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La vie est un éternel recommencement

Série : The Fall
Création : 13.11.2023 à 08h09
Auteur : sanct08 
Statut : Terminée

Stella Gibson, devenue psychiatre sous le nom de Bedelia du Maurier, cherche à comprendre ce qu'elle est devenue tout en tentant de se défaire de l'influence d'Hannibal Lecter.

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Présentation des séries et des personnages :

L’épisode virtuel (EV) qui suit est un crossover entre les séries Hannibal et The Fall. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas les séries ou n’en connaîtraient qu’une seule, voici un petit descriptif de leurs trames et des personnages mentionnés dans l’histoire.

Les séries :

  • Hannibal : La série s’intéresse au parcours de Will Graham, profiler au service du FBI, qui a pour mission de traquer les pires serial killers des Etats-Unis. Sa vie bascule le jour où il fait la rencontre d’Hannibal Lecter, psychiatre renommé et aidant aussi le FBI, qui va faire de sa vie un enfer.

  • The Fall : La série met en scène la superintendante de la police de Londres, Stella Gibson, qui part enquêter à Belfast sur des meurtres à caractères sexuels et parvient à relier entre elles plusieurs affaires qui n’ont, à première vue, aucuns rapports.

Contexte de l’EV :

  • Hannibal : les faits relatés dans l’EV se passent à différentes époques : avant, pendant et juste après la fin de la série.

  • The Fall : les faits relatés se situent après l’histoire racontée dans la série.

Les personnages principaux :

  • Bedelia du Maurier : Bedelia est une psychiatre dont la vie bascule après avoir « accidentellement » tué un patient que lui avait envoyé Hannibal Lecter. Lorsqu’elle comprend, quelques années plus tard, que son collègue est un tueur en série, elle décide de renoncer à ses séances avec lui. Elle quitte alors la ville et part se réfugier au loin pendant quelques mois avant d’être retrouvée par le FBI qui doute alors de Lecter. Comprenant qu’elle est à nouveau sur la liste du tueur, elle décide de s’en faire un allié et part à ses côtés pendant 8 mois en voyage à travers l’Europe sous le pseudonyme de Mrs Fell. Hannibal démasqué et arrêté, elle échappe à la prison en affirmant avoir été droguée tout du long par le psychopathe.

  • Stella Gibson : Stella est la superintendante en charge de l’affaire de « L’étrangleur de Belfast ». Belle, détestant perdre le contrôle de la situation, forte et déterminée, elle n’en est pas moins très seule et ne semble pas avoir beaucoup d’attaches mis à part ses aventures d’un soir et son histoire avec son ex, Jim Burns.

>> Pour les besoins de l’EV, les deux personnages ont été fusionnés. Stella Gibson devient Bedelia du Maurier après avoir quitté l’Angleterre à l’issue de « l’affaire Spector ».

  • Hannibal Lecter : Hannibal est un psychiatre de renom qui aide le FBI et œuvre également à titre privé. Expert en manipulation mentale, serial killer et cannibale, il était l’un des collègues de Bedelia. Démasqué par un profiler, Will Graham, il est contraint de fuir pour rester en vie et continuer à tuer. Il est, un temps, épaulé par Bedelia qui décide de se joindre à lui afin d’en savoir plus sur lui et sa psychologie tout en cherchant également à éviter d’être l’une de ses victimes.

Les personnages secondaires/mentionnés dans l’EV :

  • Will Graham : Will est un profiler de génie qui aide le FBI à traquer des serial killers. Mentalement fragile, il possède aussi le don de se mettre à la place des victimes sur lesquelles il enquête pour découvrir le moindre détail concernant leur meurtre. Bouleversé par ses incursions dans l’esprit de tueurs, il est sommé de suivre une psychanalyse avec le Dr Lecter. A compter de ce jour, sa vie bascule et il devient l’un des jouets d’Hannibal.

  • Neal Frank : Ancien patient d’Hannibal et Bedelia, il meurt sous les yeux de la psychiatre après avoir fait une crise d’épilepsie et alors que celle-ci tentait de le sauver. Ce décès, dont elle est responsable comme l’expliquera l’EV, est un tournant dans sa carrière comme dans sa vie privée.

  • Jack Crawford : Agent fédéral et supérieur de Will et Hannibal. Il traque « l’Eventreur de Cheasapeak » depuis le jour où ce dernier a kidnappé puis tué sa collègue Miriam Lass.

  • Jim Burns : Jim est le supérieur de Stella à Belfast. Il a eu une aventure avec elle par le passé, aventure suffisamment sérieuse pour qu’il envisage de quitter sa femme jusqu’à ce que Stella y mette un terme.

  • Paul Spector : Paul Spector est le principal suspect des crimes de « L’étrangleur de Belfast » et la némésis de Stella Gibson avec qui il entretient une relation complexe. Après plusieurs semaines d’investigation, il est reconnu coupable des meurtres dont on l’accuse et décède après son incarcération en asile, tué par un autre patient.

  • Olivia Spector : Fille de Paul Spector, elle est placée dans sa famille à la suite de l’affaire criminelle concernant son père (valable uniquement dans la série).


sanct08  (13.11.2023 à 08:11)

Acte 1 : Pacte avec le Diable

Elle tremblait de tous ses membres et avait du mal à respirer. Sa respiration était sifflante et saccadée. Elle posa les yeux sur son poing ensanglanté et le souvenir de l’acte odieux qu’elle venait de commettre fit irruption dans sa mémoire. C’est alors qu’elle se rendit compte qu’elle avait la nausée et qu’elle prit conscience d’une présence dans son dos. Elle comprit immédiatement, bien que trop tard, qu’elle était la victime d’un coup monté. Un coup monté à la perfection. Un complot qu’elle n’avait pas soupçonné. Sa voix la reconnecta avec la réalité. Comme un automate car elle était encore choquée, elle répondit à ses premières questions cherchant immédiatement à se justifier jusqu’à ce qu’elle change d’avis. Il devait savoir qu’elle savait. Il n’admit ni ne nia sa responsabilité. Il se contenta seulement de lui faire remarquer que tout ceci s’était produit sous sa garde et proposa de l’aider si elle en ressentait l’envie. Ou bien le besoin. Elle se mura dans le silence. D’air et d’espace : voilà ce dont elle avait besoin. Elle avait néanmoins conscience qu’elle était incapable de mettre un pied devant l’autre et que ses jambes ne la porteraient pas bien loin. Il lui fallait pourtant quitter cette pièce. Échapper à son regard scrutateur. Sa seule échappatoire : les WC. De toute manière, elle devait se débarbouiller. Elle accepta la main qu’il lui tendait pour se relever, chancela quelques secondes avant de se stabiliser et de se diriger vers les toilettes. Une fois arrivée à destination, elle s’aspergea le visage d’eau et ferma les yeux comme le fait un enfant qui voudrait éloigner un mauvais rêve mais, malheureusement pour elle, elle ne cauchemardait pas.

La nausée ne la quittait pas et elle ne parvenait pas à lutter contre elle. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’elle se retrouvait couverte de sang mais cette fois-ci était différente. Différente parce qu’elle avait tué. Parce que son corps était devenu une arme. Une arme meurtrière. Elle avait tué un homme sans le vouloir. Enfin… elle l’espérait. Elle voulait le croire. Elle devait croire qu’elle n’avait pas consciemment tué Neal Frank. Elle ne voulait pas l’avoir tué en étant en pleine possession de ses facultés mentales et physiques. C’était contraire à ses principes et aux valeurs en lesquelles elle croyait. Qu’on lui avait enseignés. Auxquels elle s’accrochait désespérément depuis que « l’affaire Spector » avait éveillé, ou peut-être réveillé, en elle des pulsions et sentiments malsains. Incontrôlables. Ses pensées s’embrouillaient, sa raison semblait la quitter, sa vue se voilait. Sa nausée empirait et elle dut même se pencher au-dessus du lavabo pour contrôler son envie de vomir. Au même instant, elle sentit un liquide froid couler dans son cou. Sa sueur. Elle avait des suées froides tant le choc était important ! Sa sueur s’amalgamait aux taches de sang qui maculaient son cou et le col de son chemisier. Elle suffoqua et se débarrassa de son haut en soie pour ne garder que son débardeur blanc. Avoir ôté une épaisseur ne l’aida pas à mieux respirer contrairement à ce qu’elle avait espéré. Elle avait toujours autant besoin d’air, besoin de sentir de l’air frais et sain pénétrer dans ses poumons et la soulager de ce poids qui pesait sur sa poitrine. Elle fouilla la pièce du regard, machinalement, avant de se rappeler qu’il n’y avait aucune fenêtre dans les WC de son bureau. Soudain, elle se sentit épiée. Il était là. Un frisson la parcourut et elle ne put le réprimer avant qu’il ne soit près d’elle, la frôlant presque. Il s’empara alors d’une serviette et entreprit d’essuyer sa joue et son cou, d’une main habile et experte, la faisant une fois encore tressaillir. Il donnait l’impression que ce n’était pas la première fois qu’il agissait de la sorte. Cette idée la fit grincer des dents et ranima son instinct policier. Celui-là même qu’elle croyait en berne, voire éteint, depuis 7 ans. Finalement, Jim avait raison : l’instinct était bel et bien un élément vital de sa constitution même s’il ne semblait se manifester que lorsqu’il en avait envie ces dernières années. Quoi qu’il en soit, Jim disait toujours de l’instinct de son amie qu’elle ne parviendrait jamais à l’éteindre et à s’en défaire même si elle le désirait ardemment. Et Dieu sait si, à un moment de sa vie, elle aurait aimé qu’il disparaisse ! A cet instinct nouvellement réveillé s’ajoutèrent ses instincts combatifs et de survie. De ceux-ci non plus elle n’était jamais parvenue à se débarrasser. Raison pour laquelle elle n’avait jamais cédé entièrement à ses envies et idées noires. C’était ce même instinct, quelle que soit sa forme, qui l’avait poussée à changer de vie mais qui l’avait aussi placée sur le chemin de Paul Spector des années auparavant. Un évènement qui avait tout chamboulé en elle et dans son quotidien. La vie était une garce ! Un éternel recommencement. Elle avait fui Londres, son passé, sa carrière parce qu’elle avait eu peur de ce qu’elle avait entrevu de son moi profond au cours de ces quelques semaines de traque. Et voilà que tout recommençait ! Elle n’avait pas tout plaqué pour endurer à nouveau de telles épreuves !

Sa tête recommença à la lancer. Trop de pensées s’y bousculaient. Et sa présence ne l’aidait pas à s’éclaircir les idées. Puis, sans qu’elle sache trop bien pourquoi, elle eut la certitude que sa vie allait à nouveau être bouleversée. Quoi qu’elle décide, elle ne pourrait jamais revenir en arrière et elle préférait avoir les coudées franches et ne pas moisir en prison. Elle regarda son reflet dans le miroir qui lui faisait face. Elle lut dans son regard de la détermination mais aussi de l’angoisse. Elle n’avait pas le choix : elle devait accepter sa proposition. Il lui offrait de l’aide, elle ne pouvait pas refuser sinon les conséquences pourraient être encore plus terribles pour elle. Un regard sur son poing maculé de sang et les taches écarlates pigmentant ses vêtements mais aussi son cou, combinés aux désirs contradictoires qui émergeaient au fond de sa conscience, la décidèrent pour de bon. Elle inspira profondément et demanda : « Allez-vous m’aider ? »

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Un pacte avec le Diable. Voilà ce qu’elle avait signé avec Hannibal Lecter il y avait de cela 5 ans. Elle ne saisissait réellement qu’aujourd’hui à quel point elle s’était fait avoir. Elle n’avait certes pas été dupe quant au rôle qu’il avait joué dans la mort de Neal Frank mais elle l’avait laissé, en partie, prendre le contrôle de ses actes et de ses pensées. En dépit de cela, elle avait pourtant continué pendant 5 ans à le recevoir en consultation. Chaque semaine il s’ouvrait à elle, tentait de l’amener à fraterniser avec lui, de la pousser à croire qu’il ne voulait que son bien. « I feel protective of you » : il ne cessait de lui répéter, comme un mantra, ces quelques mots. Et elle le croyait parce que tout en lui, de son attitude au ton de sa voix, exsudait la sincérité. Après tout, n’avait-il pas gardé le secret sur ce qui s’était réellement passé le jour où elle avait assassiné Neal Frank ? N’avait-il pas tout tenté pour la pousser à conserver du lien social alors même qu’elle avait renoncé à son métier de psychiatre et s’était enfermée chez elle en refusant toute visite ? Il était parvenu à s’imposer dans sa vie en la poussant à le conserver comme patient. Son unique patient. Elle avait malgré tout refusé de devenir, dans un premier temps, sa psychiatre avant de se raviser et d’accepter en pensant qu’ainsi elle pourrait garder un œil sur lui et, qui sait, l’empêcher de récidiver. Ou de révéler la vérité sur l’évènement qui avait donné un tout autre sens et une tout autre ampleur à leur relation. Elle était désormais prisonnière de son bon vouloir : il était l’araignée et elle était sa proie. Une proie ayant des libertés mais une proie malgré tout. Elle était engluée dans une toile gigantesque, invisible aux yeux des autres mortels et dont personne ne viendrait la libérer.

Il fallait pourtant être honnête : cet arrangement tacite avait des avantages. Elle répugnait à l’admettre mais son âme était encore écartelée. Elle devait et elle voulait en savoir plus sur lui mais aussi sur celle qu’elle était devenue. Elle avait besoin de savoir qui était réellement cet homme qui s’était laissé pervertir par les vicissitudes de la vie et revêtait chaque jour, pour les autres, un costume taillé sur mesure. Un costume qui le faisait passer pour un psychiatre respecté et respectable et lui permettait même de collaborer avec le FBI. Elle sentait pourtant qu’il avait besoin d’aide et il lui donnait parfois l’impression de lui en réclamer. C’est donc tout naturellement, et à sa grande horreur sans trop d’arrière-pensées, qu’elle avait éprouvé le besoin de l’aider. Elle espérait ainsi le percer à jour pour l’empêcher de récidiver mais aussi de la dénoncer à la police. Jusqu’à présent elle n’était pas parvenue à récolter suffisamment de preuves tangibles pour l’incriminer. A dire vrai, elle n’avait pas l’ombre d’une preuve. Elle se contentait donc de l’observer et de bénéficier de son aide et de son silence pour couvrir son crime. Son meurtre. Un meurtre qu’ils avaient eu la chance de pouvoir maquiller en accident, voilà quel était l’un des avantages les plus glorieux de cette association forcée. Comme s’il était réellement possible d’enfoncer accidentellement son poing dans la gorge d’un homme épileptique et à terre ! Aujourd’hui encore, elle n’en revenait pas : la police avait cru à leur histoire. Une croyance rendue possible parce qu’Hannibal avait parlé en sa faveur et trompé son monde. Personne n’avait posé plus de questions. De même personne n’avait trouvé cela étrange que le psychiatre se présente chez elle le jour où elle recevait son ancien patient ! Comme si l’un d’eux avait pu envisager de briser le sacro-saint secret professionnel et révéler à l’autre des informations concernant Neal Frank ! Pourtant les agents dépêchés sur place avaient gobé ce mensonge éhonté. Stella, comme son alter ego Bedelia, celle qu’elle était devenue après avoir fui l’Angleterre, en avait été estomaquée. Dire que l’on avait pas cessé, pendant toute sa carrière policière, de flatter devant elle le flair et les aptitudes remarquables de ses confrères américains ! Avec un tel manque de discernement, il n’était pas étonnant qu’ils ne cernent pas la personnalité réelle d’Hannibal. Cela dit ils n’étaient pas les seuls à se voiler la face. Elle avait fait de même et, pire encore, continuait à le faire. Et elle se blâmait quotidiennement pour cette faiblesse, cette lâcheté. Elle avait manqué de jugeote par le passé et était tombée dans le piège de son confrère mais elle aurait dû, par la suite, réagir. Or Hannibal avait une telle emprise sur elle qu’elle devait déjà se battre pour conserver leur relation sur un plan strictement professionnel. « You’re my patient and my colleague, not my friend » lui assénait-elle régulièrement pour le tenir le plus possible à l’écart de sa vie. Elle devait à tout prix faire en sorte qu’il ne découvre rien de son passé. Ce même passé qui aurait pourtant dû lui permettre de voir venir les manigances de son confrère. Ce piège gigantesque qu’il avait habilement tissé autour d’elle. Ce n’était malheureusement qu’après coup qu’elle avait réalisé que ce n’était pas Neal Frank mais ELLE qui était réellement la cible d’Hannibal Lecter. Elle ne l’avait compris que trop tard et avait donc joué son rôle en assassinant l’épileptique. Une fois encore, elle avait été la proie d’un serial killer doublé d’un psychopathe. La vie était décidément un cercle vicieux et sempiternel. Elle qui avait toujours été fière de son instinct et avait généralement une bonne capacité à profiler les gens (ce qui l’avait d’ailleurs incitée à se reconvertir comme psychiatre car elle trouvait des points communs au métier de flic et à celui de psy) avait lamentablement échoué à percer à jour son collègue. C’était pourtant prévisible puisqu’il lui avait fallu longtemps avant de démasquer Spector. Ou, tout au moins, trop longtemps à son goût. Aujourd’hui comme hier, elle avait du sang sur les mains et des innocents avaient trouvé la mort. A cause d’elle. Aujourd’hui, elle devait réagir et dire stop mais son envie, son besoin même, de mieux connaître la psyché humaine la rendait dépendante d’Hannibal et de leur deal. En un mot : elle lui était redevable.

Stella soupira et se sentit nostalgique du temps où tout était si simple, où elle n’avait pas besoin de se battre contre elle-même et où, surtout, elle n’était pas dépendante d’un homme. Elle avait parfaitement conscience qu’un seul faux pas de sa part pouvait causer sa perte et que sa chute serait proportionnelle à la colère d’Hannibal. « Stella la lionne », comme aimait à l’appeler Jim depuis leur première collaboration datant d’il y a près de 20 ans, n’était plus la force agissante qu’elle avait pu être. Pourtant, depuis quelque temps, elle reprenait espoir car Lecter ne cessait de lui parler d’un homme qui était tout à la fois un profiler de génie, son patient et son ami : Will Graham. L’affection qu’il lui portait pourrait bien être l’arme dont elle userait contre lui…


sanct08  (13.11.2023 à 08:26)

Acte 2 : Où il est question d’exil et d’espoir

Hannibal l’avait devancée. Une fois encore. Il était parvenu à convaincre tout son entourage, l’agent fédéral Jack Crawford et la psychiatre Alana Bloom inclus, que Will était « fou » parce qu’il l’accusait ouvertement d’être « L’éventreur de Chesapeake ». Il était même parvenu à le faire enfermer dans l’asile du Dr Chilton ! En apprenant la nouvelle, elle avait pris peur devant son génie maléfique et avait mis un terme à sa thérapie après lui avoir affirmé qu’il était dangereux et l’avoir assuré qu’elle ne dirait rien de leur histoire commune aux fédéraux. Elle avait ensuite quitté son bureau aussi vite que possible, empaqueté ses affaires, recouvert son mobilier de draps pour l’empêcher de prendre la poussière et quitté son domicile. C’était bien beau de vouloir partir, réalisa-t-elle soudain, mais partir où ? Elle ne pouvait pas rester aux USA, c’était bien trop dangereux pour elle car Lecter pourrait la retrouver aisément. Londres était bien trop risqué et, de plus, elle ignorait ce que son collègue savait vraiment d’elle. Belfast peut-être ? Pour signer un retour aux sources de sa morbidité ? Elle n’arrivait plus à réfléchir tant l’adrénaline et la peur qui alimentaient son organisme la paralysaient. Elle n’avait pas souvenir d’avoir déjà eu aussi peur auparavant, pas même quand elle traquait Spector et pourtant elle avait eu de belles frayeurs à cette époque ! Elle se força au calme et se concentra sur sa respiration pour l’aider. Une chose au moins était certaine : elle devait aller voir quelqu’un avant de mettre les voiles.

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Il devait savoir qu’il n’était pas fou. Qu’il n’était pas seul. Qu’il n’était pas détruit mais simplement brisé. Un objet cassé pouvait être réparé. Une personne aussi même si cela demandait énormément de temps et de patience. De bonne volonté aussi. Elle devait cependant admettre qu’elle n’était pas entièrement certaine que Will s’en relèverait. Il était plus fragile qu’elle. Elle devait pourtant impérativement croire qu’il y parviendrait car il était probablement sa meilleure chance de survie. Will n’était plus seulement une arme, il était désormais un porteur d’espoir pour elle mais aussi pour le reste des habitants de cette ville. Hannibal ne quitterait pas son chevet, pour l’instant du moins. Bedelia en avait la certitude. Will avait survécu, contre toute attente, et se dressait désormais contre lui et sa manipulation mentale. Lecter serait fou de vouloir le perdre de vue ! C’est pourquoi elle savait qu’elle avait maintenant une petite chance de lui échapper. Pendant un temps, jusqu’à ce que Will aille mieux et puisse pleinement se défendre sans risquer de voir sa tête tomber à cause de ses assertions. S’il allait mieux un jour et s’il n’était pas condamné à mort pour les meurtres commis par son ami… Elle se secoua mentalement, il n’était pas venu l’heure de penser au pire. La priorité était de se concentrer sur ce qui était et pas sur ce qui pouvait être. Elle devait également réfléchir à ce qu’elle allait lui dire. Elle devait aussi, avant tout, surmonter son dépit de l’avoir vu manquer sa cible. Inutile de se le cacher : elle lui en voulait terriblement d’avoir échoué à arrêter Hannibal alors qu’il avait eu plus d’une fois les moyens et l’opportunité de le faire. Des circonstances qui lui avaient toujours manqué à elle ! Cette constatation ne s’harmonisait toutefois pas avec tout ce qu’elle pensait de cette situation. Elle était effectivement intimement persuadée que Lecter avait agi pour ce qu’il pensait être le bien de Will en l’aidant à développer ses capacités. En ne faisant plus qu’un avec elles. La psyché d’Hannibal faisait de lui un être difficile à cerner et le poussait à exacerber les désirs et les peurs de ses pairs pour obtenir ce qu’il voulait. Et Will, comme Bedelia avant lui, n’avait découvert être sa victime qu’une fois que le mal avait été fait. Elle le blâmait pour n’avoir pas fait mieux qu’elle et ne pas avoir pleinement fait confiance aux dons qu’Hannibal avait exacerbés en lui. Des dons qui lui avaient permis de voir la réalité et l’homme qu’était réellement le psychiatre, une vérité dont il n’avait pas su tenir compte assez rapidement. Elle eut un petit rire sardonique. Elle était peut-être aussi atteinte que son ancien patient finalement ! Comment le fait de blâmer un être sans défense était juste ? Comment le fait de mentir et manipuler un homme, tout en mettant sa santé mentale et physique en danger, pouvait-il être interprété comme une bonne action ?! Elle n’eut pas le temps de se pencher plus sur ces questions car on venait de lui annoncer qu’elle allait pouvoir rencontrer Will Graham.

Le couloir était froid et sombre, bordé des deux côtés par des cellules contenant uniquement un lit. Les patients étaient en réalité des prisonniers. Souvent ils l’étaient même doublement : prisonniers de leurs esprits défaillants et de leurs corps enfermés derrière des barreaux. Ceux qui, comme Will, n’étaient pas fous finissaient inévitablement par le devenir. En parlant de Will, elle venait enfin de le voir. Elle avait tellement entendu parler de lui qu’il lui semblait déjà le connaître. Graham, lui, était surpris d’avoir de la visite. D’autant plus qu’il s’agissait d’une inconnue. Stella nota qu’il était très intrigué par sa présence, presque dérangé par cette visiteuse inattendue dont il sentait le regard perçant sur son visage. Il fut donc le premier à entamer la conversation.

« Je ne vous connais pas.

- Je suis Bedelia du Maurier.

- Ah ! La thérapeute d’Hannibal. Qu’est-ce que ça vous fait ?

- J’ai tellement entendu parler de vous que j’ai l’impression de vous connaître, répondit-elle en éludant volontairement la question car ce n’était ni le lieu ni le moment de s’étendre sur sa vie et ses liens avec celui qu’elle considérait désormais comme un ex-patient-collègue.

- Non, vous ne me connaissez pas.

- En un sens, c’est vrai mais je vous comprends mieux que vous ne le croyez. Je devais vous rencontrer avant de me retirer de la scène.

- Vous retirer de quoi ?

- De la vie sociale.

- De la vie sociale, répéta-t-il dubitatif, hum… Vous êtes psychiatre, vous vous nourrissez de liens sociaux.

- Pas exclusivement, vous pouvez me croire. C’est peut-être bien peu de réconfort mais vous devez savoir qu’Hannibal a fait ce qu’il pensait être le mieux pour vous. Sincèrement.

- Il n’y a absolument rien de réconfortant là-dedans.

- Les traumatismes sont encore plus imprévisibles quand on se donne les moyens de les surmonter. Quand on sait qu’on peut les surmonter, qu’on peut y survivre. Vous pouvez survivre à ce qui vous arrive.

- A ce qui m’arrive ? »

Il ne semblait pas la croire. Il avait des raisons de ne pas la croire. Ses amis le prenaient pour un fou et un menteur ; il était accusé d’un meurtre qu’il ne se rappelait pas avoir commis et une inconnue lui annonçait calmement qu’il pouvait s’en sortir ? N’importe qui pouvait se mettre à sa place et douter ! Bedelia/Stella le comprenait d’ailleurs fort bien. Elle avait été à sa place (la prison mis à part) 12 ans plus tôt quand elle avait été la seule à affirmer que 3 meurtres, en apparence sans liens entre eux, étaient connectés. Elle avait dû batailler pour faire triompher son point de vue, son intime conviction et n’avait, au départ, eu personne pour la pousser en avant. Pas même Jim. Elle ne voulait pas que cela se reproduise. Elle devait faire pour lui ce qu’elle aurait aimé qu’on fasse pour elle. Elle franchit alors la ligne de démarcation qui servait de limite de sécurité et protégeait les visiteurs d’une éventuelle attaque de prisonniers sans tenir compte des avertissements des gardiens. Elle se colla aux barreaux et Will, comme hypnotisé par la femme blonde, en fit autant.

« I believe you. »

Trois petits mots qui atteignirent l’ancien profiler en plein coeur. Elle vit qu’un changement s’opérait dans son regard, que la flamme de l’espoir mais aussi celles de la confusion et de l’incompréhension s’y rallumaient. Elle venait de lui insuffler la force de continuer à se battre. Pour lui, pour elle. Pour être la force agissante qu’elle-même aurait aimé redevenir.


sanct08  (15.11.2023 à 08:56)

Acte 3 : Retour aux sources

Accoudée à un garde-fou surplombant la Mer du Nord, elle ne pouvait que constater que Belfast était exactement comme dans son souvenir. A croire que la ville était immuable. Elle détestait toujours autant cet endroit mais elle avait l’impression que les réponses à ses questions se trouvaient ici. Parce que c’était aussi ici que tout avait commencé. C’est en traquant un odieux pervers sexuel doublé d’un meurtrier qu’elle avait perdu la raison et plongé en Enfer. Que sa carapace s’était fendue. Qu’elle avait laissé le Diable entrer sous sa peau. C’est en s’efforçant de comprendre Paul Spector qu’elle l’avait laissé s’infiltrer en elle. C’est en acceptant, en son for intérieur uniquement, de penser comme lui, d’agir comme lui qu’elle avait pu le coincer. C’est pour ça qu’elle avait dit à Will qu’elle le comprenait. Parce qu’avant d’être le bourreau, elle avait aussi été une victime. C’est cette même raison qui faisait qu’elle comprenait également Hannibal : il avait laissé Will sombrer dans le doute et la maladie en pensant agir au mieux et, de son côté, elle avait fait sciemment paraître la description réalisée par Rose Stagg dans la presse en pensant agir au mieux. Elle comprenait aussi bien le mode de pensée de Will que de Lecter bien qu’elle répugne toujours à l’admettre franchement. En revanche, elle reconnaissait aujourd’hui volontiers que Will et Rose avaient en réalité servi de faire-valoir et d’objets de test à ceux qui étaient initialement supposés leur venir en aide et les protéger. Stella, qui était bien plus humaine qu’Hannibal (du moins continuait-elle à le croire), ne s’était jamais pardonné la séquestration de Rose Stagg même si elle reconnaissait aussi que sans cet évènement dramatique, Spector n’aurait probablement pas été arrêté si tôt. Même si l’arme du meurtre de Joe Brawley avait finalement été retrouvée avant Rose. Rose comme Will avaient été des pièces essentielles au succès des missions de Stella et Hannibal. Elle en avait bien conscience et cela l’effrayait parce qu’un jour leur succès n’aurait pas une fin heureuse. Elle ne minimisait pas les souffrances endurées, aujourd’hui encore, par les deux protagonistes mais leurs destins auraient pu être bien pires. Ils pourraient être morts ou avoir sombré dans la folie. Will, selon son pronostic, n’en était d’ailleurs pas loin. Mais il y avait plus d’un chemin pour s’enfoncer dans la folie. Le remord en était un. La vengeance également. Il lui arrivait souvent de regretter de ne pas s’être vengée de Spector pour ce qu’il lui avait fait : lire son journal, la frapper violemment ou encore l’avoir plongée dans ce qu’elle avait de pire. Il avait fait ressortir ses mauvais côtés en la plongeant dans ses retranchements avant de les exploiter à son avantage. C’est à cause de lui et de ce qui s’était passé qu’elle avait renoncé à sa carrière policière, qu’elle avait changé d’identité (en conjuguant son deuxième prénom avec le nom de naissance de sa mère) et avait tout quitté pour consacrer son énergie à lutter contre le monstre qu’il avait réveillé. Ou créé, elle ne savait pas trop. Elle avait toujours eu un côté masochiste (elle s’était scarifiée dans son adolescence) et aujourd’hui elle avait peur d’être devenue sadique. Elle savait qu’elle n’avait pas été uniquement le jouet de Lecter. Après la mort de Neal Franck, elle avait fait de l’introspection et avait découvert qu’elle avait changé, encore une fois ! Il n’y avait plus autant de compassion en elle que par le passé. Elle avait assassiné le patient d’Hannibal parce qu’elle avait été tentée de profiter de sa faiblesse. Voilà, c’était posé. Il lui avait fallu du temps pour admettre cette terrible réalité mais maintenant qu’elle se l’était avouée, elle ne pouvait plus faire machine arrière. Son premier réflexe avait certes été de l’empêcher de s’étouffer en avalant sa langue alors qu’il était en pleine crise épileptique puis, sans qu’elle puisse réellement se l’expliquer, elle avait cédé à la violence. A la tentation de savoir pourquoi et comment on pouvait consciemment tuer quelqu’un. A sa grande horreur, elle s’était alors rendu compte que « l’étrangleur de Belfast » avait vu juste : elle était comme lui. Cette simple idée lui donnait la nausée et c’est pourquoi elle l’avait vigoureusement rejetée mais aujourd’hui tout était différent. Elle en venait même à penser que c’était sa « mutation » qui l’avait empêchée de démasquer Hannibal. Elle frissonna et ce ne fut pas uniquement à cause du froid ambiant. Elle avait peur. Peur d’elle. Peur de Lecter. Peur de l’avenir et même peur de ses actions passées. Elle n’était finalement plus si sûre d’avoir pris la bonne décision en venant ici. Belfast était en fait la source de ses angoisses. Ne devrait-elle pas lâcher prise et rentrer tout avouer à Crawford ?

« Détective Gisbon ? »

Stella, par automatisme alors même qu’elle n’utilisait plus ce nom depuis longtemps et encore moins son grade, se retourna vivement pour voir qui l’avait interpelée. Il s’agissait d’une jeune femme d’une vingtaine d’années. Blonde, les yeux bleus, avenante en dépit de la frustration qui illuminait son regard. L’ancienne policière était convaincue de l’avoir déjà vue mais elle ne parvenait à se rappeler ni où ni quand.

« J’avais 7 ans la dernière fois qu’on s’est vu. J’ai bien changé depuis, sourit-elle.

- Olivia ! »

Stella se demanda tout à coup ce qu’elle devait dire. La petite fille, qui était devenue une jeune femme, avait perdu son père à cause d’elle ; sa mère avait sombré dans la folie et n’avait jamais pu récupérer la garde de ses enfants et les grands-parents avaient été jugés trop âgés pour élever deux enfants en bas âge. Olivia et son jeune frère, Liam, avaient donc été placés en foyer. Stella avait appris tout ça grâce à Eastwood avec qui elle avait discuté quelques semaines après la clôture officielle de l’enquête. De fait, échanger des banalités avec elle lui semblait peu approprié mais la jeune fille reprit la parole en premier :

« Je n’ai jamais eu l’occasion de vous remercier.

- Me remercier ? répéta-t-elle incrédule.

- Oui, pour avoir organisé ce rendez-vous avec mon père et accepté surtout qu’il ne soit pas filmé. Je sais que ce n’était pas vraiment professionnel.

- En toute honnêteté je n’avais pas vraiment le choix. Il refusait de coopérer si nous n’accédions pas à sa demande de vous voir.

- Peut-être mais c’était chic de votre part d’avoir refusé la présence de caméra. Même si c’était un peu gênant de savoir que vous étiez juste derrière moi à enregistrer la moindre de nos paroles. J’ai pu lui dire au revoir. Liam n’a jamais eu cette possibilité.

- J’en suis désolée.

- Ça vous dirait de prendre un café ou un thé avec moi ? demanda Olivia sautant du coq à l’âne ».

Stella avait l’impression d’avoir changé de monde. Cette conversation lui semblait surréaliste. Cela dit, toute sa vie était surréaliste en ce moment. Elle perdait pieds et, pile au moment où elle se demandait si elle ne devrait pas décrocher et retourner affronter Hannibal ou se rendre au FBI, elle recroisait le chemin d’Olivia Spector qui la remerciait et lui proposait aimablement de partager un moment convivial. Etait-ce un signe ? Si oui, que voulait-il dire ? Quoi qu’il en soit, elle était frigorifiée et une boisson chaude lui ferait du bien. Elle décida d’accepter l’offre. Les deux femmes se dirigèrent vers un coffee shop qu’appréciait la plus jeune, commandèrent un thé à la framboise accompagné de scones et s’installèrent près du poêle à bois qui chauffait l’endroit.

« C’est un endroit charmant.

- Mandy et moi y venons souvent. C’est toujours calme et en plus on peut travailler en ayant une boisson chaude à la main. Et à force de venir ici, on a sympathisé avec la gérante qui nous offre des consommations.

- Je ne suis jamais parvenue à me faire offrir quoi que ce soit par le gérant d’une boutique, sourit Stella.

- Vous n’étiez pas une cliente régulière alors ! se moqua gentiment Olivia.

- Sans doute pas ! Je préférais travailler en bibliothèque.

- Alors vous étiez simplement studieuse. Et au vu du nombre de diplômes que vous possédez, ça ne me surprend pas. Les articles de presse traitant de votre séjour ici ne tarissent pas d’éloges à votre sujet et mentionnaient votre cursus universitaire. Je ne sais pas comment vous êtes parvenue à suivre plusieurs cursus, souvent en même temps, alors que je galère à en suivre un seul !

- Un cursus en quoi ?

- En psychologie. J’ai besoin de comprendre pourquoi mon père était ce qu’il était. Oh et j’espère que ça m’aidera aussi à distinguer si Liam et moi avons des risques de finir comme lui.

- Olivia, vous n’êtes pas votre père.

- Comment pouvez-vous le savoir ?

- Parce que vous avez décidé de lutter et que vous vous battez pour tenir bon. Ce que votre père avait malheureusement cessé de faire. Étudier la psyché humaine est un bon début.

- Espérons que vous ayez raison ! Mais pour m’en assurer, j’ai l’intention de poursuivre avec une spécialité en psychogénétique. »

Stella ne fit aucune remarque. Elle avait envisagé quelques années plus tôt de suivre un tel cursus mais y avait renoncé par crainte de ce qu’elle pourrait découvrir sur le compte de ses patients, son entourage ou le sien. Elle aurait aimé convaincre la jeune fille de renoncer à son projet, histoire qu’elle ne fasse pas face aux mêmes craintes qu’elle, mais elle ne s’en sentait pas le droit. De plus, elle savait reconnaître une personne déterminée quand elle en voyait une.

Leur conversation dura encore un peu puis Olivia s’excusa. Elle devait rejoindre des amies mais elle assura à son invitée imprévue qu’elle avait été ravie de la revoir et avait apprécié leur conversation. Elle tint également à laisser à l’ex-policière un moyen de la joindre et, par habitude et prise au dépourvu, celle-ci en avait fait de même. Bien qu’elle l’eût prévenue que le numéro de téléphone puisse n’être que temporairement valable. Somme toute, à l’issue de cette journée riche en émotions et en surprises, Stella était médusée. La vie jouait parfois de drôles de tours !


sanct08  (17.11.2023 à 11:27)

Elle avait posé ses bagages dans un agréable « bed and breakfast » et passait une partie de ses journées à méditer sur la conduite à tenir. Elle savait qu’Hannibal n’avait pas été arrêté et elle doutait même qu’il fut inquiété de quoi que ce soit et, si tel était le cas, la presse n’en faisait pas écho. Même la feuille de chou à scandales de Freddie Lounds n’accordait aucune ligne à Hannibal. A peine quelques-unes à Will. Son procès avait apparemment tourné en sa faveur et Hannibal semblait s’impliquer beaucoup dans son processus de réhabilitation. Social comme psychologique. Il était sur tous les fronts et, assez naïvement, elle espérait que Will devait accaparer suffisamment de son temps pour qu’il renonce à ses pulsions meurtrières. Fadaises ! Elle avait déchanté quand elle avait réalisé que même Will ne parvenait pas à le détourner de ses lubies. Dans ces circonstances, devait-elle rentrer aux USA et tout avouer ou continuer à fuir ? Elle avait parfaitement conscience qu’elle n’était que temporairement hors d’atteinte de Lecter et elle savait qu’à la seconde où elle poserait le pied sur le sol américain, Jack Crawford serait en mesure de la localiser. Si Hannibal n’y parvenait pas avant lui… Elle en était là de ses réflexions quand la gérante de l’établissement interrompit ses pensées.

« Madame Gibson ? Il va falloir partager votre chambre cette nuit. A cause de la tempête, les autorités ont bloqué les transports et il faut caser un grand nombre de personnes pour la nuit rapidement. Une ristourne sera bien sûr appliquée à votre facture en dédommagement. »

Ce n’est qu’à ce moment-là que Stella réalisa que le vent hurlait et soufflait fort et que des gouttes de pluie énormes s’écrasaient sur les carreaux.

« Aucun souci.

- Merci, dit la gérante d’une voix soulagée. Tous mes clients n’ont pas été aussi accommodants que vous. Je vous amène donc votre colocataire d’une nuit et un sac de couchage dans quelques minutes. »

Elle referma la porte et s’éclipsa. Stella décida de profiter de ce laps de temps pour ranger ses vêtements tout juste remontés de la laverie et cacher, dans son sac, son précieux journal des rêves. En tenir un lui avait nui du temps de « l’affaire Spector » et elle avait alors arrêté de se confier à un carnet. Elle avait néanmoins renoué avec cette manie après avoir assassiné Neal Franck et ne pouvait désormais plus s’en passer. Elle venait tout juste de finir de mettre de l’ordre dans ses affaires quand la tenancière revint accompagnée de … Jim Burns !

« Jim ?

- Stella ?!

- Vous vous connaissez déjà à ce que je vois. Voilà qui facilite les choses. Je vous laisse vous installer, dit-elle en tendant son sac de couchage et un nécessaire à toilette à Jim, j’ai d’autres clients à conduire à leurs chambres. »

Un silence gêné s’installa après le départ de Madame Hawk.

« Qu’est-ce qui t’amène à Belfast ? Je croyais que tu avais juré de ne jamais y revenir.

- Pour être honnête, je ne sais pas trop. Je crois que je me cherche et cette quête m’a poussée à revenir.

- Tu te cherches ? Depuis quand Stella Gibson doute-t-elle d’elle-même ?

- Depuis quelques années. Si ça ne t’ennuie pas, je n’ai pas spécialement envie d’en parler. Dis-moi plutôt ce que tu deviens.

- J’ai changé de vie. Après mes bévues pendant « l’Opération Music Man » j’ai quitté la police, comme tu t’en rappelles sûrement. Je suis entré en cure de désintox pour soigner mon alcoolisme, je suis sobre depuis 8 ans aujourd’hui. (Stella le félicita d’un sourire). Après j’ai suivi une formation afin de me reconvertir professionnellement parlant et maintenant je suis agent immobilier.

- Agent immobilier ?

- J’ai toujours aimé vendre des choses aux gens. Enfant, je participais aux brocantes de mon quartier et négociais avec les acheteurs ! A 7 ans, je savais convaincre les enfants de mes voisins de m’acheter mes maisons LEGO bien plus cher qu’elles ne le valaient ! Il a fallu revoir mes prétentions à la baisse, bien sûr, mais je continue tout de même à négocier. Et j’aime ça. Et toi ? Des rumeurs circulaient et indiquaient que tu avais aussi quitté les forces de l’ordre.

- Les rumeurs sont vraies. Je ne suis plus flic. Je me suis bien fait taper sur les doigts à mon retour à Londres et j’ai été forcée de prendre un long congé. Comme toi, je me suis reconvertie finalement.

- En prof de natation, en gardienne de prison ou en videuse en discothèque ?

- Videuse en discothèque ?! J’ai une tête à passer mes nuits à surveiller les allées et venues de jeunes gens, encore boutonneux pour certains, et qui ne cherchent qu’à boire et à danser ? s’offusqua-t-elle.

- Bah la surveillance, ça te connaît ! Tu as passé des dizaines de nuits sans fermer l’oeil pour épingler des suspects. C’est presque du pareil au même, sourit-il avec malice ».

Quand Jim souriait, il semblait rajeunir de 10 ans et elle put également constater que certains des ravages provoqués par sa surconsommation d’alcool s’étaient atténués. Heureuse de ce qu’elle voyait sur son visage et de leurs retrouvailles imprévues (accompagnées de souvenirs d’antan), elle ne put s’empêcher de sourire à son tour.

« Carol et moi avons divorcé. »

Stella fut désarçonnée quelques secondes par ce brutal changement de conversation puis elle pensa : « Ah ! Finalement, ça a fini par se produire. » Il y avait près de 20 ans, les deux amis avaient entretenu une liaison passionnée qui avait sérieusement nuit au couple Burns parce que Jim avait très envie de quitter sa femme pour elle. Quand elle avait pris conscience du sérieux de sa démarche, elle l’avait plaqué et elle ne l’avait pas revu (en dehors de meetings généraux de la police) pendant des années. Jusqu’à ce que « l’affaire Spector » les réunisse. Une fois encore, constata-t-elle avec amertume, tout la ramenait irrésistiblement vers cette période charnière de son existence. Quoi qu’elle fasse.

« Je suis désolée, dit-elle faute de trouver mieux que cette platitude.

- Ne le sois pas. On sait l’un comme l’autre que ça me pendait au nez depuis longtemps. Et j’ai cumulé les mauvais points avant que tout n’explose à cause de cette maudite affaire de « l’étrangleur de Belfast » et de ton retour inattendu, quoiqu’appréciable, dans ma vie.

- Cette affaire nous a tous bouffés, confirma-t-elle en évitant volontairement de s’attarder sur ce que leur précédente réunion avait pu réveiller ».

Elle n’avait pas envie de revenir sur leurs échanges et sur ce fameux soir à l’hôtel où, ivre, il l’avait retrouvée pour lui avouer à nouveau son amour et avait tenté de lui voler de force un baiser. Et plus si affinités. Elle avait dû le frapper pour lui faire recouvrer ses esprits.

« Tu n’as pas répondu à ma question. Que fais-tu aujourd’hui ?

- Je suis devenue psychiatre.

- Tu as troqué les criminels contre des ados à problèmes ? Katie Benedetto te hante toujours ?

- J’ai très peu de jeunes patients en réalité, dit-elle en omettant de préciser qu’elle n’exerçait plus depuis longtemps et n’avait eu qu’un seul patient au cours des cinq dernières années.

- C’est dommage. Tu as remis la petite Benedetto sur les rails. Eastwood m’a dit qu’elle s’était rangée.

- Tant mieux. »

L’un comme l’autre se tut. Ils avaient épuisé leurs sujets de conversation qui, nota-t-elle, avaient tous eu « l’affaire Spector » pour centre d’intérêt. Ils ne savaient désormais plus que se dire. Jim, afin de donner un sens à ce silence soudain et un peu gênant, entreprit alors de déplier son sac de couchage et de sortir ses affaires de toilette pendant que Stella déplaçait un peu son sac de voyage pour qu’il puisse caser sa valise et sa mallette d’agent immobilier. Il s’écoula un moment au cours duquel chacun se mura dans le silence et s’occupa : de la lecture pour elle, des mots fléchés pour lui. Ils étaient habitués au silence, aux non-dits et aux secrets. Leur relation en avait été jalonnée notamment parce qu’ils étaient tenus de se rencontrer en cachette et ne pouvaient pas parler de leur job, le secret professionnel obligeant à la discrétion la plus totale. Cette ambiance se prolongea jusqu’à ce que Madame Hawk finisse par sonner la cloche du dîner et tous deux, toujours silencieux, gagnèrent la salle à manger.

« Ça t’ennuie de dîner avec moi ? J’ai l’impression que tu préférerais prendre un plateau-repas et regagner, seule, la chambre. »

Elle hésita une fraction de seconde avant de répondre :

« Non. Ta compagnie me fera du bien. J’ai besoin de renouer un peu avec le monde. »

Il eut la délicatesse de ne pas rebondir sur cette révélation, ce dont elle lui fut reconnaissante. Le dîner se déroula sans encombre et ils firent connaissance avec leurs voisins de table avec lesquels ils partageaient le même goût pour le vin français. Soudain tout l’établissement fut plongé dans le noir : les plombs avaient sauté à cause de la tempête. Le groupe électrogène prit le relais mais, très vite, cessa lui aussi de fonctionner. Tout le monde fut renvoyé à sa chambre. Seuls le hurlement du vent et le bruit des gouttes de pluie s’écrasant sur le rebord de la fenêtre et les volets troublaient le silence. Stella ne dormait pas. Jim non plus. Ils étaient pourtant habitués au mauvais temps mais trop de pensées se bousculaient dans leurs esprits pour qu’ils prennent le sommeil.

« Tu n’as jamais rappelé. »

Stella ne répondit pas immédiatement.

« Stella ?

- Je n’aurais pas su quoi te dire.

- J’avais besoin de parler pourtant. De TE parler. Pour te dire que je m’excusais de n’avoir pas su faire face, de t’avoir entraînée dans cette histoire, d’avoir aidé à ruiner ta carrière. T’avoir fait souffrir.

- Aucun de nous n’a fait face. Trop d’erreurs ont été commises.

- C’est vrai mais le dénouement a été heureux. Si l’on peut parler ainsi. »

Il y eut un nouveau silence mais cette fois il fut brisé par la psychiatre.

« J’ai revu Olivia Spector il y a peu. »

Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait décidé de rompre leur accord tacite concernant le fait de ne plus rien évoquer de leur passé, et notamment concernant cette enquête, mais elle savait qu’elle ne pouvait plus garder ça pour elle.

« Elle est étudiante en psychologie. Elle cherche à déterminer si son frère et elle finiront comme leur père. Psychopathe, sadique et meurtrier. Je ne sais pas s’il est possible de faire abstraction de ces horreurs et de grandir en paix en sachant ce que nos gènes pourraient bien exprimer un jour ou l’autre. »

Jim ne disait toujours rien. Un instant elle crût qu’il avait enfin trouvé le sommeil mais il demanda :

« Tu crois qu’elle réussira, un jour, à se détacher de ce drame ? »

Ce fut au tour de Stella de garder le silence. Elle l’espérait autant qu’elle en doutait. Olivia était comme elle : désireuse d’avancer mais conditionnée par ses peurs et donc freinée dans son élan.

« En toute honnêteté, je n’en sais rien.

- Alors peux-tu me dire si TU parviendras un jour à laisser tout ça derrière toi ?

- J’aime à le croire, souffla-t-elle après une minute de silence. »


sanct08  (28.11.2023 à 09:00)

A leur réveil, le lendemain, ils constatèrent avec horreur que neige et grêle avaient pris le relai de la pluie au cours de leurs quelques heures de sommeil. Il y avait désormais un haut mur de poudre blanche devant le « bed and breakfast » et les flocons ne cessaient de tomber.

« Je déteste la neige, grinça Stella.

- Ce n’est pas tant la neige que la température qui me gêne. Le groupe électrogène et le courant ne fonctionnent plus. J’imagine qu’ils n’ont pas pu être réparés car il fait bien plus froid qu’hier et ça risque d’empirer si les services municipaux ne peuvent pas agir rapidement.

- Correction : je déteste la neige et le froid. »

Jim sourit. Il connaissait la détestation quasi viscérale de son amie pour la neige mais savait qu’elle ne craignait pas spécialement le froid.

« Il va falloir trouver de quoi s’occuper et enfiler des tenues chaudes. »

Stella approuva. Madame Hawk vint alors les avertir que son mari et elle étaient parvenus à faire chauffer du café grâce à un vieux réchaud à piles. Elle proposait que tout le monde se réunisse dans la grande salle à manger pour le boire et tenter de se réchauffer. L’idée fut accueillie avec joie. Dans la pièce, les conversations allaient bon train et tournaient immanquablement autour de la situation. Les plus optimistes certifiaient que tout rentrerait dans l’ordre dans quelques heures mais nos deux ex-policiers n’en étaient pas convaincus. La dégradation du temps persistait en début d’après-midi, leur donnant raison. Pour passer le temps, un client suggéra de faire une partie de belote. Jim accepta avec plaisir et parvint même à convaincre Stella de faire équipe avec lui. Au cours de la partie, il en profita pour scruter son amie. Il y avait certes une décennie qu’il ne l’avait pas vue mais il la trouvait changée. Plus sombre, plus taciturne, plus solitaire. Elle avait l’air hagard et les traits de son visage s’étaient durcis. Même son regard était différent. Elle semblait avoir peur et la tension qu’il lisait sur son visage ainsi que ses muscles tendus à l’extrême renforçaient cette impression. Elle semblait avoir essuyé des épreuves qui l’avaient marquée à jamais. Il ne l’avait vue qu’une fois dans un état similaire : après que Spector l’ait violemment agressée au cours d’un interrogatoire. Lorsqu’il était passé la voir à l’hôpital, elle était effrayée et déboussolée et lui avait donné l’impression d’avoir eu la peur de sa vie. Aujourd’hui elle arborait la même expression d’angoisse. Il se demanda, brièvement, où était passée « Stella la lionne ». Où était la femme quasi invulnérable qu’elle était ? Aujourd’hui elle lui semblait si fragile qu’il dut se faire violence pour ne pas la prendre contre lui et l’assurer de sa protection. Il remarqua alors qu’elle le regardait avec curiosité, se demandant sans doute ce qui lui valait une telle attention. Elle avait capté son manège : Stella détestait être observée à la dérobée. Il lui adressa alors un sourire qu’il espéra être enjôleur. Mieux valait qu’elle pense qu’il cherchait à la draguer plutôt que de lui faire part de ces observations ! Son astuce sembla fonctionner car elle se détourna de lui. Il avait eu chaud !

Le soir venu, les pensionnaires regagnèrent leurs pénates. La température avoisinait désormais les 2°C. A 1h15, il faisait tellement froid qu’ils enfilèrent de nouvelles couches de vêtements et se blottirent, dos à dos, dans le lit. A peine 2h plus tard, elle se réveilla en sursaut et ruisselante de sueur. Elle avait fait un horrible cauchemar mettant en scène la rencontre entre Hannibal et Paul. Elle savait parfaitement que c’était impossible puisque Spector était mort mais elle avait du mal à se défaire de l’impression de malaise que le mauvais rêve lui avait laissé. Elle se leva, se saisit de son journal des rêves et d’un stylo avant de se rendre à la salle de bain, sur la pointe des pieds, pour mettre des mots sur ce qu’elle ressentait. Elle eut cependant beaucoup de mal à écrire tant elle tremblait de froid. Elle finit par y renoncer et venait de prendre la décision de retourner se coucher quand elle entendit Jim se débattre. Il était aux prises avec sa couverture et, très probablement, un mauvais rêve. C’était la soirée ! Elle eut confirmation de ses doutes en entendant son ami marmonner le nom du Père Jensen. Cet ancien prêtre pédophile avait été arrêté par les soins de Jim mais ce que l’ancien flic avait vu de lui et de l’orphelinat qu’il gérait l’avait dévasté. Elle savait qu’il cauchemardait souvent de cette enquête, qui avait renforcé son alcoolisme, et rêvait de faire la peau à ce pervers. Elle savait aussi qu’il pouvait vite devenir violent quand il repensait à cette époque et perdait son sang-froid qu’il soit éveillé ou non. Elle eut à peine le temps de se précipiter vers lui pour l’empêcher de se saisir, par automatisme, du taser qu’il gardait toujours avec lui (même la nuit) avant qu’il ne puisse accidentellement le retourner contre elle.

« Jim ! Réveille-toi ! »

Il ne semblait pas l’entendre et commença à vociférer après des agents de police invisibles sauf pour lui avant de bondir hors du lit, les mains tendues comme s’il souhaitait étrangler quelqu’un, et de heurter la table de nuit qui se renversa sous le coup. Il se retrouva donc à genoux et à terre.

« Si tu la touches encore, je te tue, salopard ! »

Stella n’avait pas la moindre idée de la personne dont il parlait mais elle devait tout faire pour le calmer. Avec prudence, elle s’approcha de lui mais dut s’y reprendre à deux fois avant de parvenir à poser sa main sur son bras. Ce simple contact, comme elle l’espérait, sembla lui faire reprendre contact avec la réalité. Lentement, pour ne pas le brusquer, elle s’agenouilla pour se mettre à sa hauteur.

« Jim ? appela-t-elle doucement.

- Sophia n’aurait jamais dû être sa victime. Si j’avais agi plus tôt, elle ne se serait pas suicidée, dit-il d’une voix rauque. »

Stella ferma les yeux. Sophia avait été la dernière victime du Père Jensen, celle qui avait eu le cran de parler aux autorités et grâce à qui le prêtre avait pu être arrêté. Par manque de preuves et alors même que la police le suspectait déjà d’affaires louches, Jim et ses hommes n’avaient pas procédé à son arrestation avant qu’elle ne soit violée. Seules sa ténacité à faire éclater la vérité et la plainte qu’elle avait déposée dans les quelques heures ayant suivi le drame avaient permis de faire avancer l’enquête d’un seul coup et de le coffrer. Malheureusement, elle n’était jamais parvenue à se remettre de ce traumatisme et avait choisi de mettre fin à ses jours. Jim ne se l’était jamais pardonné. Stella savait qu’il n’avait parlé qu’à 2 personnes de sa culpabilité : son psy et elle. Il ne l’avait néanmoins jamais fait aussi officiellement devant elle.

« Si c’était toi qui avais été en charge de l’affaire, elle serait encore en vie !

- Tu n’en sais rien.

- Je ne t’ai jamais vue échouer Stella. Jamais. Tu as toujours su assembler les pièces de ces vastes puzzles que sont les preuves et les indices avant qu’il ne soit trop tard.

- Tu te trompes.

- Si tu penses à « l’affaire Spector »…

- Si seulement elle pouvait être ma seule erreur, le coupa-t-elle. »

Ils se turent. Jim se prit le visage entre les mains pour cacher ses larmes. Elle attrapa l’une d’elles pour la serrer dans les siennes puis, alors qu’elle ne s’y attendait pas, il l’attira à lui et se mit à pleurer. Elle le prit contre elle et le laissa épancher sa peine, sa douleur et sa rage. Collé contre sa poitrine, elle ressentait chacun de ses sanglots comme s’il était le sien et elle se prit à espérer qu’elle parviendrait, un jour, à laisser s’exprimer à son tour le poids qui oppressait son coeur.

**********************************************************************************

Jim avait cessé de pleurer. Stella lui caressait machinalement les cheveux maintenant que sa tête reposait sur ses genoux.

« Qu’est-ce qui te fait si peur ? demanda-t-il tout à coup.

- Moi, répondit-elle en toute franchise. »

Il leva vers elle un regard intrigué.

« Tu as changé. Le changement peut faire peur.

- C’est bien plus profond que ça. Je me suis métamorphosée. Je ne me reconnais plus.

- Je sais qui tu es.

- Ah oui ?

- Hum, tu es une battante. Une survivante. Je te connais suffisamment pour savoir que tu ne t’ouvriras pas à quiconque de sitôt mais je sais que tu sortiras grandie et gagnante de ce combat.

- Est-ce que tu m’aimerais encore si tu savais ce que je suis devenue ? »

Jim se redressa et planta ses yeux dans ceux de Stella. Il prit quelques secondes pour contempler cette femme qu’il aimait tant et chercher si les changements qu’il lisait en elle le révulsaient. Il ne trouva rien d’autre que des rides creusées par l’incertitude, le remord et la peur. Il constata aussi, à la lumière de la lampe torche de son téléphone, que l’incendie qui autrefois brûlait dans ses yeux n’était désormais plus qu’une simple lueur. Une lueur vivace, tenace, signe que le combat continuait. Il ne savait pas ce qu’elle avait traversé depuis leur séparation mais il savait qu’il l’aimait encore.

« Je ne cesserai jamais de t’aimer, ma lionne. Qui que soit celle que tu étais, es aujourd’hui et seras demain. »

Elle posa sa main sur la joue mal rasée de son ami et lui adressa un faible sourire. Il sentit son désarroi et son émoi. Elle lui sembla tout à coup si fragile qu’il la prit dans ses bras et lui susurra des mots réconfortants. C’est alors que, pour la première fois depuis longtemps, elle laissa couler des larmes sur ses joues. Des larmes amères, symboles des angoisses qui ne cessaient de la hanter. Elle n’avait finalement pas eu si longtemps qu’elle le croyait à attendre avant de lâcher prise. Sa mère avait raison : le réconfort est une chose dont l’être humain ne peut se passer, surtout dans les moments de doutes et les coups durs de la vie. « Il faut toujours trouver une oreille attentive et des bras compatissants quand rien ne va plus », lui assénait-elle souvent, et Stella put constater que les racontars d’une femme désormais décédée avaient aujourd’hui bien plus de poids et de valeur qu’ils n’en avaient jamais eu à ses yeux auparavant.


sanct08  (01.12.2023 à 14:12)

Acte 4 : Rien ne dure jamais bien longtemps…

Au cours des semaines qui suivirent, Stella partagea son temps entre Londres et Belfast. A Londres, elle retrouvait Jim (qui y résidait, à regret et pour raison professionnelle) pour de longues balades main dans la main dans les rues de sa ville natale mais aussi pour partager quelques-unes de ses nuits. Aucun d’eux n’avait effectivement su résister à la tentation de renouer leurs corps et partager leurs sentiments. A Belfast, elle rencontrait fréquemment Olivia qui souhaitait son aide pour préparer un exposé sur la prise en charge psychologique des suspects au moment de leur arrestation puis de leur incarcération. Elle y avait aussi recroisé le chemin de Tom Anderson et d’Eastwood qui avaient collaboré avec elle sur « l’Opération Music Man ». Tous deux avaient su aller de l’avant et faire de ce dossier sensible un tremplin pour leurs carrières.

Une chose continuait cependant à lui faire horreur : elle mentait à chaque personne qu’elle croisait. Ou, à défaut de mentir, elle dissimulait des faits. Elle ne se résolvait pas à dire la vérité sur ce qu’était sa vie et sur ce qu’elle était devenue. Longtemps alimentée par la peur de voir débarquer Hannibal, elle avait fait de ces omissions volontaires une barrière de protection, un mur entre elle et l’extérieur. Si cette peur s’effilochait avec le temps, ce n’était pas le cas de ses cauchemars. Elle faisait tout pour que les vies de Bedelia et Stella ne se mélangent pas dans la vie réelle mais elle ne pouvait empêcher ce mélange de se produire pendant son sommeil. Pourtant, une fois encore, ces efforts allaient être réduits à néant et son destin allait rebasculer…

Cela faisait maintenant 14 semaines qu’elle avait quitté les USA quand, un bel après-midi, elle reçut la visite d’une Olivia très enthousiaste. Excitée même. Elle venait lui annoncer, à grand renfort de signes de joie, qu’elle avait réussi à décrocher un stage à l’étranger, ce qui constituait un très bon point pour son cursus et son avenir. Stella s’apprêtait à la féliciter chaleureusement quand Olivia lui annonça qu’elle s’envolait dans 2 mois pour Baltimore où elle allait être supervisée par un psychologue et psychiatre de renom : Hannibal Lecter ! En entendant la nouvelle, Stella eut l’impression qu’un bloc de glace lui tombait dans l’estomac. Ses entrailles se nouèrent et une vague nausée s’empara d’elle. Hannibal avait-il fait le rapprochement entre elle et Bedelia ? Cette raison l’avait-il poussé à accepter Olivia, pour la narguer ou était-ce simplement fortuit ? Quoi qu’il en soit, elle devait agir avant qu’il ne soit trop tard…

**********************************************************************************

Elle prit à peine le temps d’empaqueter ses bagages et de laisser un mot à Jim avant de réserver un billet sur le premier vol pour les USA. Elle avait quelques scrupules à partir ainsi, comme une voleuse, mais la situation l’exigeait. Elle avait bien conscience qu’arrêter Hannibal était au-delà de ses moyens (à moins de lui ôter la vie) mais elle devait tout tenter pour garder Olivia saine et sauve. Elle passa une partie du vol à dormir : elle avait la sensation qu’elle aurait bientôt besoin de toutes ses forces. Arrivée à New-York, elle acheta un billet pour Baltimore et à peine descendait-elle de l’avion qu’elle était arrêtée par des agents fédéraux et conduite dans une salle d’interrogatoire de l’antenne locale. Elle n’eut pas à attendre trop longtemps avant de voir arriver Jack Crawford et Will Graham. Elle avait appris la relaxe de ce dernier avec plaisir mais regrettait de savoir qu’il n’avait pas levé le petit doigt pour faire arrêter Hannibal.

« Vous êtes difficile à trouver, Madame du Maurier, commenta l’agent.

- C’était l’idée.

- Il faut être folle pour remettre les pieds dans une ville dans laquelle réside un homme qui veut vous tuer.

- Pas folle. Téméraire, le corrigea-t-elle. Comment m’avez-vous trouvée ?

- Des mouchards informatiques. A la moindre utilisation d’un document à votre nom sur le territoire américain, vous étiez repérée. J’ignore encore comment vous avez pu échapper au FBI pendant si longtemps mais vous étiez perdue à la minute où vous êtes entrée en possession de votre billet pour Baltimore. »

Bedelia sourit. Elle n’allait tout de même pas révéler ses petits secrets. Elle avait fait exprès de s’enregistrer sous le nom de Bedelia du Maurier pour être repérée et donner à Lecter la possibilité d’être averti de son retour. Un signal qui devait l’alerter et, si possible, le pousser à venir à sa rencontre.

« Merci d’être venue me voir à l’asile et d’avoir cru en moi. »

Elle se tourna vers Will et éprouva un pincement au coeur.

« J’aurais aimé en avoir dit et fait plus.

- Vous avez une chance de vous rattraper. Nous avons besoin de vous pour coincer Hannibal. En échange de votre coopération, l’État vous accordera l’immunité pour l’assassinat de Neal Franck et ne tiendra pas compte de vos tromperies ni de votre fuite.

- C’était un meurtre. Je n’ai pas prémédité son décès. Hannibal m’avait influencée et poussée au crime. Je ne suis qu’un de ces jouets, comme Will.

- Vous reconnaissez donc enfin avoir TUÉ et pas simplement vous être DÉFENDUE ?

- A quoi bon mentir maintenant que l’immunité m’est offerte et qu’Hannibal a quitté son costume pour révéler son vrai visage ? D’autre part, je n’ai jamais vraiment menti. Disons que j’ai dissimulé certains faits. Au départ ma...réaction était simplement de l’auto-défense puis, à cause d’Hannibal, elle s’est transformée en acte meurtrier.

- Lecter vous a donc contrainte à tuer ?

- Pas contrainte. Persuadée insidieusement pendant de longues semaines, comme il l’a fait avec Mr Franck.

- J’ai du mal à vous croire, dit Will.

- Ce sera bientôt votre tour. Hannibal connaît très bien ses patients et est très bon juge de la personnalité des gens qui l’entourent. Il viendra un jour, sans doute plus proche que vous ne le croyez, où il vous persuadera de tuer quelqu’un. Quelqu’un que vous aimez. C’est un challenge excitant pour lui que de nous voir tomber dans ses pièges puis réaliser que nous nous sommes fait berner. Le seul moyen de le déstabiliser est de se montrer plus malin que lui et détruire sa très grande autosatisfaction.

- Pourquoi ne pas avoir communiqué à ce sujet plus tôt ? demanda Jack, contrarié. »

Bedelia eut un petit rire sarcastique puis, sans se démentir de son calme, elle asséna sûre d’elle-même :

« Le seul crime d’Hannibal Lecter dont j’ai été témoin est son influence. Qui m’aurait crue et protégée ?

- Le FBI vous aurait protégée.

- Comme vous avez protégé Will ? Merci mais j’avais de bien meilleurs moyens.

- Vous auriez dû vous adresser à moi, me parler quand nous avons évoqué votre passé commun avec Lecter. L’enquête a pris des mois de retard et aujourd’hui, après bien des déboires, nous avons un train d’avance sur lui. Et ce n’est pas grâce à vous.

- Ne vous fourvoyez pas en pensant que vous avez l’avantage et que vous êtes aux commandes. Si vous pensez être sur le point d’attraper Hannibal, c’est parce qu’il veut que vous le pensiez. Ne m’accusez pas de ne pas avoir communiqué cette fois. »

Ils se fixèrent quelques instants avant que Crawford ne la laisse partir, libre.


sanct08  (04.12.2023 à 11:16)
Message édité : 13.12.2023 à 12:54

Elle avait bien compris que Crawford était sur le point de lancer ce qu’il pensait être son « attaque décisive » contre Hannibal, le couronnement de sa carrière. Elle savait aussi qu’il était peu probable qu’il tourne entièrement à leur avantage. De même, elle savait qu’Hannibal devait avoir une planque où il pourrait se rendre pour récupérer de quoi lui permettre de survivre et fuir s’il venait à être expulsé. Elle réfléchit quelques secondes seulement avant que la lumière ne se fasse dans son esprit. Son domicile ! C’était la cachette idéale : le lieu était désert, il le connaissait et il savait qu’il faudrait au FBI un peu de temps pour y songer. Et quand ce serait fait, il se serait envolé depuis longtemps. Mais il ne s’envolerait pas avant qu’elle l’ait vu et s’arrange pour qu’il renonce officiellement, avec un courrier recommandé, à superviser Olivia. C’est donc d’un pas presque tranquille et avec l’intime conviction de parvenir à ses fins qu’elle se rendit chez elle. Si son pas était assuré, son esprit n’était pas encore entièrement apaisé. Elle s’arrêta donc en cours de route pour acheter un revolver avant de se rendre à la maison. A son arrivée, elle constata que des traces de sang étaient présentes sur son perron. « Hannibal est déjà là, songea-t-elle » Elle entra avec prudence et entendit le bruit de l’eau qui coule. Hannibal prenait une douche. Elle se rendit à la cuisine pour se servir un verre de vin (pour entretenir son courage, se dit-elle) avant de gagner sa chambre. Elle avait vu juste en pensant qu’il avait opté pour la douche de la suite parentale ; ses vêtements souillés gisaient sur le lit. Elle s’assit, pointa son arme vers la salle de bain et attendit qu’il la rejoigne. A la seconde où il pénétra dans la pièce, vêtu uniquement d’une serviette de bain, elle enleva le cran de sécurité. Le bruit que cela fit le poussa à lever la tête vers elle. Il ne sembla pas vraiment surpris de la voir ici et demanda seulement s’il avait l’autorisation de s’habiller ; ce qu’elle lui accorda de bonne grâce. D’un ton calme, égal et un peu curieux, elle demanda à savoir ce qu’il était devenu en son absence puis elle s’excusa d’avoir mis fin à leur relation. Hannibal répondit à toutes ses questions sans ciller, sans la menacer ou faire un geste à tendance meurtrière ou suspicieux. C’est à peine s’il leva un sourcil en l’entendant s’excuser de la fin de leur partenariat ! Quand ce fut son tour de poser les questions, elle le vit grincer des dents car elle n’y répondait qu’avec parcimonie.

« Que veux-tu réellement Bedelia ? lâcha-t-il finalement, presque las.

- Que tu renonces à ta vie actuelle. A tes engagements.

- En quoi cela t’importe-t-il ? Tu es partie pendant des mois et à la minute où tu reviens, tu voudrais me forcer à renoncer à ma vie ?! Je suis au pied du mur, c’est un fait. Si je peux espérer que Will et Jack meurent avant l’arrivée des secours, ce n’est pas le cas d’Alana. Elle me dénoncera et la traque redémarrera. Je n’ai, dans l’immédiat, pas un avenir glorieux et je ne suis pas sûr que mes talents d’orateur me sauvent la mise cette fois.

- Pourquoi ne pas l’avoir tuée ? demanda-t-elle, intriguée.

- A quoi cela m’aurait-il servi ? Mon temps est écoulé apparemment et même si je trouve ça intéressant et parfois amusant de tromper mon monde, j’aime aussi montrer ce que je suis en réalité. C’est la raison pour laquelle elle vit encore, pour donner du sens à mon existence mais aussi la forcer à tirer une leçon de ses erreurs. Je suis magnanime, comme tu vois.

- Je vois...C’est tout de même prendre un risque. Il viendra bien un jour où elle cherchera à se venger de toi.

- Très probablement mais contrairement à toi, je suis sceptique. Je doute qu’elle ait ta force ou tes aspirations. Et elle est loin d’être aussi lucide et obstinée que toi.

- Tu connais bien mal la gent féminine alors. Il n’y a rien de pire qu’une femme en colère ou nourrie de vengeance. A part une mère contrariée, ajouta-t-elle après réflexion.

- Tu ne m’as jamais déçu, sourit-il. Alana ne m’a jamais challengé, toi si. Et c’est exactement ce que tu es en train de faire à nouveau. Avec une idée derrière la tête. Laquelle ?

- Renonce à Olivia Spector.

- La stagiaire ?

- Oui, elle n’est pas plus ta proie que moi.

- Ma proie ? Comme tu y vas ! Je te l’ai dit : « I feel protective of you ».

- Tu sais aussi bien que moi que le besoin de dominer passe souvent par un système protecteur avant de devenir envahissant et agressif.

- C’est un fait. Est-ce parce que tu as peur que je la corrompe que tu veux que je m’éloigne d’elle ou est-ce parce que tu veux te racheter une conscience, Stella ? »

Il avait prononcé son prénom avec délectation mais elle ne lui donna pas la joie de lui montrer qu’elle était angoissée. Pire encore, morte de trouille ! S’il avait fait des recherches sur sa future stagiaire, il avait forcément dû voir son visage dans des coupures de presse et relier les éléments entre eux. Il savait donc ce qu’elle était, ce qu’elle avait fait. Ses pires craintes se réalisaient parce qu’il pouvait jouer sur cet aspect de sa personnalité et ce pan de sa vie pour la pousser à admettre devant lui qu’ils étaient semblables. Elle se força au calme. Elle devait rester maîtresse d’elle-même. Pour Olivia.

« Est-ce que tu me fais confiance ? »

La question avait été posée en toute franchise, sans animosité et tellement soudainement que Bedelia fut désarçonnée pendant quelques secondes. Cette question était saugrenue et n’aurait dû appeler qu’une seule réponse : un « non » franc et définitif. Son instinct lui criait pourtant qu’elle tenait avec ce simple questionnement sa chance de renverser la situation à son avantage. Elle ne tergiversa donc pas trop avant de se fier à lui.

« Pas entièrement, reconnut-elle sincèrement, choquée par sa capacité à faire confiance même partiellement à ce monstre. »

La réponse parut satisfaire Hannibal qui reprit :

« Je vais quitter ce pays. M’établir ailleurs et me faire oublier. Pas indéfiniment mais pour un temps. Le temps pour mes ennemis de mûrir leurs projets et accepter qu’ils ne pourront jamais me battre. J’écris à la petite Spector en lui disant qu’un imprévu me pousse à mettre ma carrière entre parenthèse momentanément mais que, ne désirant pas repousser son stage, je la recommande à un collègue. Un homme de bien, rassure-toi. En échange tu m’accompagnes. Et ne me dis pas que cette proposition est malhonnête : grâce à elle, Olivia et toi restez en vie ; je ne retourne pas achever mes ex-collègues et amis pour garder mon identité secrète et tu auras l’occasion de satisfaire ton insatiable et inavouable appétit pour ma psyché. Tu es gagnante sur tous les tableaux. »

Il savait donc qu’elle n’était plus non plus tout à fait humaine. Qu’elle nourrissait une passion morbide concernant sa psyché, qu’ils avaient des points communs. Cette idée lui faisait horreur cependant suivre Hannibal n’était pas la pire des options qui s’offrait à elle. Elle devait admettre qu’il la connaissait bien mieux qu’elle ne le croyait. Il avait vu grandir sa soif inextinguible de comprendre son fonctionnement au fil des années et savait pertinemment qu’elle était, au fond d’elle-même, tentée de le suivre pour l’analyser. Ils avaient tous les deux besoin d’être aidés, une aide qu’ils pouvaient s’offrir mutuellement, et ils sauveraient des vies en suivant ce plan. Son « sacrifice » serait utile : le jeu en valait clairement la chandelle. Elle n’était cependant pas dupe : elle reculait pour mieux sauter mais c’était une occasion inespérée. L’une de ces occasions qui ne se refuse pas car elle ne se présente qu’une fois dans une vie. Alors, elle posa son arme et tendit sa coupe à Hannibal. Elle scellait un nouveau pacte avec le Diable…

**********************************************************************************

A force de changer de nom, elle allait finir par perdre son identité. Elle s’appelait désormais Lydia Fell et était l’épouse de Roman Fell. Si elle contrôlait toujours consciemment ses actes et ses pensées (du moins elle se plaisait à le croire), elle n’était pas encore prête à se libérer d’Hannibal. Se libérer de lui était d’ailleurs risqué car il pouvait la tuer et elle tenait à la vie, quoi qu’on puisse en penser ! Ce lien était tout ce qui l’avait pendant un temps forcé à se tenir loin de la scène mais depuis quelque temps, il semblait renouer avec ses goûts et ses habitudes d’antan. Il ne se souciait plus de préserver la paix et faisait fi des considérations éthiques qu’elle avait eu tant de mal à instaurer au cours des derniers mois de leur partenariat ! Il arguait qu’il ne craignait rien sur le vieux continent car les polices européennes étaient aussi mauvaises que le FBI ! Oh Hannibal faisait bien quelques concessions parce qu’il l’appréciait vraiment mais elle sentait qu’il échappait à son contrôle. Il ne tuait jamais devant elle et prenait toujours soin de revenir en étant propre sur lui mais elle savait toujours quand il tuait. Elle le savait à son regard qui exprimait la satisfaction, l’ivresse de ces instants où il prenait le pouvoir et l’ascendant sur un autre être humain. Il ne pouvait chasser ça de ses yeux et elle ne s’y trompait jamais. Pour se faire pardonner, il déployait alors encore plus d’ardeur à satisfaire ce qu’il appelait son « caprice culinaire ». Il cuisinait pour elle tous les jours et, à sa demande, ne lui servait que des repas entièrement constitués de fruits et légumes, de féculents et de toute nourriture ne possédant « aucun système nerveux central ». S’il avait, au départ, semblé chagriné par sa requête, il en était désormais enchanté car cela lui permettait de tester de nouvelles recettes ! D’ailleurs, pour prouver qu’il tenait parole, il la laissait acheter ses produits elle-même (ou l’accompagnait faire ses courses) puis cuisinait systématiquement son repas devant elle et lui donnait quartier libre quand il préparait le sien ou ceux de leurs invités. Invités qui s’étaient révélés être forts nombreux depuis leur installation en Europe et pour lesquels il refusait de changer ses habitudes culinaires. Elle avait été tentée, plusieurs fois, de se rendre à la police et de le dénoncer pour cannibalisme (à défaut de meurtres) mais la peur de le voir se retourner contre elle était plus grande que son envie de faire justice. Elle se détestait pour cette faiblesse. Elle le laissait donc faire mais avait fini par prendre le sang en horreur et voir son compagnon trancher, découper ou émincer un morceau de viande (humaine ou animale d’ailleurs) la rendait malade.

En dépit des aléas de cette situation, elle ne s’estimait pas malheureuse. Elle était en vie et responsable de ses actions, ce qu’Hannibal ne manquait jamais de lui rappeler quand elle lui faisait la morale sur son récent comportement. Elle était tout aussi coupable que lui ! Pourtant, elle sentait que cette situation faussement idéale n’allait plus durer longtemps. Hannibal était rattrapé par son passé récent : le professeur Anthony Dimmond, rencontré lors de leur séjour à Paris, était en ville et savait qu’il n’était pas celui qu’il prétendait être. Elle savait que Lecter manigançait quelque chose à son encontre et ce soir-là, à une conférence qu’il donnait sur Dante et son Enfer, elle en avait eu la confirmation quand, un bref instant, son visage avait fusionné avec celui du Diable qu’il projetait au mur derrière lui. Elle avait senti sa peur de tomber entre ses griffes, de devenir sa proie et non plus être son alter ego refaire surface avec violence. Elle y avait vu le signe que son temps était révolu et qu’elle devait plier bagages. Prête à le fuir pour le restant de ses jours s’il le fallait car elle avait bien conscience que même la prison ne l’empêcherait pas indéfiniment d’agir. Bagages en main, elle s’apprêtait à quitter leur domicile. Elle n’avait pas encore posé la main sur la poignée de la porte d’entrée que celle-ci s’ouvrit. Hannibal était déjà là. Et il n’était pas seul : Dimmond l’accompagnait. Elle sentit l’angoisse lui nouer le ventre et ce n’était pas uniquement parce qu’il la surprenait en plein délit de fuite ! Elle avait l’horrible et intime conviction que leur invité inattendu allait vivre ses derniers instants. Paralysée, ce fut son seul instinct de survie qui la poussa à reculer d’un pas pour lui permettre d’entrer dans le hall. Ce même effroi qui l’avait poussée à se recroqueviller sur elle-même plutôt qu’à se défendre quand Spector l’avait rouée de coup à l’issue d’un interrogatoire. En la voyant prête à le quitter, Hannibal ne montra aucun signe de contrariété. Il referma la porte derrière son invité puis, avant que Dimmond ou Bedelia aient pu faire un geste, il le frappa violemment avec un buste en plâtre. Anthony tomba au sol en gémissant. Il le frappa à nouveau mais Stella n’intervint pas. Elle était pétrifiée. Même son instinct de flic ne s’éveilla pas assez fort pour la pousser à réagir devant cette vision d’horreur. Elle avait tout à coup l’impression que son corps tout entier avait été plongé dans du coton. Seule comptait sa panique à l’idée d’être la prochaine victime. Et elle savait que cette fois, aucun collègue n’interviendrait pour l’empêcher d’être battue à mort. Elle ne parvenait plus à penser de manière cohérente et seule la voix insistante d’Hannibal lui demandant si elle voulait observer ou participer la sortit de sa torpeur. Ce n’est qu’à cet instant qu’elle nota que Dimmond, en dépit des coups qu’il avait pris, était encore en vie et rampait vers la sortie. Avec honte, elle s’entendit alors répondre qu’elle voulait observer. Stella Gibson était définitivement morte cette fois. Cet acte de lâcheté venait d’enterrer les 44 premières années de sa vie, celles passées sous le nom de Stella Gibson et donc précédant sa rencontre avec Spector, aussi sûrement que si elle avait elle-même creusé sa tombe. Elle vit Lecter se diriger vers lui et détourna le regard. Elle n’entendit que le bruit des vertèbres se rompant à l’instant où des larmes d’impuissance, de dégoût de soi et de peur roulèrent sur ses joues. Elle entendit Hannibal se rapprocher d’elle, le sentit la débarrasser de son manteau et de son sac de voyage mais elle se refusait encore à croiser son regard. Elle ne voulait pas qu’il la vit pleurer et qu’il interprète cela comme de la faiblesse et la tue. S’il ne la força pas à le regarder, il la força à reconnaître qu’elle était restée par curiosité presqu’autant que par crainte. Elle savait ce qu’il allait faire dès le départ et n’avait pas bougé. C’était de la participation et pas de l’observation, asséna-t-il. Puis, comme si rien ne s’était passé, il annonça qu’il allait se servir un bon verre de vin et se demanda à haute voix qui, de lui ou de son « épouse », allait faire le ménage ? Les traînées de sang sur le sol faisaient des tâches immondes qu’il deviendrait bientôt difficile d’effacer bien qu’il pensa que cela susciterait l’intérêt de leurs futurs invités ! Il rit et le son de son rire glaça les sangs de son ancienne psychiatre. Ce n’est qu’une fois Hannibal loin d’elle qu’elle s’autorisa un sanglot étouffé et se força à découvrir la scène du crime. Un crime dont elle était cette fois, et sans ambiguïté possible, la complice. Non-assistance à personne en danger, voilà ce dont elle était coupable. Et c’était encore la faute de cette curiosité malsaine et de cette maudite peur ! Finalement, elle n’avait pas plus changé en 8 mois qu’en 12 ans et surtout surtout rien n’avait changé en Hannibal au cours de ces derniers mois…

**********************************************************************************

Le temps avait semblé stagner puis s’accélérait désormais. Hannibal lui avait appris que Crawford et Will étaient en Italie, après lui. Pourtant cela ne semblait pas l’inquiéter plus que cela. La preuve : il avait invité le Professeur Sogliato, qui l’avait pourtant contrarié, à dîner ! Le problème était peut-être justement là : cette contrarié allait pousser Hannibal à l’éjecter de son chemin. Purement et simplement. Elle savait qu’il était impossible de le faire changer d’avis, aussi n’avait-elle même pas essayé. Elle avait vécu ces dernières semaines en faisant tout son possible pour ne pas contrarier son impétueux compagnon et en se morigénant pour ses actions. Elle espérait désormais simplement qu’elle aurait cette fois la force de se dresser contre lui pour empêcher le drame de se produire. En croisant les doigts pour rester en vie. Rien de moins ! L’espoir la nourrissait et elle en riait jaune. De toute manière, tout relevait maintenant de l’espoir et de la chance (deux attributs qu’elle ne possédait plus depuis longtemps) mais il fallait toujours compter avec l’imprévu et la manie qu’avait la vie d’éternellement se répéter. Et de la placer dans des situations originales, pour ne pas dire incongrues…

Elle venait de franchir encore un cran dans l’horreur : elle avait encore ôté la vie ! Et de manière consciente cette fois. Pas pour se défendre mais pour abréger les souffrances d’autrui, du moins c’est ce qu’elle se répétait pour ne pas entendre inlassablement Hannibal lui répéter que « techniquement, elle l’avait tué ». Et c’était vrai. Retirer le pic à glace du cerveau du Professeur Sogliato avait causé sa mort. Si elle avait été plus patiente et avait pu supporter de voir le pauvre homme souffrir, elle aurait certainement laissé l’oeuvre d’Hannibal aller jusqu’à son terme et elle n’aurait donc pas eu à l’achever. Elle n’aurait pas eu à détruire le peu d’âme qu’il lui restait encore et à jouer le scénario écrit d’avance par son geôlier parce qu’elle était sûre qu’il avait prévu son geste. Que c’était autant pour passer ses nerfs et dégager son chemin que pour la pousser dans ses derniers retranchements qu’il avait invité leur victime. Il voulait la tester, savoir si elle était enfin prête à le suivre dans les ténèbres ou si, au contraire, elle devait devenir sa prochaine victime. Et elle avait échoué : son heure approchait. Will et Jack devaient agir vite !


sanct08  (13.12.2023 à 12:57)

Acte 5 : Partir pour ne jamais revenir ?

Hannibal avait su se montrer tendre à son égard. Il n’avait jamais hésité à lui témoigner son affection en lui caressant la joue ou les cheveux, en la prenant contre lui sans que jamais elle ne s’oppose réellement à ces rapprochements. Il n’avait jamais cessé de la traiter comme une amie, voire comme une égale, même quand il se montrait rude avec elle comme lors de cette fameuse soirée où il avait assassiné Dimmond sous ses yeux. Il était aujourd’hui temps de se servir de ces sentiments pour elle pour se tirer d’affaire. L’étau se resserrait autour d’eux et il était plus que temps pour elle de prendre le large. Elle avait passé les 3 derniers mois à peaufiner un plan qui lui permettrait d’échapper à la justice : son instinct de survie et sa volonté de vivre étant plus forts que sa raison et les valeurs qu’on lui avait enseignées. Elle payerait le prix de ses égarements tout au long de sa vie, c’était d’ailleurs déjà le cas, et elle estimait qu’il était inutile de le faire en prison là où elle serait vulnérable. Là où personne ne pourrait lui venir en aide et là où elle ne pourrait venir en aide à personne. Elle commençait enfin à comprendre exactement à quel point l’instinct primaire de conservation était profondément ancré en Spector et Hannibal. Il l’était en elle aussi et désormais elle ne pouvait plus leur jeter la pierre et voyait leurs efforts pour rester hors de portée de la police et de la justice sous un autre angle. Elle avait définitivement basculé du côté obscur de sa personnalité, comme eux auparavant mais contrairement à ses comparses d’infortune elle espérait bien tirer son épingle du jeu…

Cet après-midi-là, elle avait passé une partie de son temps à recoudre son compagnon qui avait été blessé après avoir affronté Jack. Elle savait désormais que leur temps leur était inéluctablement compté. Plus encore que la veille, plus encore qu’elle ne le redoutait.

« L’histoire se répète Hannibal. »

Lecter leva les yeux vers elle. Il comprit en un éclair qu’elle avait l’intention de le quitter. Il ne savait trop que penser de ce départ soudain. Précipité. Il était partagé entre son envie de la garder près de lui pour ne pas être seul et celle de lui offrir sa liberté, en remerciement pour s’être tenue à ses côtés pendant tout ce temps sans jamais le dénoncer. Il savait qu’il regretterait de la laisser filer, qu’il ne retrouverait jamais quelqu’un comme elle. Que plus personne ne le challengerait autant. En la laissant partir, il perdrait son égale.

« La clairvoyance est aussi bien la maîtresse des devins que des êtres doués de la capacité de réfléchir et envisager l’avenir, dit-elle comme si elle savait exactement à quoi il pensait. Je suis ton oiseau en cage mais il est maintenant temps pour moi de me réapproprier mes ailes, ce qu’il en reste du moins. Je vais partir.

- Qu’est-ce qui te fait croire que je te laisserai t’en aller ?

- Nous savons tous les 2 que je n’ai pas assez marinée pour t’appartenir. Si tu me voulais morte pour faire de mon cadavre ton festin, ce serait fait depuis longtemps. Oh, je ne doute pas que tu viendras me prendre mais ce n’est pas aujourd’hui que ça arrivera. »

Il s’approcha d’elle et ils s’embrassèrent. Elle allait lui manquer mais il était également très curieux de voir comment elle allait s’en sortir. Avec le temps, et après s’être documenté sur son passé de flic, il avait appris qu’il ne devait pas la sous-estimer. Jamais. Elle était une némésis à sa mesure. La seule adversaire qu’il n‘était pas parvenu à manipuler complètement (à croire qu’elle avait lu en lui dès leur première rencontre!) et qu’il n’avait pas (encore) entraîné dans sa chute. Elle était son alter ego, plus encore qu’Abigail qu’il avait pourtant formée. Stella était vraiment la seule personne qu’il ait jamais considérée comme son égale parce qu’il redoutait de la voir plonger ses griffes dans son âme, son cœur puis son corps. Jamais personne ne l’avait démasqué, mis en échec ni ne lui avait tenu la dragée haute aussi longtemps qu’elle l’avait fait. Elle s’était montrée aussi rusée que lui (parfois même plus), acharnée, redoutable. Il devait bien le reconnaître. C’était pourtant la méfiance naturelle qu’il éprouvait à l’égard de Bedelia et son aptitude à s’adapter à chaque changement, à chaque situation qui le poussait parfois à envisager le pire la concernant. Que savait-elle vraiment du sort qu’il lui réservait jusqu’à cette minute très précise où elle lui avait fait comprendre que leur histoire était terminée ? Il était inutile de nier qu’il éprouvait pour elle une affection particulière et que son raisonnement tenait la route. Sa décision était prise : il allait la libérer de lui, c’était la seule chose à faire. Il l’embrassa à nouveau, plus longuement et savoura leur brève étreinte, avant de lui assurer qu’il cautionnerait la version qu’elle délivrerait aux flics pour expliquer sa disparition et son rôle à ses côtés. Quelle qu’elle soit, quel qu’en soit le prix. Il sut à cet instant fatidique que même s’il venait à être attrapé et à devoir témoigner à son sujet, il ne la vendrait pas au FBI ni à la justice. Elle méritait bien cette considération. Il vit que son discours la rassurait bien qu’elle sût déjà qu’il était très probable que le monde l’érige en victime. En pauvre femme que ce psychopathe avait manipulé et transformé en marionnette. Il savait pourtant qu’il n’en était rien : elle n’avait jamais vraiment cherché à se dérober à ses pulsions et l’avait accompagné aussi loin qu’elle l’avait voulu sur ce chemin tortueux et dangereux. La détermination de cette femme le laissait parfois pantois mais il ne pouvait se permettre le luxe de s’attarder plus longtemps en Italie. Il ne pouvait pas non plus se permettre de faire d’elle une force agissante capable de le contrer, il valait mieux l’avoir avec soi que contre soi. C’est pourquoi, après un dernier regard pour elle, il tourna les talons pour la laisser seule aux prises avec son destin. Leurs destins…

 


sanct08  (19.12.2023 à 09:29)

Trois ans s’étaient écoulés depuis le jour où Hannibal avait accepté de la laisser redevenir maîtresse de son existence. Comme promis, il avait corroboré son histoire et elle avait échappée à la prison et aux sanctions que ses actes auraient pourtant dû lui valoir. Elle savait parfaitement que sa vérité tenait autant à son témoignage qu’à celui de Lecter. Qu’elle était libre parce qu’il le voulait bien. Elle n’était pas idiote et savait que son petit jeu n’avait pas convaincu tout le monde, Jack et Will en tête mais par manque de preuve et vu que son histoire avait trouvé son écho chez Hannibal, il n’y avait pas assez de preuves pour la traiter en complice. Elle avait donc renoué avec son quotidien mais ses nuits étaient toujours peuplées par les horreurs vues et commises pendant son séjour aux côtés de son ex-compagnon. Elle se réveillait régulièrement en sursaut, en sueur et avait à nouveau dû recourir à son journal des rêves pour mettre des mots sur ses tourments, ses hontes, ses angoisses. Pour passer le temps et mettre tout en œuvre pour arrêter de penser qu’il la contrôlait encore, elle avait recommencé à exercer en tant que psychiatre mais toutes ses tentatives se soldaient toujours par la même constatation : elle restait hantée par son passé et par ses peurs concernant son avenir. Un passé qu’Hannibal ne manquait pas de raviver et un avenir qu’il se complaisait à la laisser imaginer… Les lettres que son « bourreau » lui envoyait à chacun de ses anniversaires et lors des fêtes chrétiennes n’étaient pas étrangères à son état de stress ! D’autant plus qu’il les accompagnait systématiquement d’une recette de son cru… un moyen de lui rappeler qu’un jour, elle serait son dîner. Qu’elle serait sienne. Par crainte de s’enferrer de nouveau dans une étrange relation avec lui et de se mettre en porte-à-faux avec les institutions fédérales, elle se refusait à lui répondre. Ce qui ne le décourageait pas le moins du monde ! Elle avait, en revanche, pris la décision de conserver chacune de ses missives pour le cas où, un jour, elles pourraient constituer de nouvelles preuves à charge contre lui. Survivre à ses peurs n’était pas sa seule raison pour avoir décidé de reprendre le travail. Elle voulait aider les autres et était déterminée, aussi étrange que cela soit, à aider autrui à faire face à ses peurs, son passé ou encore ses pulsions. C’est pour cette raison qu’elle avait finalement accepté récemment de prendre Olivia Spector comme stagiaire pour son second stage à l’étranger (après que celle-ci ait beaucoup insisté) mais aussi de suivre Will Graham. Elle n’avait pas cherché à reprendre contact avec la jeune femme à son retour d’Italie et avait pensé que leur relation en resterait là. Ce qu’elle pensait être pour le mieux mais une fois encore le destin avait décidé que l’histoire de la famille Spector et la sienne seraient étroitement liées. Olivia et elle s’étaient recroisées, 2 ans auparavant, quand Stella avait accepté de venir témoigner devant sa classe de « l’enfer que lui avait fait vivre Hannibal ». Son histoire s’était exportée jusqu’au Royaume-Uni, sans qu’elle puisse l’en empêcher, et l’un de leurs enseignants avait pensé que son expérience (aussi bien en tant que victime que psychiatre) pourrait intéresser ses étudiants. Olivia avait été horrifiée de découvrir qu’elle avait failli devenir l’apprentie d’un monstre et positivement marquée par les ressources déployées pour survivre et aller de l’avant de celle qu’elle considérait depuis un moment comme un modèle. Ces nouvelles retrouvailles les avaient encore rapprochées et Olivia avait formellement indiqué son envie de devenir aussi forte qu’elle et de marcher dans ses pas professionnellement parlant. Stella avait alors promis de tout faire pour l’aider dans ce dernier domaine et c’est ainsi que l’étudiante avait fini par la rejoindre aux USA.

Elles travaillaient main dans la main depuis un certain temps déjà quand Will Graham était à nouveau apparu dans la vie de Bedelia. Il voulait en savoir plus sur Hannibal afin de déterminer s’il pouvait lui faire confiance pour sa nouvelle enquête. Elle en avait été estomaquée ! Comment pouvait-il accorder la moindre confiance à ce meurtrier ? N’avait-il donc pas tiré des leçons de leurs erreurs passées ?! Elle avait alors mis Will en garde vis-à-vis de la capacité de Lecter à asséner des propos résultants « d’une parfaite alchimie entre le mensonge et la vérité », à asséner des vérités dérangeantes. Elle craignait de voir le profiler retomber dans ses travers et avait peur que l’attirance sexuelle, sous-jacente mais cruellement présente, entre eux ne soit un déclencheur de « folies ». Et, malheureusement pour elle, le temps lui avait donné raison ! Elle savait très bien comment ce genre de situation pouvait très vite déraper ! A défaut de l’existence d’une tension sexuelle entre « l’étrangleur de Belfast » et elle, leurs ressemblances avaient suffi à la placer dans sa ligne de mire. Elle avait « succombé » à Paul Spector en l’autorisant à s’immiscer dans sa vie et au creux de ses pensées via leurs échanges et la lecture non autorisée de son journal des rêves ; Will succombait à nouveau à Hannibal en le laissant s’ingérer dans son quotidien professionnel comme personnel. Et il avait franchi un cap : il voulait le faire s’évader ! Oh bien sûr, lui assura-t-il, cette évasion serait sous

son contrôle et celui des flics et elle devait permettre la capture du serial killer « la petite souris » dont Hannibal était le modèle. Elle doutait de ce plan mais ce n’était pas tant sa stupidité que l’effroi qu’il avait provoqué en elle qui la mettait mal à l’aise. La terreur l’envahissait de nouveau. Si Hannibal quittait sa cellule, il s’en prendrait à elle : il le lui avait promis et elle doutait que, cette fois, l’affection qu’il avait pour elle soit suffisante pour lui laisser la vie sauve. Ses lettres en étaient témoins. Or, elle ne voulait pas mourir ! Elle s’était alors emportée contre cet oiseau de mauvais augure qu’était Will, l’avait averti du danger de son plan (si on pouvait appeler cette folie un plan !) et de la possibilité pour Hannibal de tourner la situation à son avantage mais il n’avait rien voulu savoir. Elle l’avait donc chassé de son bureau avec froideur, avait fait annuler tous ses rendez-vous, avait supplié Olivia de rester en sécurité chez son petit-ami à Seattle (où elle se trouvait pour ses congés) et était rentrée chez elle empaqueter quelques affaires. Fuir était sa seule option. Une fois encore. Mais, cette fois, Hannibal l’avait devancée…

Elle le trouva assis, tranquillement, dans son salon au moment où elle s’apprêtait à partir. Tétanisée par sa présence et la terreur qu’il lui inspirait, elle regretta soudain de ne pas avoir une arme à portée de main (désolée Jim, j’aurais dû t’écouter quand tu insistais pour que je sorte toujours armée, pensa-t-elle avec rage) et n’eut même pas le réflexe de se défendre quand il l’agressa et lui planta une seringue dans le cou. Comme avec Spector bien longtemps auparavant, elle avait laissé ses émotions lui dicter sa conduite et la priver de ses moyens. Quand elle rouvrit les yeux, bien plus tard, elle n’avait pas tout à fait conscience d’elle-même. Elle se sentait prise au piège d’une toile gluante qui enserrait son cerveau. C’est alors qu’elle comprit, en dépit du brouillard qui recouvrait ses pensées, que Lecter l’avait droguée. Pire encore, il avait utilisé la drogue dont elle s’était elle-même servi 3 ans plus tôt pour lui échapper. Il avait retourné contre elle le subterfuge qui lui avait permis de vivre en toute impunité et l’avait aidé à échapper à son emprise. Elle était sa prisonnière. Non, pire…son jouet. La drogue (un mélange de scopolamine, de midazolam et d’éthanol) la gardait captive et l’empêchait d’agir à sa guise. Elle nota tout de même qu’il ne l’avait pas reliée à un goutte-à-goutte ce qui voulait dire qu’elle avait peut-être encore une chance. Sa seule chance de s’échapper était d’espérer qu’il ne revienne pas pour lui en injecter à intervalles réguliers pour la garder sous son contrôle. Cette idée la ragaillardit brièvement et la poussa à examiner son environnement. Elle était assise au bout d’une longue table, dressée pour 3, et un plat chaud n’attendait que les invités manquants pour être dégusté. Quelque chose l’intriguait par rapport à ce plat… Elle ne savait pas bien quoi mais elle était certaine qu’il n’était pas normal. Elle baissa alors les yeux et faillit défaillir quand elle s’aperçut que sa jambe droite était manquante ! Hannibal la lui avait coupée, sans doute pour se mettre en appétit. Tout à coup, elle n’eut plus vraiment conscience de ce qui l’entourait et senti qu’elle perdait à nouveau le contrôle de ses mouvements et de ses pensées. Il avait dû mettre une très forte dose de drogue dans ses veines pour que de tels effets se produisent. Lorsqu’elle s’en était servie, elle était toujours parvenue à garder sa tête. Elle tenta vainement de résister contre cette horrible sensation de perdre tout contrôle mais n’y parvint pas. Elle ferma les yeux dans l’espoir de juguler sa panique et conserver un peu d’emprise sur ses sens et sa raison mais, quand elle les rouvrit, elle ne se rappelait de rien. Elle regarda à nouveau le plat fumant sur la table mais ne réalisa même pas que sa jambe en était l’aliment central…


sanct08  (02.01.2024 à 13:11)

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