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Série : Love, Victor
Création : 26.09.2022 à 06h55
Auteur : Emilie1905
Statut : Terminée
« Victor aide un nouveau camarade à s'intégrer à l'équipe de basketball » Emilie1905
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La cloche sonna au lycée Creekwood, annonçant la fin des cours. Victor appréciait particulièrement cette cloche en fin de journée, elle signifiait pour lui le début de l'entraînement de basketball avec son équipe. Alors qu'il marchait dans les couloirs du lycée, il se perdit dans ses pensées.
Victor avait effectué un sacré chemin depuis son arrivée à Creekwood. Il avait d'abord failli ne pas rejoindre l'équipe des Grizzlies pour une question d'argent, sa famille n'ayant pas beaucoup d'économies à son arrivée. Il s'était ensuite très bien intégré à l'équipe et démontrait à chaque match qu'il avait sa place avec de nombreux points à son actif. Tout se passait bien jusqu'à l'annonce de son coming-out, le comportement au sein de l'équipe avait alors changé, le laissant sur la touche, des discussions avaient lieu dans son dos. Victor avait arrêté pendant quelque temps la pratique du basket avant de découvrir un allié au nom d'Andrew. Grâce à son ami, les mentalités avaient changé et les Grizzlies étaient de nouveau à leur plus haut niveau avec un fort esprit d'équipe qui n'était pas étranger à leurs performances. Tout se passait réellement bien, et Victor ne pouvait en être plus content.
Ses pas l'avaient naturellement dirigé vers le gymnase où il s'entraînait régulièrement avec tout le monde. Après s'être changés, les membres des Grizzlies se mirent en activité avant d'écouter les directives de leur coach, le coach Ford.
- Bonjour les garçons, commença-t-il. Je voulais d'abord vous féliciter une nouvelle fois pour votre dernière victoire. Ce n'était pas un match facile mais vous ne vous êtes pas laissé faire. Vous avez tenu bon, tous ensemble pour nous ramener cette belle victoire. Félicitations !
Un tonner d'applaudissements et de cris se fit entendre dans le gymnase. Les joueurs célébraient à nouveau leur prouesse. Le Coach Ford attendit que le calme revienne avant d'annoncer le programme du jour.
- Vous avez rapporté la victoire, mais il y a encore pas mal de déchets au shoot. On pourrait être meilleur si les paniers rentraient du premier coup. Et ça concerne tout le monde, même Victor, notre plus gros marqueur, a loupé des tirs.
Les garçons se taquinèrent après cette petite pique. Mais comme l'avait dit le coach, ils étaient tous concernés et avec une meilleure efficience au tir, nul doutait qu'ils pourraient aller loin dans le championnat. Peut-être même qu'ils se qualifieraient pour le championnat national.
- Vous l'aurez compris, la séance d'aujourd'hui sera majoritairement concentrée sur des tirs alors au boulot, un ballon chacun et répartissez-vous autour des deux raquettes.
Les joueurs appliquèrent les consignes de leur entraîneur au mot et tirèrent avec concentration durant toute la séance. A la fin de la session, la plupart des lycéens avaient amélioré leurs tirs. Pour que ce soit réellement efficace, le Coach Ford décida d'instaurer un entraînement de la sorte par semaine, afin de voir les effets sur le long terme.
Dans les vestiaires, Victor s'apprêtait à partir lorsque Andrew le retint quelques instants.
- Ça te dit qu'on aille faire des 1v1 au parc demain ? Tu es toujours meilleur que moi et j'aimerais bien m'améliorer là-dessus !
Victor sourit intérieurement en pensant au chemin qu'ils avaient parcouru tous les deux. Ils étaient passés d'ennemis à amis, simplement parce qu'Andrew avait bien voulu voir les choses d'un autre point de vue que le sien. Et finalement, ils s'entendaient bien ce qui jouait aussi sur les performances de toute l'équipe.
- Oui bien-sûr ! On s'y retrouve après les cours ?
- Ça me paraît bien, répondit Andrew avec un sourire.
Ce soir-là, Victor rentra chez lui fatigué mais heureux. Le basket était sa passion, mais aussi son exutoire. Il se sentait toujours plus léger après un bon entrainement, ou bien après un match intense.
Le lendemain, Victor arriva un peu avant Andrew aux terrains ouverts de basket. L'un des terrains était pris par une équipe au complet tandis que sur le deuxième, un adolescent faisait quelques paniers tout seul. Victor l'observait en attendant son adversaire, le garçon avait l'air de vraiment bien se débrouiller. Les ballons qu'il lançait arrivaient tous à destination, les paniers étaient propres peu importe d'où il les marquait. Même si être seul au panier ne révélait rien, Victor devait bien avouer qu'il était impressionné par ce garçon.
Andrew arriva quelques minutes plus tard, Victor sortit de sa contemplation et fit des duels avec son partenaire et adversaire du jour. Il n'était que très peu concentré mais arrivait quand même à contrer Andrew sur la plupart de ses attaques. Ce qui énervait fortement ce dernier.
- Tu veux pas me laisser passer de temps en temps ? demanda Andrew en bougonnant.
- Si, si tu veux, répondit Victor en sortant carrément du terrain.
Andrew fronça les sourcils, perdu par l'attitude de son ami qui aimait pourtant jouer plus que tout. Victor se dirigea alors vers l'adolescent qui se trouvait dans la deuxième moitié du terrain.
- Salut, fit-il pour signaler sa présence.
Le basketteur leva les yeux vers Victor. Il paraissait surpris qu'on s'adresse à lui, presque apeuré, même.
- Je m'appelle Victor, continua-t-il pour le rassurer. Tu veux jouer avec nous, mon ami Andrew et moi ? Je te regarde depuis tout à l'heure et tu as l'air de bien te débrouiller.
Le rouge monta aux joues de l'adolescent, flatté mais gêné du compliment. Il était clair qu'il ne savait pas s'il devait accepter l'invitation. Victor était touché par sa timidité et tenta de le rassurer davantage.
- Aller viens ! Et si tu ne t'amuses pas, tu peux arrêter à tout moment, on comprend. Tu ne nous connais pas, ajouta-t-il avec un franc sourire.
Victor avait l'air d'avoir réussi son petit discours de motivation, l'adolescent fit un pas vers lui. Il n'avait toujours pas dit un mot cependant, trop impressionné pour le faire. Les trois garçons jouèrent quelques minutes tout en s'amusant. Ni Victor ni Andrew ne parlait, respectant le silence en quelque sorte imposé par leur invité. Alors qu'ils prenaient une pause boisson bien méritée, Victor finit par demander comment leur adversaire s'appelait. C'est d'une toute petite voix qu'il répondit.
- Alex. Je m'appelle Alex, répéta-t-il un peu plus fort.
- Enchanté Alex, fit d'abord Andrew.
- C'est un plaisir de jouer avec toi, tu es meilleur adversaire qu'Andrew, fit Victor pour taquiner son ami.
Andrew fit mine de lancer le ballon en direction de Victor ce qui déclencha des sourires sur tous les visages, même celui d'Alex.
- Vous vous débrouillez bien, répondit à son tour Alex.
- Et toi aussi ! Tu n'as jamais pensé à jouer dans une équipe ? Peut-être au lycée ?
Alex regarda ses chaussures en entendant la question de Victor. Il tritura ses doigts par anxiété. S'il avait réussi à combattre son malaise pendant la partie de basket, il n'y arrivait plus dès que des questions plus personnelles étaient posées par les deux autres garçons. Ça avait toujours été son problème, et c'est en partie à cause de cette timidité, cette introversion, qu'Alex n'arrivait pas à se lier avec les gens de son âge. C'est une des raisons de son éternelle solitude.
D'après son attitude qui avait brusquement changé, Victor avait bien remarqué que l'adolescent ne souhaitait pas répondre et il n'insista pas. Il avait beaucoup apprécié jouer avec lui, Alex était un très bon adversaire, alors il ne voulait pas le brusquer. Ils ne se connaissaient pas, après tout. Victor décida alors de changer de sujet en revenant sur quelque chose qu'ils appréciaient tous. C'est ce qui les avais réunis aujourd'hui, le basket.
- Vous voulez refaire une partie ? Il n'est pas si tard, fit Victor à l'attention de ses deux comparses.
Alex, dont le regard était fixé à celui de Victor, secoua la tête. Il avait eu sa dose d'émotions non contrôlées pour la journée, il préférait rentrer. Mais il ne voulait pas blesser ces nouvelles connaissances, il n'osait donc pas le dire. Il avait préféré le faire comprendre avec ce geste qu'il espérait clair.
- Pas de problème, répondit Victor avec un sourire rassurant. C'était sympa de jouer tous ensemble, j'espère qu'on se recroisera !
A peine Victor avait prononcé cette phrase qu'Alex avait récupéré ses affaires et commençait à s'éloigner, après un léger signe de la main.
- Il est bizarre un peu, dit Andrew à voix basse.
Victor ne lui répondit pas, quelque chose en Alex l'intriguait. Il décida de le rattraper avant qu'il ne parte.
- Hey Alex ? fit Victor en arrivant à sa hauteur. Désolé de t'embêter, tu n'es pas obligé de me répondre, écoute seulement. J'ai bien vu que les interactions sociales pouvaient te mettre mal à l'aise. Est-ce que tu serais d'accord qu'on s'échange nos numéros ? Ou nos réseaux sociaux ?
Devant le visage perplexe de l'adolescent, Victor précisa ses pensées.
- J'ai vraiment aimé jouer avec toi aujourd'hui. Je me dis que peut-être, si tu es d'accord, on pourrait voir pour jouer à nouveau ? On peut le prévoir, si tu préfères.
Alex prenait au mot Victor et ne répondit pas du tout à cette tirade. Il préférait écouter. Il avait toujours préféré écouter. Victor fouilla dans son sac à la recherche d'un morceau de papier et d'un stylo. Il y griffonna son numéro de téléphone ainsi que son prénom et le tendit à Alex qui le prit d'une main tremblante.
- Tu n'es pas obligé de m'envoyer un message. Mais si tu le souhaites, pour parler basket ou autre, n'hésite pas à me contacter. Je sais que parfois, c'est plus facile de s'exprimer par écrit.
Sur ces paroles, Victor s'éloigna d'Alex et rentra chez lui, pensif. Les souvenirs de cette après-midi plein la tête. Il se remit à penser à Alex et à ses talents de basketteur. Si seulement il était dans le même lycée que lui, à Creekwood, ce serait un atout non négligeable de l'avoir dans l'équipe des Grizzlies.
Un peu plus tard dans la soirée, Victor reçut un message d'un numéro qu'il ne connaissait pas. Quelle était la probabilité que ... Ça se confirma lorsqu'il lut le sms.
"Merci d'avoir été si compréhensif et merci pour la partie de basket. A."
Victor sourit à la lecture mais son ventre se serra. Les remerciements d'Alex n'avaient pas vraiment lieu d'être. S'il le remerciait, cela voulait sûrement dire que son entourage ne se montrait pas si gentil avec lui. Victor s'allongea sur son lit, le téléphone dans les mains, en train de réfléchir à une réponse.
"Merci à toi d'avoir été un si bon adversaire."
Victor attendit quelques minutes une réponse qui ne vint pas et finit par s'endormir, le téléphone toujours dans les mains.
C'est Pilar qui réveilla son frère le lendemain matin en arrivant en trombes dans sa chambre. Elle ne prit la peine ni de frapper, ni de parler doucement.
- Bouge Victor on est déjà en retard pour les cours !
Toujours endormi, ce dernier grogna dans son oreiller, ne voulant pas bouger. Sa sœur ouvrit violemment ses volets ce qui fit entrer toute la lumière. Il n'eut pas d'autre choix que de se réveiller.
- Il est quelle heure ? demanda-t-il tout en attrapant son téléphone.
- Il est l'heure ! Aller bouge-toi !
Les relations fraternelles entre les deux Salazar s'étaient améliorées mais ce matin-là, ça n'avait aucune importance. Pilar détestait arriver en retard au lycée. Elle ne pourrait pas discuter des derniers potins avec Rahim et ça l'énervait d'avance.
En regardant l'heure, Victor aperçut qu'il avait un message d'Alex, enregistré comme A dans son répertoire. Il se dépêcha de se lever et de se préparer. Il le lirait plus tard, ce message.
Dans les couloirs du lycée, Victor se rappela le message qu'il n'avait pas lu et sortit son téléphone tout en écoutant d'une oreille ce que lui racontait Felix, son meilleur ami.
"Tu dois déjà dormir à cette heure-ci"
Victor interrompit sa lecture pour regarder l'heure à laquelle Alex lui avait répondu. 2h22. En effet, il dormait depuis un long moment. La question qui lui vint en tête concernait les raisons de l'insomnie de l'adolescent. Victor finit par se reconcentrer sur sa lecture, il la reprit depuis le début.
"Tu dois déjà dormir à cette heure-ci et tant mieux. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai envie de t'en dire un peu plus. Sûrement parce qu'on n'est pas si étranger que ça. J'étudie au lycée Creekwood, comme toi. Je suis nouveau ici, et même si je ne l'étais pas, tu ne m'aurais probablement pas plus remarqué. Je suis désolé de ne pas vous l'avoir dit hier, j'espère que ça ne changera rien à ta proposition de jouer à nouveau ensemble. Bonne journée. A."
La fameuse sonnerie retentit, mais cette fois, Victor n'en était pas spécialement content. Il n'avait pas le temps de répondre à Alex mais il pensa à son message durant tout le cours. Une partie de lui espérait convaincre Alex de rejoindre l'équipe de basket du lycée mais une autre avait du mal à cerner le garçon. A la pause, Victor rédigea sa réponse rapidement avant de passer du temps avec ses amis.
"Ça ne change rien du tout Alex. Seulement le fait que maintenant, j'ai envie que tu rejoignes l'équipe. Mais on pourra en discuter plus tard. Passe une bonne journée !"
Durant tout le reste de la journée, et même de la semaine, Victor scrutait les différents visages. Il espérait croiser Alex, même s'il ne saurait pas vraiment quoi lui dire. Malheureusement, ce moment n'arriva pas. Les deux garçons avaient échangé quelques messages supplémentaires les jours suivant, mais rien de très personnel. Alex restait un mystère pour Victor. Il était un peu plus bavard qu'en réalité mais ne s'épanchait pas non plus sur les sujets. Victor avait aussi remarqué ses horaires décalés. On aurait dit qu'il avait une tout autre vie que celle souvent vécue par un adolescent de cet âge.
Victor prit l'initiative de lui proposer de se retrouver le lendemain, un samedi, au terrain habituel pour échanger quelques ballons. Il fut surpris de lire la réponse d'Alex, il ne pensait pas recevoir de réponse aussi claire.
"Avec plaisir. Je préfère le matin, 9h ça t'irait ?"
Victor s'empressa de lui confirmer sa venue avant de passer la soirée devant un film, avec sa mère et son petit frère.
- Merde, je vais être en retard, pesta Victor en tentant de mettre maladroitement ses chaussettes.
Victor finit de préparer ses affaires, attrapa son ballon et se précipita hors de l'appartement. Dès sorti, il se mit à courir pour essayer de rattraper son retard. C'était mal parti mais une fois arrivé à leur point de rendez-vous, Victor n'avait que 3 minutes de retard. Lorsqu'il arriva, essoufflé, Alex était déjà en train de mettre quelques paniers.
- Salut ! lança Victor une fois qu'il eut déposé ses affaires sur le banc. Désolé du retard, je n'arrivais pas à mettre mes chaussettes.
Un maigre sourire s'étira sur le visage d'Alex. Il avait rarement entendu une excuse aussi nulle. Mais il était content de voir que Victor était venu alors il ne fit pas de commentaire. Dans tous les cas, il n'aurait pas osé en faire, ce n'était que la deuxième fois qu'il voyait l'adolescent.
- Salut, répondit-il d'une voix faible.
Alex lança le ballon à Victor et les garçons commencèrent à faire des duels en silence. Victor commençait vraiment à apprécier jouer sans un mot. Il pouvait se concentrer sur son jeu, tout en laissant ses pensées vagabonder. Il pouvait comprendre qu'Alex trouvait qu'un environnement calme était sécurisant. A sa plus grande surprise, Alex finit par briser le silence de lui-même.
- Vous avez fait un super match la semaine dernière.
- Oh tu étais là ? demanda Victor visiblement surpris.
Alex secoua la tête négativement. C'était compliqué pour lui de se rendre à des événements tels que les matchs. Il y avait trop de monde, trop de bruit. Trop de variables qu'il ne pouvait maitriser.
- J'ai suivi le score en ligne et j'ai aperçu quelques vidéos aussi.
Victor sentait Alex disposé à parler alors il continua la discussion.
- Ça t'intéresserait de jouer avec nous ? Pas forcément les matchs, mais un entrainement, pour tester ?
Alex recommença à jouer avec ses doigts, nouveau signe de son malaise. Victor le remarqua assez rapidement, il ne savait pas s'il devait changer de sujet ou bien attendre que son nouvel ami lui réponde. Il n'eut pas à décider lorsqu'il entendit Alex lui répondre.
- Je ne suis pas très équipe. Je préfère jouer seul ou en petit comité.
Victor encaissait les informations. Il aimerait qu'Alex se laisse tenter mais il pouvait comprendre que tout le monde ne soit pas fait pour les sports d'équipe. Victor réfléchit à ce qu'il pouvait répondre pour le rassurer, au moins un peu.
- Tu me connais, moi. Enfin, tu ne me connais pas personnellement, mais tu as déjà interagi avec moi, continua doucement Victor. Et à l'inverse, j'ai déjà interagi avec toi. Je sais que tu joues avec tes doigts quand tu es nerveux. Je sais que tu n'aimes pas parler pendant qu'on joue. Et je respecte tout ça. Si jamais tu voulais faire un essai dans l'équipe des Grizzlies, je te promets de veiller sur toi. Je ferais en sorte que tu te sentes bien. En tout cas, je ferais en sorte pour que tu ne sois pas mal à l'aise plus que nécessaire.
Pour éviter qu'Alex n'ait à lui répondre, Victor reprit le ballon qu'il avait posé par terre et lui lança, signe qu'ils pouvaient recommencer à jouer. Victor savait que son petit discours était en train de faire son chemin, il voulait lui laisser le temps d'y réfléchir. Ne pas le brusquer, faire en sorte qu'il se sente en sécurité. C'est aussi ce qu'il essaierait de faire si jamais Alex venait jouer avec lui. Il était peut-être différent, mais c'était un excellent joueur et de ce qu'il avait pu voir, une très belle personne également.
Une semaine plus tard, les garçons de l'équipe des Grizzlies étaient attroupés autour du Coach Ford.
- Bonjour à tous, je vous présente Alex, qui fait un essai avec nous aujourd'hui. Je compte sur vous pour lui réserver un bel accueil qui lui donnera envie de rester.
Alex ne regardait personne en particulier, il évitait d'ailleurs de croiser des regards. Victor de son côté, l'observait attentivement. Il lui avait fait la promesse de faire en sorte que ça se passe bien, il comptait bien s'y tenir.
- Un ballon pour deux, finissez votre échauffement. Hop hop hop, fit le Coach Ford.
Victor s'approcha de leur invité et lui tendit le ballon, lui proposant silencieusement de former un binôme. Alex le remercia silencieusement et les deux garçons se firent quelques échanges et quelques duels pour peaufiner leur entraînement.
La séance se déroula bien pour Alex qui était concentré sur son jeu. Le fait de jouer avec autant de personnes qu'il ne connaissait pas ne l'avait pas tant perturbé. Par contre, il ne divaguait pas et n'échangeait pas beaucoup avec les autres. Les autres joueurs mirent ça sur le compte de la situation intimidante et ne lui en tinrent pas rigueur.
La moitié de l'entrainement consista à un match amical au sein de l'équipe. Victor et Alex s'étaient alors retrouvés dans la même équipe lors du tirage au sort plus ou moins aléatoire du coach. Les deux garçons avaient déjà joué ensemble plusieurs fois pendant leurs petites sessions. Enfin, ils avaient majoritairement joué l'un contre l'autre. Une tout autre entente vit le jour sur le terrain. Sans avoir besoin de communiquer plus que nécessaire, Victor trouvait toujours Alex dans ses passes. Cela permit de marquer quelques paniers impressionnants. Dans l'autre sens, Alex avait aussi fait plusieurs passes décisives à beaucoup de joueurs de l'équipe. En plus d'être un très bon shooter, il analysait très bien et très vite le terrain. Cette vision globale permettait à son équipe d'enchaîner les points sans que leurs adversaires n'arrivent à répliquer.
A chaque point marqué, à chaque action réussie et à chaque passe décisive, les Grizzlies félicitaient leur invité. Bien que certains se sentent menacés par la performance d'Alex, tous étaient impressionnés par ses capacités, le Coach aussi. Il ne voulait pas leur porter la poisse, mais si l'équipe accueillait ce nouveau joueur, il était persuadé qu'ils iraient très loin dans la compétition.
En fin de soirée, le Coach libéra tout le monde, les félicitant pour la séance qu'ils avaient réalisée. Alex reçut quelques tapes d'encouragement dans le dos de la part de différents joueurs. Il ramassa ses affaires rapidement, changea de chaussures et sortit de la salle après avoir lancé un "Bonne soirée" à peine audible.
Il rentra alors chez lui à pied, ce qui lui permettait de réfléchir aux dernières heures. Il appréhendait fortement cet entraînement avec les Grizzlies et finalement, il s'était plutôt bien passé. La présence de Victor l'avait beaucoup rassuré. Il n'avait jamais imaginé penser ça, mais sur le moment, Alex se sentait capable de rejoindre cette équipe. Ça chamboulerait son quotidien et il devrait s'adapter pour ne pas être surchargé émotionnellement. Mais après ce soir, il s'en sentait capable. Peut-être qu'il ne le serait plus le lendemain, mais il se refusa d'y penser pour le moment.
Plus tard dans la soirée, Alex reçut un message de Victor alors qu'il jouait sur son portable. Il quitta l'application pour lire ce que son nouvel ami lui avait envoyé. Ça sonnait encore bizarre dans sa tête, il n'avait jamais réellement eu d'amis dans la vie. Des connaissances, oui. Mais il était difficile pour lui de créer de véritables liens. Ils ne duraient jamais vraiment longtemps, ces liens. Fragiles, facilement cassables, les liens qu'il nouait ne duraient généralement pas plus de quelques semaines. Son attitude bizarre était souvent la cause de ces ruptures. Alex se reconcentra sur son portable et échangea quelques messages avec Victor.
"J'espère que cet entraînement s'est bien passé pour toi ! Tu avais l'air dans ton élément en tout cas. Tu en as bluffé plus d'un."
"C'était moins pire que ce que j'avais imaginé, merci de m'avoir poussé à essayer."
"Ça veut dire que tu rejoins l'équipe ???"
La vision de tous ces points d’interrogation fit sourire Alex. Il imaginait très bien le ton que Victor aurait employé s'ils se trouvaient face à face.
"Je n'ai pas encore décidé, peut-être ? C'était vraiment sympa de jouer dans une vraie équipe, c'est plus stimulant que seul face au panier"
"Tu as essayé les paniers qui bougent tous seuls ? C'est vraiment mortel comme stimulation !"
Alex n'arriva pas à retenir un gloussement si bien que sa mère entra dans sa chambre pour vérifier que tout allait bien. Il était rare que son fils rigole tout seul dans sa chambre. Il était même rare qu'il rigole tout court. Bien qu'elle fût surprise de ce comportement, elle était soulagée de voir que son acclimatation à son nouvel environnement se passait convenablement.
"Et maintenant, je vois des paniers volants. Pas merci !"
Alex appréciait vraiment la présence de Victor. Leurs discussions étaient confortables, il s'y sentait en sécurité. Il avait l'impression d'être compris, il pouvait être lui-même sans se soucier du regard posé sur lui. Alex avait toujours eu du mal à ressentir les émotions, il avait appris à vivre avec. C'était cependant plus compliqué pour ses proches. Sans le vouloir, il donnait souvent l'impression d'être quelqu'un de froid, qui ne se souciait pas des autres et qui se fichait pas mal de tout. Ce n'était pas le cas, il ne montrait tout simplement pas ses émotions comme le commun des mortels. Ses émotions étaient très intériorisées, peut-être trop même. Il aimerait pourtant apprendre à lâcher prise, à montrer un peu plus ce qu'il ressentait. Et peut-être que finalement, rejoindre l'équipe des Grizzlies le lui permettrait. Sa décision prise, Alex préféra l'officialiser à Victor pour éviter de se défiler à la dernière minute.
"Il y aurait une petite place pour moi dans votre équipe ?"
La réponse ne tarda pas, son téléphone émit un léger son quelques instants plus tard.
"QUOI ?? C'est vrai, tu nous rejoins ?"
"Yep, fais-moi signer les papiers avant que je change d'avis."
"Ce message fera office de preuve ! Je suis super content !"
Alex ne savait plus vraiment quoi répondre à Victor mais ne voulait pas le laisser dans l'attente non plus.
"Bonne nuit Victor."
"Bonne nuit Alex."
Après lui avoir souhaité bonne nuit, Alex posa son téléphone pour essayer de trouver le sommeil. En espérant qu'une nouvelle insomnie ne fasse pas d'apparition. Encore une journée de passée et si elle avait été épuisante émotionnellement, ce n'était pas la pire journée qu'il ait vécu. Il la classait même dans les bonnes journées.
Cela faisait maintenant plus d'un mois qu'Alex avait rejoint l'équipe des Grizzlies. Ses performances sportives étaient toujours remarquables mais l'ambiance n'était pas au beau fixe entre tous les joueurs. Certains lui reprochaient de ne pas assez s'impliquer dans l'équipe. Enfin, rien ne lui était reproché directement mais dans son dos, les murmures s'élevaient de plus en plus. Il était vrai qu'Alex ne restait pas longtemps après les entrainements, ne rigolait pas beaucoup avec ses partenaires et n'exprimait pas sa joie de gagner les matchs comme les autres membres de l'équipe. C'était sa façon d'être et ça, ses coéquipiers ne le comprenaient pas tous. Ils voyaient son comportement comme un refus de se lier à eux.
Un soir post-entraînement, les propos se firent plus virulents après qu'Alex est parti rapidement. C'est Kieran qui explicita tout haut ce que plusieurs pensaient silencieusement.
- Non mais ça ne peut pas aller ! Comment on peut être une équipe si l'un des membres n'est pas content d'être avec nous et ne veut pas jouer avec ses coéquipiers ?!
Plusieurs autres garçons allèrent dans son sens. Le ton montait fortement et il devenait difficile de s’entendre. Victor assistait, impuissant, à ce déchirement au sein de l’équipe. Depuis le départ, il avait soutenu Alex, a été présent pour lui et a respecté le rythme de l’adolescent pour que l’intégration se passe au mieux. Victor avait toujours essayé de calmer le jeu discrètement lorsqu’il entendait certains commentaires désobligeants mais les tensions entre les joueurs venaient d’atteindre leur paroxysme.
- Les gars, calmez-vous, tenta-t-il sans grande conviction.
Son intervention ne fit aucun effet sur le groupe. Chacun y allait de sa petite intervention et de sa petite phrase cassante.
- Il n’est pas fait pour un sport d’équipe.
- Depuis qu’il est arrivé, il y a une mauvaise ambiance au sein du groupe.
Victor, dépité, commença à s’éloigner de ses coéquipiers. Il ne voulait pas entendre une seconde de plus les critiques qui étaient faites sur son ami. Car il le considérait bien comme tel, Alex était un véritable ami. Dès leur rencontre, Victor s’est beaucoup attaché à Alex et leur relation s’est renforcée au fil des entrainements et discussions qu’ils avaient eus.
En entendant tous ces propos sur celui qui comptait comme un de ses meilleurs amis, Victor voudrait intervenir. Mais comment s’interposer pour calmer ses coéquipiers et est-ce qu’il devait réellement intervenir ? Victor aimerait vraiment que chacun comprenne Alex tel qu’il est, qu’ils se mettent à sa place et sachent que son attitude ne signifie en aucun cas qu’il ne se plaît pas dans l’équipe. Le cœur serré, Victor partit sans un mot du gymnase ne trouvant pas la bonne manière d’apaiser tout le monde.
Arrivé chez lui, le jeune basketteur salua à peine ses parents et s’enferma dans sa chambre, toujours déboussolé par le comportement de ses amis. Il eut soudainement envie de prendre des nouvelles d’Alex, même si l’entrainement était terminé depuis moins d’une heure. Il prit son téléphone et se mit à pianoter. Il dut faire plusieurs essais avant d’envoyer son premier message.
"Salut Alex ! J’espère que tu es bien rentré. C’était juste pour te féliciter pour cet entraînement, tu avais l’air en forme aujourd’hui. Je voulais aussi m’assurer que tu te plaisais toujours dans l’équipe. Je te dérange pas plus longtemps, bonne soirée. Love, Victor."
Victor s’endormit sans attendre la réponse d’Alex qui viendrait quelques heures plus tard.
Cette nuit-là, Victor se réveilla quelques heures avant son réveil. En déverrouillant son téléphone pour vérifier l’heure, il vit qu’Alex lui avait répondu à 4h30. C’était il y a à peine une heure. Victor se frotta les yeux pour pouvoir lire la réponse de son ami. Il fronça instinctivement les sourcils lorsqu’il vit la longueur du message. Habituellement, Alex répondait en quelques mots et la taille de ce message surprit Victor. Son cœur se mit à accélérer à mesure qu’il lut le texte d’Alex.
"Salut Victor. Je profite de l’heure tardive pour te répondre, au moins, tu ne la liras pas avant plusieurs heures. Je perçois une certaine inquiétude dans ton message alors je vais faire un effort pour développer ma réponse.
Je voulais d’abord te remercier. Tu m’as toujours soutenu, tu as toujours été une oreille attentive et tu as toujours veillé à ce que j’aille bien. Et je ne sais pas comment tu fais exactement, mais tu as toujours su quand ça n’allait pas ou quand je n’étais pas à l’aise. Pourtant, c’est habituellement quelque chose que j’arrive bien à cacher. Bref, merci d’avoir été mon ami durant ces quelques semaines.
Pour répondre franchement à ta question, non. Tu as dû t’en apercevoir depuis le temps, mais les interactions sociales, c’est difficile pour moi. Faire partie d’une équipe comme la vôtre était un vrai challenge. Je ne sais pas ce qui m’a pris de le tenter. Je ne sais pas ce qui m’a pris de penser que j’allais relever ce défi. J’aurais beau être le meilleur joueur de basket possible, je serai toujours un piètre coéquipier, c’est comme ça. Et ils n’ont pas l’air de s’en rendre compte, mais je sais bien que beaucoup n’acceptent pas ma présence. J’entends les chuchotements, je croise les regards. Et ça ne peut pas continuer, Victor. Demain, enfin aujourd’hui plutôt, je déposerai ma démission au coach Ford. Je pense que j’apporte plus de négatif que de positif dans l’équipe. Encore merci pour ta présence quotidienne et bonne continuation. A."
Désormais bien réveillé, Victor se redressa dans son lit. Il espérait sincèrement qu’Alex soit toujours près de son téléphone pour échanger avec lui. Victor tapa un message rapide, ne voulant perdre aucune minute.
"Tu es réveillé ?"
Lorsqu'il vit les trois petits points s'agiter sur son écran, signe qu'Alex était en train de répondre, Victor se leva et s'habilla. Avant même de recevoir la réponse de son ami, il envoya un nouveau message.
"Je serai au terrain de basket dans 15 minutes, si tu veux me rejoindre, tu es le bienvenu."
Ballon à la main en train d'aligner quelques paniers, Victor n'attendit pas 10 minutes avant de voir un adolescent, capuche sur la tête, s'approcher des terrains extérieurs. Il sut immédiatement qu'il s'agissait d'Alex. Victor lui fit une passe qui fut rattrapée sans encombre. Les deux garçons jouèrent quelques minutes avant que Victor ne prenne la parole, cette fois, il n'avait pas envie de tourner autour du pot. Il ne voulait pas qu'Alex arrête le basket et il comptait bien lui faire comprendre.
- Tu ne peux pas abandonner maintenant, Alex.
Le concerné manqua son tir au moment où Victor prit la parole. Il ne s'attendait pas à une telle remarque de la part de Victor qui avait toujours respecté ses silences et ses conversations de quelques mots.
- Ma décision est prise, répondit Alex après avoir récupéré le ballon.
Victor secoua la tête, mécontent de cette réponse. Alex était un trop bon joueur pour arrêter, il devait lui faire comprendre.
- Je sais que c'est difficile pour toi et j'ai bien entendu les murmures, moi aussi. Pas plus tard qu'hier soir, d'ailleurs, ajouta-t-il dans un soupir.
- Ils ne me veulent pas dans l'équipe.
Alex avait répondu d'une voix calme, plate en énonçant ce simple fait. Il n'avait pas l'air troublé par l'affirmation qu'il exprimait. De son côté, Victor cherchait ses mots. Il devait bien avouer qu'Alex n'avait pas totalement tort, les autres adolescents n'avaient pas l'air d'apprécier sa présence dans l'équipe. Ils aimaient jouer avec lui sur le terrain, personne ne pouvait nier qu'il était un bon joueur. Une fois l'entrainement ou le match terminé, c'était une autre histoire. Soudain, Victor comprit le comportement de ses camarades à l'égard de l'adolescent.
- Tu sais, je pense qu'ils t'apprécient réellement. En tant que coéquipier et en tant que joueur.
Alex fronça les sourcils en entendant les mots de Victor mais ne l'interrompit pas, attendant qu'il continue son explication.
- Tu es un très bon joueur, et plusieurs ont progressé depuis que tu nous as rejoints. Genre, vraiment progressé. Ce qui coince, c'est qu'ils ne te connaissent pas. Ils connaissent bien Alex, numéro 7, faisant bon nombre de passes décisives, tout en marquant beaucoup de paniers. Mais ils ne te connaissent pas toi, ajouta Victor en touchant le torse d'Alex de son doigt.
Malgré ce contact non annoncé, Alex ne bougea pas d'un centimètre, le regard ancré dans celui de Victor. Touché par ses propos, Alex ne savait pas quoi répondre, comme souvent quand il s'agissait de tenir une discussion. Rajoutons par-dessus le côté émotionnel et il perdait toute contenance. Si les mots ne sortaient pas, son visage, lui, prouvait à Victor qu'il avait fait mouche.
- Je te connais un peu, moi, continua l'adolescent. Je sais que tu n'aimes pas beaucoup parler même si je pense que tu as plein de choses intéressantes à partager. Tu n'aimes pas beaucoup non plus les gestes affectifs alors les accolades en fin de match ou quand tu fais une belle action te pompent rapidement ton énergie. Tu n'aimes pas la collectivité en règle générale et préfère passer du temps de qualité seul ou à très petit comité. Ces préférences font de toi qui tu es, et personnellement, je tiens beaucoup à cette personne.
Victor fit une pause pour respirer et réordonner ses pensées. Au fil de ses paroles, son regard n'avait pas quitté celui d'Alex et il aurait juré avoir vu passer une once d'émotion dans ses yeux, comme si les larmes n'étaient pas bien loin. Il continua son petit discours, qui, il l'espérait, arrangerait les choses.
- Tu ne dois pas changer pour être accepté des autres, Alex. On pourrait faire ce qu'on veut, tu ne seras jamais le plus bavard, le plus fêtard ou le plus démonstratif. Et c'est très bien. Je préfère avoir un coéquipier heureux mais peu présent avec nous mais qui tient réellement à l'équipe plutôt que quelqu'un qui se force à rester après les entrainements. Le problème, c'est que tout ce que moi, j'ai compris, enfin si j'ai bien interprété ton comportement, mais je ne pense pas en être loin.
- Tu n'es pas loin du tout, confirma Alex rapidement.
Victor hocha la tête avant de continuer, content qu'Alex intervienne dans cette discussion.
- Donc ce que j'ai compris, les autres n'en ont pas conscience. Ils pensent à tort que tu n'aimes pas passer du temps avec nous, que tu ne tiens pas à l'équipe ou encore que le basket n'est pas une passion, juste une espèce de passe-temps.
- Ce n'est pas le cas, souffla l'adolescent.
- Et je le sais, mais il va falloir qu'on trouve un moyen de le faire comprendre aux autres, ajouta Victor en réfléchissant.
Voulant profiter du temps qu'il leur restait avant de devoir rentrer pour se préparer pour les cours, Victor fit signe à Alex de lui envoyer le ballon. Les deux adolescents mirent de côté leur discussion, même si elle restait bien ancrée dans la tête de chacun. Ils préférèrent quelques paroles plus légères tandis qu'ils enchainaient les duels.
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