit geindre de peur le blessé. Celui-ci recula jusqu'à atteindre le mur qui l'empêcha de fuir.

Ianto lui posa le canon de son arme sur la tête et vit l'homme tenter de fuir en rampant, une peur abjecte dans les yeux. Le secrétaire claqua de la langue en appuyant sur la plaie d'un air décidé. Un bruit répugnant lui souleva le cœur, la douleur violente fit hurler le blessé dans l'auberge vidée de toute âme. Ianto serra les dents sur la nausée qui montait, il n'aimait pas agir ainsi mais l'angoisse qui le rongeait le poussait à toutes les extrémités. Pour revoir Jack, il serait prêt à toutes les audaces. Le souvenir de ses lèvres si tendres le soutenait alors qu'il appuyait à nouveau sur la blessure fraîche, torturant l'homme qui hurla à nouveau.

- Qui es-tu ? Et que viens-tu faire ici ? demanda-t-il d'une voix basse et grondante, il mettait toute la rage d'avoir vu le Lord se faire enlever dans le ton qu'il prenait.

- Ne me tuez pas, maître, ne me tuez pas, gémit l'homme, tentant d'écarter la main qui le martyrisait.

- Je ne tire pas, si tu me dis où tes amis ont emmené Lord Harkness.

- Non, si je vous le dis, il va me tuer…

Ianto s'accroupit à ses côtés, posant la tête contre le mur qu'ils avaient atteint. La situation le désespérait, si l'homme ne voulait pas répondre, il ne pouvait rien faire. Il ne pouvait pas le torturer davantage. En revanche, il lui vint une idée subitement en voyant l'air terrorisé et un peu benêt de l'homme de main. Il s'essuya les paumes poisseuses d'un sang qui coagulait déjà. L'homme avait perdu beaucoup de sang mais il s'en sortirait s'il était soigné correctement. Ianto reprit d'un ton paternaliste.

- A la vue de ta blessure, mon gars, tu n'as pas à te préoccuper de ce qu'il, qui que ce soit, te fera. Je suis désolé, mais c'est une blessure bien trop grave et trop profonde pour survivre.

- Non, non, j'veux pas crever ici, à la campagne, gémit l'homme en se tordant de douleur.

- Je suis désolé, fit Ianto en le regardant droit dans les yeux, tu n'en as pas pour longtemps. Alors si tu as des choses à dire pour soulager ta conscience, mets-toi en ordre pour partir.

- Tu es prêtre ?

- En quelque sorte, mentit Ianto avec aplomb, je vais faire en sorte d'adoucir tes souffrances. Ne bouge pas.

Le jeune homme alla chercher un oreiller et une couverture pour l'homme qui se croyait à l'article de la mort. Ianto le conforta dans ce conte, comprenant qu'il arriverait plus sûrement à le faire parler en l'assurant de sa mort prochaine qu'en le torturant. Les cris et le sang, il n'aimait pas l'abjecte sensation de se rabaisser au niveau de cette épave. Il n'avait pas l'âme d'un tourmenteur. Mais il lui fallait savoir où ils avaient ordre d'emmener Jack. Il lui apporta de l'alcool pour que sa douleur s'apaise et que cela lui délie la langue.

- Tiens, le dernier verre du condamné, dit-il en approchant le verre de ses lèvres.

- Z'êtes un homme bien, un vrai monsieur, dit le larron en éclusant le verre, c'étaient les ordres, capturer le Lord, tuer tous les autres et le ramener à Londres. Vous croyez que Dieu me jugera ?

- Cela dépend de la manière dont tu auras mené ta vie, dit Ianto en ramenant à sa mémoire les diatribes enflammées des prédicateurs de rue. Cela dépend de ce que tu as fait.

- Beaucoup de mauvaises choses, monsieur. Je n'ai jamais eu le choix depuis que je suis tout petit. Faut dire que déjà enfant, j'étais à la rue, abandonné à moi-même...

Le ruffian commença une complète confession au pauvre Ianto qui n'attendait qu'une indication sur la localisation de Jack Harkness. Il tenta d'orienter la conversation vers celle-ci mais l'homme paraissait vouloir confesser tous ses péchés, toutes les horreurs qu'il avait commises. Ianto serrait les dents sur l'impatience qui le taraudait, mais il l'écouta jusqu'au bout, hochant la tête avec commisération à chaque fois qu'il s'arrêtait.

- Tu continues de saigner comme un goret, mon pauvre gars, dit-il enfin, dis-moi, où deviez-vous emporter Lord Harkness ?

- à Londres, on devait l'emmener dans un entrepôt, à Canary Wharf.

- Je connais le quartier, dit Ianto, qui l'attend là-bas ?

- Nox, c'est Nox, ce foutu grand chef qui nous a demandé de le ramener. Dis, je peux encore avoir un verre. Si je dois affronter le Bon Dieu, je préfèrerais le faire plein comme une outre, pour ne pas souffrir quand il m'enverra voir le fourchu.

- Tiens, voila la bouteille, fais-lui son affaire, je t'en prie. Dans quel entrepôt vous attend-t-il ?

- Celui d'un tanneur à Belgram Street, c'est Nox qui possède tout le coin, vous savez. Restez… avec moi le temps que je meure. Ce que Nox a prévu de faire, je m'en fiche maintenant. Je me fiche du Lord ou de ses amis qui vont sauter à midi.

Ianto réprima le sursaut d'inquiétude qui venait de le saisir en entendant cela. Il se pencha sur lui et l'interrogea à nouveau.

- Ses amis ?

- Une bombe, une bombe va exploser chez lui à midi, c'est Nox qui va la faire livrer pour être sûr que ses amis ne chercheront pas à récupérer Harkness. Maître, restez avec moi...

Ianto écarta la main qui voulait le retenir et se leva sans répondre. Il avait ses informations et il en savait suffisamment sur cet homme pour ne pas le réconforter. C'était un tueur violent, un voleur, dont l'agressivité n'avait jamais été canalisée que pour mal agir. Il ne le plaignait pas de s'être fait blesser, puis abandonner par ses camarades. Maintenant qu'il savait où retrouver Jack Harkness, il le laissait à son sort. Il se désintéressait totalement de ce qu'il pouvait lui arriver. Mais l'annonce d'une bombe à Durham Street l'angoissait réellement.

- Restez Maître, restez, je sens le diable qui me chatouille les doigts de pieds !

- Non, fit Ianto en prenant la porte, ta blessure est profonde mais elle n'est pas aussi grave qu'elle en a l'air. Tu vas t'en sortir.

- Quoi ! s'écria le tueur, vous m'avez fait croire que j'étais mourant pour me tirer les vers du nez !

- Évidemment, dit Ianto en haussant les épaules, attrapant le manteau abandonné de Lord Harkness pour l'enfiler, même si ta vie est un beau récit de vilenies, ce fut plus agréable que de te torturer. Tu ne crois pas ?

Il lui tourna le dos et descendit les escaliers après un sourire moqueur.

- Non ! J'ai vraiment cru que j'allais mourir, que j'étais foutu. Toutes les choses que j'ai dites, Foutredieu ! Il va me tuer ! Tu vas me le payer !

L'homme s'agita et parvint à se relever, l'alcool lui donnait des forces et atténuait sa souffrance. Ianto descendait les escaliers en trombe lorsque l'autre homme se jeta sur lui de tout son poids. Ils roulèrent tous les deux dans les marches. Ianto protégea sa tête de ses bras, serrant les dents à chaque fois qu'il heurtait le bois dur. Avec un bruit mat, ils atterrirent sur le plancher couvert de sang, les bras et les jambes entremêlés. Ianto sentait son poids écraser sa poitrine et son haleine fétide lui donna envie de vomir. L'autre était furieux de s'être fait berner par le jeune homme.

Il l'attrapa par la carotide et enfonça ses doigts dans la chair tendre. Il serrait ses mains calleuses, avide de sentir le cou mince de Ianto se briser. Celui-ci luttait, lui bourrait les côtes de coups de poings, ses pieds battaient, ses jambes s'agitaient irrépressiblement. Saisi par les brumes sanglantes de la perte de conscience, il toucha la blessure humide de son étrangleur. Ses doigts tremblants plongèrent dans la plaie et fouillèrent la chair avec un bruit de succion immonde. L'homme enragea sous la douleur qui lui vrilla la poitrine et lui frappa la tête contre le sol avant de reculer pour échapper à la souffrance. Ianto en profita pour saisir fébrilement l'arme qu'il avait remisée un peu vite dans sa veste. L'autre bondit sur lui pour l'étrangler à nouveau. Ianto lui décocha un coup de genou dans l'entrejambe qui le fit lâcher prise et fit feu des deux mains.

La balle traversa le crâne du bandit qui s'effondra sur lui. Ianto n'avait pas eu de scrupule cette fois-ci, même si ôter la vie d'un homme lui laissa un goût amer dans la bouche, surtout après avoir entendu le récit de sa vie, si chiche en bonheur. Il se redressa douloureusement, il se sentait mal, tant sur le plan physique que moral. L'homme avait tenté de le tuer, il avait agi en état de légitime défense. Mais il lui semblait porter sur ses épaules le poids d'une nouvelle mort.

Il pénétra en titubant dans la salle à manger où les cadavres commençaient à attirer les mouches. Il sortit vivement, la nausée qui le taraudait venait de trouver le chemin de la sortie. Son corps trembla alors qu'il se vidait de cette horreur avec un bruit répugnant. Il s'essuya laborieusement la bouche, les yeux perlés de larmes. Il était seul, à une journée de cheval de Londres, sans savoir quel sort allait subir son Maître et les gens de sa maison. L'angoisse et la colère se battaient pour prendre le contrôle de lui. Il ne devait pas rester sur les lieux d'un massacre, il fallait qu'il prévienne les autorités, qu'il trouve de l'aide, qu'il agisse enfin pour le bien de son Lord.

Il commença à marcher en direction de la ville, pestant contre les chevaux qui s'étaient enfuis. Il allait devoir marcher longtemps avant de rencontrer âme qui vive. Il prit le chemin, sous la lumière fantomatique de la lune qui jouait à cache-cache avec de lourds nuages noirs et tumultueux. Ianto releva le col du manteau qui le couvrait alors que les premières gouttes d'un orage estival s'écrasaient sur le sol poussiéreux. Une odeur de terre humide, une odeur de vie vint chatouiller ses narines. Il aimait cette odeur qui lui rappela son enfance quand il jouait avec sa sœur dans les terrains vagues qui jouxtaient leur quartier. Il avait toujours aimé se promener dans ce quartier qu'il connaissait par cœur.

L'homme avait parlé de l'entrepôt d'un tanneur. Il en connaissait un seul, celui de Maître Copper, un entrepôt, une ancienne usine de tannerie dans laquelle il avait joué très souvent avec les autres gamins du quartier. C'était une époque révolue, qui pourtant baignait dans un souvenir lumineux malgré la pauvreté, la dureté de son père qui aurait aimé qu'il soit plus fort, plus hardi, moins intelligent sans doute, moins proche de sa mère. Il chassa ses souvenirs d'un haussement d'épaule alors qu'un éclair éclata bruyamment à plusieurs milles de lui, suffisamment près pour qu'il sente l'onde de choc se répercuter sur le sol. Il savait que c'était dangereux de marcher sous l'orage, mais la situation présente était désespérée. Il ne savait pas ce qu'il adviendrait de son  maître s'il ne pouvait pas lui venir en aide. Il savait où le retrouver. Il devait arriver avant midi pour faire évacuer Owen, Rhys et tous les employés de la maison avant que la bombe n'explose, s'il y avait bien une bombe.

Un museau chaud vint se poser contre ses reins, le poussant amicalement, puis il sentit un souffle lui réchauffer le dos. Il se tourna et plongea le regard dans les yeux liquides d'un cheval gris pommelé. Il le flatta et l'animal renifla contre sa poche, à la recherche de quelque chose à manger. Ianto rit sourdement en caressant le museau velouté.

- Tu n'as pas de chance, mon pauvre, je n'ai rien pour toi. Mais on va faire la route ensemble. Je te promets une double ration d'orge quand on atteindra un refuge.

L'animal secoua les oreilles sous la pluie battante qui les trempaient l'un et l'autre. Il trembla alors que le vent de l'orage mugissait et le tonnerre grondait. Le cheval venait sûrement rechercher sa compagnie, effrayé par la colère de la nature. Ianto l'apaisa de son mieux, avant de l'enfourcher à cru. Il n'avait jamais tenté une expérience pareille, il regretta l'absence de la selle en se cramponnant à la crinière de l'animal glissante de pluie. Il se sentit pourtant moins seul alors qu'il sentait les muscles du cheval jouer entre ses cuisses. Il le poussa à un petit trot qui le fit grimacer. Il ne pouvait pas perdre le temps de retourner à l'auberge pour seller l'animal. Le temps jouait contre lui. Il avança, endurant la morsure du vent. La seule pensée de Jack captif le poussait à affronter les éléments déchaînés dans la rase campagne de Chiltern.

à suivre


Rhea01  (21.12.2010 à 22:15)

Partie Quatre

Chapitre six : Séparés !

 

Jack reprit lentement conscience, secoué par les cahots du véhicule qui l'emportait vers une destination inconnue. Il se sentait malade, son crâne le lançait cruellement. Son agresseur n'y avait pas été de main morte en l'assommant. Il en avait encore les oreilles qui sonnaient et une migraine lancinante avançait à travers sa cervelle avec des pieds de plomb.

Il sentait des liens lui enserraient les pieds et les mains. On l'avait jeté de toute évidence sur le plancher dur d'une calèche qui grinçait et cahotait sur un chemin mal pavé. Son visage était couvert d'un sac de toile dont la puanteur lui faisait comprendre qu'il avait servi dans le meilleur des cas à transporter de la viande avariée. Il se maîtrisa pour ne pas vomir et tenta de se redresser. Une main dure le repoussa en arrière, de toute évidence, il n'avait pas le droit de se relever.

- Où m'emmenez-vous ? demanda-t-il sourdement avant de se recevoir un coup de pied qui l'étourdit.

Il n'avait pas le droit de parler également. Cependant, il en fallait bien plus pour le faire taire, les personnes qui l'avaient enlevé ne le connaissait pas évidemment.

- Non, mais sacrebleu, savez-vous qui je suis ? Lord Harkness ! Vous portez atteinte à un membre de la chambre des Lords. Savez-vous ce que cela peut vous coûter de m'enlever ?

- Ta gueule ! Le richard ! dit une voix grasseyante.

- Si c'est de l'argent que vous voulez, vous auriez sans doute pu faire mes poches. Pourtant, je sens encore mon portefeuille contre ma poitrine. Donc, vous êtes motivé par autre chose.

- Mais fermez-là ! fit une voix qui lui parut apeurée.

Aurait-il touché juste ?

- De toute évidence, vous n'êtes que des sous-fifres, n'y voyez aucune offense, ajouta-t-il en bandant ses muscles dans l'attente d'un coup qui ne vint pas. Il en profita pour tirer sur ses liens. Humm, solidement attaché.

- Hé ? Vous m'emmenez auprès de votre commanditaire ? Il ressemble à quoi ?

- Mais pourquoi vous ne la fermez pas, reprit la voix grasse et enrouée, ça vaudrait mieux pour vous.

- Pour vous ou pour moi, demanda Jack, d'un ton moqueur.

Personne ne répondit, confortant Jack dans son hypothèse. Ils avaient été envoyés à l'auberge pour le capturer et on leur avait demandé de le faire sans dommage.

Ou alors seulement le strict nécessaire, pensa-t-il alors que son crâne se rappelait à son bon souvenir.

- Alors lequel de mes ennemis cherche à me nuire ? Je ne suis pas naïf au point de croire que je n'ai pas d'ennemi, mais je me demande à qui ma disparition profiterait le plus...

Cette fois-ci, il se ramassa un coup de pied en plein ventre qui lui cloua la parole. Du moins temporairement, car il reprit d'une voix étouffée.

- Attention, je suis sûr que votre maître vous a demandé de me ramener en un seul morceau. Allez, répondez... qui parmi mes ennemis pourrait me faire enlever ?

- Mais fermez-la ! gémit la voix grasseyante.

Jack attendit que les coups reprennent en tendant le dos. Mais il n'entendit qu'un vague soupir.

- Alors, on va où de si bon train ? demanda-t-il après un petit moment, je commence à avoir soif et je ne serais pas contre un petit arrêt aux commodités.

C'était dans sa nature de se montrer aussi frondeur. Il cachait sa peur sous la fanfaronnade et tentait d'apprendre le plus d'informations possibles. Il tenta de dénombrer le nombre de ses assaillants, il avait entendu deux voix distinctes, une grasse et enrouée, une craintive, mais il lui semblait qu'il y avait un troisième homme dans la calèche. Il entendit comme un grincement de dent et et un soupir assurément excédé. Il sourit.

- Dites-le moi, dit-il d'un ton faussement enjôleur, je suis sûr que vous en mourez d'envie. Allez, qui est derrière tout cela ?

- On arrive bientôt, dit la voix craintive, vous le saurez à ce moment-là.

- Où ? Chez qui, quelqu'un que je connais ? Laissez-moi deviner... un amant éconduit, non, le mari d'une maîtresse abandonnée, son père ?

- ça suffit, vous le saurez bien assez tôt, cessez de nous importuner !

Jack dressa l'oreille, c'était la voix du chef qui avait donné l'ordre de le saisir. Le langage était plus soutenu, plus riche, la voix sèche et narquoise avec un accent de l'Upper class. Nul doute que ce troisième larron n'était pas de la même classe sociale que les autres. Sa voix ne lui était pas totalement inconnue, mais il ne parvenait pas à savoir où il l'avait entendue.

- Je n'aime guère être jeté sur le plancher avec un sac puant sur la tête.

- Lord Harkness, ne me forcez pas à vous frapper à nouveau sur la tête pour vous faire taire.

- C'est à vous que je dois cette bosse qui me déforme l'arrière du crâne ? Monsieur, je ne vous remercie guère. Mon coiffeur va pester, il dit que cela me fait des épis. Et puis cela fait mal.

- Comme si cela ne vous était jamais arrivé auparavant, fit la voix de guerre lasse.

- De me faire frapper ou de me faire capturer ? dit Jack, en poussant son avantage.

- Mais les deux, très cher Harkness, les deux. Avouez que vos conditions de détention sont meilleures que la fois précédente, n'est-ce pas ?

Jack resta silencieux, cherchant à quoi l'homme pouvait bien faire référence. Il n'avait jamais été enlevé en Angleterre.

- Alors, vous regrettez l'hospitalité des bandits Panshirs ? Et cette fois-ci, vous ne vous en échapperez pas aussi facilement, je vous l'assure.

Comment peut-il au courant de cela ? se demanda Jack sidéré. Cela ne signifiait qu'une chose, c'était le même commanditaire pour les deux enlèvements malgré les six années d'écart. Qui pouvait lui en vouloir autant pour chercher à le capturer deux fois ?

Jack sentit un frisson d'angoisse lui parcourut l'échine, une frayeur ancienne et perturbante. Il avait vécu sa capture précédente comme un cauchemar, dont il ne parlait qu'à grand'peine. Peu importe ce qu'il avait vécu là-bas, torturé et menacé de mort, incapable de faire ses propre choix. Reclus, il avait dû demander, prier pour tout, pour se laver, manger, faire ses besoins. Une attente interminable, pendant laquelle il était privé de toute espérance.

Alec l'avait délivré de cet enfer. Sans lui, il serait sans doute mort dans ces montagnes. Il se serait tué plutôt que survivre un mois supplémentaire dans cet endroit où sa simple condition humaine lui avait été niée. Qui allait le sauver maintenant ? Alec ne savait pas où il était tout comme Owen. Ianto ?... Le nom lui fit un choc, et s'il n'avait pas réussi à s'échapper ? Il se ressaisit, se réconfortant sur l'idée que s'il avait été pris, il l'aurait su. Il ne voulait surtout pas penser à l'arrêt de mort que la voix narquoise avait édicté à l'encontre de Ianto Jones.

Comment allait-il s'en sortir, il l'ignorait et devait jouer finement.

- Ah! Cette nouvelle a le mérite de vous faire taire. Enfin, j'ai pu faire taire le grand Jack Harkness. Ce n'est pas dommage !

- Pourquoi, demanda Jack, digérant enfin les informations.

- Celui auprès duquel je vous amène saura vous répondre. Il vous attend.

- J'espère que vous ferez la danse des sept voiles avant de me couper la tête comme Jean-Baptiste. Ce serait un spectacle qui m'impressionnerait avant de mourir.

L'homme lâcha un rire glaçant. Il se pencha à l'oreille de Jack.

- Toutes vos questions auront des réponses, mais vous souhaiterez mourir avant de les connaître.

- Brrr, j'ai peur, fanfaronna Jack, j'attends cela avec impatience. Je me délecte à l'avance.

Jack se tut finalement après cette menace à peine voilée. Il ne souhaitait plus le questionner. Il réfléchissait profondément, cherchant à qui il aurait pu faire du tort au point pour qu'il lui voua un sort pire que la mort. De qui pouvait-il s'agir ? Qui pouvait souhaiter sa mort ? Des ennemis, il en avait foison, il n'était pas naïf au point de croire que tout le monde appréciait sa personnalité. Il y en avait des ennemis, des jaloux, des rivaux hypocrites qui souhaiteraient le dominer, l'écraser plus bas que terre. Suzie en était un parfait exemple.

Serait-ce elle qui l'avait fait ainsi capturer ? Cela n'était pas du tout dans son style. Elle aimait mettre la main à la pâte, les mains dans le sang. De plus, comment aurait-elle pu avoir les moyens pour une telle organisation ? Il lui revint en mémoire les recherches d'Adam et les liens qu'il avait déniché entre Nox et Suzie. Nox le roi souterrain... Il pouvait avoir les moyens de le faire enlever. Mais pourquoi et surtout comment Suzie s'était-elle attacher l'aide de cet homme mystérieux ? La promesse d'hériter de sa fortune et l'occasion de se venger pourrait certainement suffire pour elle. Jack soupesait les hypothèses qui naissaient dans son esprit, sans pouvoir en choisir aucune.

Il lui sembla passer des heures à voyager. Il s'endormit finalement bercé par les cahots, brisé par la trop longue journée. Et puis, il ne savait pas quand il aurait l'occasion de se reposer à son arrivée. Avant de plonger dans le sommeil, il pensa à Ianto, se remémorant le baiser dont il l'avait gratifié avant de s'enfuir. Il espéra que le jeune homme se soit sauvé et puisse avertir quelqu'un de sa disparition, Owen, Scotland Yard, n'importe qui pourvu qu'on le délivre. Dans quelques heures, il saurait qui lui en voulait autant.

 


Rhea01  (03.01.2011 à 16:49)

oOoOo

Ianto chevauchait à travers la plaine aussi détrempée que lui. Il frissonnait et luttait contre le froid de la nuit. L'orage s'éloignait mais le vent continuait de rugir contre lui. Il sentait la chaleur monter du corps puissant de son cheval, mais le vent le glaçait, le faisait claquer des dents. Il lui fallait se réchauffer le plus tôt possible, seule la pensée de Jack livré à ses assaillants le poussait à accélérer le trot de son cheval aussi épuisé que lui.

Il arriva bientôt à l'auberge du Roy, où il avait retrouvé Jack la veille. Cela lui sembla être dans une autre vie. Il l'avait maudit le matin de l'avoir abandonné à Londres et lui avait fait payer en ne lui parlant pas durant tout le voyage malgré ses nombreux essais. Il s'en voulait à présent qu'il se retrouvait seul. Il aurait aimé lui parler en ce moment. Il lui tenait des conversations dans son esprit afin de ne pas tomber d'épuisement. Il lui parlait comme s'il était présent, tentant de plaisanter contre la froidure qui marbrait ses mains et glaçait son visage. Il lui disait combien il avait besoin de sa présence, de ses plaisanteries, de son expérience pour avancer dans la vie. Il ne voulait que lui et il lui avait été arraché.

Il sauta de cheval dans la cour obscure de l'auberge, la lune s'était à nouveau cachée derrière un voile épais de nuages et le vent mugissait de colère. Il frappa de toutes ses forces contre le battant de la porte, alertant les propriétaires qui à peine réveillés se précipitèrent au rez-de-chaussée pour ouvrir la porte. Ils furent sidérés par le spectacle de cet homme dépenaillé, trempé jusqu'aux os, frissonnant sur le pas de leur porte.

L'accorte aubergiste le fit entrer tandis que son époux prenait son cheval par la bride pour le faire entrer dans l'écurie. Il s'inquiéta de l'absence de bagages et de selle. Il y avait quelque chose d'anormal dans tout ceci. Il entra précipitamment dans la salle de l'auberge et s'enquit immédiatement des besoins du jeune homme que sa femme réconfortait de très près. Elle le frottait d'une serviette et jetait des ordres pour qu'on lui prépare baignoire, eau chaude, vêtements chauds et thé brûlant.

- Il me faut un cheval, dit le jeune homme, en sortant du manteau de son maître une bourse confortable, j'ai de quoi vous payer. Il faut que je rejoigne Londres le plus tôt possible.

- Pourquoi voyager dans de telles conditions ? demanda la tavernière, vous avez besoin de vous reposer, de vous réchauffer. Si vous attendez demain, vous pourriez prendre la diligence qui mène à Londres. Elle passe à midi, vous seriez là-bas dans la soirée.

- Je n'ai pas le temps d'attendre demain, dit Ianto avec un trémolo dans la voix qu'il tenta de maîtriser comme les tremblements qui l'agitaient incontrôlablement. Il luttait contre la tentation insidieuse de la chaleur. Il accepta une tasse de thé chaud avec laquelle il se brûla la langue en voulant la boire trop vite. Il réprima une grimace et s'y reprit plus lentement. La sensation du liquide bouillant dans son œsophage lui tira des frissons de plaisir. Son corps semblait revivre après cette nuit glaciale.

- Pourquoi, qu'avez-vous à faire de sitôt ? Vous ne pouvez pas reprendre la route dans cet état.

- Je dois… rejoindre mes amis à Londres. Ils ont besoin de mon aide, je dois les retrouver.

- Mais que s'est-il passé, c'est du sang, ça ? fit le tenancier en fronçant des sourcils découvrant des taches de sang sur l'habit de Ianto.

- Nous avons été attaqués à l'auberge du Chat qui pêche, avoua-t-il finalement, il faudrait que le constable s'y porte, tout le monde a été tué…

- Et vous avez échappé au carnage ? demanda suspicieux le maître des lieux.

- Écoutez, si j'étais un tueur, je ne serais pas venu ici pour changer de cheval.

- Higgins, s'écria sa femme, tu penses bien que ce jeune homme n'est pas un larron, il a l'air honnête. Et puis cela se voit qu'il a passé une drôle de nuit. Mais restez-là mon jeune Monsieur, restez ici, nous allons nous occuper d'envoyer un gars pour avertir les autorités. En attendant, je vous fais préparer une chambre.

- Non, dit Ianto, d'un ton ferme, je dois me rendre à Londres de toute urgence. Mon ami m'attend.

- Mais vous ne faites que vous attendre tous les deux, fit l'aubergiste en se rappelant leurs arrivées de la veille, Lord Harkness, puis son compagnon.

Ils s'étaient querellés en se retrouvant, se souvint-il. Sans doute que cela avait dégénéré, qu'il l'avait tué et qu'il cherchait à fuir les conséquences de son acte. Mais le jeune homme avait l'air franc, agité certes mais digne de confiance. Son épouse en tout cas paraissait lui vouer de la sympathie. Mais à quoi cette bonne Darla ne vouait pas de sympathie ? Elle aimait tous et tout le monde, parfois d'un peu trop près à son goût.

- Bien, je vous fais préparer un cheval, mais ma femme a raison, il ne faudrait pas reprendre votre voyage pendant la nuit, cela pourrait être dangereux.

Ianto haussa les épaules, le danger, il l'avait rencontré dans une auberge tranquille. Il n'allait pas s'arrêter par peur de faire de mauvaises rencontres sur le chemin. Jack et Owen avaient besoin de son aide. Lui seul savait qu'il y avait une bombe à Durham Street et lui seul savait où le Lord se trouvait, l'ancienne tannerie de Canary Warf. Il fallait qu'il se hâte pour le sauver. Il remercia l'aubergiste pour son aide. Sa femme ne voulut pas le laisser partir sans qu'il ne se restaure. Il avala rapidement l'épaisse soupe qu'elle lui servit et ce fut l'estomac bien calé et chaud qu'il reprit la longue route pour Londres, il lui restait encore six lieues à parcourir, l'équivalent d'une demi-journée de cheval.

Higgins lui mit entre les jambes un hongre brun d'une taille honnête, fringuant dans l'air frais du matin qui se levait. Il les salua et partit à fond de train dans le chemin boueux. L'animal était frais et il s'en donnait à cœur joie de courir de si bon matin avec un cavalier qui paraissait à son affaire. Ianto savourait la selle que Higgins lui avait remise, c'était beaucoup plus facile de chevaucher avec cet équipement. Les vêtements qu'il lui avait donnés étaient trop larges pour lui mais secs. Il se sentait ragaillardi par cette pause bienvenue.

Le vent était toujours glacial mais il chassait à présent les lourds nuages qui dévoilèrent au regard de Ianto l'aube naissante. Le ciel se peignait de couleurs délicates, rosées et tendres qui lui mirent du baume au cœur. Il avançait bien et occupait ses pensées à découvrir qui aurait bien pu avoir avantage à enlever Jack et Steven. L'urgence dans laquelle ces faits l'avaient jeté ne lui avait pas fait oublier le garçon.

Il se doutait que cela était lié. L'homme qu'il avait tué avait parlé de Nox. Son esprit sagace avait fait le lien rapidement. Pour lui, Nox était derrière tout cela. Il avait une vague idée de qui il s'agissait grâce aux recherches d'Adam. Suzie était acoquinée à un baron du crime, un des hommes les plus recherchés et les plus influents du pays. Nox avait apparemment la main mise sur tous les commerces illégaux de la capitale, des fumeries d'opium aux bordels.

Tous ceux qui faisaient bénéfice de commerces illicites lui versaient une obole, lui avait assuré Adam, ce qui les assurait de sa protection. Rien ne pouvait se faire sans son autorisation dans ce que les Français appelaient la Cour des Miracles, mais qu'ici on appelait les Bas-fonds. Il régnait par la terreur, il était le roi de tout ce que Londres comptait de tire-laines, voleurs, larrons. Adam lui en avait tracé un portrait plutôt dur et peu flatteur de cet homme dangereux.

Quel pouvait être l'avantage de Nox à capturer Harkness ? Sans doute l'argent, le Lord pouvait assurément une grasse rançon. Mais son rapprochement avec Lady Suzie pouvait lui assurer le contrôle total de sa fortune en se débarrassant de l'époux encombrant. Elle devait avoir certainement avoir conclu un accord pour que Steven et son père soit enlevé. Il éperonna son cheval, convaincu de la justesse de son raisonnement. Combien de temps son Lord pouvait-il survivre à la vindicte de son épouse ? Il accéléra son trot alors que le soleil qui montait à travers la nuée, rouge et or, lui insufflait de l'espoir. Il arriverait à la maison de ville de Jack, à Durham Street avant midi si son cheval ne montrait pas de signe de fatigue. Il éternua avant de se pencher en avant, le vent de la course lui fouettant le visage, le cœur impatient à l'idée de retrouver Jack Harkness.

Il espérait pouvoir arriver à l'hôtel particulier avant que la bombe n'explose, avant midi. Il voulait pouvoir parler à Owen de ces hypothèses. Il espérait pouvoir le prévenir que le Lord avait été enlevé. Il avait besoin d'aide pour libérer l'homme qui lui avait été ravi.

Il repensa soudain avec trouble à ce baiser qu'il lui avait donné comme pour se donner du courage. Cela lui avait donné envie de recommencer. A chaque fois qu'il se laissait aller aux sentiments qui s'agitaient dans son cœur, il sentait tous les nœuds qui le retenaient intérieurement se tendre violemment. Il sentait qu'un jour ces liens se rompraient sous l'influence de Jack. Celui-ci savait tout de lui et de ce qu'il avait vécu désormais. Cela l'allégeait curieusement. La mort de Hart avait clos une page de sa vie bien sombre pour en ouvrir une nouvelle bien plus lumineuse, comme éclairée par le charisme de Jack. Cet homme avait une telle présence, une telle puissance en lui, qu'il l'enivrait dès qu'il y pensait. Il hantait ses pensées, ses yeux verts, presque bleu, presque gris, si changeants le captivaient par ce qu'ils lui révélaient.

Il savait qu'il lui plaisait, qu'il lui inspirait des sentiments et il s'avoua qu'ils étaient partagé. Sa présence lui était nécessaire comme si une drogue, un philtre le tenait captif. Il se sentait papillon attiré par sa beauté, son esprit et ses mystères. Il avait peur cependant qu'il le trouvât fade en comparaison à tout ce qu'il avait vécu, son expérience longue et variée. Il rêva à ce qu'il pourrait lui dire et en rougissant à ce qu'il pourrait lui faire, tout en galopant vers la lumière de l'aube qui tendait ses rets rosés sur la campagne rase.


Rhea01  (03.01.2011 à 16:54)

oOoOo

Avec un concert de grincements qui ne disait rien qui vaille, la calèche s'arrêta sur un sol dur. Jack fut relevé brutalement, sa tête lui tourna alors qu'on le descendait rapidement, tel un sac de marchandise. Il ne les aida guère, se faisant aussi mou qu'une poupée de chiffon. Il savait qu'il était difficile de bouger un corps réticent et désirait user ses ravisseurs. Un aiguillon dans le dos le força à mettre droit. La voix bien élevée et froide susurra à son oreille de bien de se comporter et de cesser de faire l'idiot.

Il avança, posant ses pieds sur un sol irrégulier. Ils lui avaient laissé le sac sur la tête et il avait à présent deux possibilités ou bien marcher en tâtonnant, s'exposant au ridicule, ou bien avancer gaillardement sans peur. Il opta bien évidemment pour cette dernière option et tant pis si Mr Narquois l'emmenait dans un mur, il se cognerait certes mais avec panache. Il entendit l'autre ricaner, il s'étonna, il avait déjà entendu ce ricanement quelque part. Mais il n'eut pas le temps de s'interroger plus avant, l'homme lui ordonna d'avancer.

Leurs pas résonnèrent en de multiples échos, un air frais et humide glissait contre la peau de ses mains entravées. Il avait la sensation d'être dans une cave, non, un tunnel qui desservait des salles d'où montait l'écho lointain d'un son métallique. Une usine ? L'odeur du lieu ne pouvait lui donner d'informations avec ce sac nauséabond sur le nez mais il entendait Mr Narquois renifler comme si l'odeur lui était insupportable. Il sourit malgré l'inquiétante situation dans laquelle il se trouvait. Bien fait pour lui ! pensa-t-il.

- Ah, vous voila enfin, mais que faisiez-vous ?

Jack reconnut immédiatement la voix qui s'adressait à eux. Suzie, il avait raison, c'était bien elle qui se cachait derrière son enlèvement. Cela ne l'étonnait décidément pas.

- Suzie, ma très chère épouse, j'espère que tu prends bien soin de notre fils, s'exclama-t-il.

- Comment sais-tu cela, Jack ? s'écria-t-elle.

- Comment ? Mais parce que cela est bien dans ta manière. Encore que je ne connais pas ce Nox qui t'a offert son soutien.

- Tu vas vite en faire la connaissance et tu le regretteras amèrement, crois-moi Jack. Tu aurais dû disparaître aux Indes. J'avais tout organisé pour toi.

Suzie confirmait les soupçons que Jack avait nourris sur sa responsabilité dans sa capture et les tortures. Sa jambe cassée le lançait encore parfois à cause d'elle, des cauchemars revenaient se nourrir de son esprit certaines nuits. Son cœur se serra sous l'angoisse. Quel sort lui réservait-elle encore ?

- Gray, emmène-le le voir, il l'attend avec impatience.

- Je le sais, mais je voudrais dire un dernier mot à mon frère.

Jack se figea sous ce mot, Frère ? Gray ? Ce nom revenait des limbes de sa mémoire lui rappelant des choses qu'il avait cru bien enfouies. Cet homme était-il son petit frère, Gray qu'il avait dû abandonner derrière lui ? Ses épaules s'affaissèrent alors que la honte et la culpabilité l'engloutissaient.

Il se revit sur le champ de bataille où sa maison disparaissait dans les flammes, son seul univers détruit par la guerre. Des cris, des hurlements qui lui déchiraient l'âme revinrent hanter ses oreilles. Sa tête lui sembla à la fois vide et trop pleine alors qu'il repensait au petit garçon avec lequel il courrait dans un parc dévasté par la guerre. Il l'avait lâché et n'avait jamais pu le retrouver. Il avait promis de le protéger et en avait été incapable. Il était pourtant retourné sur les lieux avec les hommes qui lui avaient sauvé la vie. Il n'avait retrouvé qu'une femme gravement blessée, leur nourrice Adina, qui l'avait assuré de sa mort. Jamais il n'avait retrouvé son corps et il avait aidé les soldats à creuser une tombe pour Adina et son frère.

- Gray, murmura-t-il, la tête basse, suffoquant sous la honte, je suis…

- Oui, mon cher frère, c'est moi, Gray, fit la voix narquoise, celui que tu as abandonné à un sort pire que la mort.

Il lui arracha le sac, lui rendant la vue. Il vit le visage déformé par la haine de l'homme en face de lui. Son visage n'avait plus aucune ressemblance avec celui du jeune enfant confiant dont il avait le souvenir. Un masque dur, seulement éclairé par deux yeux bleus, étincelant de haine, de mépris le dévisageait. Jack eut un éblouissement en le reconnaissant. C'était le fils d'Harold Saxon, l'homme qui l'avait regardé avec tant de colère à l'opéra.

Jack écarquilla des yeux, le cerveau tournant à vide, il n'arrivait plus à penser. Il se sentait coupé de la réalité. Suzie près de lui regardait l'un et l'autre, jubilant de le voir si perturbé. Elle semblait vieillie, comme si sa beauté laissait à présent apercevoir les amers sentiments qu'elle nourrissait en son sein, l'âpreté de son cœur. Sa laideur intérieure ressortait alors qu'elle regardait Jack avec un sourire mauvais.

Le Lord laissa glisser une larme sur sa joue, incapable de parler. Lorsque Gray l'entraîna dans le couloir sombre, il avança comme un automate, privé de pensée. Voir son frère, alors qu'il le croyait mort était ravageur pour son esprit. Le jeune homme le poussait en avant et ils arrivèrent dans une salle occupée par un petit comité. Un homme mince aux cheveux courts se tourna vers eux à leur arrivée. Harold Saxon les accueillit, l'air curieusement joyeux, les yeux pétillants de malice. Une femme vêtue de rouge se tenait dans un coin. Le visage inexpressif de ceux qui ont abusé de l'opium, elle se balançait sur elle-même, souriant rêveusement quand Harold s'approchait d'elle et l'embrassait.

Deux formes humaines étaient recroquevillées à ses pieds. Une femme noire releva la tête, fière malgré les fers qui lui enserraient le cou et les mains. Elle regarda Saxon avec mépris, entièrement vêtue de noir dans une tenue de quakeresse. Son visage fin et gracieux aux grands yeux de faon rageur paraissait presque incongru dans ce lieu sombre. L'autre, un homme qui cachait son visage ne bougea pas, seuls des frissons de douleurs indiquaient qu'il était vivant. Saxon le poussa du pied et sa tête roula en direction de Jack qui réprima un sursaut en reconnaissant dans son visage malmené les traits d'Alec McNeil. L'homme tenta de décocher un sourire qui se transforma en grimace de douleur.

- Martha, Alec, regardez qui vient enfin de nous rejoindre. Lord Harkness en personne ! Je vous avais bien dit que un par un, j'arriverais à faire venir auprès de moi les compagnons de ce cher docteur.

Martha, une amie de son vieil ami ? Elle en avait la fierté et cette étincelle de curiosité qui gravitait au fond de ses yeux que son ami appréciait particulièrement. Elle était attentive mais ne répondit pas à la réplique de Saxon. Elle se pencha sur Alex pour le réconforter. Jack eut un coup au cœur lorsque son ami tourna à nouveau le visage vers lui. Il était pâle, crispé par la douleur. Son bras faisait un angle absurde et Martha n'essaya pas d'y toucher. Il lui semblait qu'il assistait à un cauchemar éveillé.

- Jack, fit l'homme en revenant vers lui après un baiser à la femme en rouge, je suis véritablement heureux de vous revoir, vous vous souvenez de moi, n'est-ce pas ? Harold Saxon le conseiller privé de la Reine ? Oui, je vois que vous vous souvenez de moi. Ici, vous pouvez également m'appeler Nox ou bien Maître, cela me va très bien. J'aime beaucoup ce mot, Maître. Prononcé avec l'exacte dose de peur dans la voix, cela me procure un plaisir infini.

- Que me voulez-vous ? demanda Jack en relevant la tête sur le petit homme qui dansait joyeusement.

Il lui paraissait totalement fou, bien plus enjoué que pendant leur dernière rencontre.

- Je vous l'ai déjà dit, je veux des nouvelles de mon ami, le docteur. Où est-il ?

Jack laissa éclater un rire feint avant de répondre.

- Je l'ignore totalement, et vous le savez parfaitement. C'est bien dommage car je le recherche moi-même.

Martha ouvrit de grands yeux tout en réconfortant McNeil qui retenait avec difficulté ses gémissements. Nox sourit dominateur.

- Dommage, cela vous aurait évidemment épargné bien des tourments. Votre présence à tous les trois l'attirera, j'en suis sûr. Il viendra à votre secours, surtout quand je vais faire savoir à tous que Nox tient en otage le grand Lord Harkness. Il viendra à moi.

- Je ne le pense pas, dit Jack en haussant les épaules, Alec vous a dit qu'il était parti pour les Amériques. Rien ne le retient plus ici.

- Pourtant une petite voix m'a dit que vous n'êtes pas les seuls à avoir accompagné le docteur. Dame Tyler est aussi très chère à son cœur. C'est la suivante sur la liste des personnes qui viendront l'attendre ici.

- Vous êtes complètement fou, laissez Rose en paix.

- Elle m'a échappé à Blackwood, elle était déjà repartie chez elle, mais je saurais bien la capturer. Je sais où elle habite et ce ne sera pas long avant qu'elle arrive ici. D'ailleurs, je m'excuse pour le désordre occasionné chez vous. Gray avait l'ordre de ramener Rose et Steven mais il fut si déçu de ne trouver que Steven, qu'il a incendié votre manoir. J'espère que vous n'y teniez guère.

Jack ne répondit pas, mais il darda un long regard sur le visage de Gray qui jubilait de voir son désespoir.

- bien, je vais vous laisser en famille. Je crois qu'ils ont beaucoup de choses à vous dire.

Nox éclata d'un rire vicieux avant d'ordonner à Gray d'emmener Jack dans le grenier à sel en compagnie d'Alec soutenu par Martha. Jack titubait sous les nouvelles et l'impression étrange de distanciation face à la situation. Il se pinça sous le regard amusé de Suzie. Ce n'était pas un cauchemar, c'était malheureusement la réalité. Ils traversèrent divers couloirs, croisant de vilaines trognes et des faciès mauvais. Jack jeta un coup d'œil derrière lui, la jeune fille, Martha, supportait son ami qui ne tenait qu'à peine sur ses jambes, le regard hanté par une douleur abjecte.

Le grenier à sel dans lequel Gray les conduisit était une pièce toute en hauteur, aux murs tavelé de taches d'humidité. Le sol couvert de cristaux de sel crissait sous leur pas. Suzie jubilait, elle lui assura qu'il allait souffrir de l'avoir séparé de son fils. Totalement abattu par l'actuelle situation, Jack ne lui rétorqua pas qu'elle l'avait elle-même abandonné pendant six ans. Qu'avait-elle pu faire pendant ces six années ? Adam n'avait pu l'éclaircir à ce sujet. Adam, serait-ce lui aurait averti Nox, non, Harold Saxon, qu'il était à la recherche de Suzie et connaissait le docteur ? Il réprima un doute, c'était Ianto qui lui avait présenté l'enquêteur, il lui faisait toute confiance. Mais le méritait-il vraiment ?

Que diable Saxon voulait du Docteur ? Quand bien même il savait où il se trouvait, jamais il ne lui dirait. L'honneur et la fidélité en amitié lui dictait de ne rien révéler de ce qu'il savait sur le docteur au maître des Bas-fonds.

Gray enchaîna Jack à la muraille visiblement préparé à cet effet. Une chaine autour du cou, aux poignets et aux chevilles, il était incapable de faire un seul mouvement qui ne soit pas autorisé par Gray. Alec subit le même sort, il ne se trouvait qu'à quelques centimètres de lui, pesant sur les chaines qui le maintenaient fermement. Gray entraîna Martha en sortant et Suzie resta seule avec eux savourant sa vengeance.

- Tu verras, tu regretteras les bandits Panshirs. Le Maître, une fois qu'il t'aura arraché les informations qu'il désire te laissera à nous. Gray a eu une idée merveilleuse, celle de t'arracher ta vie, tout ce qui compte pour toi, tout ce qui la compose. Ton domaine, ta fortune, tes amis et ton nom. Tout ce qui t'appartient, nous appartiendra. Ta vie nous appartiendra. Nous ferons de toi un esclave soumis, sans son mot à dire. Tu regretteras de ne pas être mort plus tôt !

- Depuis combien de temps connais-tu Gray et Nox ? Depuis quand cherches-tu à me nuire ?

- Ah, Jack, si seulement cela était si simple ! Je t'ai aimé, sais-tu ? Dès que je t'ai rencontré, j'ai aimé ta prestance, ton esprit ouvert, ta fortune qui pouvait me donner une position dans le monde, cette position que mon père ne m'a jamais accordée.

- Je sais que ton père était sergent dans l'armée aux Indes et qu'il avait prise maîtresse. Tu es une enfant naturelle. Je sais tout de toi.

- Mais il ne désirait pas que je le rejoigne en Angleterre. Je suis Britannique ! s'écria-t-elle, je ne suis pas Indienne, malgré ma mère. Non, je suis de cette nation du monde et me marier avec toi m'a apporté puissance, fortune et renommée. Je t'ai aimé, mais tu ne fus pas aussi simple à manœuvrer que mon précédent époux. Très vite, je t'ai haï pour toutes les raisons qui m'ont fait t'aimer. Alors oui, j'ai tenté de mettre fin à ce mariage avec l'aide de Gray. Et puis tu as rencontré Alec ! Cet homme ! La gifle que j'ai reçue ! Cette douleur lorsque j'ai compris ce que vous aviez fait dans mon dos. Moi, cocufiée, avec un homme en plus, l'humiliation suprême !

- Apparemment, je ne fus pas le seul à connaître Alec intimement ! rétorqua Jack amer, lui et toi...

- Il n'y a jamais rien eu entre Alec et moi, ricana-t-elle, et tu m'as cru ! Quelle joie lorsque je t'ai vu déchiré entre lui et moi. Steven est ton fils mais je connaissais le Colonel McNeil. Il a toujours été insensible à mon charme. Dommage, car il est aussi beau que toi. En revanche, ton frère est bien plus malléable. Il est venu à moi à Dehli, alors que je venais seulement de comprendre que tu ne changerais jamais, que tu resterais attiré par d'autres que moi. Tu voulais te débarrasser de moi ? J'ai pris les devants avec Gray, organisant tout depuis Singula. Il m'a avoué te rechercher depuis des années et que maintenant l'heure de sa vengeance avait sonné. Te faire capturer pour te faire exécuter était notre plan à l'origine. Mais tu n'as pas été très coopératif en t'échappant des montagnes. Alec a mis par terre tout notre joli plan. Je me suis bien vengé en détruisant votre relation, votre passion. Cela m'a plu au-delà des mots.

- Tu es abjecte ! s'écria Jack, incapable de la regarder, les larmes aux yeux.

- Pas autant que toi, à séparer une mère de son enfant. Mon fils a six ans maintenant et il ne connait pas sa mère. Il était grand temps de rattraper cette erreur.

- Donc, tu l'a fais enlevé, dit Jack d'une voix atone, secouant ses chaînes.

- Bien sûr! il est à moi.

- Et tu as fait brûler le manoir, continua-t-il de la même voix atone, découvrant le plan.

- Non, c'est Gray qui a eu cette idée. Il trouvait que tu avais la vie un peu trop belle. Il a voulu détruire tout ce que tu as construit. Vous avez un certain contentieux. Je me demande pourquoi tu ne m'as jamais parlé de lui.

- Je le croyais mort, dit Jack dans un cliquetis de chaîne, mon petit frère.

- Il t'en veut énormément, plus sans doute que moi-même. Notre haine commune nous a rapprochés. Tu ne trouves pas que nous serons de bons parents pour Steven ?

Jack grinça des dents au grand amusement de Suzie qui lui tapota la joue.

- Enfin, je vais te laisser, le Maître va venir t'interroger. Tu vas avoir besoin de force. Essaye de te reposer mon cher Harkness.

- Maudite, s'écria-t-il alors qu'elle partait. Mes amis vont certainement s'apercevoir de ma disparition et me faire rechercher.

- J'en doute fort, dit Suzie, la main sur la porte. Dis adieu à tes amis car ils ne vivront pas jusqu'à ce soir. Owen et Tosh, tes fidèles amis vont mourir avant d'être mariés, quel dommage !

- Que vas-tu leur faire ? s'écria Jack avec un accent déchirant.

- Demain, ta maison de ville va exploser ainsi que tes compagnons. Ce n'est qu'une étape à la destruction de ta vie entière. Tu n'auras plus rien ! Sauf si tu cèdes à la demande du Maître.

- Jamais !

- Tu préfères rester fidèle à un ancien ami plutôt que de sauver tes proches. Quelle erreur !

Elle claqua la porte du grenier à sel et laissa Jack seul avec toutes ces nouvelles révélations à digérer. Il regarda Alec dont la tête pendait lamentablement sur le côté, les yeux fermés.

- Alec, appela-t-il doucement, Alec...

L'autre homme ne répondit pas, perdu dans les limbes de l'inconscience. Jack tenta de trouver une position plus confortable, chose difficile lorsqu'on est enchaîné.

Il découvrait que sa femme avait comploté derrière son dos pour le supprimer avec son frère qu'il avait cru disparu depuis des années. Elle avait fait enlever son fils et parler de supprimer ses amis. Il tira sur ses chaînes sans succès. Gray avait sans doute des raisons pour lui en vouloir mais pourquoi s'en prendre à ses amis ? Son seul espoir résidait maintenant en Ianto. Il fallait qu'il s'en soit sorti. Il espérait qu'il avait pu le suivre et qu'il allait le sauver. Il ne fallait pas qu'il revienne dans la maison qui allait être détruite.

Ses espoirs résidaient encore une fois dans l'homme qu'il aimait. Le corps collé au mur froid près de celui qu'il avait adoré passionnément, il prenait pleinement conscience des sentiments qui s'épanouissaient en lui. Cette douceur qui le prenait au ventre quand il pensait à lui, cette ardeur qui lui tendait les reins quand il sentait son odeur. Il savait ce qu'il ressentait pour lui alors qu'il en était éloigné. Il soupira. Comment allait-il pouvoir se sortir de cette situation si dramatique ?

A suivre...


Rhea01  (03.01.2011 à 17:00)

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chrismaz66, 26.05.2024 à 11:49

Hi, sondage inter-séries spécial nerds (geeks) à Torchwood! Venez choisir de la compagnie pour la geek de la série, merci à sanct!

chrismaz66, 27.05.2024 à 08:08

Hi 2, sondage sur les volets 2 et 3 de Kaamelott, signé Choup37, votez et merci d'avance, même pour faire coucou ^^

sanct08, Hier à 12:51

Hello, dernier jour pour voter au SONDAGE chez STAR TREK ! On vous attend à bord ;=)

langedu74, Hier à 18:55

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